Scarlett soupira une nouvelle fois, en s’arrêtant au feu rouge. Elle venait de se rendre compte qu’elle avait oublié un de ses livres de cours, en passant au travail de ses parents aujourd’hui. Elle en avait besoin dès le lendemain, impossible de reporter, elle devait y retourner. La jeune femme attendit patiemment que le feu passe au vert, avant de redémarrer et de faire demi-tour quelques centaines de mètres plus loin.

La jeune brune ne mit que quelques minutes à arriver sur place. Elle gara sa voiture près de l’entrée, constatant qu’il n’y en avait déjà plus aucune. Ses parents avaient déjà quitté les lieux, passant sans doute une nouvelle soirée chacun de leur côté, comme c’était souvent le cas depuis peu. Scarlett n’avait pas envie de traîner seule longtemps dans cet endroit qui lui donnait un peu des frissons dans le dos. Dire qu’elle était née ici… une naissance parmi les morts. Il y avait plus drôle comme histoire à raconter.

La jeune femme sortit de son véhicule et se rendit à l’intérieur. Quelque peu surprise, elle constata que les lumières étaient toujours allumées. « Il y a quelqu’un ? » Lança-t-elle tout de même. Pas de réponses. Ses parents avaient simplement dû oublier d’éteindre. La jeune brune avança donc dans la salle principale, endroit où elle avait sans doute oublié son livre en passant plus tôt dans la journée.

Soudain, alors qu’elle s’approchait, une voix quelque peu méconnaissable s’éleva d’un cercueil un peu plus loin. Scarlett crût tout d’abord que son imagination lui jouait un tour, comme lorsqu’elle était petite et croyait voir des formes bouger dans le noir. Son cœur battit à coups redoublés lorsque la voix se répéta. Un mort revenait-il parmi le monde des vivants ? Quelqu’un appela plusieurs fois le nom de son frère, tambourinant à l’intérieur. La jeune femme ignorait de qui il s’agissait, mais pour peu elle aurait pu passer pour avoir un esprit crédule. Elle comprit très vite qu’une personne avait crû s’amuser en s’enfermant dans un cercueil et s’était prise à son propre piège. Elle eut un petit sourire à cette pensée, pas qu’elle se moquait, mais la situation était assez… drôle. Qui avait l’idée de faire une chose pareille ?

La voix qu’elle sentit un peu paniquer s’éleva une nouvelle fois, tentant le mot pour rire, mais la jeune brune comprit bien qu’elle ne souhaitait qu’une chose : sortir le plus vite possible. Sans un mot, Scarlett s’approcha et déverrouilla les fermetures du cercueil qui retenait l’inconnu prisonnier. Elle souleva le couvercle et il ne lui fallut qu’une seconde pour reconnaître le meilleur ami de son frère. Elle fronça les sourcils, et l’aida à se redresser alors qu’il la prenait toujours pour son frère. Cameron, le garçon qui se montrait souvent de marbre, s’était laissé prendre une frayeur par –disons le- une boîte ?

Le visage du jeune homme se recomposa dans une impassibilité que la jeune femme connaissait trop bien, lorsqu’il la reconnut enfin. Il eut l’air très surprit et tenta de « sauver » le comique de cette situation saugrenue, tout en la remerciant, ajoutant un « quand même ». Scarlett ignorait pourquoi, mais ce 'quand même' la dérangea un peu… comme si elle l’aurait laissé mariner à l’intérieur du cercueil, même s’ils ne s’appréciaient guère. Ils ne s’étaient jamais vraiment bien entendu, mais bon, elle n’était quand même pas si sournoise. Quoique.

« C’était le moins que je pouvais faire, tu avais l’air désespéré ». Dit-elle simplement d’un petit sourire. « Je ne savais pas que tu étais claustrophobe. ».

Une petite faille ? Plutôt le prendre du côté de l’amusement, et le taquiner. Pas sûr qu’il en rit, mais bon, la jeune femme s’en fichait, ce n’était pas elle qui le crierait sur tous les toits de toute façon. Toutefois, Scarlett qui ne posait jamais vraiment de question, fit pour une fois exception. Elle le charria encore un peu. Pour une fois qu’elle pouvait...

« A quoi songeais-tu en t’enfermant là-dedans ? A imiter les morts ? ». Probablement, mais elle ignorait quand même ce qu’il faisait seul ici. Ce n’était pas son genre à essayer des lubies pareilles sans en profiter pour amuser la galerie, même si Scarlett trouvait qu’il n’y avait rien de drôle là-dedans. Elle poursuivit donc. « Mais dis moi, que fais-tu seul ici ? Un rendez-vous secret qui t’aurait posé un lapin ? Je la comprends, c’est assez… glauque comme endroit pour se retrouver. Avouons. ».

Sa voix était un peu cynique sur la fin, sans trop qu’elle sache pourquoi. La jeune femme s’éloigna alors quelque peu, cherchant du regard son livre dans la pièce. Heureusement qu’elle l’avait oublié, c’était bien tombé pour une fois. Sinon, Cameron aurait certainement dû rester enfermé toute la nuit.

Dans le regard du jeune homme, Scarlett n’eut aucun mal à deviner un peu de tension et de nervosité. Elle le sentait mal à l’aise, aux aguets sur ses mots. Pourtant, la jeune femme ne l’agressait pas pour une fois, mais elle en profitait un peu pour le tourner en dérision. Aussi loin qu’elle se souvienne, voir Cameron qui ne savait plus trop où se mettre était un fait inédit pour elle. Elle découvrait une nouvelle facette du jeune homme qui la plupart du temps était beaucoup plus sûr de lui. Il se redressa soudainement, l’assurance lui revenant doucement. La jeune brune écouta ses tentatives d’explication d’un air amusé.

« Je comprends. On a tous ses petites peurs, n’est-ce-pas ? Ne t’en fais pas, ton ‘‘secret’’ est bien gardé avec moi. » Se contenta-t-elle de le taquiner de plus belle. « Tant que l’expérience t’a amusé, c’est le principal… ».

Elle plaisantait bien sûr, elle savait bien qu’il n’y avait pris aucun goût. Enfin, elle n’allait pas non plus s’attarder éternellement sur le sujet. Elle pouvait rire un bon coup, mais elle savait aussi rapidement passer à autre chose. Perplexe, elle lui demanda tout de même la raison de sa présence ici. Pas qu’il lui était interdit de venir, mais… il n’y avait personne. Cameron lui expliqua brièvement qu’il avait simplement voulu tester le cercueil et qu’en jouant avec le couvercle, il s’était simplement retrouvé enfermé. La jeune femme arqua un sourcil, cette explication en valait bien une autre, elle n’allait pas insister, ni chercher davantage à essayer de comprendre pourquoi les garçons aimaient toujours se lancer ce genre de défis sordides à eux-mêmes. Pour changer un peu de sujet, elle demanda sous forme de boutade au jeune homme s’il attendait un rendez-vous secret.

« Je cherchais ton frère après si tu veux voir ça comme un rencard c’est ton choix. Tu crois vraiment que je donnerais rendez vous à une fille ici ? J’ai pas envie qu’elle me prenne pour un psychopathe. »

Il cherchait son frère ? Ce n’était pas une surprise en soi, mais heureusement qu’il n’était pas venu, il aurait eu une drôle de surprise en arrivant ici.

« Heureusement que ce n’est pas Carl qui t’a trouvé, tu le connais. Je n’imagine même pas ce qu’il aurait inventé pour ne pas raconter ce qu’il aurait vu… ou alors il t’aurait laissé mariner un peu dedans. » rit-elle de bon cœur en imaginant la scène. « De toute façon, s’il s’agissait d’un rencard, vous ne vous seriez pas retrouvé ici ». Dit-elle un peu plus sérieusement en connaissant un peu les goûts de son frère. Les endroits glauques, très peu pour lui.

Il fallait bien avouer que Carl était… un ami spécial. Elle les savait très proches, mais ne connaissait pas davantage l’étroitesse ou non de leurs liens. Son frère ne parlait pas beaucoup de ses amitiés, ni de ses relations. A vrai dire, toute la famille Spencer paraissait très mystérieuse aux regards extérieurs, mais elle l’était tout autant à l’intérieur aussi, entre eux-mêmes. Un trait de caractère auquel Scarlett avait bien dû s’habituer. Elle était d’ailleurs passée maître dans l’art de passer inaperçue et apprenait ainsi beaucoup de choses. La voix du jeune homme s’éleva à nouveau, et Scarlett fut assez surprise de l’entendre la remercier à nouveau, et qui plus est de pratiquement s’excuser pour sa froideur. Elle n’y était pas habituée, décidément, il était vraiment imprévisible. Elle ne sut que répondre et n’eut pas besoin de le faire. Cameron lui retournait déjà la question : quelqu’un devait-il la rejoindre ici ?

