En cette matinée plutôt maussade - le vent était frais et le soleil manquait à l'appel -, Ginerva était restée à l'intérieur et jouait du piano. Installée dans la salle familiale vide, elle laissait aller ses mains sur son instrument, ne jouant pas de mélodie spéciale. Elle ne faisait que jouer. Pas pratiquer ni rien. Ça lui manquait de ne pas avoir à pratiquer certaines mélodies sans arrêt, au point de détester cette mélodie parce que trop jouée. La rouquine avait bien quelques pratiques à faire pour le Conservatoire, mais aujourd'hui elle les laissait de côté. Elle aurait bien aimé que Balthazar joue de la guitare pour l'accompagner, de la musique en famille était si rare chez les Wainwright, mais il était chez les Albright. Il était toujours là-bas, à croire qu'il ne se sentait pas bien dans sa propre maison. En même temps, Ginny le comprenait. C'était dur de vivre dans l'ombre de Satine Wainwright. Mais les deux autres enfants devaient faire avec. Ginny a réussi, mais Balt était encore dans sa phase d'adolescence, à se chercher, à vouloir se rebeller. Mais la seule rébellion de son petit frère était via ses conneries avec Alistair, sa mauvaise influence. Famille d'étranges, oui. La musicienne continua de jouer de son instrument-fétiche lorsque son cellulaire l'empêcha de continuer. Un rapide coup d'oeil sur l'afficheur et un grand sourire apparut sur le visage de la rouquine. Holly! En répondant à l'appel, Ginny remarqua que sa meilleure amie n'allait pas très bien - il faut dire qu'avec sa famille et le fardeau énorme qu'elle portait tous les jours, c'était compréhensible - et l'idée d'une rencontre au café s'imposait d'elle-même. En raccrochant, Ginerva était aux anges. Elle qui croyait passer son après-midi à jouer, voilà que sa journée venait de prendre une autre direction. En moins de dix minutes, elle était habillée, coiffée et partait au Gordon Coffee.

La rouquine avait décidé de prendre son vélo pour aller à son rendez-vous. Mais le cadenas qui protégeait son vélo des vols était vieux et Ginny dut se battre avec quelques instants avant de réussir à l'ouvrir. Alors qu'elle arrivait au lieu du rendez-vous, elle vit la silhouette de sa meilleure amie entrer dans le café. Un sourire apparut sur le visage de Ginerva: Holly lui avait manqué, et ce même si leur dernière rencontre n'était pas si éloignée que ça. Et puis ce n'était pas comme si elles vivaient loin l'une de l'autre: seule la maison des Albright les sépare! Holly était adorable, tout simplement. Ginny barra son vélo là où elle l'avait stationné devant le café et entra. Holly avait trouvé une place pour deux à un endroit assez reculé. Parfait! La rouquine alla rejoindre l'aînée des Montgomery et lui fit un câlin.

"Lilli!"

La rouquine sourit: ce qu'elle aimait lui faire des câlins! Elle s'installa en face de sa meilleure amie et regarda un peu les brevages disponibles.

"Alors, qu'est-ce que tu préfères: café, moka ou latté?"

Pour une vraie conversation de filles, rien de mieux que des cafés réconfortants avec quelques biscuits, question de bien démarrer.

