Encore une journée difficile, enfin la nuit n'avait pas été mieux non plus. En ce moment, Joy ne tenait pas super bien le coup. A vrai dire, elle ne sortait plus, elle ne couchait plus à gauche à droite et ne prenait pas de substances illégales... La brunette avait un remède, son petit ami, Dean Brown. C'était quelqu'un de génial, qui essayait de toujours comprendre mais parfois ce n'était pas suffisant. Perdre quelqu'un vous détruit à jamais... Bref, Joy avait finalement passé la nuit chez les Brown car elle ne supportait plus la solitude. Chez elle, personne ne parlait à personne donc rien ne pouvait aller, elle avait l'impression d'être seule en permanence. Bon, Joy devait bien avouer qu'elle avait un peu forcé cette situation puisque depuis la mort d'Alicia, la jeune femme ne voulait plus parlé à son frère avec qui elle était très proche auparavant... Quand à son père, il était trop déprimé pour pouvoir parler sérieusement...

La journée passa et Joy traîna avec Dean... Bon ils avaient énormément parlé pour que la brunette puisse penser à autre chose que la mort. Puis, son petit ami lui avait conseillé de voir peut-être une amie ou quelqu'un pour la soirée, pour qu'elle sorte un peu.... C'est ce qu'elle fit mais finalement, Joy s'était retrouvée devant le cimetière. C'était arrivée pas mal de fois ces derniers temps, bien qu'elle essayait de ne pas être vue ici... Elle se sentait trop faible, c'était une sensation insupportable.

Joy n'avait pas apporté de fleurs, elle ne le faisait plus. La brune s'était aperçue que quelqu'un d'autre en déposait donc... Enfin ce quelqu'un devait être Julian ou peut-être son père...
Quoi qu'il en soit, la silhouette frêle avança vers la tombe de sa mère là où elle s'agenouilla. Joy aurait voulu se mettre à pleurer, à hurler que c'était injuste mais elle n'y parvint pas, elle n'y parvenait plus tout simplement. Elle était juste fatiguée de devoir se battre sans personne autour d'elle. Bientôt une voix la fit sortir de sa rêverie.
« Je ne t'avais jamais vu là avant... Tu viens souvent ?  »

Elle leva le regard vers son frère mais ne répondit rien. Joy cligna des yeux puis changea d'horizon de vision. Son frère l'énervait, l'effrayait et elle n'avait pas besoin de lui, pas besoin de sa déprime et de sa connerie...

L'air n'était pas désagréable, rien de bien lourd ou de bien triste, étonnant quand on se trouve dans un cimetière, n'est-ce pas ? Oui, Joy était triste, c'était un fait mais rien n'était effrayant. La mort n'était pas présente.
La brunette éprouvait énormément de colère envers Julian, surtout à ce moment précis. Il ne pouvait pas lui foutre la paix, la laisser tranquille, juste la laisser se recueillir sur la tombe de leur mère ? Avant la mort d'Alicia, Joy avait toujours trouvé cela un peu stupide, une fois qu'on est mort, on est mort, mais à présent, le fait de rester en contact avec sa mère, de parfois se confier d'une manière ou d'une autre avec un être qui nous tient à cœur, cela aide... parfois, les cas sont trop désespérés.

Julian était toujours là, l'autre King aurait franchement espéré qu'il partirait et qu'il reviendrait à un autre moment mais non, il resta là. Pffff, jamais tranquille.
« Joy... Réponds moi, je ne vais pas t'engueuler, pas ici. Puis j'en ai pas envie.  ».

Évidemment, le plus âgé des deux King ne s'arrêterait pas en si bon chemin, cela faisait si longtemps qu'il n'avait plus adressé la parole à Joy... Il fallait dire que la brunette l'évitait un petit peu...

– Tu ne vas pas m'engueuler ? Tu crois que ça m'importe ce que tu vas faire ou ce que tu vas me dire ? J'ai le droit de venir ici autant que j'en ai envie, quand même ?

La brunette ne s'était pas énervée, elle avait dit ça tout calmement, un peu trop même. Joy n'avait pas envie de commencer à crier, à s'engueuler avec Julian pour Xième fois. C'était son frère, ok, mais tant qu'il ne lui parlait pas, tant mieux.. Car Joy n'oublierait jamais certaines choses...

C'était trop difficile de faire ça, être là à regarder une pierre tombale, avec le nom de votre mère gravée dessus. Le temps n'arrange pas les choses, en fait. La douleur ne s'atténue jamais, c'est un mensonge car le temps n'efface rien. Définitivement pas. Alicia King était belle et bien morte et rien n'atténuait la douleur de sa fille. Joy était sans cesse triste mais avec le temps, elle le cachait. Le problème c'était Julian qui ne cessait de faire remonter la souffrance, ce n'était plus possible car au fond d'elle, son frère lui manquait mais tellement d'images la laissait s'éloigner de lui. C'était une affaire compliquée. Une famille détruite.
Joy décida de se lever mais à peine s'appuya-t-elle sur ses deux petites jambes qu'elle retomba au sol, prête à pleurer. Même ça, elle n'y arrivait plus... Elle avait dû liquider le stock de larmes...

