Nathanaël & Nina

Encore un message de plus, et elle allait craquer. Nina salua ses amis lorsque la sonnerie retentit, rangea le plus rapidement possible ses affaires dans son sac à main puis s'échappa de la salle de classe. Non en fait c'était trop tard, elle avait déjà craqué. Ah, ce que ça l'énervait. Avec rage, elle essuya brutalement la larme qui avait perlé sur sa joue. Pas maintenant. Elle jeta un coup d'oeil furtif à la pendule du couloir, il lui restait encore deux heures de cours, mais elle avait une heure de libre. Parfait. Et elle ne voulait voir personne ! La jeune fille fonça tête baissée vers son casier. Elle l'ouvrit une fois arrivée à sa hauteur, ainsi que son sac. Elle interchangea alors ses manuels de cours et eut le soulagement de trouver au fond de son casier un paquet de mouchoirs qu'elle attrapa pour le ramener vers le bord. Nina balança son téléphone tout au fond de son casier. Elle allait le laisser là toute la semaine, tant pis elle n'en avait pas besoin de toute façon. Un mélange d'énervement et de ras-le-bol l'avait soudainement envahie à la lecture du dernier sms qu'elle avait reçu, et les larmes avaient pris le dessus sur elle. Que personne ne lui adresse la parole ! Tout le monde au lycée savait comment était Nina lorsqu'elle était énervée, et il ne valait mieux pas voir ça. Pour elle, tristesse et énervement étaient toujours liés et pour le coup c'était plutôt des larmes de rage qui perlaient sur son visage.

Nina fit mine de trifouiller des trucs dans son casier le temps que les couloirs se vident. Trois minutes après, lorsqu'elle se crut enfin seule, elle laissa cette fois ses yeux s'exprimer et ne se retint plus. Quelqu'un toussa. Un peu gênée, elle se ressaisit et sortit un mouchoir du paquet. Elle tourna la tête, un garçon se trouvait non loin de là. Elle voyait qui il était mais ils ne s'étaient jamais parlés bizarrement, pourtant il lui semblait que ce dernier habitait Magnolia Crescent depuis toujours. Mais si ses souvenirs étaient bons il était plus âgé qu'elle de plusieurs années, cela expliquait certainement le fait qu'ils ne soient l'un pour l'autre que de simples connaissances. De plus, il se faisait très discret dans le quartier et Dirty Secret n'avait à sa connaissance jamais parlé de lui, ce qui était dommage car Nina aimait beaucoup les ragots. Mais il n'était plus au lycée hein, que faisait-il ici ? Bref, ceci n'était pas ses histoires. Nina se reconcentra sur son casier et fit mine de se moucher. Elle s'apprêta à partir de l'endroit mais du coin de l'oeil elle vit que son voisin s'approchait d'elle. Qu'est-ce qu'il voulait celui-là ? Depuis tout à l'heure il la fixait, elle n'était pas folle. Celui-ci fit plusieurs pas en sa direction. Nina remit une mèche de ses cheveux en place, un peu gênée au vu de son piteux état.

« Ça a l'air d'aller là tu crois ? »

Lui répondit-elle du tac-au-tac. Elle était désolée mais en même temps sa question était un peu bête, si elle était en larmes ce n'était pas pour le fun. Mais sa question partait sûrement d'une bonne intention, il n'avait pas l'air méchant. C'est pourquoi Nina se reprit.

« Enfin, je veux dire, ouais non ça va pas, mais ... on se connait ? »

Nina bougea un peu sur place, titillée. Elle remit une nouvelle mèche de cheveux derrière son oreille. Elle ne comprenait pas pourquoi ce garçon venait lui parler. Etait-ce de la gentillesse spontanée ou une curiosité personnelle mal placée ? La plupart des gens qui ne te calculent pas venaient toujours te voir lorsque tu pleurais, juste pour savoir ce tu avais, et pas vraiment pour te réconforter. Alors, Nina était un peu méfiante. Il l'avait déjà vue plusieurs fois dans les couloirs, lui répondit-il. Oui évidemment, en même temps elle était une cheerleader tout le monde la connaissait. Puis il se présenta. Elle l'écouta jusqu'au bout, se retenant de couper court à la conversation.