Les deux amies arrivèrent finalement presque en même temps. En effet, la blonde n'eut pas le temps de s'ennuyer que déjà une jolie rouquine se montrait. Holly la vit à travers la vitre garer son vélo puis arriver vers elle. Ces derniers temps, elles s'étaient vues un peu moins. Avec tout le travail que l'ainée des Montgomery avait à faire, que ce soit à la maison ou au travail avec les personnes âgées, elle n'avait que très peu de temps pour elle. Bien sûr Ginerva et elle se téléphonaient très souvent, mais elles ne ressentaient pas non plus le besoin d'être H24 collées ensemble commes les adolescentes de 14 ans qui ne juraient l'une que par l'autre à la vie à la mort. Leur relation amicale était plus adulte. Elles savaient que chacune était là pour l'autre en cas de besoin, et de toute façon elles se croisaient régulièrement dans le quartier, ou même si quelque chose n'allait pas elles n'avaient que quelques pas à faire pour se rendre chez l'autre, c'était ça l'avantage de vivre dans le même quartier que sa meilleure amie. Holly n'était là que depuis un an, mais cette année semblait être passée en accéléré. Tout était allé très vite. Plus rapidement qu'elle ne l'aurait imaginé, Holly avait immédiatement su cerner les personnes qu'elle allait apprécier et celles qu'elle allait ne pas pouvoir voir en peinture. L'ambiance qui régnait dans ce quartier était vraiment spéciale selon elle, un mélange entre conte de fée et cauchemar. Ce quartier n'était franchement pas comme les autres, elle en était persuadée. Quoi qu'il en soit elle avait pu y faire des rencontres formidables et la jeune femme qui s'approchait présentement d'elle en faisait partie. « Ginny ! » s'exclama-t-elle de bon coeur, tout en levant ses fesses de sa chaise. Les deux amies s'étreignirent puis la rouquine s'installa en face d'elle. Cela faisait plaisir à Holly de la voir, comme à chaque fois. « Je pense que je vais prendre un latte macchiato, je suis frigorifiée pas toi ? » En effet il faisait froid dehors, et comme une idiote, la jeune femme avait oublié de se couvrir, ne sortant qu'avec les petits t-shirt, jean et gilet qu'elle portait à la maison.

« J'avais aucune envie de rester à la maison aujourd'hui, ils étaient tous là, enfin Vera et son mec, je suis bien mieux ici on va dire. » expliqua-t-elle en serrant la main de son amie sur la table. Le sourire de Holly ne s'était pas envolé en disant cette phrase, elle n'était pas de nature à se plaindre à la moindre difficulté, et même si les choses avaient une lourde importance pour elle, en surface elle gardait toujours une certaine bonne humeur. La plupart des gens étaient choqués la première fois qu'ils entendaient la blonde dire 'Vera', et pas 'maman'. Jamais elle ne l'avait appelée, ni même considérée comme cela. Ou alors petite, pendant ses premières années. Mais le sentiment de sécurité et d'amour qui se dégageait du terme 'maman' ne convenait pas à l'idée que se faisait Holly d'elle. Alors, elle l'appelait par son prénom, Vera tout simplement. « Sinon, la pêche ? » prit-elle des nouvelles avec son éternel sourire.

Apparemment, Holly était aussi contente de revoir la rouquine. Toutes deux s'entendaient à merveille, se complétaient parfaitement, étaient liées en quelque sorte. Vous savez, cette impression de connecter avec quelqu'un, de savoir en un seul regard comment cette personne se sentait sans même avoir besoin de s'adresser la parole? C'était exactement comme ça, entre Holly et Ginny. Holly n'avait pas à s'inventer une vie devant la rouquine, et cette dernière lui racontait le moindre de ses soucis, même s'ils étaient beaucoup moins importants que ceux de la Montgomery. Parce que faire ce qu'Holly faisait tous les jours, c'était dur. Et se confier à une amie était très important dans son cas, rôle que Ginerva jouait avec grand plaisir. Oui, Ginny était capable de rester calme quelques instants pour écouter les problèmes d'Holly, lui donner quelques conseils - conseils pourris en soi, mais c'était son opinion - et la réconforter dans ses mauvaises passes. Après leur accolade, les deux jeunes femmes s'installèrent et Holly lui mentionna qu'un latte macchiato ne lui ferait pas de tord. La rouquine hocha la tête et regarda du même coup l'habillement de son amie. Facile de croire qu'elle avait froid, elle n'avait apporté aucune veste pour l'extérieur! Ginny avait prévu le coup parce qu'en vélo il faisait plus froid, mais sa veste était vieille, moche et ne remplissait presque plus son rôle premier: parer le corps contre le froid. Au moins, Ginerva avait un chandail à manches longues pour compenser sa piteuse veste. Vivement la prochaine séance de magasinage!

