Kennedy et Jersey

Jersey ne se trouvait pas narcissique, ni prétentieuse. Non, elle savait juste qu'elle était belle. Elle ne connaissait aucun complexe, et aimait son corps. C'est donc avec joie qu'elle se rendait à la piscine municipale. Là bas, elle pourrait se pavaner dans son petit bikini, et montrer à tout le monde combien elle était parfaite, dans le moindre détail. Dans son immense penderie, elle choisi un simple maillot de bain deux pièce noir. Et sans même se regarder une dernière fois dans le miroir, elle sortit de chez elle, en direction de la piscine municipale sur la Sheppard avenue. Elle devait y retrouver Kennedy Smith.
Celle-ci était du genre un peu trop discrète, peu à l'aise dans son corps, et même dans sa vie. Elle ne voyait jamais Jersey dehors, de peur de tomber sur des paparazzo. Quand le célèbre top model lui avait d'ailleurs proposé cette sortie, Kennedy avait accepté d'un ton hésitant. Notre belle brune n'ignorait pas que son amie avait quelque peu peur de se retrouver en maillot de bain devant tant de monde. C'est pourquoi elle avait décidé de tout faire pour lui prouver qu'elle n'avait vraiment pas de quoi complexer.
Jersey était un peu en avance, et sentait que Kennedy n'allait pas tarder. Elle l'attendit un moment devant l'entrée de la piscine, mais celle-ci n'arrivant toujours pas, elle décida de l'attendre à l'intérieur.
Elle se dirigea alors vers les vestiaires, et se changea dans une des cabines. Elle déboutonna son chemisier en soie, le retira, puis fit glisser sa petite jupe noir le long de ses jambes. Elle n'avait pas mis de culotte pour ne pas faire plis, et seule un soutient gorge rose pale recouvré alors sa jolie poitrine. Elle le retira doucement. Puis, elle put enfin enfiler son bikini noir. La voilà prête pour nager.
Kennedy n'était apparemment toujours pas arrivé. Jersey lui envoya un message, la prévenant qu'elle serait sûrement déjà dans l'eau quand elle arriverait. Puis, la jolie brunette sortie de sa cabine.

Il n'y avait pas beaucoup de monde aujourd'hui à la piscine. Tant mieux, Kennedy se sentirait plus à l'aise. Elle s'assit au bord de la piscine, et observa les gens qu'il y avait. Deux hommes étaient en train de la mater, en face. Elle fit comme si de rien était, les ignorant royalement. Étrangement, les garçons intéressaient peu Jersey. Pourtant, on ne comptait plus le nombre de jeune homme, ou même de vieux, qui fantasmait sur elle. C'était ça la vie de mannequin, sans doute.
Soudain, des petits pas hésitant la firent sortir de ses songes. Elle se retourna, Kennedy était là. Alors, un immense sourire vint s'installer sur son visage.

« Te voilà enfin ! »

Puis observant la jeune femme dans son maillot de bain, elle lui dit :

« Tu es resplendissante, mon chou. »

C'était sincère. Kennedy était vraiment une jolie jeune femme. Peut être pas autant que Jersey, mais quand même, elle n'était pas mal du tout.

« Today is gonna be the day that they're gonna throw it back to you. » C'était les écouteurs vissés aux oreilles que la douce Kennedy avait enfourché son vélo de bon matin. Elle se rendait à la piscine municipale, où l'attendait la sublime, la fameuse, la parfaite Jersey Livingstone. Elle la jalousait un peu, c'est vrai. C'était fou comme la vie faisait bien les choses pour certaines personnes. La jeune femme semblait cumuler tout: le bonheur, la célébrité, l'argent, le talent, la gloire, la joie de vivre... L'amour peut-être lui manquait? Elle n'en savait rien. Les deux jeunes femmes se confiaient souvent l'une à l'autre. Le plus souvent, c'était Kennedy qui racontait ses malheurs à la jolie brune. Mais il arrivait que cela marche également en sens inverse, et que Jersey lui conte sa vie de célébrité adulée par les foules. Kennedy avait appris de sa bouche qu'il y avait des bons, mais aussi des mauvais côtés à la gloire. Pas un instant de répit. Même à la piscine, les gens la reconnaissaient. Mrs Smith s'était toujours dit qu'elle n'aurait jamais supporté ce genre de train de vie. Garder l'anonymat était une chose précieuse et essentielle à ses yeux, nécessaire pour garder un semblant de paix.