« Oui je sais qui tu es. »

Nathanël Evans, 3ème année de droit ; d'accord intéressant, mais et alors ? Cela ne lui disait pas plus pourquoi il venait lui parler, elle n'était pas avancée avec tout ça. Elle ne prit pas la peine de se présenter à son tour, il devait bien savoir qui elle était.

« Merci mais ça va. »

Nina hôcha la tête par dépit, ne sachant quoi ajouter. Il était un inconnu à ses yeux, pourquoi se confierait-elle à lui ? C'était donc de la curiosité mal placée, elle avait vu juste. C'était la première fois que les deux conversaient, elle n'allait pas lui déballer sa vie intime maintenant. D'une part parce qu'elle n'en voyait pas l'intérêt, d'autre part car il n'était rien pour elle. Pourtant, la jeune fille se rendit compte qu'elle était un peu trop sur la défensive et qu'elle ne devrait peut-être pas réagir aussi exagérément, mais voilà, la modération ce n'était pas trop son fort non plus. Méfiante, elle le devenait de plus en plus dans ce quartier où tout le monde n'hésitait pas à se mettre des coups de couteau dans le dos.

L'adolescente ferma son casier et fit mine de partir. Une fois le dos tourné, elle essuya les dernières larmes qui avaient goutté sur ses joues humides. Un petit passage aux toilettes et on n'y verrait que du feu. En repartant, elle se repassa les quelques phrases qu'avait dites Nathanaël. Alors, un élément de sa phrase piqua sa curiosité à vif et fit soudainement tilt. Nina fit demi-tour et revint sur ses pas, d'une démarche un peu moins rapide. Tout en portant deux manuels de cours, la cheerleader croisa les bras devant elle avec un regard suspicieux.

« Attends t'en vas pas. Répète voir ce que tu m'as dit tout à l'heure ? Tu as " vu une fois plus que ce que tu aurais du " ? Et en français ça donne quoi ? »

Patiemment mais inquiète, Nina attendait qu'il réponde à sa question. Les secondes qui la séparèrent de la réponse lui parurent bien longues. Elle ne voyait pas du tout où Nathanaël voulait en venir, et cela avait piqué sa curiosité. Nina était une jeune fille qui aimait bien tout savoir, alors elle n'allait pas le laisser partir comme ça. Son agacement avait fait qu'elle n'avait pas écouté avec attention tout ce qu'il avait pu lui dire il y a quelques instants, mais après s'être repassé la courte conversation, elle avait pu remarquer qu'il y avait bien un élément qui clochait. Elle ne comprenait pas pourquoi ce garçon était venu lui parler, mais maintenant elle commençait à se faire une idée. Peut-être avait-il un truc important à lui dire. Elle l'écouta.

Attentive, le visage tendu de Nina se transforma en une expression de surprise. Euh ... Ah. Onomatopées coucou. C'était donc ça. L'adolescente émit un bref souffle de stupeur.

« Quoi ? »

Elle n'avait pas attendu que Nate finisse la fin de sa phrase. Nina se renfrogna dans un premier temps, secouant la tête frénétiquement de gauche à droite comme un enfant qui nie une bêtise qu'il sait qu'il a délibérément commise.

« Non, je ne vois pas de quoi tu parles. Et sérieux, t'es qui pour venir me dire ça ? Comme ça ? »

Sa dernière phrase resta en suspens et son visage stupéfait était figé en une moue d'incompréhension, yeux grands ouverts et sourcils froncés, bouche tordue de stupeur. Après tout elle n'avait pas tord, quel culot d'aborder un sujet aussi délicat et douloureux lors d'une première conversation avec une "inconnue". Ce qu'il avait vu dans cette salle de classe le jour de la rentrée ne le regardait pas, à ce qu'elle sache.