"Je suis prête à parier que si tu voyais Cody sortir habillé comme tu l'es avec cette température dehors, tu lui aurait ordonné d'emmener une veste! Je te prêterais bien la mienne, mais elle est aussi chaude et réconfortante que ma mère."

Si seulement ce n'était pas de l'ironie. Et parlant de famille, Holly lui expliqua un peu la raison de leur rencontre dans ce café: la blonde ne voulait pas être en compagnie de ses "parents". Ginny savait bien que le seul adulte qui faisait office de parent dans la maison des Montgomery, c'était Holly. Et pourtant, elle n'avait que 22 ans!

"Tu es mieux partout sauf là-bas, tu sais. N'importe qui qui serait à ta place aurait déménagé bien longtemps avant! Tu devrais venir habiter chez nous, tu t'y plairais - à moins d'être trop sensible des oreilles, alors là bonjour le cauchemar, chez nous la musique est présente 24/7 - ou on pourrait se trouver un appartement. Seulement toutes les deux, on serait bien, non?" La rouquine sourit à sa meilleure amie. "Et oui, tu pourras emmener Cody si ça te chante, mais qu'il ne fouille pas dans ma chambre pour voler mes sous-vêtements, c'est tolérance zéro!"

Ginny se mit à rire. Le pire, c'était que Cody serait du genre à faire ça! Elle n'aurait qu'à installer un verrou sur la porte de sa chambre, tiens. La rouquine savait qu'Holly était très proche de son jeune frère et elle se doutait que c'était pour lui qu'elle restait encore avec sa mère et son beau-père. D'où sa proposition de cohabiter avec les deux. La blonde finit par lui demander si tout allait bien du côté de la rouquine. Cette dernière haussa les épaules.

"Oui, ça va. La maison est assez vide en ce moment, Satine et ma mère sont partis en Allemagne deux semaines. Ça fait bizarre de ne pas entendre la mélodie du piano tous les matins!"

Le serveur finit par arriver pour prendre les commandes des deux amies. Ginerva prit la parole:

"Bonjour! Nous voudrions avoir un latte macchiato, un café mocha et..." Court instant de réflexion. "... 4 biscuits, tiens. Double-chocolat."

Les biscuits du Gordon Coffee étaient tout simplement divins! Fraîchement cuits, ils étaient tellement moelleux et fondaient dans la bouche. Avec de la caféïne et de la bonne compagnie, ils étaient parfaits. Une fois le serveur disparu derrière le comptoir avec les commandes, Ginny reporta son attention vers Holly.

"Ça ne devrait pas être trop long, en attendant si tu congèles sur place je peux toujours t'enlacer pour te réchauffer jusqu'à ce que notre commande arrive!"

