Knock, knock, knocking
On heaven's door

Lucy avait eu une journée de travail chargée, et elle était encore loin d'être finie ! Travailler pour les Wainwright n'avait pas que des avantages. En effet, la maison était grande, et la famille nombreuse. Cela faisait beaucoup de vaisselle à faire, de linge à laver, de chemises à repasser, de courses à faire, etc. La jeune fille s'était levée tôt et s'était lancée dans les tâches ménagères avec détermination. De 9h à 15h, la maison était vide et elle en profitait pour faire le gros du travail. Après avoir mangé, elle passa l'aspirateur au rez de chaussée et s'octroya une pause d'un quart d'heure: un thé et un bon livre. Ensuite, elle sortit chercher le journal sur la pelouse, et le courrier dans la boîte aux lettres. Et regarda chaque lettre, espérant en trouver une pour elle. Bingo ! Une lettre de son petit frère venait de lui parvenir. Bien sûr, elle n'attendait rien de ses parents, avec qui elle était en froid depuis un bon moment déjà. C'est en rentrant dans la cuisine qu'elle s'aperçut qu'une lettre n'étant pas destinée aux Wainwright faisait partie du courrier. L'adresse indiquée était celle des Hopper, au numéro 48. Il est vrai que le numéro 8 était mal écrit, mais tout de même ! Lucy râla un peu contre le service postal, et puis décida que porter une lettre chez le voisin lui ferait prendre l'air. Elle enfila donc sa veste et sortit, fermant la maison à clé derrière elle. Elle marcha jusqu'au numéro 48 et, une fois arrivée près de la boîte aux lettres, hésita: la mettre dans la boîte ou la porter directement au destinataire ? Elle regarda en direction de la maison et vit que la porte d'entrée était entrebaillée, ce qui mit fin à son doute. Elle marcha jusqu'au perron et toqua doucement à la porte.

Il y a quelqu'un ? demanda-t-elle.

Sebastian apparut, en tenue de sport, et une drôle de casquette portée à l'envers. Lucy lui sourit et agita la lettre qu'elle tenait à la main.

C'est le facteur !

Elle n'avait pas vu le jeune homme depuis plusieurs semaines, certainement à cause de la reprise des cours. En temps normal, ils se croisaient de temps en temps et saluaient, rien de plus, mais Lucy l'avait toujours trouvé sympathique.

Knock, knock, knocking
On heaven's door

Euh, dit moi comment t'es rentrée?

Le ton du garçon la surprit un peu, mais son sourire lui redonna confiance.

Hm, la porte était ouverte en fait. Je n'ai pas pour habitude de rentrer comme une voleuse !

Elle lui sourit à son tour et le regarda plus attentivement. Il était évident qu'il revenait d'un footing, ou d'une salle de sport. Le hall d'entrée était chargée d'une odeur de sueur et son front luisait légèrement. Elle lui tendit la lettre, sujet de sa visite.

Il y avait ça dans notre boîte aux lettres, je crois que le facteur ne sait plus différencier un 42 d'un 48, plaisanta-t-elle. Par contre, tu devrais faire attention à fermer les portes derrière toi, sinon les gens risquent de débarquer chez toi pour faire autre chose que t'apporter une lettre !

Lucy en profita pour regarder autour d'elle. Elle n'était jamais rentrée chez les Hopper, et à vrai dire, elle n'avait adressé la parole qu'à Sebastian, depuis le temps qu'elle avait emménagé dans le quartier. La déco était plutôt réussie, de nombreuses photographies étaient encadrées et accrochées sur les murs. Curieuse, Lucy s'approcha pour les voir de plus près. Mais elle se rendit compte que le jeune homme ne l'avait même pas invitée à entrer, et qu'elle risquait de le déranger. C'est pourquoi elle se tourna vers elle, un sourire un peu gêné sur le visage, se demandant s'il était temps de repartir ou non. Elle jeta un coup d'oeil discret à sa montre, il n'était même pas 16h, et elle serait seule, sans rien à faire chez elle. Autrement dit, aucune raison de se presser !

Knock, knock, knocking
On heaven's door

Tu voudrais boire quelque chose? je t'invite à rester quelques minutes si tu n'es pas pressée.

Non, Lucy n'était pas pressée, et elle accepta volontiers la proposition de son jeune voisin. Tandis que le jeune homme partaitt dans la cuisine, sans pour autant la lacher des yeux, elle resta dans le hall d'entrée. Lucy aimait particulièrement les photographies -vieilles de préférence- mais aussi les albums photos faits par la famille, les copains. Elle avait l'impression de découvrir les gens en regardant ses vieilles illustrations, en lisant ces légendes écrites spontanément. Elle aimait voir ces visages, ces sourires. Elle ne reconnaissait en général ni les personnes ni les lieux, mais elle se fichait de cela. C'étaient des moments heureux, fixés à jamais sur ces bouts de papier. Lucy attrapa un cadre posé sur un meuble et vint à la cuisine avec. Elle tendit la photo en direction de Seb.

C'est toi, là, le petit bout de chou ?

Elle sourit. C'était lui évidemment, et à côté ce devait être son frère. Sebastian devant avoir 4 ou 5 ans sur cette photo. Elle avait déjà aperçu son grand frère de loin sans jamais le rencontrer. Elle le remercia pour le verre qu'il lui tendait et en but une longue gorgée, pendant ce temps, le garçon était plongé dans les souvenirs que lui rappelaient la photographie. Elle reposa le verre, qui claqua contre le verre de ma table, et attacha ses cheveux en une queue de cheval. Son regard se porta sur la lettre non ouverte, posée à côté de Sebastian. Celui ci, d'ailleurs, ne parlait toujours pas.