« Si tu es venu pour m'entendre te supplier de ne rien répéter à personne alors tu peux passer ton chemin tout de suite. »

Mais il fallait qu'elle arrête de retourner les tords sur autrui, s'il évoquait le sujet elle allait s'expliquer. Cependant, elle eut un instant d'hésitation. Minute que prit Nate pour reprendre là où elle l'avait coupé. Il lui affirma qu'il ne dirait rien à personne et que son secret était bien gardé. Elle ne sut si elle pouvait le croire, cependant là n'était pas la question pour l'instant, elle avait autre chose à éclaircir d'abord.

« Enfin, c'est pas ta faute mais ... Je pige pas. Ça fait sept ans que j'habite ici on se croise tous les jours et c'est maintenant que tu viens me parler, Nathanaël Evans ? Et pour me dire ça ? »

Nathanaël et elle n'avaient jamais pris le temps de discuter ni de se connaitre, pourtant ils avaient sûrement bien du déjà se croiser dans le quartier, ne serait-ce qu'à des soirées ou au Gordon Coffee ; Magnolia n'était pas une ville bien grande, tout le monde se connaissait un peu. Alors cela la surprit qu'il ne sache pas qui elle était.. Tout le monde était censé connaitre les cheerleaders de Sterling non ? Pour le coup elle était un peu vexée. Celui-ci était de surcroit venu lui parler pour aborder un sujet qui ne lui plaisait guère venant d'un inconnu. Pour tout dire, la petite brune ignorait comment réagir face à cette déclaration. Devait-elle s'énerver, pleurer, faire comme si de rien n'était, s'en foutre, le remercier ? Déjà que c'était le bordel dans sa tête à propos de cette histoire, le fait de savoir qu'un témoin avait été présent - à son insu mais quand même - n'arrangeait rien. C'était un trop-plein de petits tracas qui s'accumulaient dans son esprit et qui la faisaient suffoquer. Si Nina était énervée, ce n'était pas contre Nate en soi, mais plus par le fait qu'il soit en quelque sorte celui qui vienne tout gâcher.. Surtout qu'a priori lorsque Lorenzo et elle s'étaient embrassés ce soir-là, c'était normalement pour la toute dernière fois. Mais cela était une autre histoire.

Nina fixa le garçon de ses grands yeux noisette, cherchant quoi dire, quoi faire. Elle se sentait un peu conne pour tout dire. Celui-ci lui expliqua qu'il n'avait fait pas exprès de les surprendre et que s'il était venu la voir c'était car elle avait l'air mal en point et qu'il se serait senti mal de la laisser chialer dans son coin. Ouais, en même temps il n'allait pas dire le contraire ; mais Nina choisit de le croire.

« Ouais je vois.. Bon bah, merci dans ce cas ? »

Hasarda-t-elle avec un sourire rieur, avant de reprendre une expression neutre. Nina baissa la tête, gênée, avant de se rendre compte que ce n'était pas son genre de faire ça et qu'elle devait rester digne c'est pourquoi elle releva brusquement la tête pour lui faire face.

« J'avoue que je sais pas trop quoi ajouter là. »

Nina était désormais redevenue totalement calme, elle avait réussi à prendre sur elle. Lorsque la situation lui échappait, la jeune fille s'emportait. Et pour le coup, c'était l'incompréhension totale qui l'avait envahie lorsque Nate était venu à sa rencontre ; il fallait aussi ajouter que celui-ci s'y était pris de façon un peu maladroite : droit au but et pas vraiment avec diplomatie. Ses proches le savaient bien, lorsque Nina s'énervait, la meilleure attitude à adopter était de tempérer les choses et de ne pas renchérir aux propos agacés de Nina, car la demoiselle s'enflammait bien vite. Et, bizarrement, sans lui avoir jamais parlé auparavant Nate avait tout de suite su comment réagir.

La petite brune éclata soudain en sanglots. Sa matinée avait déjà été épuisante, voilà qu'en plus on venait appuyer là où ça faisait mal, pauvre petite. Ce n'était pas la faute de Nate, il l'avait vue pleurer il était venu la voir voilà point. Et ce n'était plus tellement pour cela que la cheer se sentait mal, mais pour une accumulation de tout, une fois encore. Toujours en pleurant, elle se laissa glisser le long des casiers pour arriver fesses posées par terre. L'heure était peut-être à la confidence. De toute façon les couloirs étaient déserts à cette heure-ci.