Se faufilant à travers les nombreuses automobiles, Kennedy avait failli se faire percuter quelques fois par des voitures peu avenantes. En même temps, les écouteurs crachaient leurs notes de musique à plein son dans ses oreilles, et elle n'était pas toujours en mesure d'entendre les klaxons et autres mouvements de la circulation alentour. Ce manque d'inattention avait bien failli lui coûter la vie quelques instants auparavant, mais qu'importe, elle restait confiante. Au fond d'elle, elle savait qu'il ne lui arriverait rien de mal, aujourd'hui. Comment en était-elle si sûre? Elle n'en avait pas la moindre idée. Mais elle en était bel et bien certaine.

Une fois arrivée au complexe municipal, Kennedy s'était précipitée dans les cabines, réalisant qu'elle était un peu en retard. Assez à cheval sur les horaires, elle privilégiait d'habitude la ponctualité à l'apprêtement. Mais voilà, on ne pouvait pas toujours prévoir le flux de circulation, et il s'avérait qu'aujourd'hui, tout le monde était de sortie sur les routes! Après s'être déshabillée et avoir enfilé à la hâte un bikini bicolore noir et blanc, elle s'était dirigée près du grand bassin. Elle avait reçu une minute plus tôt un message de Jersey lui indiquant qu'elle l'attendait déjà dans l'eau. Mince, elle était vraiment en retard.

Elle ne se sentait pas tout à fait à son aise, à moitié nue devant tant d'inconnus. Il n'y avait pas foule en ce jour, c'était déjà ça. Kennedy aurait aimé s'enrouler dans une serviette pour cacher quelques petits bourrelets disgracieux, mais manque de chance, elle l'avait oubliée dans la cabine. Quelle tête en l'air. Elle était maintenant tout près de son amie.

« Resplendissante? Oh, je n'en demandais pas tant, tu sais. »

Répondit-elle à voix basse, en s'asseyant sur le bord du bassin, plongeant ses jambes dans l'eau jusqu'aux genoux. Elle remarqua immédiatement les regards insistants de deux hommes pas vraiment de leur âge qui regardaient en leur direction. Évidemment, ces coups d'œils étaient adressés à Jersey. Lorsqu'elle était en la compagnie de son amie, Kennedy était toujours éclipsée. Elle se sentait parfois un peu invisible à ses côtés.

« T'as l'air de leur plaire pas mal. »

Lança-t-elle sur un ton amusé, en faisant un petit coup de tête discret en direction des deux allumeurs.

Jersey lança un regard froid aux deux hommes qui la fixait.

« Oui, j'ai remarqué.. »

Elle se décida à entrer complètement dans la piscine. Elle frissonna entrant entièrement ses jambes dans l'eau.
Elle sentait les yeux des deux allumeurs qui l'a toisait, en face. Cela la rendait mal à l'aise. C'était son point faible, les pervers, les allumeurs,... Ces mecs qui ne pense qu'à se la faire, parce qu'elle était "bonne". C'était étrange de voir cette jeune femme habituellement si sûre d'elle, se raidir soudainement à cause de ces deux mecs.

« Ils me dégoutent... Dans ce genre de moment, j'aimerais vraiment ne pas être moi, Jersey Livingstone, le mannequin. »