Cela faisait une drôle de sensation de regarder son grand-frère et ne voir qu'un étranger en lui. Les souvenirs s'étaient-ils dissipé ? Ils avaient grandis ensemble, ils s'aimaient mais pourtant la mort d'un être cher les avait complètement séparé. Joy qui croyait qu'un frère c'était pour la vie.
« Je suis pas venu là pour t'engueuler Mademoiselle King ! Je te parle pas de ça bordel ! Tu le fais exprès ou tu réfléchis pas ?! Je viens de te dire : Il faut qu'on parle ! Parler n'est pas le synonyme de gueuler dessus. Alors tu vas te calmer et réfléchir à ce que tu viens de dire et te remémorer mes paroles avant de me crier dessus Joy ! »

Une fois de plus, Julian lui fit la morale, il ne pouvait s'empêcher de se mêler de tout, de se croire supérieur à Joy. Il ne comprenait rien, il n'essayait pas. A chaque fois qu'ils devaient se parler, Joy savait que ça finirait en mal, que ça finirait en prise de moral. C'était plus qu'énervant et la King était fatiguée de devoir jouer à l'ignorance, à la garce avec Julian mais aussi avec leur père.

– Julian ! Tu ne fais que ça, me hurler dessus à chaque fois que tu me croises ! Tu me fais la morale tout le temps, je n'ai pas besoin de tes conseils, je n'ai pas besoin de ta supériorité mal placée ! Pourquoi tu fais ça ? Pourquoi Julian ? J'en peux plus de tout ça, j'en peux plus de cette situation... Le temps est tellement lourd. Julian...

Évidemment, Joy n'y arrivait plus, elle avait pourtant bien essayé mais le fait d'être sur la tombe de sa mère et de voir Julian ici en même temps qu'elle, ça lui faisait mal. La dernière fois que Joy avait croisé son frère ici, c'était le jour de l'enterrement de la triste Alicia.
« Dis moi, Joy, dis moi pourquoi tu as tant changé... J'en ai marre de ne pas savoir. D'accord j'en ai rien à foutre, tu vas m'en mettre plein la gueule, je m'en fiche. Mais tu vas me dire pourquoi tu réagis comme ça. J'en ai ras le cul de te voir changer de partenaire toutes les semaines... Tu crois que je ne suis au courant de rien ? Pourquoi tu as tant changé ? Pourquoi tu n'es plus la même ?!  »

Et bam dans la figure, en pleine face. C'était comme un coup dans le cœur, comme quelque chose qu'on remuait profondément dans une plaie béante.

– Oh oh ! Je t'arrête là. Tu ne sais rien, d'accord?? J'ai grandi c'est tout. Et puis si tu t'intérressais un peu à ta sœur, tu saurais qu'elle est en couple avec un gars formidable depuis cinq mois, cinq ! Ok ? C'est le seul qui réussi à me stabiliser, d'accord ? Mais ça, tu ne peux pas le comprendre hein ? Pourquoi ? Julian, notre famille est en miette, on a plus rien à nous... C'est terminé, .. maman n'est plus là.

Un vent glaciale fouetta le visage de Joy. Les cimetières avaient toujours tendances à être entre les courants d'air, c'était pour donner un sens macabre ou quoi ? Les paroles de Joy résonnèrent encore dans sa tête. Julian était à deux doigts de faire craquer sa petite sœur, effectivement, la jeune femme était prête à se confier à lui même si elle n'en avait pas envie, elle n'avait pas envie d'entendre ce qu'il avait à dire. Pourtant la jeune femme ne fuit pas, elle resta agenouillée devant la tombe de sa chère et tendre mère...

La vie était tellement étrange. Une famille heureuse et unie, un meurtre puis le vide total. Trois personnes qui ne s’adressent plus la parole, qui n’arrivent même pas à communiquer par SMS, rien. C’était terminé. Rien n’allait plus.
Joy était assise par terre et encaissa ce que lui disait Julian. Il se mettait en colère comme d’habitude. D’accord, la jeune King n’arrivait pas non plus à communiquer avec son frère mais elle en avait marre de ce genre de discussion qui n’avait aucun sens. Des engueulades encore et encore alors que Joy et Julian étaient si proche avant la mort de leur mère. C’est vrai que Joy se plaignait mais toutes les images du jour où Alicia avait été retrouvée étaient gravées dans l’esprit de la plus jeune des King.
« Hé oh miss je pleure à chaque remarque que l'on me fait ! Je pense que t'es plutôt mal placée pour me dire ça Joy King ! Tu crois que j'en ai pas marre moi aussi de toutes ces histoires à la con?! Tu te crois la plus malheureuse et la plus touchée par cette histoire putain ?! Je ne te crie pas dessus Joy ! Là oui ! Avant non ! Tu trouves toujours le moyen de me faire chier et de me faire te crier dessus ! Oh oui bien sûr après tu pleureras à chaudes larmes ! J'en ai marre de cette histoire, marre de tes conneries ! Et t'es moi je moi je commence à me taper sur le système. Tu ouvrirais les yeux un peu aussi ! »

Joy s’énerva. Elle essayait de ne pas se foutre en l’air, elle voulait que sa famille redevienne comme avant.

