Gaëlle & Shawn

Mes sourcils se froncent alors que les notes qui s'échappent de ma basse ne me contentent en aucune façon. C'est dead pour trouver quoique ce soit à jouer, à créer. L'inspiration s'est tirée aussi rapidement qu'elle est venue. J'ai l'habitude, j'ai l'habitude. Je repose ma basse dans son écrin de cuir et me redresse pour faire les cents pas dans ma chambre. Basse lâchée, mes pensées vont directement vers cette autre, Gaëlle. Moi qui voulait tirer un trait sur tout ce qui est relationnel and co me voilà encore dans la mouise. Pire encore depuis ce fameux soir. Ce soir-là où poussé par je ne sais quoi, je me suis permis de l'embrasser. Et maintenant ? Qu'est ce que ça signifiait ? Je suis dans le doute, dans le noir. Comme d'habitude de toute façon mais rester dans le doute, ça a quelque chose de déconcertant. Perdu entre mes horaires fous du bar et mes occupations du groupe, voir Gaëlle était difficile, encore plus qu'avant alors que nos entrevues était rares. Au fond, est-ce vraiment ça ou la peur de se confronter à la vérité ? Je ne sais pas. Il se peut que je ne veuille pas le savoir aussi. Je n'arrive à rien aujourd'hui, il faut que j'avale la pilule qui me reste au travers de la gorge. Je descend au rez-de-chaussée, pas l'ombre d'un seul coloc. Ils ont tous déserté le domicile, je pense à faire pareil, rester cloîtré ici, même si j'aime ça, ça m'aidera pas aujourd'hui. J'avale un verre de jus de fruit avant de quitter la maison en vérifiant bien d'avoir tout bien fermer avant. Le soleil de l'après-midi tape sur ma peau blafarde, je plisse les yeux et enfonce mes mains dans les poches de mon jean et laisse mes pas m'emporter je ne sais où. Ca n'a pas d'importance au fond, pas le moindre. Je me laisse vagabonder dans les rues, perdu dans mes pensées. Comment peut-on apprécier tant une personne mais n'avoir en aucune façon envie de faire part de sa vie, d'être confronté à l'envie de la voir mais aussi de disparaître. J'ai l'impression de remonter à quelque mois, quand j'ai rompu avec Alexandra devenant le traître, l'homme à abattre. Oui, il faudrait m'abattre. Il faudrait. Je soupire et commence déjà à regretter d'être sorti de mon terrier. Relevant mon visage visé sur le trottoir, j'aperçois une silhouette qui se dirige sens inverse du mien. Je reconnais rapidement l'éclat de sa chevelure blonde, je connais par coeur. Un instant, les secondes semblent se figer tout comme ma respiration, une envie soudaine de prendre mes jambes à mon cou et courir comme un malade mais, ça, ça serait une réaction tout à fait juvénile. Je continue de marcher, assassinant la distance qui nous sépare de mes pas pour finalement me retrouver à sa hauteur. Mon coeur rate un battement, ma bouche se fait sèche et mes mains, cachées dans mes poches commencent à s'agiter.

« Hey ! Salut Gaëlle … » Je lance maladroitement, quelque peu gêné, un sourire mince sur le visage. « Tu vas bien depuis … depuis le temps ? » Même pas le courage de parler franco de cette soirée laissant planer une ombre sur le sujet. « Je suis désolé de ne pas t'avoir appeler dernièrement pour prendre de tes nouvelles, avec mes horaires de fou et le groupe, pas évident. Puis les rares fois où j'ai trouvé le temps, ça ne répondait pas. » J'ajoute, me sentant presque coupable en sachant pertinemment que le groupe et le boulot ne sont pas les uniques raisons de mon silence. Et quand enfin, je trouvais le courage de le faire, je tombais sur le répondeur. Faut croire que le destin n'était pas de notre côté, ce doit être de ma faute, il n'est jamais de mon côté.