« Jusqu’à preuve du contraire, je ne suis pas encore suffisamment psychopathe pour ça non plus ». Sourit-elle une nouvelle fois. « Je suis simplement venue récupérer des livres de cours que j’ai oublié tout à l’heure en passant. Carl m’a demandé de prendre le sien aussi, donc je suppose qu’il ne repassera aujourd’hui. »

La jeune femme avait jugé bon d’ajouter cette précision. Pas que Cameron la dérangeait, loin de là, mais elle savait pertinemment bien qu’il aurait sans doute préféré voir son frère arriver, ce qui ne serait pas le cas. Scarlett parcourut la salle du regard et ne vit pas ses livres de cours. Elle quitta alors le jeune homme une minute et se rendit dans le bureau de son père. Il avait probablement dû les y déposer, pour ne pas qu’ils trainent au milieu des cercueils. La jeune brune ne tarda pas à les trouver, ouvrit un sachet et les y déposa. Soudain, la surprise la gagna… Elle trouva parmi la pile des quelques livres de cours, son carnet coincé entre deux ouvrages. Son cœur battit à coups redoublés. Un de ses parents l’avait-il remarqué et si oui avait-il été ouvert ? Ce carnet était assez important pour la jeune femme… Elle y couchait tous ses états d’âmes, bons ou mauvais. Et certaines révélations pouvaient être dévastatrices pour certaines personnes de son entourage. Elle s’en voulut de l’avoir oublié, et songea un instant à tout brûler pour éviter que les craintes qu’elle venait d’avoir ne se réalisent vraiment un jour. Mais elle chassa aussitôt cette idée de sa tête, qui en voudrait de ce fameux journal de toute façon ? Elle constata avec un soulagement non feint qu’il ne semblait pas avoir été ouvert, après avoir été coincé entre deux ouvrages. Contrairement aux livres de cours, elle glissa plutôt le carnet dans son sac à main, avant de revenir vers la porte. Lorsqu’elle releva la tête, elle fut néanmoins surprise de trouver Cameron devant elle. Hum. Elle n’aimait pas trop être surprise de la sorte.

« Je te manquais déjà ? » Demanda-t-elle en essayant d’avoir une voix amusée. « Je pensais que tu étais déjà parti ». Tenta-elle d'expliquer la raison pour laquelle elle avait autant trainé dans le bureau de son père. Pour le coup, elle savait très bien que non, mais bon.

Décidément, Scarlett n’était jamais très convaincante quand il le fallait pourtant. Cette fois, c’était elle qui passait pour être mal à l’aise, elle ne savait pas ce qu’il avait vu ou non. Mais le visage de la jeune femme reprit rapidement contenance, elle ne se laissait pas déstabiliser facilement, ni pour très longtemps. Elle sortit de la pièce et ferma la porte du bureau de son père derrière elle. Elle n’avait pas envie de s’y attarder davantage et retourna dans la salle principale.

La jeune femme fut assez surprise du Cameron qu’elle découvrait aujourd’hui, comme s’il s’agissait d’un inconnu à qui elle n’avait jamais eu affaire auparavant. D’abord, elle avait constaté que lui aussi avait ses peurs. Rien d’extraordinaire jusque là, certaines personnes cachent simplement bien leur vulnérabilité. Ensuite, il lui avait présenté des excuses sur sa froideur, le comble venant de lui qui d’habitude –et Scarlett le savait parfaitement- se fichait bien de ce qu’on pouvait penser de lui. Et maintenant, alors qu’ils ne s’étaient jamais vraiment adressés la parole plus qu’il ne le fallait, le jeune homme lui avoua qu’il aimait sa présence et qu’il l’attendrait là, pendant qu’elle partait chercher ses livres. Elle fut assez étonnée par cette remarque, ne sachant trop s’il s’agissait d’une plaisanterie ou non. A vrai dire, qu’importait. La compagnie de Cameron ne l’avait jamais dérangée, d’ailleurs ils se croisaient assez souvent puisqu’en l’occurrence Carl était le meilleur ami du jeune homme, et Annie, la « sœur » de Cameron était celle de Scarlett, même si peu de gens le savaient. Des occasions de se voir, ils en avaient. C’est juste qu’ils ne s’éternisaient pas spécialement ensemble.

Sur ces mots, la jeune étudiante s’éloigna dans le bureau de son père, et prit les livres en question. En se relevant, son regard croisa celui de Cameron. Depuis combien de temps était-il là exactement ? Elle l’ignorait. Et surtout pourquoi l’avait-il suivi, alors qu’elle allait revenir ? Elle tenta la boutade, elle préférait le prendre de cette façon. Elle s’attendait à une remarque quelconque, ne fut-ce que sur son éternel carnet. Elle était habituée à ce que les gens lui en fassent, mais une fois encore, il la surprit en rentrant dans son jeu. Scarlett se demanda alors s’il avait choisi d’ignorer son malaise délibérément, par pur amusement, ou simplement pour la laisser tranquille. Elle trouva ce fait étrange, d’habitude il n’aurait pas hésité à relever ce genre de détails et à la charrier. A vrai dire, elle se posait beaucoup trop de questions aujourd’hui, elle aussi se fichait royalement de ce qu’on pouvait penser d’elle en temps normal. Peut-être l’atmosphère glauque de l’endroit ? Elle n’avait qu’une envie, et il était clair que Cameron serait sûrement d’accord avec elle sur ce point : sortir d’ici au plus vite.

"Et bien non je t’attendais. Je m’ennuyais alors je me suis dis que j’allais venir te rejoindre." Lui expliqua-t-il, alors qu'elle lui avait croire qu'elle le pensait parti.

" Avoue que tu n’aimes pas rester seul dans cet endroit ", répondit-elle simplement, en souriant.

Son sourire s’élargit, devinant maintenant la vraie raison pour laquelle il n’avait pas attendu. Elle était loin d’être idiote, même si certains se plaisaient à le croire. Du moins, aimait-t-elle les laisser croire. Dans sa discrétion, la jeune femme passait beaucoup de temps à observer la nature humaine. Elle devinait assez bien quand on lui mentait. Enfin, inutile d’en rajouter encore, mais au moins, le propre malaise de la jeune brune se dissipait. De toute façon, ce n’était pas la première fois qu’on la voyait avec son carnet, et puis le véritable problème était tout simplement la méfiance maladive de Scarlett, depuis quelques temps. Certes, elle avait ses raisons, mais des raisons que personne ne connaissait, alors pas de quoi s’en faire. Elle se releva et retrouva son attitude des plus normales. Elle prit le sac de livre et sortit enfin de la pièce. Lorsqu’ils revinrent dans la salle principale, Cameron lui posa alors une nouvelle question. Scarlett se retourna vers lui.

« Discuter ? Si tu veux. » Répondit-elle un brin amusée. Elle n’était pas trop du genre à discuter, plutôt à écouter, mais elle pouvait changer ses habitudes pour une fois. « Mais ne restons pas ici. » Ajouta-t-elle dans un sourire, en regardant les cercueils autour d’elle. « T’as eu ton lot de frayeurs pour aujourd’hui, non ? »

Il fallait bien admettre que cet endroit les rendait un peu bizarres, puis ce n’était pas vraiment le lieu qui se prêtait à la situation, en plein milieu de la morgue familiale des Spencer. Elle ne put s’empêcher de sourire une nouvelle fois. « Dire que je suis née ici, je dois dire que ça m’a un peu perturbée au début ». Lui raconta-t-elle. Elle ignorait s’il le savait déjà, puisque tout se savait si rapidement dans cette petite ville. « Déjà le premier jour, ma famille n’a pas fait comme les autres. ». Continua-t-elle sur le ton de l’humour. Elle savait que la question de la normalité des Spencer était un des sujets favoris traités dans les rumeurs de ses voisins. Ça l’amusait d’entendre dire qu’ils étaient bizarres.