« Au fait, moi c'est Nina.. vu que t'avais pas l'air au courant. »

Nina était dans un état pitoyable, en larmes et à coeur ouvert devant un inconnu qui lui avait adressé il y a cinq minutes pour la première fois la parole en sept ans. Quelle situation étrange, face à laquelle la jeune fille semblait tout à fait désemparée, elle d'habitude si sûre d'elle. Par un élan de désespoir elle s'était alors laissée glisser le long des casiers avant d'atterir par terre. Là au moins elle ne pourrait plus s'écrouler plus bas. Le dénommé Nathanaël la suivit dans son délire de tristesse en s'asseyant lui aussi sur le carrelage frais, tout près d'elle. Il n'avait pas l'air bien méchant, il lui inspirait de plus en plus confiance. Mais Nina était malgré tout méfiante de nature et ne se confiait pas non plus à n'importe qui. Et en l'occurence jusqu'à présent il avait toujours été pour elle ce "n'importe qui" lambda et par conséquent peu enclin aux confidences.

Lorsqu'il lui demanda s'il lui était arrivé quelque chose ou si elle avait besoin d'aide, elle ne sut par quoi commencer. Tout ce qu'elle savait, c'est qu'une nouvelle personne au courant de l'affaire Lorenzo s'ajoutait sur la liste. Après sa meilleure amie Katya qui avait bien sûr été la première au courant, puis Naya la tepu anciennement sa bf mais qui pourrait aujourd'hui très bien s'en servir contre elle un jour si cette histoire lui revenait à l'esprit, Elisabeth sa confidente à qui elle racontait tous ses malheurs et petits secrets comme toujours, et enfin Evane, sa cousine chérie à qui elle avait fini par tout avouer. Elle n'avait d'ailleurs absolument pas regretté d'avoir confié ce secret à l'espagnole, qui avait pris grand soin après avoir appris la nouvelle de lui remonter le moral à sa façon, chose qu'elle avait déjà faite suite à sa douloureuse rupture avec Jeremy Huntington. Cette fille était vraiment en or, au même titre qu'Elisabeth et Katya. C'était lors des moments difficiles que Nina avait su se rendre compte de qui étaient réellement ses amis ou non. Naya en l'occurence n'en faisait pas et plus partie. Comme on dit, si tu n'es pas là pour moi lorsque je pleure, inutile que tu sois là lorsque je souris.

« Hum, par quoi commencer ... »

Aborda-t-elle dans un premier temps, avant de se gratter la tête de façon théâtrale afin de détendre un peu l'atmosphère malgré les larmes qui humidifiaient ses joues. Oui Nina avait le don de réussir à faire le pitre même lorsqu'elle n'allait pas bien. Ce n'était pas souvent qu'elle y arrivait mais aujourd'hui avait été une exception à la règle. Nina appuya sa tête en arrière contre un des casiers et inspira comme pour se donner du courage.

« C'est compliqué, disons. Je sais pas trop si je dois raconter ça à tout le monde en fait. Il y a déjà plusieurs personnes au courant et ... voilà. » l'un des défauts de Nina était qu'elle avait beaucoup de mal à tenir sa langue. « Mais bon puisqu'on en est là, je vais t'expliquer un peu ... A condition que tu me racontes ta vie à toi après sinon c'est pas du jeu ! » précisa-t-elle en riant. « Alors voilà j'ai eu une relation avec la personne que tu as vu la dernière fois, sauf qu'il est parti quelque temps sans prévenir personne, enfin pas moi en tout cas ... Bref et il est revenu à la rentrée, marié en plus, et tout m'est revenu à la figure d'un seul coup. Ce que t'as vu le jour de la rentrée, ça aurait du être pour la dernière fois. C'était pour la dernière fois oui voilà. »

Assura-t-elle en hôchant la tête. C'était peut-être mieux comme ça, qu'elle ne lui en dise pas plus, qu'il pense que la relation illégale entre Nina et son prof était terminée, au moins il y avait moins de chance que l'affaire s'ébruite à travers Nate si dans son esprit l'affaire était close. Déjà qu'elle parlait trop, beaucoup trop.