Un stylo à la main, telle une élève assidue et sérieuse la jeune chrétienne prenait son cours en note. Telle un automatisme sa main écrivait alors même que son esprit lui, vaguait ailleurs. Elle était dans un monde parallèle, celui où elle s'enfermait très souvent. Le monde où toutes les questions étaient permises, et par conséquents toutes les réponses et hypothèses aussi. Perdue, elle l'avait toujours été mais cette fois ci c'était bien plus profond que cela. Gaëlle avait été confronté à quelque chose qu'elle même n'arrivait pas à comprendre. Depuis cette nuit, elle ne pensait qu'à cela. Ce baiser qu'elle avait échangé avec Shawn Crawford. Si ses parents l'apprenaient, elle se ferai tuer sur place. Cela la démangeait et la rongeait de l'intérieur, elle avait besoin d'en parler à quelqu'un mais pour une question de survie elle n'allait pas s'y risquer. Même pas à Angélique, sa plus grande confidente. La connaissant, c'était sure qu'elle allait la blâmer et peut-être même aller jusqu'à le dire aux parents. Elle qui n'avait aucunement confiance en ce garçon salie de tatouages et aux mœurs trop douteuses. Angélique avait parfois des jugements trop hâtifs, ce n'était pas faute de lui avoir prouvé par mille façon que Shawn n'était pas si méchant qu'elle pouvait le croire.
La jeune femme se sentait tombé chaque jours un peu plus. Qu'est-ce que cela signifiait donc ? Avait-elle vraiment envie de le savoir ? Devait-elle rompre tout contact avec lui, de là même à se mentir à elle même ? Gaëlle était bien trop peureuse pour prendre une quelconque décision, et cacher cela n'avait pas été sa plus grande fierté. Déjà qu'elle avait dépassé le couvre feu autorisé à cause de la tempête qui s'était déchainé la nuit du bal, elle avait aussi dû faire face à un père nerveux, lui interdisant presque de revoir le jeune homme avec qui elle avait passé la soirée. Il n'y était pourtant pour rien, elle non plus, c'était un mauvais coup du sort mais malheureusement sur le coup de la colère le père McClair s'était montré très direct. Sur ce fait, Gaëlle n'avait pas d'autre choix que de faire profil bas, et ainsi... de ne répondre à aucuns des appels venant du bassiste.
Quelque part cela la soulageait, car elle n'était pas prête à être confrontée à tout cela. Le temps avait passé depuis, mais les questions restaient tout de même sans réponse. Ce silence venant des deux protagonistes étaient tout de même pesant. Ni l'un ni l'autre n'avait eu le courage de confronter l'autre. La sonnerie qui annonçait la fin des cours la ramenait doucement à la réalité. La jeune McClair ramassa ses affaires, se rendant compte que c'était son dernier cours. Sur le chemin jusqu'à son domicile, elle passa à l'épicerie acheter une baguette de pain pour le diner. Longeant les rues, elle se retrouva à Magnolia Street et cru que son cœur venait de s'arrêter de battre. La vision qu'elle venait d'avoir, la paralysa. Combien de chances il y avait pour qu'elle sur lui ? Combien ?
En face d'elle se tenait Shawnie, qui marchait à contre sens et donc se dirigeait vers elle. Elle baissa les yeux instinctivement, et continuait de marcher. Une fois à son niveau, elle releva la tête timidement et fit face à sa réalité.
Il avait osé prendre la parole en premier et c'était tant mieux car vu l'état dans lequel elle était les seules mots qui seraient sortis de sa bouche auraient pû lui donner l'air d'être une autiste. Prenant son courage à deux mains, elle essaya de répondre quelque chose qui avait plus ou moins un sens.

▬ Je... euhm. Oui je.. crois que ça va merci. laissa t-elle sortir de sa bouche comme une idiote.

Elle se pinça la lèvre maladroitement, venant de se rendre compte qu'elle se trahissait. En même temps, quitte à vivre cette confrontation, pourquoi ne pas être honnête tout simplement ? Elle le laissa continuer, se demandant si elle pouvait s'échapper de cette situation. Le regard un peu ailleurs, elle se re-concentra sur lui.

▬ Pas de problème, je comprends. fit-elle en se ressaisissant. J'ai moi même été très occupée. Et puis... mon père. Elle en venait enfin au fait. Il n'a pas trop digéré tout cela encore, il épie mes appels. C'était trop risqué de te répondre pour le moment. fit-elle en une moue quelque peu déçue.