– Non mais oh ! Tu me saoules Julian. Arrête de me dire ce que je dois faire, on le sait tous ici, c’est toi qui souffre le plus, c’est toi le dérangé, l’instable. Sans sa chère petite maman. Tu sais quoi, tu devrais peut-être porter un panneau avec écrit : Je suis triste ou j’en ai marre de vivre ?

Joy se leva, elle avait un peu de mal à tenir debout mais valait mieux qu’elle parte. Se disputer sur la tombe de leur mère n’allait probablement pas changer les choses. C’était trop tard. Julian répliqua pourtant, Joy fit volte face et regarda son frère.

– Tu sais des choses sur moi ? Ah bon, vas-y parle alors, j’ai hâte de savoir. Pourquoi je suis comme ça avec toi ? T’es sûr que tu veux vraiment le savoir ? Tu ne te souviens pas ? Je n’ai absolument pas honte de toi ! Julian tu es mon frère, je t’aime ok ? Mais j’arrive pas à m’enlever ces putains d’images de la tête. A chaque fois que j’y repense, je te déteste un peu plus mais pourtant ça me manque tout ce qu’on avait avant. Mais tu peux pas comprendre, laisse tomber…

Joy se retourna et avança un peu puis se stoppa net. La brunette observa le cimetière et ne bougea plus. Au fond d’elle, Joy avait envie d’éclaircir cette histoire de famille…

Avoir un frère aussi chiant, Joy n’en voyait pas l’intérêt. Comme prévu, Julian lui balança un tas de truc à la gueule, les King n’avaient vraiment plus aucune dignité. Deux gamins en train de se disputer sur la tombe de leur défunte mère. N’est-ce pas un joli portrait de famille ?
« Et toi Joy, tu t'es vu ? Tu as vu dans quel état tu es à cause de ça ?! Et tu oses me dire que je vais le plus mal ? On dirait que ça te fait rien qu'elle soit morte ? Tu réagis comme si rien ne s'était passé ! Tu cours à tout les coins de rues pour faire je ne sais quoi ! Tu bois, tu sors, tu sais plus ce que tu fais ! T'es pathétique Joy, c'est tout ce que j'ai à te dire et me lance pas plus, tu regretterais sinon. »
Comme toujours, il fallait que Julian la menace. Avant la mort d’Alicia, une telle chose ne serait jamais arrivée. Julian et Joy qui se disputent impossible ! Mais voilà, la famille a soudainement explosée et les enfants King ne pouvaient même plus se voir en peinture.
Joy n’aurait jamais eu peur de son frère mais il suffisait à Joy qu’elle se souvienne de tout ce qui c’était déjà passé pour être totalement refroidie.

– C’était ma mère, Julian. Tu crois que ça ne me fait rien ? J’ai juste plus envie de souffrir, c’est tout. Tu me traites de pathétique mais c’est toi qui est en train de menacer ta sœur, je te signale. Tu feras quoi, hein ? T’aimerai que je disparaisse, pas vrai ?

Puis Joy marcha quelques mètres avant que Julian ne réplique de nouveau. Visiblement, son cher frère ne voyait même pas de quoi elle parlait. A croire que sa mémoire en avait pris un coup. Par contre, l’aîné des King n’hésita pas à achever sa petite sœur ou sa non-sœur s’il préférait. Il déraillait vraiment. Julian et Joy King qui ne sont plus frère et sœur… L’air de rien, il n’avait peut-être pas tort. Son frère passa à côté d’elle puis partit. Il n’allait pas fuir tout de même ? La fuite était l’un des passe-temps favoris des King.
Pendant quelques instants, Joy resta plantée là puis se décida finalement à courir après Julian, son non-frère. Avec tout son calme, la plus jeune des King dit :

– Julian, attend. On ne va pas fuir comme ça toute notre vie, quand même ? Ok, je ne suis plus ta sœur si ça te chante mais tu .. ne peux pas partir comme ça. Est-ce que tu te rends compte qu’on ne sait plus parler depuis la mort de maman ? Ne crois pas que tu es le seul à souffrir, personne ne t’a demandé de porter tout le malheur sur tes épaules. C’est juste que.. je n’arrive pas à m’enlever ce jour de ma tête.

Waouh, Joy n’avait pas élevé la voix une seule fois. C’était une chose très rare quand elle était avec Julian. Malheureusement, rien ne pourrait changer. Alicia n’était plus là et elle n’allait pas revenir. Quoi qu’il se passe chez les King, leur mère n’allait pas réapparaître même si Joy priait pour que ce soit le cas, rien de tel n’arriverait. Et les King auraient dû se serrer les coudes plutôt que de s’envoyer des pics à la figure tous les deux jours. Même si Joy n’était soi-disant plus la sœur de Julian, pour elle, il resterait son frère, malgré tout. Aussi pathétique soit-il, et puis on ne choisit pas sa famille..