Elle se dirigea alors vers la porte de sortie. Il était grand temps de partir d’ici. Elle attendit que Cameron fasse de même, avant d’éteindre les lumières et de fermer l’endroit. La voiture de la jeune femme était garée sur le parking familial ; la jeune brune se retourna alors vers le meilleur ami de son frère. « Tu veux aller quelque part ? » Proposa-t-elle. Son regard plongea dans le sien. Elle n’y avait pas vraiment fait attention dans l’obscurité de la morgue, mais elle devait avouer qu’il avait un certain charme.

Scarlett était assez observatrice et devinait assez comment pouvait être Cameron parfois. Elle connaissait très bien certains de ses traits de caractère. Par exemple, il était évident qu’il avait beaucoup d’orgueil et d’estime pour lui-même. Il détestait être surpris entrain d’avoir peur, s’imaginant sans doute là qu’il s’agissait d’une faiblesse impardonnable pour une personne ayant une fierté comme la sienne. Parfois, ce comportement pouvait avoir ses qualités. Avoir confiance en soi, assumer ce que nous sommes, était une bonne chose. Mais le crier haut et fort, à tout va, était parfois être imbu de soi-même. Cependant, la jeune femme n’était pas dérangée de cette attitude ; elle ne savait pas toujours à quoi s’attendre de sa part, mais elle devait bien admette qu’il était beaucoup plus franc que la plupart des gens. Il n’avait pas du tout froid aux yeux, et d’un certain côté, s’il en devenait parfois agaçant pour certaines personnes, cela faisait aussi partie de son charme ; un comportement à double tranchant. Bien évidemment, elle se garderait bien de le lui dire ; il aurait été bien trop content de l’apprendre.

Les deux jeunes gens ne s’attardèrent plus très longtemps dans la morgue. Scarlett revint dans la salle principale, suivie de Cameron. La jeune femme fut assez surprise lorsqu’il lui proposa de rester pour discuter. D’habitude, il trainait plutôt avec son frère Carl, sans vraiment se soucier de faire « connaissance » avec les sœurs Spencer. Et pourtant, ils en avaient eu des occasions ; ils se croisaient souvent que ce soit chez elle, ou chez le jeune homme, puisque Scarlett était également la meilleure amie d’Annie. Pourquoi pas ? Se dit la jeune étudiante. Elle accepta tout en commençant à se diriger vers la sortie. Alors que Cameron s’empressa d’aller reprendre sa veste, la jeune femme se prit à raconter qu’elle était née ici, d’où l’aura un peu bizarre qu’on pouvait donner parfois à sa famille, qui ne faisait jamais vraiment comme toutes les autres. Elle rit à cette pensée, tout en écoutant la réponse du jeune homme.

J’admet que il y a de quoi être un peu perturbé de naître dans ce genre d’endroit. Entre entouré par l’habitat des morts pour une naissance ce n’est pas commun. Mais tu ne serais pas une Spencer sans quelques bizarreries.

Le sourire de la jeune femme s’élargit. Elle approuva d’un mouvement de tête.

« Tu as raison. Une vie qui commençait, parmi celles qui terminaient… Etre un peu à part ne me dérange pas, mais je crois que je me passerai de rappeler trop souvent cet épisode aux gens. ». Dit-elle en guise de conclusion.

Elle sortit enfin de la morgue, éteignit les lumières et ferma l’endroit. L’espace d’une seconde, elle se demanda comment le jeune homme avait pu y entrer, mais elle se souvint que son père avait laissé la porte de derrière ouverte au cas où elle aurait oublié ses clefs. Elle se tourna alors vers Cameron, qui laissait les rayons du soleil glisser sur sa peau, après avoir subi l’obscurité glaciale du cercueil dans lequel il avait été enfermé. Il rouvrit les yeux, lorsque Scarlett lui demanda s’il voulait aller quelque part. Leurs regards se jaugèrent un instant, se soutenant l’un l’autre. Il sembla réfléchir un instant au meilleur endroit où se rendre, et lui proposa d’aller dans un bar. La jeune femme acquiesça, elle en connaissait un pas trop loin d’ici.

« D’accord. J’en connais un pas trop loin d’ici, sauf si t’as une préférence ? Enfin, en même temps, presque tous les bars sont pareils. ». Répondit-elle indifféremment, tout en continuant de maintenir son regard.

Bon, ok. Là, ça allait vite devenir étrange. Pas que ces petits jeux ne l’amusaient pas, que du contraire, elle sentait pertinemment bien qu’il essayait de tester ses réactions en sa présence, et elle prenait un malin plaisir à montrer qu’elle n’était pas intimidée du tout. Dans un sens, ils se ressemblaient un peu… Scarlett avait ce soupçon d’orgueil qui lui donnait cette fâcheuse tendance à savoir se montrer à la fois courtoise mais distante, fière mais mystérieuse. Elle ne laissait jamais rien paraître de ses émotions. Cependant, il fallait bien bouger d’ici. La jeune femme finit par lâcher les yeux de Cameron et se dirigea vers sa voiture. Lorsqu’elle mit le contact pour démarrer, le jeune homme était déjà assis à côté d’elle. Elle sentit son parfum envahir l’habitacle, son souffle à quelques centimètres. A cet instant, elle se demanda dans quoi elle venait de s’embarquer.

Hj: désolée pour la réponse pas top :/

Cameron reprenait vite contenance, un peu trop vite peut-être pour que ça en soit naturel. Scarlett passait souvent pour une cruche aux yeux des gens qui la pensait pour une dingue mystérieuse. En réalité, ce n’était qu’une façade qu’elle se plaisait à laisser croire. Elle était loin d’être une idiote, et bonne observatrice, elle devinait aisément le malaise des gens. Elle savait aussi jouer de cette image si nécessaire pour se sortir de certaines situations déplaisantes, comme ne pas encore plus embarrasser une personne. Mais en général, elle n’avait pas besoin d’y recourir. Cependant, Cameron n’avait pas simplement repris une contenance passagère, il s’arborait de nouveau de cet air arrogant qui le rendait beaucoup trop suffisant. Très bien, en temps voulu, elle saurait lui rappeler que ça pouvait très vite s’effriter ça aussi. Elle baissa le regard la première non pas pour le satisfaire, bien qu’elle sut qu’il en soit contenté. Mais, ils n’allaient pas rester plantés là toute la journée, et Scarlett n’était pas d’humeur à jouer à ces jeux de gamin. Elle lui demanda s’il voulait se rendre dans un endroit en particulier, après tout, c’était lui qui avait souhaité rester avec elle pour « discuter ». Elle se demandait bien d’ailleurs ce qui se cachait comme connotation derrière ce mot. Peut-être rien, ou peut-être que Cameron voulait simplement s’assurer qu’elle tairait l’épisode dont elle avait été témoin. Scarlett avait peut-être plusieurs défauts, mais certainement pas celui de cafeter… enfin mis à part en de rares exceptions peut-être. Personne n’est tout à fait blanc comme neige. Dans la voiture, Cameron n’opta pas pour un bar en particulier, la jeune femme conduisit donc vers celui où elle se rendait parfois après ses cours à l’université.

Pendant le petit trajet, elle sentit le regard du jeune homme sur elle. Elle ne se laissa pas distraire et continua de se concentrer sur la route. Cameron n’était pas le meilleur ami de son frère pour rien, ils aimaient à courir les jupons ensemble, à laisser traîner leur regard quand ils le pouvaient, et à s’amuser dès leur première occasion. La jeune Spencer les connaissait un peu, même si elle ne trainait pas trop avec eux. L’étrange complicité entre Carl et Cameron l’avait souvent amenée à se poser quelques questions. Il brisa alors le petit silence qui s’était installé en disant à la jeune femme qu’elle était jolie. Elle sourit de nouveau, effectivement, il était toujours égal à lui-même. Effrayé ou pas. « Garde tes compliments pour mon frère, je suis sûre qu’il les apprécierait à plus juste valeur. ». Répondit-elle du tac au tac en souriant. Ils étaient vraiment pareils tous les deux, à se regarder constamment dans la glace, à qui serait meilleur que l’autre. Ils étaient bien faits pour être meilleurs amis. Elle ne lui avait pas donné le plaisir de rougir une seule seconde, elle était habituée à ce genre de remarques venant de lui. Ou en tout cas, de les entendre dire pour d’autres de sa bouche. Tant qu’une femme un peu jolie lui accordait un peu d’attention, Cameron se sentirait sûrement gonflé de satisfaction personnelle. Quoiqu’il ne fallait même pas ça pour le contenter. Même si Scar lui reconnaissait une certaine classe dans son air hautain…