Parfois, l'anonyme lui manquait. Partout où elle allait, on l'a reconnaissait. On venait l'embêter pour lui demander un autographe, ou bien pour prendre un photo avec. Même dans le quartier ! L'autre fois, Kiera Cleavers, une voisine, est venue la voir pour lui demander un autographe. Elle avait bien sûr accepté, le sourire au lèvre, mais en réalité, ça l'embêtait un peu. Magnolia Cresent était, elle le croyait, le seul endroit où elle était vraiment elle. Le seul endroit où elle n'entendait pas des "Mon dieu, c'est Jersey Livingstone ! Le mannequin !". Mais finalement, n'importe où, où elle allait, on la reconnaitrait et on s'extasierait devant elle. Difficile à croire, mais c'était lourd au bout d'un moment !
Un soupir lui échappa en pensant à tout ça. Et ces deux hommes qui continuait à la mater... Elle aurait aimer pouvoir leur lancer des insultes, pour qu'ils regardent ailleurs, mais elle n'avait pas envie de se faire remarquer, et puis elle avait une réputation à garder.
Jersey décida alors de leur tourner le dos, et de faire face à Kennedy. Occupons nous d'elle ! Elle lui tira le bras, l'incitant à la rejoindre dans la piscine.
Tout en observant son amie, elle lui trouva une petite ressemblance avec cette chanteuse, là, Katy Perry. C'était flagrant.
Kennedy se décida enfin à entrer dans la piscine au côté de son amie. Celle-ci l'éclaboussa, avant d'aller entièrement sous l'eau, et d'en ressortir deux ou trois mètres plus loin.
Elle lança à nouveau un regard vers l'endroit où se trouvait les deux hommes, ils étaient toujours là, leurs regards toujours posés sur elle. Alors, plus aucune trace de joie ne se vit sur le visage de la jolie brune.

Kennedy ne mit pas longtemps à entrer dans l'eau froide qui lui donna la chair de poule. Après tout, quand l'eau la recouvrait jusqu'aux épaules, personne ne pouvait voir son corps. Elle était très mince, car elle ne mangeait pas beaucoup. Mais, justement elle se trouvait un peu trop mince. On est jamais content de ce qu'on a, n'est-ce pas? Mais ce dont elle était le plus complexée, c'était cette tache de naissance, là, sur sa cuisse gauche. Elle n'était pas énorme, mais si l'on s'attardait sur cette partie de son corps, cela pouvait quand même se remarquer. Elle, évidemment, faisait une fixation là-dessus, alors que ce n'était pas la fin du monde pour tous les autres qui l'avaient déjà vue en maillot de bain. Mais bon, il n'y avait pas que cela. Elle n'aimait pas se montrer presque nue devant quiconque d'autre que son mari. Voilà, elle ne se sentait pas à l'aise sans vêtement, c'était comme ça.

Elle entra donc doucement dans l'eau, d'autant plus que son amie la tirait par le bras pour lui dire de la rejoindre. Kennedy émit un petit cri tellement l'eau lui glaçait la peau. Elle sortit les bras hors de l'eau et les agita.

« La vache, ils pourraient un peu chauffer l'eau, quand même.. »

Magnolia Crescent était une ville suffisamment riche pour pouvoir se permettre d'investir dans une piscine chauffée, tout de même! Ou bien était-ce elle qui était excessivement frileuse? Elle s'avança près de son amie qui avait piqué une tête un peu plus loin, se rapprochant dangereusement des deux hommes. Roh, qu'est-ce qu'elle foutait là-bas? Elle venait de lui dire que les deux pervers la dégoutaient, mais tout ce qu'elle voulait c'était qu'ils l'abordent, ou quoi? Ah, les joies de la célébrité. Jersey lui avait confié que, souvent, elle aimerait ne plus être Jersey Livingstone, la mannequin populaire. Kennedy n'avait pas tout de suite réagi à sa remarque, mais, une fois près d'elle, elle lâcha, la tête baissée:

« Et moi, c'est clair que parfois j'aimerais être autre chose que Kennedy Smith, la pauvre femme au foyer bonne à rien et ruinée qui n'intéresse personne. »

Peut-être s'était-elle exprimée sur un ton un peu trop sec, mais ce n'était en aucun cas un reproche vis-à-vis de son amie. Seulement, dans cette réplique on ressentait parfaitement la lassitude d'une vie banale, et la jalousie à l'égard d'une amie qui a mieux réussi qu'elle. Par rapport à Jersey, elle se sentait si peu désirable, parfois. C'est vrai quoi, elle n'avait rien que les autres puissent lui envier. Certes elle était mignonne et elle vivait sous le toit d'une femme immensément riche, mais cela ne faisait pas tout. Elle n'avait rien fait pour être jolie, et puis elle n'était pas non plus le canon du quartier. Quant à cette maison et cette fortune, elles ne lui appartenaient même pas. C'était sa belle-mère et son beau-frère Holden qui les possédaient. Elle, n'avait rien. Elle, était ruinée. Elle, était désespérée.