Gaëlle se sentait parfois étouffée par son père, beaucoup trop protecteur. Elle aurait préféré qu'il soit plus flexible et moins dans ses pattes mais bon cela démontrait bien tout l'amour qu'il lui portait, et cela Gaëlle ne pouvait lui en vouloir. C'était ainsi, il y avait des règles et il fallait s'y plier. Jamais elle ne remettrait en cause le jugement de ses parents. Néanmoins elle essayerai d'y apporter le sien, ce qui serait surement un vain effort qu'on se le dise.

▬ Enfin j'espère que tu t'en sors avec tout cet excès de travail ?

Si toute fois un poids m'écrase la poitrine, je ne peux renier le faite que je me sens bien de la voir en chair et en os, de la voir en face de moi. Je ne sais pas combien de fois j'ai ressassé la scène de ce fameux bal dans ma tête, parfois à l'envers. Ma subite colère sur scène. Le moment où je l'ai raccompagné et puis enfin, le fameux baiser. Je sais que j'aurais pas dû mais c'est ce qui s'est passé et je ne peux pas changer ce qui s'est déroulé. Mais si j'avais pu, l'aurais-je fait ? Je ne sais pas. Je ne sais plus. Une part de moi aurait aimé changer ce qui s'est passé, que tout soit autrement, de continuer à m'interdire ce à quoi je n'ai plus le droit maintenant mais une autre partie de moi veut tellement être avec elle. C'est horrible. Il y a un combat constant dans ma tête, dans mon coeur. Et moi qui pensait que cette part de moi était morte. Gaëlle l'a ravivé avec son sourire, sa douceur. Oh Gaëlle, si tu savais. J'y ai pas droit à toutes ses promesses que tes sourires m'offrent. Le bonheur, il a été banni de ma vie depuis ma tendre enfance et pourtant, pourtant, toi, tu débarques et tu chamboules tout. J'ai beau m'interdire tout, elle y arrive quand j'ai baissé les bras avec Alexandra. Je l'observe attentivement. Elle se mord la lèvre, dévoilant un malaise réel, son regard se pose dans un ailleurs dans lequel je ne fais pas parti. C'est ma présence ? C'est ce qui s'est passé ? Peut-être qu'elle regrette ce moment, peut-être qu'elle ne veut plus me voir. Rien que cette pensée amplifie la boule qui se forme dans ma gorge et le poids sur ma poitrine m'effondre plus encore. J'hoche la tête d'un air entendu. Le père McClair. J'avais presque oublié son air contrit quand j'ai ramené sa fille bien aimée, son air froid quand il a ouvert la porte. Je peux le comprendre, aisément, je peux le comprendre. Sa fille, dehors, avec un mec tatoué, dans la nuit déchirée par une tempête violente. C'est pas sa place. De toute façon, je pense que dès lors où je me trouve dans les parages, ce n'est pas la place de Gaëlle. Je suis une tâche noire et j'attire la poisse. La poisse, elle est raide dingue de moi.

« D'accord. Je comprend, je comprend. Je tâcherai de ne pas t'attirer les foudres de ton père et je limiterai encore plus les appels » Est ce vraiment possible de limiter encore plus mes signes de vie que maintenant ? Assurément pas mais qu'est ce que je peux bien faire pour que le père McClair laisse un peu de leste à sa fille adorée ? Peut-être quitter la ville, quitter le monde tout court. Ca serait une solution bien radicale mais efficace.

« Ca va. Je m'en sors pas mal. Je pense que ça va se calmer d'ici quelque jours. Mon patron a embauché un apprenti que je dois former, ça me laissera plus de jours off et ainsi je pourrais me concentrer sur les Bones & Skins. » Ou pas. Je vois d'un très mauvais oeil ce nouveau temps libre devant moi, je le sais que je le passerais à ressasser mon passé et tant de choses et autres.

« Tu te rendais quelque part peut-être ? Je veux pas te mettre en retard ou te déranger. » Je dis en me décalant légèrement comme pour la laisser passer. Je ne voudrais pas lui imposer ma présence qui jusqu'à maintenant semble la plonger dans un malaise évident et je me demande bien si c'est moi ou bien autre chose.

« Ma présence semble te plonger dans une gêne visible » je dis d'une petite voix incertaine, presque comme un murmure. Je ne sais même pas où j'ai trouvé l'aplomb de sortir cette phrase. Puis, c'est bien hypocrite car, moi aussi, je suis gêné depuis que mon regard s'est agrippé à elle. Au fond,même si je ne devrais pas, j'ai envie de penser que c'est pour les mêmes raisons.