Enfin, elle devait admettre qu’aujourd’hui il ne s’était pas encore montré désagréable avec elle. Un effort parce qu’elle était la sœur de son meilleur ami ou parce qu’elle avait vu une de ses ‘faiblesses’ ? Elle n’en savait rien. Arrivés près du bar, la jeune femme se gara sur le parking. Mais avant qu’elle ne descende de la voiture, Cameron la retint de ses mots. Il ne souhaitait pas vraiment aller dans le bar, peu d’attaque pour voir des gens. Il semblait plus pâle que d’habitude, comme si l’idée s’être enfermé dans un cercueil et peut-être finir enterré vivant –alors que tout était toujours vérifié à plusieurs reprises-, l’avait achevé. « Tu joues les ermites maintenant ? » Dit-elle pour plaisanter. Elle n’avait pas souvent l’occasion de le taquiner, alors elle en profita pour un peu retourner la situation. « Tu sais quoi, tu fais comme tu veux, mais moi je suis venue ici pour un verre. ». Ajouta-t-elle alors en détachant sa ceinture. Et sans un mot supplémentaire, elle sortit pour se rendre dans le bar et verrouilla sa voiture. Puisque Cameron voulait y rester, très bien, il n’en sortirait pas.

Deux minutes plus tard, elle revint vers sa voiture, une bouteille et deux verres à la main. Elle ne savait pas comment réagirait le jeune homme, sûrement pas très bien, mais elle s’en fichait un peu. Scarlett aussi avait parfois ses sautes d’humeur, alors ça tombait bien. Elle ouvrit les portes et rentra à l’intérieur. « Ça va ? Ou tu veux un petit remontant ? » Dit-elle en s’asseyant et en lui tendant la bouteille et les verres. « Puisque tu préfères rester ici, autant qu’on inaugure le bar improvisé en voiture. ». Ajouta-elle en souriant.

Durant le trajet, la conversation dans la voiture se borna à quelques paroles échangées entre les deux jeunes gens. Lorsque Cameron fit un compliment à la jeune femme, Scarlett ne se déconcentra pas de la route. Elle avait beau ne pas traîner trop souvent avec lui quand il était chez elle pour voir son frère, elle savait qu’il était tout le temps ainsi. Elle détourna plutôt le sujet, parlant de la ressemblance caractérielle visible entre Cameron et son frère. Le jeune homme à côté d’elle acquiesça, ils n’étaient pas meilleurs amis pour rien. Cependant, il ajouta une petite phrase qui mit la puce à l’oreille de la jeune femme. Il préférait faire des compliments aux jolies filles, mais il se demandait si elle avait voulu dire autre chose… Cette fois, elle détacha une seconde son regard la route et plongea ses yeux dans ceux du jeune homme.

« Je ne sous-entendais rien du tout, mais tes mots parlent d’eux-mêmes. ». En effet, pourquoi le jeune Cooper y avait vu un sous-entendu quelconque ? Peut-être justement parce qu’il y en avait un pour lui. « Que crois-tu que j’ai voulu dire ? ». Reprit-elle pour essayer d’éclaircir ce point un peu plus. Mais il y avait beaucoup de chances qu’il ne s’agisse de rien du tout.

Le reste du chemin se fit en silence. Scarlett se gara près du bar, mais en voyant son reflet dans le rétro, Cameron se montra réticent à sortir de la voiture. Il sourit avec gentillesse pour lui faire comprendre qu’il était sincère sur ce coup-là. Mais il n’allait pas faire des manières pour si peu ?! Pire qu’une femme. Pour que lui ne se montre pas en public, il devait avoir une bonne raison. En effet, c’était le monde à l’envers. Cependant, la jeune Spencer eut une autre idée, qu’elle n’avoua pas tout de suite à Cameron. Aussi têtue que lui quand elle avait une idée en tête, la brunette ne lui laissa pas le temps de répondre et annonça qu’elle sortait de la voiture, qu’elle verrouilla une fois qu’elle s’exécuta. Elle aurait eu envie de sourire en voyant la tête surprise du jeune homme, si elle n’avait pas le dos tourné en sortant du véhicule. En fait, elle avait bien l’intention de revenir, mais elle ne se privait pas de donner une nouvelle ‘frayeur’ à Cameron, lui qui profitait toujours à la première occasion pour remettre une personne en place.

La jeune femme se rendit à l’intérieur du bar, avant d’en ressortir une bouteille et deux verres à la main. Pas que ça se faisait couramment, mais ils la connaissaient suffisamment dans cet endroit pour la laisser emmener tout ça. La jeune femme se dirigea vers sa voiture et déverrouilla à nouveau la porte, ce qui fit sursauter un Cameron légèrement assoupi contre la fenêtre. En s’asseyant dans la voiture, Scarlett sourit et proposa un petit remontant au jeune homme. Elle ne savait pas trop quelle serait sa réaction, entre étonnement, colère ou satisfaction, mais elle n’en avait pas vraiment cure. S’il avait voulu rester avec elle, elle ne changerait pas sa façon d’être pour autant. En fait, à part se croiser quand il venait voir son frère ou quand elle allait voir sa sœur, ils n’avaient jamais vraiment trainés ensemble.

Scarlett déposa son sac sur la banquette arrière et laissa Cameron servir les verres. Il n’était pas contre un petit remontant, mais surtout agréablement surpris de l’idée qu’elle avait eue. La jeune Spencer haussa les épaules. Et se contenta d’annoncer ensuite l’inauguration du bar improvisé en voiture. Il avait l’air un peu étonné qu’elle propose cette idée, comme quoi ils avaient encore beaucoup à apprendre l’un de l’autre. D’ailleurs, pourquoi avait-il soudainement eu envie de traîner avec elle aujourd’hui ? Elle l’ignorait. D’habitude, les gens ne trainaient pas avec elle ou elle-même se complaisait à les éviter, surtout parce qu’il y avait beaucoup d’hypocrites dans cette ville. Elle ne prétendait pas être meilleure qu’eux, loin de là. Mais elle n’était pas de nature à se mêler aux autres. Scarlett ne subissait pas la solitude, elle était délibérément solitaire. La nuance était claire. -enfin sauf avec Bryan et Annie, ses meilleurs amis avec qui elle passait le plus clair de son temps-.

Cameron et elle trinquèrent à la santé de la jeune femme. « A la tienne aussi. Et à ta stupide idée de cercueil sans qui nous ne serions pas ici. ». Répondit-elle le regard amusé. Elle prit le verre que le jeune homme lui tendit et but quelques gorgées. La chaleur de l’alcool la secoua un peu et lui donna des couleurs. Même Cameron retrouvait déjà un meilleur teint, et son esprit espiègle aussi en même temps. Il « l’accusa » en plaisantant de vouloir l’enivrer pour qu’il baisse sa garde face à elle. Elle plongea son regard dans le sien, laissant planer une seconde de silence le temps de réaliser ce qu’il venait de dire. « Ce n’est que le premier verre que tu bois, et tu me sors déjà des phrases pareilles ?! » Sourit-elle. « Hum. Tes défenses ? Ne me la fais pas. Tu les fais très bien tomber tout seul si ça te chante, tu n’as pas besoin de l’alcool pour y remédier. » Rétorqua-t-elle de nouveau en le taquinant. « Puis c’est toi qui voulais aller au bar ». Rappela-t-elle en levant les yeux au ciel, l’air de dire ‘mémoire de poisson’. Scarlett vida son verre, puis le tendit à Cameron. « Ressers-nous en un au lieu de dire des bêtises. En plus, tu reprends déjà des couleurs. ». L’encouragea-t-elle. Quoiqu’elle s’arrêterait sûrement après le deuxième verre. Elle devait rester responsable, surtout si elle reprenait le volant ensuite.