C'était une reproche, ou... ? Jersey avait bien le droit de se plaindre elle aussi. A vrai dire, se faire envier par tout le monde c'était loin d'être drôle. On ne reconnaissait plus ses vrais amis, il y avait ceux qui trainaient avec elle par intérêt, pour être ami avec une célébrité et espérer alors connaître quelques opportunités, et ceux qui étaient sincères. Kennedy, elle, faisait de la deuxième catégorie, enfin c'est ce que pensait Jersey. C'était une véritable amie, de fait, elle détestait être avec Jersey en public, ce qui n'était pas plus mal.
Mais parfois, Jersey, depuis sa vie de mannequin célèbre, jalousait la vie de Kennedy, elle qui s'en plaignait tant. La raison ? Elle n'était peut être pas célèbre, mais elle au moins avait connu l'amour de sa vie, elle avait un mari, plutôt pas mal, du reste. Jersey, elle, vivait encore avec ses parents et ses frères. Elle détestait sa mère, son père était un soumis, ses frères restaient la seule chose qu'elle appréciait réellement chez elle. Après, peut être que Jersey se trompait, peut être que la vie de Kennedy n'était pas si jolie, et vu comment elle semblait s'en plaindre. Mais qu'est ce qui pouvait faire de Kennedy une personne si déprimée ?
Jersey n'en savait trop rien. Personne n'était réellement clean dans ce quartier, après tout. Les gens semblaient tous cacher quelque chose.

▬ Ce que j'aimerai échanger ma vie avec la tienne, le temps d'une journée, par exemple. Juste pour voir, comment c'est d'être mon parfait contraire.

Jersey dit cela en espérant ne pas vexer son amie. L'ainée Livingstone était parfaite, alors dire à quelqu'un qu'on était son contraire c'était assez.. osé, non ? C'était comme dire qu'on était bourré de défaut. Mais notre jolie brune n'était pas si irréprochable que ce que l'on pouvait croire. Elle était autant bourrée de défauts, que de qualités. Et, malgré son immense estime de soit même, la jeune femme le savait bien, et ne le niait absolument pas. Après tout, personne n'était parfait, y comprit Jersey.

Échanger leurs vies? La blague. Si Jersey était plus ou moins malheureuse dans sa vie, elle ne pourrait jamais l'être autant que Kennedy, songeait-elle. Cette dernière avait certes un mari qu'elle aimait. Mais c'était à se demander si c'était réciproque. Elle s'était toujours trouvée assez peu intéressante depuis bien longtemps. Qu'est-ce que Mark avait alors bien pu lui trouver ? Elle n'était pas riche, ni excessivement canon, ni puissante, ni célèbre, ni.. Alors quoi? Nul doute qu'il lui vouait une affection sans faille depuis qu'ils se connaissaient, c'est-à-dire depuis le lycée. Ils avaient été amis, avant d'être amants. Mais, aujourd'hui, Kennedy doutait de l'amour de son compagnon. Peu importe, de toute façon, elle n'avait personne d'autre à qui se raccrocher vraiment, amoureusement parlant..