La jeune chrétienne ne semblait pas à sa place, osant à peine affronter le regard du jeune homme. Longtemps elle s'était remémorer les évènements du bal dernier. Il lui avait explicitement avouer ses sentiments pour elle, et elle n'avait pas su répondre à une telle déclaration. Sa jalousie avait prouvé l'importance qu'elle détenait à l'égard du jeune homme, et même si c'était un sentiment condamnable elle n'avait pu s'empêcher de trouver cela beau. Il était beau.
Shawn n'avait rien avoir avec ce que ses parents pouvaient imaginé de lui, et un jour ils le comprendraient. Du moins, elle espérait et n'en démordrait pas. Il valait le coup de s'y risquer, quitte à s'en mordre les doigts. Après tout ne dit-on pas que l'on ne sort que plus fort de ses erreurs ? Gaëlle échangea un regard avec celui du jeune homme et lui expliqua la situation avec son père. Le bassiste, très compréhensif, lui fit comprendre qu'il limiterai encore plus les appels. Elle n'en avait pas envie, mais c'était nécessaire. Elle connaissait son père par cœur, et savait qu'en faisant les choses doucement et comme il le souhait cela passerait mieux plutôt que d'aller directement contre ses recommandations. Elle hocha la tête simplement face à sa réponse et enchaina en prenant de ses nouvelles. Un sourire s'afficha alors sur le visage de la belle en l'écoutant. Elle était contente que tout ce passe bien pour lui et qu'il puisse avoir un peu de temps libre, lui qui était toujours submergé de boulot.

Quelques secondes plus tard Shawn lui demanda si elle allait quelque part, en ajoutant qu'il ne voulait pas dérangé. Il se décala légèrement pour la laisser passer. Sur le moment, Gaëlle fut un peu déçue qu'il puisse penser qu'il la dérangeait même si ce n'était surement pas là où il voulait en venir. En vérité il semblait aussi gêné de la situation qu'elle, et ne semblait n'avoir qu'une envie celle d'avoir une excuse pour pouvoir fuir.

▬ Je... désolée, c'est vraiment pas contre toi. Je sais que c'est bête mais je ne m'étais vraiment pas préparer à tout cela... Je veux dire... de te revoir... et tout...

Elle était gênée et cela pouvait se voir à des kilomètres. Elle aurait tellement voulu lui dire à quel point elle était heureuse de le revoir, mais cela ne sortait pas... Elle n'avait jamais vécu pareille situation, ni pareil sentiment d'ailleurs... C'était quelque chose qui lui faisait peur en tout point. Déjà par rapport à ses parents, de ce qu'ils pensaient de cette histoire. Elle n'avait pas l'habitude d'aller à l'encontre de leur dires, et puis aussi par rapport au déroulement d'une relation amoureuse. Le seul petit ami qu'elle avait eu daté de la maternelle. Il s’appelait Nathan, et lui offrait des pâquerettes à chacune des récréations. Un jour, à la veille des grandes vacances, sans qu'elle ne s'y attende il lui fit un bisous à l'écart des regards curieux. Jamais personne ne l'avait su, pourtant elle avait perdue toute trace du jeune garçon à la rentrée suivante. Plus de peur que de mal, elle le retrouva sur fb dix ans après. Mais il ne l'accepta jamais en ami... Gaëlle ne sut jamais pourquoi.
Un léger blanc s'était installé mais comme si qu'elle s'était soudainement sentie pousser des ailes, elle reprit rapidement.

▬ Je ne me rends nulle part, j'ai du temps libre si tu veux discuter...

Voilà, c'était dit. Sans même savoir s'il avait prévu de faire quelque chose, elle préféra jouer cartes sur table. Gaga savait que ses parents étaient occupés toute l'après midi, cela lui laisserait le temps de rattraper un peu du temps perdu avec Shawn. Tant pis si ce n'était pas correct, elle demanderai pardon à Sainte Marie ce soir. Il ne manquait plus que de savoir si Shawn le désirait.