Cameron éluda un peu la question du sous-entendu sur Carl et lui. En effet, il y avait des rumeurs sur tout le monde dans cette ville. Le trajet se termina en silence et ils arrivèrent sur le parking. Comme le jeune homme ne voulait pas sortir à cause de son teint pâle, Scarlett avait eu l’idée de se rendre au bar et de ramener de quoi passer le temps dans la voiture. Elle savait qu’elle avait fait une petite frayeur à Cameron, qui devait en avoir assez d’être enfermé tout le temps. Mais bon, il avait voulu rester ici. Elle lui tendit la bouteille et les verres. Ils trinquèrent une fois ceux-ci remplis, et Scarlett vida le sien d’un coup. Elle avait besoin de se requinquer un peu aussi, et la chaleur de l’alcool la réveilla brusquement. Cameron retrouvait également des couleurs de son côté, ainsi que son esprit espiègle par la même occasion. Il demanda alors à la jeune femme si elle tentait de l’enivrer pour lui faire baisser sa garde. La brunette sourit ; le jeune homme n’avait pas besoin de l’alcool pour ça, ce qu’il admit volontiers. « Et as-tu des intérêts à le faire en ce moment ? » Murmura-t-elle soudainement sur le même ton taquin. Après tout, c’était lui qui avait amené le sujet sur le tapis.

Elle lui rappela ensuite que c’était lui qui avait voulu se rendre au bar, ce n’était donc pas du tout l’intention de Scarlett de le saouler au départ. Et elle ne descendait pas les verres à sa place (a). Cependant, elle ne s’attarda pas sur le sujet et lui demanda de leur en resservir un nouveau. Il s’exécuta et lui tendit sa boisson. Il sourit une nouvelle fois et lui avoua qu’il s’était plutôt bien comporter jusqu’ici par rapport à d’habitude. Il ajouta qu’il aurait pu essayer de l’embrasser ou quoi, mais qu’il s’était retenu de tout geste déplacé. Elle devait bien reconnaître que c’était vrai, Cameron était beaucoup plus… entreprenant dans son caractère habituellement. Autrement dit, il signifiait par-là qu’il avait fait des efforts. Cette fois, une lueur malicieuse s’alluma dans les yeux de la jeune femme, comme si elle avait envie de tester jusqu’où sa bonne volonté tiendrait. « Ou peut-être ne t’en ai-je pas donné l’occasion. ». Répondit-elle simplement.

Ce qui était vrai aussi. Bien que discrète la plupart du temps, son caractère bien trempé en avait déjà rebuté plus d’un. Autant elle était très différente de lui, autant Cameron et elle étaient sans doute aussi têtus l’un que l’autre. Mais elle ne l’envoya pas vraiment valser cette fois, laissant plutôt sa curiosité prendre le pas. Cameron jouait-il un jeu ou essayait-il vraiment de se contenir aujourd’hui ? Elle penchait plutôt pour la deuxième idée, mais elle le saurait sans doute très bientôt. Cameron la sortit de ses pensées en lui proposant de le ‘rattraper’ dans la boisson. La jeune Spencer hésita, elle devait reprendre le volant après… Mais elle chassa cette pensée, la folie du moment l’emporta et elle releva la proposition du jeune Cooper. Elle vida le second verre, alors qu’il ajouta qu’elle rentrerait saine et sauve chez elle.

« Si je continue à cette vitesse-là, je doute même qu’on rentrera. En tout cas pas en voiture. ». Dit-elle. Une pensée lui traversa alors l’esprit. Quelque chose d’inattendu, une drôle de façon de faire ‘connaissance’. N’est-ce-pas ce que Cameron avait voulu en lui demandant de rester avec lui ? « Mais puisqu’il faut bien finir la bouteille, on devrait corser un peu les choses. C’est trop facile de vider les verres sans raison. ». Ajouta-t-elle d’humeur à se changer les idées. « Le premier qui vide son verre donne un gage à l’autre. ».

Et sans attendre sa réponse, elle leur servit un troisième verre. Elle ferma les yeux, se pinça un peu le nez pour mieux faire passer, et à leur regard échangé comme signal de départ, elle engloutit sa boisson. Elle commençait à sentir un léger tournis dans sa tête alors que la bouteille était toujours à moitié pleine. Elle rouvrit les yeux une fois son verre vide, et constata qu’elle avait fini pile au moment où Cameron venait d’avaler sa dernière gorgée. Tant pis, maintenant qu’elle avait lancé ce jeu, autant y aller jusqu’au bout (a). Elle arqua un sourcil, pensive, avant de demander. « Alors, ce sera une action ou une vérité ? ». Elle plongea son regard dans le sien, attendant ‘le gage’ qu’il lui donnerait. Elle savait qu’il était plutôt du genre joueur et qu’elle devrait sûrement s’attendre à quelques surprises.

Alors que les deux jeunes gens avaient commencé la consommation d’alcool, la conversation prenait un nouveau tournant. Cameron avoua qu’il s’était bien comporté jusqu’ici, n’ayant pas encore eu de geste déplacé envers Scarlett. La jeune femme sourit en lui rétorquant qu’elle ne lui en avait peut-être pas donné l’opportunité, elle était bien souvent suffisamment distante, que ce soit démontré par des gestes subtiles ou des signes évidents. Pourtant, le jeune Cooper ne sembla pas vraiment de son avis. Se regardant encore dans le miroir -Scarlett avait d’ailleurs remarqué qu’il le faisait souvent-, il reporta ensuite quelques secondes son regard vers elle. Il répondit que ce n’était pas ce qui l’arrêtait d’habitude, ajoutant qu’il aurait pu le lui faire subrepticement comprendre par petits gestes. Cependant, Scarlett devait apparemment s’estimer heureuse d’un certain respect qu’il lui portait, puisque même si ce n’était pas l’envie qui lui manquait, il ne s’était pas comporté de travers… du moins, pas encore. La jeune femme choisit de ne pas relever, elle ne savait pas trop quoi répondre à ce qu’il venait de lui dire. Peut-être aussi était-il comme ça simplement parce qu’elle était la sœur de son meilleur ami ou parce qu’elle l’avait aidé plus tôt…

Scarlett se concentra sur le verre que Cameron venait de lui remplir. Il semblait vouloir prendre son temps, mais la jeune femme le vida d’une traite. Pas qu’elle y était forcément habituée, mais elle avait tout de même une bonne descente. Mais si elle devait conduire pour rentrer, elle devrait se limiter. Le jeune homme dut deviner ses pensées, et lui promit qu’elle rentrerait saine et sauve. La jeune Spencer sourit et rétorqua qu’ils ne rentreraient peut-être même pas du tout. Leur premier verre était déjà vide, Cameron suivant le mouvement de la jeune brune. Un second verre suivit. Cependant, Scarlett décida de corser un peu les choses. Celui qui terminait sa boisson en dernier recevait un gage de l’autre. Elle ne savait pas pourquoi elle les avait encouragé dans cette voix, mais elle aimait parfois écouter ses impulsions de dernière minute ou tester ses limites, ne s’en donnant pas souvent l’occasion. Cameron étant d’esprit joueur, elle était à peu près sûre qu’il ne refuserait pas cette proposition.

Sans vraiment attendre sa réponse, elle leva son verre et attendit qu’il fasse de même pour le boire. Elle n’avait pas l’habitude d’accumuler de l’alcool comme ça, mais elle tenait assez bien en général. Du moins, au début. Une fois qu’elle était à l’ouest, c’était facile de le deviner ; elle faisait n’importe quoi. Elle termina son verre très vite, mais Cameron avait fini juste avant elle. Bonne joueuse, elle lui demanda donc quel serait le gage qu’il voulait lui donner, une action ou une vérité. Il opta pour la seconde idée, prétextant vouloir mieux la connaître. « Je vois. Tu profites de ma lucidité pour me tirer les verres du nez tant que tu peux, et quand je ne serais plus capable de refuser de me ridiculiser, tu me donneras de drôles d’action à exécuter, c’est ça ? » Dit-elle pour le taquiner, mais aussi pour retarder un peu la question qu’il lui poserait.

Il fit un sourire espiègle, ayant visiblement une idée derrière la tête. Scarlett n’en fut pas étonnée, il était suffisamment imaginatif pour lui poser une question inattendue. Elle fut cependant surprise lorsqu’il lui demanda ce qu’elle pensait de lui. Il souhaitait mieux la connaître, mais sur ce qui le concernait aussi. S’inquiétait-il de ce qu’elle pouvait penser ou avait-il posé cette question précise justement parce qu’il ne savait pas lire facilement en elle ? Sans doute un peu des deux. Avant qu’elle ne puisse répondre, il leur resservit le verre suivant et ajouta qu’elle pouvait choisir la question, si elle en préférait une autre. Ce n’était pas vraiment le but du jeu, Scarlett n’allait pas se défiler. Qu’est-ce qu’elle pensait vraiment de Cameron ? Il allait sans doute être déçu de l’entendre, mais elle ne le savait pas vraiment elle-même. Elle ne le connaissait pas vraiment, hormis par les quelques dires de son propre frère ou de la sœur du jeune homme. Cependant, elle pouvait un peu se baser sur les rares fois où ils s’étaient vus, et comment elle le voyait se comporter généralement.