Kennedy leva la tête l'espace d'un instant, et elle croisa du regard le temps d'une seconde une jeune fille du voisinage. Elin Hamilton, petite soeur de son amie Heather. Celle-ci semblait être une belle garce, même si la brune ne la connaissait vaguement que de vue. Une pensée lui traversa l'esprit. Peut-être qu'avoir un enfant ferait que Mark s'intéresserait un peu plus à elle, lui accorde un semblant d'attention. Et ça l'occuperait, elle s'ennuierait sans doute moins dans sa vie. Kennedy n'était pas une femme active, mais il était vrai que d'aller faire les courses, regarder un peu la télé, manger, boire et dormir , c'était limité comme activités. Fallait changer de disque, à la fin. Et puis, si elle était mère, au moins elle compterait pour quelqu'un. Elle avait l'impression qu'elle soit là ou non, cela ne changerait la vie de personne. Pas même celle de Mark, qui à vrai dire n'avait plus grand-chose à faire d'elle depuis plusieurs années déjà, ayant laissé s'échapper la passion des premiers mois loin derrière eux. Quant à ses parents, n'en parlons pas. Peut-être qu'elle exagérait un peu les faits, mais c'était son ressenti.. Si elle avait un gosse, là au moins, quelqu'un aurait besoin d'elle. Enfin. Comme l'imageait si bien ce bouquin qu'elle avait entamé la veille, elle aimerait tant que quelqu'un l'attende quelque part.

« Tu voudrais échanger ta vie contre la mienne? Tu veux vraiment savoir ce que ça fait d'être malheureuse 24h sur 24 et de ne jamais compter pour personne? D'être épuisée par la vie qui ne t'a jamais fait de cadeau? De se sentir abandonnée et terriblement seule, et personne à qui parler? Si c'est ça que tu veux, pas de souci, on échange nos vies. »

Lâcha-t-elle d'un seul souffle.

Jersey resta silencieuse devant ce que venait de déballer soudainement son amie. Elle ne pensait pas que Kennedy pouvait détester à ce point sa vie. Après tout, Jersey ne pourrait jamais comprendre. C'était une chanceuse, tout ce qu'elle entreprenait, elle le réussissait. Enfin, seul deux trois trucs clochaient chez elle, mais ça, n'en parlons pas. Bien que sa vie ne soit pas tout à fait aussi parfaite que l'on puisse le penser, le mannequin essayait de toujours paraître heureuse.
Mais, elle se demandait vraiment ce qui pouvait rendre son amie si malheureuse. Elle aimait beaucoup Kennedy, mais, bien qu'elle savait que ce n'était plus l'amour fou avec Mark, elle ne comprenait pas pourquoi la jeune femme ne se lâchait pas un peu. Si son mari ne faisait plus attention à elle, eh bien tant pis ! Elle pourrait toujours aller voir ailleurs et si le jeune homme l'aimait vraiment, il ne la laisserait certainement pas filer.

▬ Pourquoi es-tu toujours aussi malheureuse ? On a tous des problèmes, tu n'es pas la seule, et ce n'est pas en te laissant morfondre dans ton coin que tu seras plus heureuse..

Jersey fronça les sourcils, elle appréciait sincèrement Kennedy, mais elle avait du mal à la comprendre parfois. Bien que le mannequin puisse paraître assez égoïste comme ça, elle espérait depuis un certain temps que tout aille mieux dans la vie de son amie. Mais, rien n'y changeait, et celle-ci restait toujours aussi déprimante.

▬ Kennedy, sache que moi en tout cas, je ne t'abandonnerais pas. Si tu as besoin de parler, je serais toujours là.. Et tant que je serais de ce monde, tu ne sera jamais seule.

Jersey dit cela en toute sincérité. Elle n'abandonnerait jamais son amie. Elle était peut être narcissique, mais elle n'était pas égoïste. Elle savait ce que voulait dire amitié, amour, et ceux à qui elle en accordait, elle ne les laissait jamais tomber.

Kennedy n'aimait pas vraiment parler de ces problèmes.. En fait, elle préférait tout intérioriser en elle, au risque d'exploser au bout d'un moment. Cela se voyait déjà suffisamment à sa façon de se comporter et sur son visage qu'elle était malheureuse, mais elle ne voulait surtout pas que les gens éprouvent de la pitié, de la compassion, ou quoi ce soit de débile dans le genre.. Non, elle détestait vraiment s’apitoyer sur son sort. Pourtant, cela lui faisait vraiment du bien, parfois. Il lui arrivait de se confier. Mais lorsque cela arrivait, les rares personnes qui avaient ce privilège pouvaient être sûres que Kennedy leur accordait toute sa confiance.

