Somewhere Only We Know

Et si je pouvais tout recommencer.. ferai-je tout pareil ? Referais-je les mêmes erreurs ? Assis sur le toit du garage à l'abri des regards et assez loin de ma famille pour ne pas avoir à les entendre, je regardais cette rue où je vivais depuis les premières années de ma vie. Je connaissais le moindre recoin et pourtant, je ne m'y sentais plus chez moi. Les raisons étaient toujours un peu les mêmes, la comédie dans laquelle m'entrainait ma mère, ce sentiment dérangeant que je ne pouvais pas être exactement celui que je voulais être sans vraiment savoir quoi changer ni comment. J'avais la tête pleine à craquer de doutes, de souffrances refoulées et de questions auxquelles je n'aurais jamais de réponses. C'était ca ma vie ? Rester assit à hocher de la tête quand ma mère le demandait, sourire aux voisins en assurant que tout allait pour le mieux et que mes parents se portaient à merveille ? Poursuivre les mensonges de mes parents et créer les miens ? Je soupirais bruyamment. Non, je ne voulais pas de ca, mais j'étais coincé dans cette vie tracée pour moi par des parents peut être trop exigeants à qui je n'osais pas dire non. Je repensai à ma jeune soeur qui n'était pas du tout comme moi et qui vivait sa vie pour elle, parfois, je l'enviais, pensant qu'il était trop tard pour moi, que je ne pouvais plus réagir. C'était stupide, je le savais bien. J'avais ma propre vie, celle sur laquelle mes parents n'avaient pas leur mot à dire, cette unique parcelle de vie où je pouvais faire ce que je voulais. La part de ma vie où vivaient mes amis, ces gens que j'avais choisi en quelques sorte pour avancer dans la vie et faire tout ce que l'on voulait. Ils étaient une part importante et non négligeable de mon existence. Sans eux, rien ne serait pareil, je le savais bien.
Une main m'attrapa le bras et je me retournai brusquement. Moi qui me pensais seul, je l'avais oublié cette tête blonde. Elle me souriait timidement, comme si elle ne voulait pas me déranger et je lui souris. Elle était adorable et son intrusion me fit plus que plaisir. J'avais bien besoin qu'on me change les idées.
« Petite soeur, que fais-tu là ? T'as pas mieux à faire que trainer sur le toit du garage ? » Lui demandai-je le sourire aux lèvres.

Somewhere Only We Know

Les yeux rivés sur ce quartier qu'il connaissait bien trop, je me rendis compte que le soleil avait disparu depuis un moment, me laissant de l'obscurité de la rue. Trop absorbé par mes pensées, je ne l'avais pas vu s'éteindre cette belle boule de feu qui nous gardait tous en vie. Puis elle était apparue, cette petite fille qui était bien trop grande à présent. Elle s'assit à coté de moi. Nos corps ne se touchaient pas, il suffisait pourtant de quelques petits centimètres pour que cela se fasse, pourtant aucun des deux ne fis disparaitre cette petite distance. Elle était venue se réfugier loin de nos parents, mais était-elle là pour être avec moi ? Les doutes ne cessaient de me tourmenter. Je ne parvenais pas à voir si tout comme moi, elle avait envie que nous soyons proches à nouveau. Ce temps là était bien loin et je ne parvenais pas à savoir si elle partageait mon manque d'elle.
Sa remarque me tira un profond soupir. Nos parents. On était tous les deux là pour fuir le vacarme incessant de leur désamour. Nous subissions leur incapacité à affronter la réalité et à prendre de bonnes décisions pour le bien de leur progéniture. C'était bien malheureux de les voir se déchirer sans cesse, pris dans un sorte de cercle vicieux qu'aucun des deux n'étaient prêts à rompre. Leurs disputes semblaient ne jamais avoir de fin. Ils faisaient des pauses, pour jouer le rôle du couple parfait, des parents exemplaires et dormir, puis tout reprenait, les mêmes insultes, les mêmes reproches, les mêmes sujets encore et encore... Comment n'étaient-ils pas lasses de tant de disputes ? Ils reproduisaient exactement les mêmes scènes à travers leur maison, seul les vêtements changeaient. C'était fatiguant de les supporter et s'évader était nécessaire. C'était ce qui nous rapprochait, l'envie de les fuir, pas forcement l'envie d'être ensemble, mais juste ne plus devoir être spectateurs de leur prise de bec. Je réalisai que c'était eux qui nous avaient donné l'opportunité de se retrouver là, tous les deux, comme seuls au monde.

« Le spectacle affligeant qui se joue là dedans m'est insupportable... Je préfères ne pas leur donner de l'importance. » articulai-je les yeux fixant mes mains. « Tu sais, on ne peut rien pour eux, ni moi en tentant de les calmer, ni toi en leur hurlant ton agacement. Ils ne nous entendent pas... Ils sont trop occupés à se déchirer.. Ce qui est pire, tu sais ce que c'est ? C'est qu'ils ne se quitteront surement pas avant des années.. parce que leur réputation et leur ténacité à ne pas vouloir céder sont plus importantes dans leur univers... » terminai-je.

Je la regardai du coin de l'oeil. C'était désarment à quel point je l'aimais cette gamine instable qui hurlait contre deux sourds. Elle ne le savait surement pas, mais elle était ce que j'avais de plus précieux, même si je l'avais en quelque sorte perdue. Elle me connaissait par coeur, tout comme je la connaissais, quoi qu'elle puisse penser. Je passais mon temps à l'observer et à mémoriser tout ce qu'elle faisait ou disait depuis des années, depuis qu'on était gamin en fait. Elle était ma seule famille... C'était peut être dur, mais c'était le cas, elle était tout ce qui pouvait ressembler à une famille, je pouvais lire la préoccupation et le soucis dans ses adorables yeux, je la sentais ma soeur, alors que mes parents n'étaient plus que deux étrangers qui s'agitaient autour de nous.

« Lily... » commençai-je. « Tu sais... » marmonnai-je comme si brusquement, ce que j'avais à lui dire refusait de sortir. « Je t'ai entendu hurler toi par contre. J'avais oublié que tu pouvais être si bruyante, » rigolai-je, les yeux posés sur elle.