« Difficile à dire, parce que je ne te connais pas vraiment et qu’il me reste sans doute beaucoup à découvrir pour ça. Je pense que tu es plein de surprise, mais que la plupart des choses sont un jeu pour toi, tu es aussi sacrément caractériel, et il faut éviter de te contrarier, parce tu peux être vraiment borné quand tu as quelque chose en tête –si le mot n’est pas trop faible-. Il faut savoir le supporter si on est dans ton entourage, mais je crois qu’une fois que l’on fait abstraction de cette première impression, tu as une personnalité qui intrigue et que l’on a envie de mieux comprendre. Enfin, si tu en laisses l’occasion. Tu as aussi beaucoup d’intelligence, que tu utilises parfois trop à mauvais escient peut-être, surtout quand il s’agit de manipuler les gens… Mais quand tu n’es pas comme ça, tu sais te montrer charmant, même si je ressens de la distance, comme si tu te cachais derrière une façade ou que tu te donnes une attitude, mais je crois que c’est juste parce que tu aimes en jouer ou parce que tu te protèges de toute forme superficielle d’attachement… ». Scarlett avait essayé de choisir ses mots avec objectivité, comme il le lui avait demandé. Elle avait répondu honnêtement ; Cameron était sans doute le premier à savoir qu’il avait des défauts parfois irritants, mais aussi certaines qualités. Il y eut ensuite un petit silence, avant de conclure. « Je sais, c’est un peu du charabia ce que je viens de raconter, mais c’est compliqué de dire ce que je pense exactement de toi. Tu es trop complexe pour être cerné en quelques mots. Une partie de moi me dit qu’il y a des facettes de toi à éviter, et une autre partie ne demande qu’à en apprendre davantage. J’aime bien fréquenter des gens qui ont ce genre de personnalité qu’on découvre petit à petit. ». Cette fois, elle sourit et se tut en attendant le départ pour le verre suivant.

Scarlett répondit du mieux qu’elle put à la question de Cameron. Elle essayait de le cerner en quelques mots, mais il était assez compliqué à comprendre. Cependant, elle semblait s’en être plutôt bien sortie, vu la tête surprise qu’il tirait. Il resta silencieux quelques secondes, avant d’admettre qu’il avait cru qu’elle répondrait seulement par les mêmes mots dont les gens se servaient pour le définir habituellement: narcissique et manipulateur. Scarlett ne voyait pas pourquoi ; même si ces défauts faisaient évidemment partie de la personnalité du jeune homme, on ne pouvait réduire une personne en deux mots, et certainement pas quelqu’un d’aussi ambivalent que Cameron. La jeune femme n’avait bien sûr pas compris sa façon d’être en si peu de temps, mais à force de le croiser, elle en avait déduit quelques traits. Néanmoins, et comme elle s’y attendait, le jeune Cooper tenta de se rattraper en jouant sur les mots. Il ne refusait pas de s’attacher, il ne faisait juste pas vraiment confiance aux gens. Ce qui revenait au même, puisqu’il se concentrait sur les personnes qui lui étaient essentielles. « C’est la même chose, non ? ». Répondit-elle en souriant. « J’aurais dû ajouter que tu voulais toujours avoir le dernier mot aussi. ». Ajouta-t-elle pour le taquiner.

Ils se reconcentrèrent ensuite sur le jeu. Cette fois, la jeune femme avala son verre d’une traite, sans trop se précipiter. Elle réussit à retenir sa respiration pour ne pas s’arrêter. Elle sentait la chaleur de l’alcool lui donner des couleurs, sa tête commençait à sentir les effets de la boisson. Elle plongeait dans un état plus ‘joyeux’. Cameron, par contre, ne termina pas son verre aussi vite. Il s’en renversa la moitié dans le cou. Mais elle n’eut pas le temps de dire quoique ce soit, qu’il reconnut sa perte et lui demanda quelque chose pour nettoyer l’alcool avant d’exécuter son action ou sa vérité. La jeune femme acquiesça et farfouilla dans son sac à main. Elle avait une bouteille d’eau et un paquet de mouchoir en papier, ça tombait bien. « Laisse-moi faire » Dit-elle. « Tu serais encore capable de t’en renverser partout ». Plaisanta-t-elle. Excuse bidon, ce n’était que de l’eau, mais la jeune Spencer commençait à ne plus avoir toutes ses idées en place, et puis elle aimait bien le charrier. Mais le cou du jeune homme était tout collant. Elle versa de l’eau sur quelques mouchoirs et commença à essuyer son cou, pas l’endroit le plus facile pour le faire soi-même. La proximité entre eux s’était soudainement réduite, ce qui ne perturba pas pour autant la jeune femme. « Sinon, va pour une vérité. Puisqu’on en est à parler de toi, dis-moi quelque chose dont tu n’es pas fier, mais que tu n’as jamais dit à personne. ». Reprit-elle le jeu pendant qu’elle s’occupait.

Elle passa ensuite des mouchoirs secs à Cameron pour qu’il puisse frotter son visage ‘rincé’ et écouta enfin sa réponse. Soudain, elle remarqua des tâches sur son vêtement. « T’as mis plein d’alcool sur ta chemise » S’exclama-t-elle alors. En effet, avec la pénombre de la voiture, elle ne l’avait pas relevé au premier coup d’œil. Cette fois, elle hésita. Elle avait remarqué qu’il détestait les proximités prolongées ou qu’il n’avait pas désirées. Cependant, même si elle aurait tout simplement pu lui donner la bouteille d’eau et le laisser s’en occuper, Scarlett eut alors une étincelle enfantine. D’un geste prompt, elle prit ce qui restait de la bouteille d’eau et vida le reste sur Cameron. « Voilà, tu es tout propre maintenant. ». Dit-elle en riant doucement. Il était plutôt assez trempé, mais ce n’était que de l’eau. Elle s’attendait bien sûr à ce qu’il se venge sur elle, dommage que la bouteille d’eau était vide. (a) Par acquis de conscience, elle avait également pris la bouteille d’alcool hors-de-portée de ses mains, hors de question qu’il utilise sur elle les réserves de leur jeu. Décidément, l’alcool avait de drôle d’effets sur elle, en espérant que le jeune homme ne le prenne pas de travers et soit d’humeur aussi ‘joyeuse’ qu’elle.

Scarlett s’affaira à nettoyer l’alcool que s’était mis Cameron sur lui, elle arqua même un sourcil lorsqu’il lui demanda –poliment !- de ne pas le mouiller plus encore. La jeune Spencer sourit, ce n’était pas son intention. Elle mit de l’eau sur les mouchoirs, et s’exécuta. Le jeune homme sursauta au contact de l’eau froide, mais se laissa faire. Ce petit intermède leur permit de reprendre leurs esprits quelques instants. Ils n’avaient pas eu la main morte avec l’alcool au cours de leurs premiers verres, et la jeune femme sentait déjà ses sens changer. Pendant qu’elle s’occupait de lui, Scarlett continua le jeu et demanda alors à Cameron de lui raconter quelque chose dont il n’était pas forcément fier, et qu’il n’avait jamais dit à personne. Il semblait interpellé par sa question, mais répondit néanmoins quelque chose d’inattendu. Après lui avoir dit qu’il n’avait honte de rien, elle ne s’était effectivement pas imaginée qu’il s’engagerait sur un terrain aussi ‘personnel’ que sa famille. Il lui avoua que sa mère lui manquait, et qu’il en voulait à son père de l’avoir remplacée aussi vite par une autre… d’où peut-être les tensions dans leur famille. Scarlett comprenait un peu la frustration de Cameron, même si elle ne la vivait pas vraiment, les Spencer étant très soudés, tout le contraire de beaucoup de familles à Magnolia. « Je comprends, c’est toujours mieux quand on a ses deux parents autour de soi. Et une mère est une personne irremplaçable. Tu n’as jamais envisagé d’aller avec elle ? ».