When someone wants to save you
From a ginger army

Sebastian confirma bien ce qu'elle pensait: c'était lui, enfant, sur la photo qu'elle avait trouvé. Elle espérait que ça lui rappelait d'heureux souvenirs... et surtout de ne pas se conduire de façon déplacée. Après tout, elle le connaissait à peine et c'était la toute première fois qu'elle lui parlait plus de 2 minutes et 30 secondes. Mais elle se sentait à l'aise, dans cette maison, et avec lui. Il était bien sympathique comme voisin ! Il lui demanda depuis quand elle vivait ici, et elle prit le temps de lui expliquer sa situation:

En fait, j'ai aménagé chez les Wainwright il y a un an et demi, mais je bossais déjà un peu pour eux avant: je donnais des cours à Balthazar. Et après je suis venue vivre chez eux lorsque j'ai arrêté les cours, et depuis je bosse à plein temps !

Elle lui sourit, sans rien ajouter de plus. Souvent les gens trouvaient cela étrange qu'une jeune fille comme elle, bien élevée et loin d'être bête se retrouve bonne à tout faire chez les Wainwright. Certaines circonstances l'avaient amenée là, et finalement, elle ne s'en plaignait même pas. Elle avait choisi cela !

Et toi, tu as grandi ici ?

Elle finit son verre, tira une chaise et s'installa, accoudée à la table.

When someone wants to save you
From a ginger army

Il la regarda en souriant ; finalement, Lucy ne sentait plus malvenue ici, et en venait même à espérer qu'il appréciant sa compagnie. Lorsqu'il lui proposa de la resservir, elle hocha la tête vigoureusement. Mais elle savait que si elle continuait à boire comme ça, il allait falloir qu'elle squate ses toilettes en plus de sa cuisine ! Il la servit, et elle trempa ses lèvres dans l'eau fraîche tout en le regardant. Il s'était adossé au réfrégirateur, et il lui répondit.

Disons que ça fait seize ans qu'on s'est installé ici, quand j'avais deux ans si je me souviens bien, alors je peux dire oui, j'ai vécue mon enfance ici et mon adolescence...

Elle acquiesça. Il avait donc vécu quasiment toute sa vie ici. Il devait en savoir des choses dans le quartier, il avait du en entendre des potins. Elle n'était là que depuis un an et demi, et déjà elle avait compris dans quel genre de quartier elle était tombée. Elle espérait juste ne rien avoir à faire avec Dirty Secret !

Au fait, il fait quoi ton frère dans la vie ? Je le vois quasiment jamais !

Il était vrai que la seule personne de cette maison que Lucy voyait régulièrement, c'était Sebastian. Et pourtant, elle ne le croisait pas si souvent que ça puisqu'aujourd'hui était la première fois qu'ils dépassaient le stade du "ça va ?"

Knock, knock, knocking
On heaven's door

Ni Sebastian, ni Lucy n'étaient très bavards. Cela ne dérangeait pas la jeune fille, elle aimait le silence et les discussions posées. La maison dans laquelle ils se trouvaient était calme et silencieuse, cela lui plaisait. Chez les Wainwright, c'était tout autre chose: il y avait tout le temps quelqu'un qui jouait du piano. Et puis avec trois enfants, et une locataire, il y avait forcément du bruit un peu tout le temps ! Sebastian lui parla de son frère, pour répondre à ses interrogations: il lui apprit qu'il passait le plus clair de son temps à la fac, ou en soirées. Cela n'étonnait pas Lucy, elle menait un peu cette vie là aussi, lorsqu'elle était toujours étudiante. Elle acquiesça silencieusement, ne sachant pas quoi rajouter. Alors il lui demanda comment, elle, occupait son temps libre. Cette question la laissa perplexe, elle ne savait oas exactement quoi répondre. Quelques secondes s'écoulèrent, et puis elle prit la parole.

Hm... Je bosse. La journée, sauf le dimanche. Chez les Wainwright, tu dois le savoir ? Je donne des cours de soutien à Balthazar, le plus jeune. Je m'occupe des tâches ménagères aussi, depuis que j'ai emménagé. Et... je suis la tourneuse de pages attitrée, aussi, puisque tu dois savoir que ce sont tous des pianistes dans cette famille !

Elle sourit en prononçant ces derniers mots. Lucy n'avait pas grand chose à raconter, à vrai dire. Elle se souvint qu'il lui avait aussi demandé ce qu'elle faisait de ces soirées.

Et le soir, en semaine, je ne fais rien de particulier. Je me repose, je regarde des films avec les filles, je lis... Et puis j'évite de me coucher trop tard aussi ! Le week end je sors, des fois. Rien de palpitant tu vois !

Elle avait dit cela en rigolant, et puis lui demanda comment se passaient les cours pour lui. A la fin de sa réponse, elle prit l'initiative de se lever. Il était près de 17 heures et Maman Wainwright n'allait pas tarder à rentrer. Elle se rappela, qu'en plus, elle avait laissé la porte d'entrée ouverte. Elle lui dit qu'elle devait s'en aller, le remercia pour l'accueil et repartit chez elle.