Nate était attentif, muet. Il semblait compatissant ; c'était tout ce dont elle avait besoin à l'instant présent, en fait. Nina n'avait pas besoin qu'on en rajoute une couche en la sermonnant ou en lui faisant la morale, comme cela aurait été le cas si elle avait eu la même conversation avec l'un de ses parents ou sa soeur. Pour autant, Nina ne comprenait pas pourquoi Nate la trouvait intéressante. Les histoires qu'elle avait à raconter n'étaient pas bien joyeuses, elles pouvaient plutôt plomber le moral de n'importe qui d'un tant soit peu empathique. Peut-être était-il seulement quelqu'un de gentil, tout simplement.

Nina lâcha un gros soupir suite à la question de Nathanaël.

« Non non. Aucune. »

Elle se pinça les lèvres, très fort. Lorsqu'elle y pensait, c'est vrai, il ne lui avait jamais expliqué pourquoi il s'était enfui comme un voleur, du jour au lendemain, brisant son pauvre petit coeur sans préavis. Comme on dit, un jour l'amour s'en était allé et elle avait été réveillée en sursaut. Elle lui en voulait beaucoup pour ça mais sa fierté d'italienne l'avait toujours empêchée de lui demander des explications ; elle avait déjà suffisamment l'impression de lui courir après comme ça.

La jeune fille roula des yeux face au casier d'en face. Elle avait l'impression de faire un peu pitié là. Elle aimait beaucoup quand la conversation tournait autour d'elle mais pas pour ces choses-là. C'était si bizarre d'ouvrir son coeur à quelqu'un qu'elle aurait qualifié d'inconnu quinze minutes plus tôt. Elle ignorait que dire, que faire. La jeune fille ne savait pas non plus quelles étaient les limites à ne pas franchir, autrement dit ce qu'elle pouvait dire à Nate et ce qu'elle ne pouvait pas. Cette situation dans laquelle elle se trouvait lui paraissait atypique et bizarre. En fait elle ne savait pas comment la qualifier et ça l'embêtait. Nina avait l'habitude de tout contrôler dans sa vie or là les choses lui échappaient Nate lui avait coupé l'herbe sous le pied, elle était un peu désemparée. Mais cela faisait aussi tellement de bien de perdre le contrôle parfois.

L'adolescente tourna sa tête vers Nate et lui sourit. Sans raison. Juste comme ça. Puis elle haussa les épaules, l'air de dire "c'est comme ça". Elle n'avait pas envie de faire sa malheureuse, ce n'était pas son genre. La cheerleader sécha ses larmes et tenta de retrouver le semblant de dignité qu'elle avait perdu tout à l'heure.

« Voilà tu sais tout ! D'autres questions ? »

Plaisanta-t-elle en riant pour avoir l'air un peu moins triste. Non Nina n'avait pas envie de lui raconter la suite de l'histoire, pas maintenant en tout cas. Sauf s'il le lui demandait. Mentir était contre ses principes. Lorsqu'elle avait glissé à Nate que le baiser de la rentrée avait été le dernier, c'était plus un mensonge par omission qu'autre chose, songea-t-elle pour se donner la conscience tranquille.

« A toi de respecter le deal tu devais me raconter un peu ta vie aussi. Et des trucs joyeux s'il te plait ! »