Passer une après-midi au chaud à discuter autour d'une boisson chaude avec sa meilleure amie, comment une après-midi pouvait-elle être plus parfaite ? Cela faisait clairement du bien à Holly de souffler un peu. Ce rôle de maman qui s'était imposé à elle sans qu'elle ne se rende compte, lui pesait un peu quelques fois. Elle ne regrettait rien, sauf l'insouciance de sa mère, qu'elle jugeait même comme inconsciente. La jeune femme n'avait pas l'impression de profiter de la vie comme les autres personnes de son âge, et cela la chagrinait un peu. Mais Holly n'avait pas encore le pouvoir de se dédoubler, il fallait donc bien composer avec cette situation. Le futur lui réservait sans doute des surprises, après tout. Cette petite parenthèse détente lui faisait donc beaucoup de bien. Ginerva lui fit remarquer qu'il n'était pas étonnant qu'elle ait froid vu sa tenue ; en effet Holly se sentit bête, elle n'avait pas du tout prévu le coup, elle si prévoyante d'ordinaire. « Ça c'est sûr, dommage que moi je n'ai pas une maman pour me rappeler de prendre un manteau avant de sortir. » blagua la jeune femme avec un petit sourire, même si c'était loin d'être drôle. C'était plus de l'ironie qu'autre chose, Holly ne comptait pas verser sa petite larme et se plaindre. La jeune aide-soignante remarqua que son amie avait fait elle aussi une allusion à sa mère. Au moins elles se comprenaient, sur ce point là la blonde n'était pas la seule à avoir des problèmes avec sa famille, et plus particulièrement sa génitrice. Ginerva tenta alors de la réconforter. Elle lui parla même de déménager. C'était tout simplement impossible pour elle. « Mais non, ils ont besoin de moi. » Ses frères et sa soeur. Même s'ils prétendaient le contraire. Et puis, Vera et son petit ami ne la dérangeaient pas tant par leurs actions, sa mère n'était pas une femme insupportable qui criait tout le temps, non à l'inverse c'était tout ce qu'elle ne faisait pas qui était insupportable. Et ça la plupart des jeunes de son âge n'arrivaient pas à le comprendre. Elle se rappelait encore de ses amis du lycée, ils lui disaient qu'au moins elle était libre de faire ce qu'elle voulait, pas de mère qui te court après pour que tu arrêtes de regarder la télé ou que tu fasses tes devoirs, la belle vie en somme. Sauf que dans les faits c'était bel et bien tout sauf ça, la belle vie. Ginny continua dans son élan de réconfort en allant même jusqu'à lui proposer de venir habiter chez elle, ou bien qu'elles prennent un appartement à deux. Holly était particulièrement touchée de l'attention, sauf qu'une fois encore, c'était impossible. « Je ne veux pas casser ton délire, c'est adorable mais.. Enfin tu sais si j'avais pas eu autant de responsabilités j'aurais signé tout de suite. » Cela embêtait Holly d'avoir à endosser le rôle de rabat-joie mais elle espérait que Ginny comprenne. De toute façon ses propositions n'étaient pas sérieuses, du moins elle ne pensait pas. « Quand ils seront majeurs, c'est sans problème ! » ajouta-t-elle cependant avec le sourire. Une colocation avec Ginny, ce serait vraiment le paradis sur terre. Au moins elle serait garantie de rire tous les jours, et que ses soucis soient relégués au second plan. Mais pour l'instant ce n'était vraiment pas au programme, malheureusement. « Promis. » Ginerva lui expliqua à son tour que sa soeur et sa mère étaient parties quelques jours à l'étranger. Holly crut ressentir une certaine pointe de jalousie dans ses paroles. La blonde savait qu'elle avait toujours un peu été dans l'ombre de son ainée et pour cette raison elle préféra ne pas relever. Elle l'envia cependant d'avoir tous les matins le plaisir d'entendre la mélodie du piano, cette passion commune aux Wainwright. Holly, elle, avait l'impression de n'avoir aucune passion, aucun talent, mis à part peut-être la peinture, et cela l'ennuyait. La sortant de ses songes, le serveur arriva et prit leur commande. Holly espérait qu'il se dépêche ; malgré la chaleur réconfortante du Gordon Coffee, elle avait encore les joues rosies par le froid de la rue. Et Ginerva le remarqua puisqu'elle lui proposa même de la réchauffer en attendant. « Oh oui un câlin ! » Sa meilleure amie était une perle.

Niveau maman, Holly Montgomery et Ginerva Wainwright se ressemblaient plus que de raison. Toutes deux se faisaient ignorer par leur mère respective, mais Ginny était prête à parier que Margareth se permettait de juger allègrement Vera en raison de son immaturité, mais maman Wainwright favorisait une enfant en ignorant les autres, ce que la rouquine trouvait pire que ne rien faire du tout. Parce qu'agir comme Margareth Wainwright signifiait qu'on pouvait s'occuper des autres, qu'on pouvait apprécier les autres à leur juste valeur, mais ne le faisait tout simplement pas. C'était ignoble, mais Ginny avait fini par s'y faire. Dommage que ce soit Balthazar qui paie pour ça. Alors, lorsqu'Holly répliqua qu'il lui faudrait une mère pour lui rappeler de porter un manteau, Ginny hocha la tête.