Les flashs de la soirée du bal de promo me reviennent en mémoire, notamment le discours que j'ai pu porter ce soir là. Je n'ai jamais été doué pour parler de mes propres émotions, encore pire quand cela s'agit de l'amour que j'avais décidé de boycotter de ma vie pour des raisons évidentes, évidentes pour moi mais je n'ai pas réussi faut croire. Je me souviens lui avoir dit que notre amitié ne pouvait plus subsister et qui fallait qu'on arrête de se voir, de se parler pour que je puisse mettre de l'ordre dans tout ce bordel émotionnel, ce que j'entendais bien-sûr c'est de faire taire mes sentiments, sentiments dont elle est au courant maintenant. Malgré ma motivation et ma détermination, je n'ai pas réussi à rester à l'écart l'ayant constamment dans mes pensées, pensant à elle, si elle allait bien, ce qu'elle pouvait bien faire. Rester sagement dans mon coin m'était alors plus difficile que d'être en contact avec elle combien même j'ai du mal avec ces sentiments naissants et l'existence d'Alexandra encore dans ma vie. C'est pour cela que je n'ai pas résisté et que j'ai souvent pris mon portable dans le but d'entendre sa voix inonder mes tympans, je suis faible, tellement faible et dans cette bataille entre ma tête et mon coeur, je me retrouve entre les deux, torturé et fatigué. J'hoche la tête aux mots qu'elle laisse échapper de sa gorge avant de passer une main sur ma nuque, fautif

« Non, ce n'est pas bête au contraire. C'est à cause de moi. Au bal, j'ai bien dit que je voulais mettre un frein à notre amitié et ne plus qu'on se voit. C'est moi. Ne sois pas gênée, Gaëlle »

Je pouvais percevoir sa gêne et cela me gênait bien plus encore sachant que c'était de ma faute, que c'était à cause de ses vaines paroles qu'aujourd'hui, je ne pensais plus. Pourtant, je devrais écouter ma raison, je ne suis pas un mec pour une McClair, je suis de la trame à ranger dans les « peu fréquentable » même si je ne suis pas un voyou de première classe mais mon passé me laisse à penser que trainer dans les alentours avec moi, ce n'est pas une bonne idée, pas une bonne idée du tout. J'attire le malheur comme un aimant et j'ai bien peur que Gaëlle se retrouve fauchée dans mes abysses ce que je redoute le plus et pourtant, je n'arrive pas à m'éloigner d'elle. Foutu dilemme. Je relève la tête à sa proposition et malgré moi, un sourire fend mon visage, étonné mais ravis de la proposition. Je suis furieux contre moi de ressentir cette choix en l'entendant émettre le souhait de passer éventuellement du temps avec moi. Elle est où ma détermination ? Partie loin d'ici, ça, c'est sûr.

« Ce serait avec plaisir. Allons donc nous poser quelque part. Une glace ça te dit ? »

Ca ne serait pas du luxe avec ce soleil d'aplomb bien que j'espère qu'un lieu public où ses parents pourraient être mis au courant soit pas un mauvais choix. Cependant, si on va vers un lieu plus reculé, ça serait pire non ? Il suffit qu'un tiers nous voit s'y diriger et les ragots iront tire-larigot ce que je n'ai pas envie du tout. Pas pour moi, moi, je m'enfiche royalement que les gens crachent sur mon dos, je n'ai pas que ça à faire de m'en préoccuper mais je n'ai pas envie que les gens salissent l'intégrité de Gaëlle, je veux la préserver.

Il était dur de lire dans la gestuelle de Gaëlle pour deviner ne serait-ce qu'un indice vu qu'elle était aussi à l'aise que moi comme un poisson hors de l'eau. Je tentais de décrypter chacune de ses paroles, de ses gestes mais cette initiative n'a pas paru concluante du tout car j'étais toujours au moins point : je fais quoi ? Faut-il qu'on parle de ce que j'ai lâché cette fameuse soirée de bal ? Ou bien c'est pas la peine ? Depuis cette soirée, nous n'avons jamais reparlé de ce qui a été dit et Gaëlle n'a pas encore réagit à ce qui s'est passé me laissant dans un noir total. Si j'en parle, y'a deux solutions : soit je me prend un râteau monstre soit … soit bah j'en sais rien moi. Je ne sais rien du tout. Autant au boulot, je sais ce que j'ai à faire, ce qu'on attend de moi, idem pour Bones & Skins mais quand il s'agit de Gaëlle je ne sais jamais rien, ni comment me conduire,ni quoi dire, ni qu'elle attend de moi. Amour. Amitié. Amour. Amitié. Bordel sentimental. La voix cristalline de McClair me sort de mes pensées.