La jeune femme n’insista pas trop sur le sujet ensuite. Cameron lui avait répondu, mais ne souhaitait certainement pas s’attarder sur la question. La jeune Spencer était contente qu’il lui ait parlé de façon aussi ouverte, ce n’était pas souvent le cas. Ayant terminé de lui rincer le cou, elle lui tendit des mouchoirs secs. Elle s’apprêtait ensuite à leur resservir un nouveau verre puisque la bouteille n’était qu’à moitié vide, cependant elle remarqua que le jeune homme s’était mis plein d’alcool sur le haut de la chemise aussi. Il ne l’avait sans doute pas encore senti, trop concentré sur son cou collant. Mais si elle poursuivait sans le lui souligner, il lui en voudrait sûrement de ne pas le lui avoir dit. Elle lui indiqua donc les tâches ; Cameron soupira ironiquement, lui demandant sans convictions si elle n’avait pas une chemise de rechange dans sa voiture. Effectivement, cette fois, Scarlett n’avait pas exactement ce dont il avait besoin. Soudain, une drôle d’idée lui traversa l’esprit. Sans crier gare, elle se saisit du reste de la bouteille d’eau et la vida sur la chemise du jeune homme. Quand elle devenait ‘joyeuse’, la jeune Spencer perdait souvent le contrôle de ses réactions et agissait parfois avec impulsivité, comme en cet instant. Elle sourit, ajoutant qu’il était désormais tout propre.

La réaction de Cameron ne se fit pas attendre, ou plutôt elle mit plus d’une minute à se réaliser. Surpris tout d’abord, presque estomaqué du geste de la jeune femme, Scarlett s’aperçut de l’incompréhension dans les yeux du jeune homme. Regard qui se transforma vite en agacement, qu’il réussit difficilement à contenir par son calme. Il ronchonna sur les raisons de son geste, mais ne lui laissa pas le temps de répondre et enleva sa chemise trempée. Le regard de la jeune Spencer s’attarda sur lui, Cameron était un bel homme et elle aurait menti si elle l’avait nié. Cependant, à force de volonté, il reprenait déjà le contrôle de lui-même. Mais ses yeux ne trompaient pas la jeune femme, il avait cette flamme malicieuse qui en disaient long sur ses intentions… Elle ne perdait rien pour attendre. Tant mieux, elle était curieuse de voir ce qu’il avait en tête. Par acquis de conscience tout de même, elle avait mis la bouteille d’alcool hors-de-portée. S’il voulait se venger sur elle, il trouverait sans aucun doute une autre idée. Son instinct ne l’avait pas trompée, il s’empara d’elle par la taille, et l’attira à lui. Il la posa sur ses genoux, et lui saisit ses poignets pour contrôler ses éventuels gestes de défense. Scarlett tenta de lutter contre son étreinte au début, mais peine perdue, il était plus fort qu’elle. Que voulait-il lui faire là ? « Mais qu’est-ce tu fais? ». Sa voix se perdit. Elle redoutait un moment de violence, dicté par la colère, bien que ce n’était pas forcément dans les habitudes du jeune Cooper. D’ailleurs, ce fut tout le contraire qui se produisit.

Cameron posa sa tête contre elle, embrassant son cou avec douceur. Ne sachant trop comment comprendre sa réaction, elle cessa pourtant de bouger. Elle se surprit à aimer ce souffle chaud contre elle. « Je devrais te lancer de l'eau plus souvent si tu réagis comme ça. » Dit-elle le regard brillant, comme pour essayer de savoir si c’était ça son acte de vengeance. Il releva alors la tête et lui annonça qu’il ne comptait plus être sage du tout. Scarlett sourit et plongea son regard dans le sien. Il y régnait cette même lueur de défi qu’elle lui connaissait si bien, et depuis la seconde où elle l’avait provoqué en jetant la bouteille sur lui, elle aurait dû s’y attendre. « Ça tombe bien, je n’ai pas envie d’être sage non plus. ». Tout en ne cessant pas de la regarder, il desserra alors son étreinte, elle sentit ses mains descendre le long de sa taille et se placer sur ses jambes. Scarlett ne s’était jamais retrouvée à une telle proximité de lui, et pourtant ce soir, ça ne la dérangeait pas. Une lueur malicieuse passa dans les yeux de la jeune femme. Influence de l’alcool ou pas, elle posa ses mains sur son torse, puis se rapprocha alors du visage de Cameron, ses lèvres à quelques centimètres des siennes… avant de dévier vers son oreille, où elle souffla doucement, mordillant légèrement le lobe, zone très sensible, avant de commencer à descendre dans son cou. L’attention du jeune homme détournée, elle laissa glisser sa main sur le côté du siège passager et attrapant la manette du bout des doigts, elle la souleva. Le siège bascula alors un peu en arrière et se retrouva dans une position plus allongée. Mais la jeune femme avait mal calculé son coup de ‘vengeance’. Au lieu de pouvoir se retirer à temps, elle bascula avec lui et se retrouva presque allongée sur Cameron. Elle plongea son regard dans le sien, l’atmosphère avait changé, ils n’en étaient plus aux jeux puériles. Si on lui avait dit ce matin qu’elle se serait retrouvée dans cette situation, elle ne l’aurait pas cru, et pourtant. De longues secondes s’écoulèrent sans que rien ne se passe d’autre que de simples regards échangés, puis sans mot dire, Scarlett posa ses lèvres sur celles du jeune homme.

Scarlett regarda le jeune homme lorsqu’il lui apprit que sa mère l’avait « abandonné ». Elle ne savait pas trop quoi répondre, si ce n’était qu’elle en savait encore bien peu sur lui dans le fond. Elle aurait pu se contenter de dire que ce manque de présence maternelle expliquait bien des attitudes chez lui, mais elle ne se montra pas aussi étroite d’esprit. Il y avait beaucoup de choses qu’elle ignorait encore. Elle comprenait mieux pourquoi il restait chez son père –non pas vraiment par choix- et laissa donc le sujet en suspens pour le moment. Elle lui rinça son cou et lui versa ensuite le reste de la bouteille d’eau sur sa chemise tâchée d’alcool. Elle crût qu’il se fâcherait contre elle, mais il se contint. Il retira sa chemise, puis la prit par surprise en l’agrippant par la taille et en la déposant sur ses genoux. Elle sentit son souffle chaud contre son cou et le laissa s’imprégner de son parfum. Si Cameron croyait l’intimider, il s’était trompé. La jeune femme ne le repoussa pas, au contraire elle se joua de lui tout autant.

Il lui rappela qu’il lui était redevable pour le cercueil, mais qu’il ne comptait désormais plus être sage. Elle non plus. Joignant le geste à la parole, elle s’attaqua au lobe de son oreille et à son cou et les fit basculer. Prise à son propre tour, elle se retrouva encore un peu plus contre lui. Le changement d’atmosphère était palpable, ils n’en étaient plus aux jeux. Scarlett laissa alors ses lèvres savourer celle du jeune homme. A ce moment-là, elle ne pensait pas aux conséquences éventuelles qui pourraient se produire, ni à ce que penseraient son frère ou sa meilleure amie. Elle était juste déconnectée. Cameron lui rendit son baiser et passa une main dans ses cheveux. Scarlett n’avait jamais vraiment fait une chose pareille auparavant, céder de la sorte à ses envies, excepté peut-être la nuit avec son meilleur ami où elle avait beaucoup trop bu. Dans ce cas présent, elle était plus ou moins consciente de ses actes. Mais il était clair qu’elle y prenait goût, elle n’était certainement pas faite pour les relations de couple, surtout depuis qu’elle essayait de se persuader qu’elle ne ressentait rien pour personne parce qu’elle se mentait à elle-même.

Elle sortit de ses pensées lorsque Cameron interrompit le baiser. Elle plongea son regard dans le sien, il souriait d’envie et l’embrassa de nouveau tout en posant ses mains sur ses hanches. Soudain, quelqu’un frappa bruyamment sur la vitre de la voiture. « Non mais vous vous croyez où là ? Allez faire ça ailleurs. ». Cria une voix. Surprise, la jeune femme interrompit le baiser avec Cameron et se retourna pour voir de qui il s’agissait. Sans doute un des tenanciers du bar qui ne voulait pas de gens étranges sur son parking. Elle sourit et rougit un peu, –sous l’influence de l’alcool-, et le regarda s’éloigner de quelques pas. Elle aurait voulu l’ignorer, mais à son regard, elle comprit qu’il ne bougerait pas tant qu’elle ne démarrerait pas la voiture. De mauvaise grâce, elle se replaça derrière le volant. D’un côté, il valait mieux partir d’ici maintenant, avant qu’un sale voyeur pervers ne vienne encore les déranger. Elle démarra la voiture et quitta le parking. Heureusement qu’elle avait été plutôt raisonnable sur la quantité d’alcool, elle conduisait bien consciente de ses actes. « Au moins chez moi, il y aura des chemises. ». Dit-elle en souriant pour essayer d’oublier ce contretemps. Carl en aurait sûrement dans son armoire pour en passer une à Cameron.