"Tu me le diras si tu vois une mère comme ça, elle voudra peut-être nous adopter!"

Évidemment, c'était ironique: Ginny ne voulait pas changer de famille. Malgré tout, elle l'aimait, sa famille de roux. Qu'est-ce qu'elle ferait sans les conneries matinales de Balthazar, les douces mélodies de Satine et le rire contagieux de Lucy? Malgré le père absent et la mère obsédée, Ginny était bien chez les Wainwright, ou presque. Elle ne manquait de rien chez eux, sauf peut-être un peu d'amour et de reconnaissance - rien de dramatique, en fait. Mais bientôt, l'université prendra fin pour Ginerva et elle devra voler de ses propres ailes. Mais malheureusement pour elle, Holly ne fera pas partie de sa colocation, du moins pour l'instant. Elle a sa famille à s'occuper, contrairement à Ginny. Mais elle le comprenait parfaitement même si elle ne vit pas sa situation, même si dans un sens c'est contradictoire. Les yeux de la rouquine s'illuminèrent lorsqu'Holly lui promit une colocation une fois tous ses frères et soeur majeurs et leva les bras en l'air en signe de victoire.

"Yeah! Tu vas voir, si on se retrouve en colocation, ça va être trop... géant!"

La rouquine imaginait sans peine une colocation parfaite entre les deux jeunes femmes tant elle s'entendaient à merveille. Il faut aussi préciser que dans l'esprit de Ginny, tout est toujours parfait. Une fois le serveur parti avec les commandes des deux amies, Ginny proposa un câlin à Holly qui ne se fit pas prier longtemps. Contente, Ginny se leva et fit un câlin bien réconfortant à sa meilleure amie en prenant bien soin de frotter ses bras et son dos pour la réchauffer en même temps. La pauvre, elle grelottait! Heureusement que Ginny et ses supers-câlins étaient là pour elle (a). Une fois son câlin terminé, la rouquine s'assied et sourit à son amie.

"Tu vas être capable de ne pas devenir un glaçon en attendant ton latte?"

Puis la rouquine se mit à rire. Imaginer Holly se transformer en glaçon sur place était impensable, surtout que Ginny ne la laisserait jamais dans un tel état! Elle tenait trop à sa meilleure amie pour la laisser comme ça en sirotant son café moka, tranquille... ce n'était pas du tout son genre. La rouquine joint ses mains sur la table et lui lança, avec un sourire en coin:

"Et sinon, niveau vie amoureuse, tu as fini par trouver ton prince charmant?"

Ginny avalait difficilement le fait qu'Holly Montgomery, qui était belle à croquer, soit toujours célibataire. Ça la dépassait complètement! C'était bien beau s'occuper de sa famille, mais avoir une vie amoureuse était également important; primordial lorsqu'on le vivait avec l'homme de ses rêves. Et justement, la rouquine voyait que le serveur avait presque finir de préparer leurs brevages; leur commande arrivera donc à point pour LE sujet à aborder entre femmes.