La jeune fille répondit tout d'abord à sa question par un soupir expressif. Autrement dit, il ne lui avait soit rien expliqué, soit rien dit de ce qu'elle ne voulait entendre. Quand la première hypothèse fut confirmé, il ne cacha pas son étonnement. Sans qu'il le veuille, ses sourcils se haussèrent et sa bouche s'entrouvrit. Il ne pouvait pas s'empêcher de s'imaginer à la place de Nina. Si une fille qu'il aimait lui avait fait pareil tour, comment aurait-il pu se laisser embrasser sans aucune justification d'un comportement de la sorte ? A moins que ce ne soit elle qui l'ait embrasser ? Ou peut-être était-ce bien plus compliqué, et comment aurait-il pu le savoir ? Nina avait l'air de songer à ce qu'il lui avait dit. Indirectement, il lui avait suggéré qu'elle aurait mérité de savoir ce qui s'était passé dans la tête de cet homme. Mais il n'avait aucunement l'intention de la juger ou de la sermonner, en lui argumentant en long, en large et en travers que pour son propre respect d'elle-même, elle ne devrait pas être passive et accepter qu'il la traite ainsi. Il ne comptait pas non plus la prendre en pitié, lui dire à quel point il était désolé et blablabla. Il savait d'instinct que ce n'était pas ce qu'attendait Nina. Il ne savait pas ce qu'elle voulait de lui, mais il savait ce qui hérisserait au plus au point sa fierté personnelle.

« Rien de rien ? Eh beh, tu dois sacrémment être entichée pour ne pas l'avoir castré après un coup pareil. »

Après quelques secondes de blanc, Nathanaël vit la petite brune se tourner vers lui et lui sourire amicalement. Il lui rendit son sourire franchement. Et ce n'était pas parce qu'il était satisfait de lui, d'avoir eut les réponses à ses questions et d'avoir appris ce qui se tramait dans la vie de cette adolescente. Non, il aimait la conversation de la jeune fille et sentait même malgré lui qu'il l'appréçiait bien et qu'il s'inquiétait un peu pour elle. Il se demandait pourquoi d'ailleurs, parce qu'elle avait l'air forte et débrouillarde. Peut-être avait-il juste peur que ses sentiments soient blessés. D'ailleurs, il vit du coin de l'oeil son ancienne camarade de lycée sécher ses larmes et reprendre du poil de la bête. Elle lui demanda sur un ton plus léger si il avait d'autres questions, ce à quoi il rétorqué :

« Non, à moins que tu ais d'autres choses à me confier. »

Elle détourna ensuite clairement la conversation, lui faisant expressément comprendre qu'elle en avait terminer de parler d'elle pour maintenant, et qu'elle attendait qu'il se confie à elle comme elle venait de le faire. Ce n'était pas une tâche facile pour le jeune homme, qui était très renfermé et détestait s'apitoyer sur son sort. Sa situation n'était pas enviable, mais il savait qu'il existait bien pire sur leur planète. A son sens, il n'avait pas trop le droit de se plaindre.

« Tu veux des trucs joyeux ? »

Ce fut à son tour de soupirer. Trouver des éléments joyeux dans sa vie actuellement était mission impossible. Il avait quelque peu perdu la notion du bonheur en général et sous toutes ses formes, donc il lui fallait creuser un petit peu. Mais comme toute mission impossible il y avait une faille, qu'il ne tarda pas à trouver. La soirée qu'il avait passé avec Scarlett s'imposa à lui, et il ne pu retenir un sourire.

« Eh bien j'ai cette amie, Scarlett, tu la connais peut-être. La fille des Spencer, tu sais. On était très amis quand on était petits, et... on s'était éloigné ces derniers temps. En fait, on ne se parlait ni ne se fréquentaient absolument plus. Et c'était de ma faute, c'est moi qui ait coupé les ponts. »

Il ne jugea pas important d'aller plus en détails, sur les raisons inexistantes qu'il avait eu de s'éloigner d'elle. Il ne comptait pas parler de Tessa, il ne le voulait pas. Si il fallait parler de ce qui était joyeux alors ce n'était définitivement pas au programme. Il n'avait plus qu'à espérer que Nina ne poserait pas trop de questions.

« Et l'autre jour, on s'est croisé au parc. Et on a enfin parlé, et on a passé la soirée ensemble. On s'est bien amusés, ça m'a fait un bien fou de la retrouver. »

Un sourire tout sauf intelligent flottait sur son visage, et il ne s'en rendait certainement pas compte. Mais il n'y pouvait rien, le simple fait de se souvenir de ces beaux moments qu'ils avaient passé ensemble le remplissait d'une joie soulageante. Il reporta son attention vers Nina.

« Voilà, on est quittes. »