Lorsque Jersey lui demanda les raisons de sa tristesse, elle ne sut que répondre. Elle ne savait en fait pas vraiment si elle vouait une totale confiance en son amie. Elle était célèbre, et elle devait sûrement avoir l'habitude que tout le monde l'adore et lui confie plein de trucs en l'air. Kennedy, elle, restait méfiante même avec les gens qu'elle apprécie. Et puis, Jersey avait certaines fois des réactions si étranges.. Comme tout à l'heure justement, lorsqu'elle lui a insinué qu'en gros sa vie était bien meilleure que la sienne, qu'elle était plus jolie et tout le tralala.. C'était certes une drôle d'amitié, et Kennedy ne sut décider si elle percevait de la sincérité ou de l'hypocrisie curieuse dans la voix de son interlocutrice. Pourtant, elle aurait aimé la croire.

« Tu sais, je crois qu'on a tous nos problèmes.. Mais tu vois je préfère pas en parler. C'est assez douloureux comme ça.. »

Kennedy espérait qu'elle comprendrait. Elle s'attendait à ce que celle-ci lui sorte un discours du genre « non mais tu sais, moi tu peux tout me dire », et tout le reste qui va avec. Mais cela ne serait pas suffisant.

« Mais merci.. »

Jersey toucha alors profondément la brune lorsqu'elle lui promit qu'elle serait toujours là pour elle, et qu'elle ne l'abandonnerait jamais. Peut-être était-elle une vraie amie, en fin de compte ?

Jersey sourit à son amie quand celle-ci la remercia.


« De rien.. »


Cette fois-ci le mannequin avait été plus que sincère. Depuis sa récente célébrité, la jeune femme avait enchaîné les nouvelles amitiés, et disposait maintenant d’un grand nombre d’amis. Mais quand on était célèbre il était dur de différencier les vrais et faux amis. Beaucoup d’entre eux ne se liaient qu’à Jersey pour sa célébrité, espérant en connaître de même par la sorte.
Avec Kennedy c’était diffèrent, Jersey savait très bien que celle-ci ne recherchait la notoriété que pourrait lui procurer le mannequin. De fait, son amie n’aimait pas trop trainer en public avec, de peur de se faire harceler par les fans ou même par des paparazzo à la recherche de potins. C’était un peu pour cette raison que la jolie brune portait haut Kennedy dans son cœur. Parfois elle avait beau se comporter d’une manière détestable avec, elle aimait vraiment son amie. Mais peut être celle-ci ne s’en rendait pas toujours compte…


« Tu sais, mes paroles étaient sincères, crois-moi.. »


Elle commençait un peu à avoir froid dans l’eau, faire quelques longueurs la réchaufferait. Elle regarda néanmoins du côté où se trouvaient les deux mateurs de tout à l’heure. Ils avaient disparus, ce qui rassura la brunette. Puis se tournant vers son amie, elle lui dit :


« On se fait quelques longueurs ? Je commence à geler moi… »


Sans même que son amie lui ai répondu, elle s’élança dans l’eau, commençant à nager pour de bon.
Alors qu’elle essayait de se concentrer sur sa nage, ses pensés s’évadèrent, revenant au sujet de Kennedy. A l’avenir, elle essaierait de s’améliorer, et de moins se montrer vexante, ou quoi, avec. Jersey se connaissait, et bien qu’elle puisse se montrer adorable, elle était quelque peu narcissique et prétentieuse.

Concentrée sur sa nage, Jersey était réellement détendue. Autrefois, la natation était un de ses sports favoris, qu’elle pratiquait d’ailleurs souvent après les cours. C’était un peu grâce à ça qu’elle avait réussi à se sculpter ce corps de rêve, dont elle était maintenant l’heureuse propriétaire. Pourtant, depuis son départ pour sa vie de mannequin elle ne s’était plus beaucoup vouée à cette passion. C’était dommage, elle qui aimait tellement ça avant. Ce retour à Magnolia lui permettrait peut être de reprendre goût à ce sport, qui sait ?