« Tu me le diras si tu vois une mère comme ça, elle voudra peut-être nous adopter ! » Lorsque sa meilleure amie prononça cette phrase, Holly sentit une pointe de mélancolie la traverser. Souvent, elle s'était imaginé des scénarios dans sa tête. Vu à quel point Vera s'occupait de ses enfants, cela n'aurait pas été très étonnant que la petite blonde se retrouve en maison d'accueil, puis adoptée par une autre famille, qui sait, une famille comme les Wainwright peut-être. Malgré les problèmes que Ginerva rencontrait avec sa mère, et dont Holly avait bien connaissance, elle l'enviait un peu, parfois. Au moins, sa famille à elle était "normale". Un papa, une maman, des enfants unis les uns aux autres. A côté, la famille Montgomery était un champ de ruines, et Holly semblait en constituer le seul ciment fragile. Aurait-elle été heureuse dans une autre famille, peut-être, peut-être pas. Mais Holly ne regrettait pas son parcours, après tout son histoire l'avait construite pour faire d'elle ce qu'elle était maintenant, une jeune femme responsable et mature dont elle pouvait être fière. D'accord, elle ne poursuivait pas d'études supérieures comme elle l'aurait voulu, en droit, mais elle s'occupait de sa petite famille et des patients de la maison de retraite au quotidien, elle faisait ce qu'elle aimait. C'était toujours mieux que d'avoir été dans une famille où la pêche ou l'agriculture se transmettait de père en fils, ou pire de mère en fille. Par une action de grâce du bon dieu, elle ne s'était pas retrouvée dans une famille de la sorte. Au moins, Vera ne lui avait rien transmis, ni ses conneries ni son attitude de débauchée. Pour autant, Holly avait hâte de vivre sa vie comme elle l'entendait. Alors, l'idée d'établir une colocation avec sa meilleure amie Ginny était une idée qui l'enchantait au plus haut point. « Ça serait le rêve tu veux dire oui.. » souffla-t-elle. La rousse semblait aussi ravie qu'elle, même pire qu'excitée (a) Et même si ces paroles lâchées au hasard au détour d'un café pouvaient sembler légères et dénuées de sens, Holly ne doutait pas qu'elles pourraient un jour faire de ce rêve une réalité. « J'ai hâte. » conclut-elle, sincèrement, doucement, pour montrer à sa meilleure que ce n'étaient pas des paroles en l'air.

Etant frigorifiée, Ginny lui proposa de la réchauffer, ce qu'elle ne put qu'accepter, quelle bonne idée ! « Je vais essayer au moins..! » pouffa la jeune femme lorsque celle-ci lui demanda si elle était capable de ne pas se transformer en glaçon. Elle n'était pas loin d'en devenir un si son latte n'arrivait pas très vite, en tout cas. En jetant un petit coup d'oeil derrière le comptoir, Holly put remarquer que le serveur s'activait pour les servir, elles ou les autres clients. En effet le Gordon Coffee était réellement bondé, vu la température, il semblait normal que les gens n'aient pas envie de se geler dehors. Au moins, ils avaient eu le courage de sortir de chez eux. Se détachant de son étreinte réconfortante, la pétillante rousse choisit d'aborder le sujet fatidique, la question qui fâche, le thème-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom-mais-je-vais-le-faire-quand-même : les amours. Etant donné que sa vie amoureuse était reléguée tout au bas de la liste de ses préoccupations, Holly n'avait pas vraiment cherché à trouvé sa moitié à Magnolia. En même temps, elle ne vivait dans le quartier que depuis un an, et on ne pouvait pas dire qu'elle avait eu beaucoup de temps libre pour flâner en quête du prince charmant. « Tu sais bien que tu aurais été la première au courant si ç'avait été le cas. Toi par contre, je sens que tu as des tonnes de choses à me raconter. » En effet, Holly n'avait rien à raconter sur ce thème, alors autant retourner la question sur sa meilleure amie, qui elle devait sans nul doute avoir des choses bien plus croustillantes à lui confier. Bon, il y avait bien ce Maxim Daniels qui plaisait bien à Holly, mais comme les deux amies se racontaient tout, par-dessus tout, elle avait appris qu'il se passait éventuellement quelque chose entre ces deux-là. Holly avait donc laissé tomber, ses histoires de famille étaient déjà bien assez compliquées comme cela pour qu'il faille rajouter des problèmes à sa vie amicale et/ou amoureuse. Leur commande arriva à temps, la conversation pouvait enfin commencer. Il ne manquait plus qu'une part de tarte au rutabaga agrémentée de quelques noix de pécan, et ce moment aurait été juste parfait.