Mais pourquoi allait-elle chez les Spencer ? Parce qu’il n’y avait personne, et que personne ne poserait de questions de les voir ensemble. Elle savait qu’Annie trainait chez les Cooper, et elle ne voulait certainement pas devoir se justifier devant sa meilleure amie, sur quoi d’ailleurs ? Elle ne savait pas à quoi Cameron pensait en ce moment, mais ils étaient sûrement d’accord sur ce point. Cinq minutes plus tard, ils arrivaient déjà devant la maison de Scarlett. Magnolia était un petit quartier. La jeune femme se gara et entra à l’intérieur de la maison. Elle attendit que Cameron fasse de même et ferma la porte. Elle ne prit même pas la peine de lui proposer à boire ou quoique ce soit d’autre, l’instant ne s’y prêtait pas. Elle monta dans sa chambre et déposa ses affaires. Elle ignorait ce qui allait se passer maintenant, ou comment ça se passerait alors qu'ils s'étaient arrêtés. Mais elle n’eut pas besoin de se retourner, qu’elle sentit son souffle chaud contre elle.

Scarlett avait bien remarqué l’énervement et la frustration de Cameron lorsqu’elle s’était éloignée de lui. Elle avait essayé de détendre l’atmosphère en ne prenant pas l’incident à cœur. Il eut plutôt l’air agréablement surpris lorsqu’elle lui proposa de retourner chez elle. Elle comprit qu’il avait apprécié le moment et aurait sans doute souhaité ne pas s’arrêter là. Il reprit alors le contrôle de ses émotions et le trajet se poursuivit sans autre mot, mais ce silence n’était pas lourd entre eux. Scarlett se concentrait juste sur la route, elle avait quand même vidé une demi-bouteille de vodka et ne voulait pas d’un accident. Lorsqu’ils arrivèrent enfin chez la jeune femme, elle gara sa voiture et invita Cameron à entrer. Sans un mot, elle monta à l’étage directement. Pas qu’elle était une hôtesse malpolie, mais elle n’allait pas se moquer de lui, elle avait beau être légèrement « joyeuse » à cause de l’alcool, et même si elle donna l’impression de se diriger vers la chambre de Carl, elle se rendit bel et bien dans la sienne. Elle avait très bien comprit où ça les menait et elle avait aussi envie de reprendre où ils s’étaient arrêtés. La situation était assez inattendue, car même si Cameron avait un charme indéniable, elle n’avait jamais manifesté une attirance visible pour le jeune homme et inversement jusqu’à présent. Cependant, elle ne s’expliquait pas ce qui se passait aujourd’hui et n’avait nullement envie de le comprendre.

Elle déposa ses affaires et sentit le souffle du jeune homme contre elle. Elle apprécia ses lèvres dans son cou, avant de se retourner. Elle regarda Cameron, le jeune homme avait au moins une tête en plus qu’elle. Elle passa alors ses mains dans sa nuque et rapprocha son visage vers elle. Elle unit ses lèvres aux siennes, en douceur tout d’abord puis un peu plus passionnément. Scarlett s’appuya alors légèrement sur la nuque de Cameron et se laissa soulever avec souplesse. Elle croisa ses jambes autour de la taille du jeune homme qui la maintenait de ses mains au niveau des fesses. Elle se retrouva davantage à sa hauteur pour mieux l’embrasser. A cet instant-là ; Scarlett était tellement à l’aise que personne n’aurait pu dire qu’elle n’avait quasiment jamais fait ça. Le ‘choc’ du soulèvement sans doute avait fait reculer le jeune homme de deux pas et il se retrouva assis sur le lit, la jeune Spencer toujours sur lui. Elle laissa ses mains descendre le long de son torse musclé, et caresser son corps frissonnant d’envie. La jeune femme n’était pas spécialement une ‘meneuse’, mais elle savait combien les hommes détestaient tout faire et préféraient les relations partagées, c’était tellement plus jouissif de toute façon. Elle s’arrêta alors un instant, souleva sa blouse doucement et la jeta par terre. Elle aimait davantage la sensation procurée par le contact de la peau contre la peau. Scarlett regarda de nouveau Cameron et ses lèvres retrouvèrent de nouveau celles du jeune homme. Le reste de leurs vêtements ne tarda pas à glisser de leurs corps. Elle se laissa ensuite seulement dicter par l’envie et le désir qui s’insurgea en elle…

Le lien qui unissait Cameron et Scarlett avait toujours été compliqué à comprendre, même pour eux. Si on le lui avait demandé, la jeune femme aurait été bien incapable d’en donner une description précise. Elle s’était toujours tenue éloignée de lui, comme de la plupart des gens, et il s’en accommodait très bien. Mais distants et proches à la fois de par leur entourage commun, ils avaient réellement commencé à se découvrir aujourd’hui, ou plutôt ils avaient découvert chez l’autre des facettes qu’ils ne soupçonnaient pas. Cameron était capable d’être ‘normal’ quand il faisait des efforts et Scarlett savait s’amuser quand elle le voulait. Comme en cet instant, même si elle ne s’était jamais imaginée passé un tel cap avec lui, c’était loin d’être désagréable, que du contraire. Le cœur de la jeune femme battait à tout rompre tandis que leurs souffles se mêlaient fébrilement. L’atmosphère de la chambre était devenue fiévreuse. La jeune Spencer appréciait le jeune homme, mais le fait de ne pas en être amoureuse rendait ce genre de coup de folie beaucoup plus facile et sans prise de tête. Il n’appelait à aucun engagement ensuite. Un véritable coup de tête et c’est ce qui rendait ça aussi… puissant. Quand leurs corps affamés furent enfin assouvis, Scarlett s’allongea dans les bras du jeune homme, posa sa tête contre lui et reprit lentement son souffle. Ce n’était pas parce qu’il n’y avait pas de sentiments, qu’il n’y avait pas une certaine ‘tendresse’ dans l’instant. Elle avait passé un moment magique. Elle ne savait pas si c’était la même chose de son côté, mais elle ne brisa pas le moment en paroles inutiles. Elle se contenta de fermer les yeux quelques minutes, et s’en sans rendre compte, elle finit par s’endormir quelques instants contre le corps encore chaud du jeune homme.

Une heure plus tard, Scarlett sortait des tréfonds du sommeil. Elle étendit inconsciemment un bras à côté d’elle, mais elle ne sentait plus la chaleur de la peau de Cameron contre elle, à sa place restait seul le vide austère de son lit. Etait-il parti comme un voleur ou avait-il pris peur de sa réaction à son réveil ? Songeait-elle les yeux toujours clos. Elle ouvrit soudainement les yeux, mais vit bel et bien le jeune homme dans sa chambre. Il se tenait debout et farfouillait quelque chose dans ses affaires. Elle se frotta un peu les yeux pour les ouvrir davantage et se redressa pour mieux voir ce qu’il cherchait. « Cameron, ça va ? Qu’est-ce-que tu fais ? » Demanda-t-elle d’une voix un peu enrouée par le réveil. Emmitouflée dans ses draps, elle se leva et vint se placer derrière lui. Ce n’est que lorsqu’elle réalisa ce qu’il tenait dans la main, que son sang se glaça. Un de ses journaux intimes, le cadenas cassé, ouvert. Elle se sentit violée de l’intérieur, son âme soudainement mise à nu. Elle n’aurait jamais crû qu’il était bien plus facile de mettre son corps à nu que son âme. Mais l’onde de choc qui la traversa fut on-ne-peut-plus-claire sur la question. Elle ne savait pas ce qui était le pire ; la violation de sa vie privée ou la déception de se sentir aussi trahie par le meilleur ami de son frère. Elle lui avait peut-être offert son corps, elle ne lui avait pas pour autant donner son âme.