Les deux jeunes femmes s’installèrent au rebord de la piscine, du côté du grand bassin. Alors que Jersey n’y pensait plus du tout, Kennedy lui parla des deux hommes qui les regardaient tout à l’heure. Le mannequin balaya la piscine du regard, rassurée de ne plus les voir, mais soudain son attention s’arrêta sur deux mecs assis au bord de la piscine, et qui les, ou plutôt la, regardaient. Les mêmes que tout à l’heure.
Un frisson parcouru le corps de la belle, tandis que ses yeux paniqués croisèrent ceux de son amie. Celle-ci semblait avoir elle aussi remarqué leur présence.


« J’avoue que ça ne me rassure pas du tout… »


Jersey avait une réelle peur des types de ce genre, des mateurs qui ne pensaient qu’à ce qui se trouvait en dessous de son maillot de bain. Et son métier de mannequin lui compliquait bien la vie. Qui sait combien de mec fantasmait sur son corps en l’apercevant dans un magazine, ou bien sur une affiche dans le métro ? Sérieusement, ça lui foutait la chair de poule. Elle regrettait même parfois d’être devenue top model, avant, elle n’avait jamais réfléchi à ce genre de problème. Bon, pour l’instant elle n’avait encore jamais rencontré d’harceleur fanatique… Enfin, du moins c’est ce qu’elle aurait voulu.


« J’ai vraiment horreur des types de ce genre.. » confia-t-elle à son amie, d’une voix chancelante.


La Jersey si sûre d’elle venait de s’en aller, laissant place à une Jersey beaucoup moins rassurée. Elle lançait des regards à Kennedy, cherchant du réconfort, ou peut être de l’aide. Bien qu’au fond, elle se doutait que la jeune Smith ne pouvait rien pour elle.


« Je ne pense pas que l’on devrait rester ici, à vrai dire, ils commencent réellement à me faire flipper.. »


Les deux hommes semblaient remarquer la panique qui prenait peu à peu la jeune femme. Bientôt, elle les vit se lever de leurs chaises, en la regardant. Elle ferma les yeux préférant ne pas connaître la suite…

Malheureusement, bien que Jersey sans doutait, Kennedy n’était pas Superwoman, elle n’avait pas sortit sa cape d’héroïne, et ne s’était pas servi de ses supers pouvoirs pour sauver son amie en pulvérisant les deux voyeurs. Kennedy, ne faisait que peu honneur à son prénom, elle était tout aussi paniqué que Jersey. A sa place, John Fitzgerald Kennedy serait sans doute sortit de la piscine pour défendre la belle, en bon gentleman qu’il devait être. Mais la jeune Smith ne ressemblait en rien à ce bon vieux Jack, et d’ailleurs c’était – jusqu’à preuve du contraire – une femme. Mais tout de même, elle restait de bon conseil.


« Tu as raison, vaut mieux les ignorer… »


Sa voix chancelait, et le corps de la jeune femme était maintenant sous l’emprise de tremblements. Son amie lui pressa le bras, ce qui la rassura quelque peu. Mais, un bref coup d’œil vers les deux hommes lui suffit pour la faire angoisser de plus belle. Ils s’approchaient, ils la fixaient telle une proie, comme si elle avait été le gibier d’un chasseur. Et pourtant non ! Jersey n’était pas un chevreuil, et ces deux hommes ne tenaient pas de fusilles. Seulement, ceux qu’ils avaient à l’emplacement de leur entre jambes suffisaient à faire paniquer la demoiselle.
Ils marchaient donc en direction des deux jeunes femmes, et bientôt ils furent assez proches pour démarrer une « conversation ». L’un deux lança, plus à l’attention de Jersey qu’à celle de Kennedy :


« Alors mes poules, on peut se joindre à vous ? »


Jersey ne répondit rien, elle regardait les deux hommes avec tout autant de panique, voir plus, que précédemment. Elle attendait que Kennedy réagisse, mais celle-ci n’en fit rien. Le deuxième homme prit alors la parole :


« Bah alors ? On dit rien ? On vous fait peur peut être… »