L'idée de se trouver en colocation avec Holly Montgomery enchantait Ginny. Elle sentait qu'elles arriveraient à s'entendre parfaitement, qu'elles ne se taperaient pas sur les nerfs au bout de deux semaines. La famille c'était bien, mais vivre avec quotidiennement finissait par exaspérer la rouquine. Le déménagement lui ferait du bien, et avec quelqu'un qu'elle appréciait énormément comme Holly, ça serait l'extase. Mais bon, Montgomery avait des obligations de son côté, il fallait vivre avec ça et continuer ses plans en gardant quand même la proposition de côté. Et Holly semblait de son avis sur ce point, elle avait également hâte de se trouver en colocation avec sa meilleure amie. Ginerva lui sourit alors, contente qu'Holly ait pensé un peu à elle au lieu de se concentrer sur l'avenir de ses frères et soeur sans sa présence à la maison - car même lorsqu'ils seront majeurs, la rouquine était prête à parier qu'Holly resterait à la maison pour s'occuper d'eux, au moins maintenant elle aurait une autre possibilité. Après avoir fait à Holly un câlin à la Ginerva Wainwright - sincère, réconfortant et revigorant -, la musicienne reprit sa place et demanda à sa meilleure amie si elle allait tenir le coup, sur quoi son amie s'esclaffa en approuvant. Entendre la blonde rire avait un effet étrangement contagieux: la rouquine continua de rire. Le simple fait d'entendre son amie s'esclaffer lui donnait envie d'en faire autant, et Ginny ne se gênait jamais lorsqu'il était question d'exprimer sa bonne humeur, quitte à attirer l'attention des tables avoisinantes. Puis la rouquine décida d'aborder LE sujet: les garçons. Ginerva était définitivement une éternelle curieuse, même si ça finissait par jouer contre elle; non seulement Holly n'avait rien à dire sur le sujet, mais elle lui retourna la question. Merde! Là voilà coincée à son propre jeu. Mais en même temps, parler de ses amours à Holly n'avait rien d'intimidant ou gênant: Ginerva racontait sa vie à qui voulait l'entendre, son entourage était au courant de ses faits et gestes. Mais à Montgomery, Ginny se permettait de lui confier ses doutes, ses espérances, ses rêves et réciproquement. Leur commande finit par arriver: excellent! La musicienne se prit deux biscuits, poussa les deux autres en direction de sa meilleure amie et les plaça les siens à côté de son café moka.

"J'espère bien être au courant de tes avancées amoureuses, nonmaisoh! Moi qui te raconte tout, tu serais une traîtresse si tu ne le faisais pas! Même si je sais très bien que tu ne ferais jamais ça..." Ginny sourit à Holly, puis prit un air plus solennel. "Mais qu'est-ce que je pourrais te raconter que tu ne saches déjà ou que DS ne t'a pas déjà mis au courant? Tu n'as pas dû être surprise du dernier article, puisque tu savais déjà que j'en pinçais pour Maxim et que maintenant il est au courant et qu'il m'a donné de l'espoir en disant que c'était peut-être réciproque et je-t'épargne-les-détails-parce-que-tu-sais-déjà-tout. Sauf que depuis l'annonce publique, j'ai peur de la réaction de Zain." La rouquine souffla un peu sur son breuvage et prit une gorgée avant de continuer. "Il est tellement fragile et soucieux des autres, il risque de s'inquiéter sur le fait que Maxim me brise le coeur alors que je suis capable de gérer les risques moi-même! Parfois j'aimerais qu'il pense à son propre bonheur au lieu de penser autant aux autres, ça lui ferait du bien."

Était-ce un message subtil que Ginerva venait d'envoyer à sa meilleure amie? Un peu. Mais Zain ressemblait à Holly sur certains points, ce n'était pas de la faute de la rouquine si en visant l'un, elle visait indirectement l'autre. Montgomery qui, d'ailleurs, était au courant de l'histoire entre Ginny&Zain, même si elle n'était pas à MC lors des évènements: la rouquine lui a raconté. Considérant qu'elle en avait fini avec ce sujet, Ginerva prit une bouchée d'un de ses biscuits - toujours aussi succulent! - et regarda Holly avec un air mesquin.

"Et si on jouait à un jeu, maintenant?"

Un sourire sadique venait d'apparaître sur le visage de la rouquine; elle avait une idée derrière la tête et n'en démordrait pas.