« Pas de soucis. Pour pas se taper une trotte inutile, on a qu'à passer devant le stand de glace à l'eau plutôt que d'aller à la glacerie. Puis y'a moins de monde aussi par ce chemin là » Je dis en désignant le chemin vers le lac du menton

Je devine les raisons pour lesquelles elle préfère un endroit moins fréquenté : les ragots. Les bla bla bla inutiles. Ca me dérange pas du tout et même si être dans un endroit plus ou moins isolé avec Gaëlle me mettait plus ou moins mal à l'aise. J'ai jamais été vraiment à l'aise avec les filles de toute façon, pire encore quand l'une me plait. On change donc de trajectoire et au lieu de bifurquer vers le centre ville, on se dirige vers le Lac directement. Ma famille. C'est vrai qu'elle me manque ma famille, je parle pas souvent d'eux. Faut dire que mes potes me posent pas vraiment ce genre de question, préférant parler d'autres choses et surtout se sortir des conneries. Ca me touche que Gaëlle y pense. Gaëlle est toujours attentionnée avec moi, je sais pas si je le mérite.

« Je leur ai parlé sur Skype y'a une semaine. Enfin à mes soeurs principalement. Elles ont eu leur premier bal de fin d'année. Mon père les a autorisé à y aller. Depuis la seconde elles tentent de le convaincre. Il les a laissé y aller car elle avait eu réussit leur dernière année de lycée et qu'elles avaient récolté de bonnes notes. » Je marque une pause alors qu'on remonte la bretelle de la rue allant vers le lac

« J'aurais aimé être là-bas pour voir la tête de leur cavalier et les avoir à l'oeil. Surtout les mettre en garde. J'imagine que tu sais ce que c'est, je crois qu'Angélique est tout aussi protectrice que moi avec ses petites soeurs. Sinon à part ça, tout le monde va bien. Mon père j'en sais rien mais ma mère ça va. Elle aimerait bien que je rentre en Angleterre pour les fêtes de fin d'année, on verra bien d'ici là »

Le stand de glace à l'eau se rapproche au fur et à mesure de tes pas. Parler de ma famille, ça me met plus à l'aise déjà. Rentrer, ça serait bien ouais. Surtout pour noël et le réveillon mais voir mon père, ça risque de finir en clash. Au stand, je laisse Gaëlle choisir le parfum de sa glace à l'eau alors que moi je prend menthe, ça me rafraichira. J'insiste pour régler nos deux glaces et on repart direction le lac.

« Et toi ? La famille ? Tu oeuvre toujours pour l'orphelinat ? »

Si je n'ai pas donné de nouvelle, cela ne veut pas dire que je m'intéresse pas pour autant à ce qu'elle peut bien faire ou quoi. Au contraire, ça m'intéresse plus qu'autre chose. Au loin, on peut déjà apercevoir le lac et ses herbes bien vertes. Y'a pas grand monde, ni trop, ni pas assez. Parfait.

Cette journée lui rappelait étrangement une autre. Il faisait beau, et Gaëlle était également accompagnée de Shawn à ce moment-là. Ils avaient pique-niqué au bord du lac, à croire que cet endroit leur était réservé. Elle avait beaucoup apprécié cette après-midi malgré le fait qu’elle ait dû être écourtée à cause d’un appel de sa sœur Angélique, celle-ci se préoccupant de savoir où elle était passée. La jeune chrétienne avait dû rentrer pour ne pas se faire griller. Cette image lui était soudainement revenue lorsque Shawn désigna le chemin du doigt. Se laissant entrainée, elle avait presque oublié la gêne dont elle avait fait preuve il y a quelques instants, demandant même des nouvelles de la famille du jeune rockeur. Sans s’en rendre vraiment compte elle avait déstressé la situation, les mettant plus à l’aise l’un comme l’autre. Et puis c’était aussi une façon innocente de remettre à plupart la fameuse discussion à laquelle elle ne s’était pas préparée. Mais il ne fallait pas être sot, un moment ou un autre cela lui retomberai dessus. C’était un peu le but de cette invitation en même temps. Pouvoir parler librement en face à face de ce qu’ils ressentaient l’un pour l’autre.