Ce dernier lâcha ensuite un rire, et son ami l’imita. Qu’on la drague pouvait faire peur à Jersey, mais qu’en plus on se foute de sa gueule, c’était inadmissible ! Pourtant, face à deux pervers de ce genre, la jeune Livingstone était totalement dépourvue de répartie, et les seuls mots qu’elle réussit à formuler furent :


« Lai… laissez nous tranquille ! »


Elle lança ensuite un regard à Kennedy, la suppliant en celui-ci de faire quelque chose. Espérons qu’elle comprenne le message…

Visiblement, les deux brunes étaient apeurées autant l'une que l'autre. Elles ne savaient pas comment réagir toutes les deux, et étaient pétrifiées. Pas une pour rattraper l'autre ! Elles étaient vraiment dans une situation terrifiante. Kennedy aurait imaginé Jersey plus sûre d'elle que ça. Elle-même n'était déjà pas bien courageuse, dès qu'il lui arrivait le moindre truc, elle faisait sa peureuse. Déjà le moindre fait de traverser un couloir dans le noir, même accompagnée, lui fichait une peur bleue, c'était pour dire.. La jeune femme était sortie de l'eau, entrainant son amie avec elle. Mais les deux lourdeaux n'avaient pas lâché l'affaire pour autant. Ils s'étaient même approché des deux amies, et leur avait adressé la parole. Kennedy avait alors enroulé la serviette autour d'elle, cachant son corps de la vue de ces deux pervers. Elle n'osait même pas les regarder dans les yeux, et avait détourné le regard immédiatement, laissant la pauvre Jersey les affronter seule. Qu'elle était lâche..

Kennedy, toujours le regard fuyant, avait empoigné le poignet (xD) de la mannequin, l'attirant plus loin en direction des vestiaires. Elle marchait vite, mais bien vite elle s'aperçut que cela ne servait à rien. Les deux bonhommes étaient eux aussi sortis de l'eau et les avaient suivies, toujours avec des idées plein la tête. Son cœur battait à toute allure. Que pouvait-elle bien faire? Elle allait pas non plus courir et s'enfuir au loin, ça ne servirait à rien, elle allait pas sortir dehors à poil, enfin en maillot de bain, et puis même, c'était glissant. Ce serait débile et inconscient.

La jeune femme se contenta seulement de soupirer. Ce qu'elle aurait aimé avoir de la confiance en soi, et ne pas se poser toutes ses questions qui la hantaient, ce qu'elle aurait aimé ne jamais se laisser marcher sur les pieds et toujours prendre ses décisions par soi-même. Mais cela faisait déjà 24 ans que cela durait comme ça, et elle ne pouvait pas changer de comportement du jour au lendemain, les gens avaient l'habitude de voir Kennedy Smith en tant qu'épouse sage et muette. Et puis même si elle le voulait, elle n'aurait pas la force de changer. Chassez le naturel, il revient au galop aussitôt. La jeune femme, désespérée, se surprit alors à penser à son film préféré. Eh oui, elle aurait tant aimé avoir le courage de Brice de Nice. Elle avait tellement d'admiration pour cet homme qui ne se laissait jamais démonter et qui, au contraire, démontait les autres en deux secondes. Jamais il ne lui était arrivé de ridiculiser quelqu'un en public, c'était toujours elle la victime dans les histoires, peut-être parce qu'elle ne portait ni perruque blonde ni t-shirt jaune fluo. C'est alors que, animée d'un courage sans nom, Kennedy lâcha une réponse cinglante à la figure des deux "agresseurs":

« Ecoutez, laissez tomber. Pour nous, vous êtes comme le c cédille de surf, vous n'existez pas. »

Et bam. Ca leur avait cloué le bec, ça! Puis, sans un mot, les deux amies s'étaient dirigées à vitesse grand V vers les vestiaires, se changeant en vitesse. Elles étaient toujours aussi effrayées et n'avaient même pas eu le courage d'échanger un sourire. Ce n'est que devant la sortie de la piscine que les deux jeunes femmes se regardèrent, avant d'éclater ensemble d'un même fou rire.

The End.