Ils changèrent de trajectoire puis le jeune homme commença à parler de sa famille. Gaëlle l’écoutait avec attention comme toujours, elle était d’une oreille attentive. C’était une personne en qui on pouvait avoir confiance et ses amies l’avaient bien compris. Avec elle leurs confessions étaient bien gardées, et si cela pouvait en plus les aider à soulager leur conscience, Gaga ne se privait pas de les aider. Cela dit, quand c’était à son tour de soulager sa conscience, elle ne s’adressait pas à n’importe qui. Souvent c’était à Angélique qu’elle parlait. Cette dernière connaissait d’ailleurs tous ses petits secrets, des plus petits aux plus grands. Elle avait une confiance aveugle en son ainée, néanmoins il y avait certaines choses qu’elle se privait bien de lui dire et qu’elle préférait garder pour elle. Comme par exemple pour le baiser, ses sorties avec Shawn. Angélique avait trop tendance à la surprotéger, ce que Gaëlle n’appréciait pas. La blondinette avait le droit d’avoir sa petite vie privée non ? Vie privée qui n’existait que depuis peu et qui avait en quelque sorte chamboulée sa petite vie tranquille mais qui en même temps l’animait. C’était étrange venant d'une McClair, mais elle aimait ça. Elle y prenait gout même.

Quand Shawn mentionna le bal de fin d’année de ses sœurs, Gaga avala de travers. Elle comprenait tellement la situation de ses petites sœurs car dans des circonstances différentes elle avait un peu vécu la même chose. Elle qui essayait de convaincre son père pour qu’il l’autorise à aller au bal, sauf que avant cette année cette idée ne lui serait jamais venue à l’esprit. Dans ses rêves oui, mais en réalité elle était beaucoup trop timide pour s’imaginer aller à un bal. En effet elle n’avait même pas mis les pieds à celui de sa promo. Rien que l’idée de voir tous ces lycéens parler derrière son dos l’avait laissé perplexe. Et puis prise de courage -venu de je ne sais où-, elle avait accepté d’accompagner Shawnie l’année d’après. Paradoxe. Ceci dit, on ne pouvait pas passer à côté du fait qu’elle avait bien grandi. En un an, elle avait pris plus d’assurance dans tous domaines. Et même si Gaga se cherchait encore, elle n’était décidément pas une McClair comme les autres.


« Ah ben oui je te comprends, Angélique et toi êtes sur la même longueur d’ondes à ce niveau-là. »
C’est vrai qu’ils pourraient bien s’entendre ses deux-là, enfin si elle mettait ses apriori de côté. Souriant timidement, elle conclut. « Contente que ta mère se porte bien. » ponctuant cette phrase d'un éléguant sourire.

Elle n’insista pas sur son père, sachant leur rapport conflictuel, même si elle aurait bien aimé savoir pourquoi ils ne s’entendaient pas. Peut-être qu’un jour elle le saura mais pour l’instant cela ne lui semblait pas être une priorité. Ils étaient enfin arrivée au stand et Gaga choisit une glace à l’eau parfum fraise. Il prit les devants au moment du payement, puis une fois fait ils prirent le chemin du lac. Il lui demanda alors des nouvelles de la famille et de l’orphelinat. Suçotant sa glace, elle finit par répondre.

« Ben moi ça va, je vais bientôt intégrée mon deuxième cycle en médecine c'est-à-dire ma 3ème année. Et ma famille va bien également, merci. Oui oui bien sûr dès que j’ai du tout libre je n’en oublie pas moins ces bouts de chou. D’ailleurs, je ne sais pas si tu te souviens mais je t’avais proposé de m’accompagner une fois, et t’avais été d’accord. Si ça tiens toujours j’y vais mercredi aprèm prochain, si tu n’as rien à faire... Et si tu connais des gens qui ne savent plus quoi faire de leur vêtements, passes moi un petit coup de fil, on en a grandement besoin en ce moment notamment pour une association. »

Fit-elle alors qu’ils étaient enfin arrivés au bord du lac. La jeune femme s’assied alors sur l'herbe avec grâce et mangea sa glace le regard posé vers le lac. Elle se retourna vers Shawn et attendit une réponse de sa part, mêlant ainsi son regard au sien.