« Shannon, attends! » Super, je voyais déjà la conversation plaisante qui s’approchait. C’était quoi déjà son nom? Natasha? Non … ce n’était pas Maria? Oh et puis merde, rien à foutre. J’en avais fini avec elle, c’est tout ce qu’il y avait d’important à retenir. Je détestais devoir faire ça, mais je n’arrivais pas à avoir de relations sérieuses, je n’y pouvais rien. J’avais beau essayer, à chaque fois j’avais de bonnes intentions, mais dès que ça devenait sérieux, c’est comme si quelqu’un d’autre prenait le pouvoir de mes mains et de ma bouche, et qu’elle stoppait tout. Et ça me dérangeait de devoir briser le cœur à toutes ces filles, à chaque fois, mais je n’étais pas capable de faire autrement. L’engagement me faisait peur. Enfin, fallait comprendre, le seul modèle de relation stable que j’avais vu, c’était mes parents. Et ma mère avait tout gâché ça. Heureusement, je n’avais plus contact avec elle depuis que j’habitais chez les Hopper, et ça ne me manquait pas du tout. Fallait juste que je trouve un mensonge à sortir lorsqu’on me demandait pourquoi je ne voyais plus ma mère. « Shannon, est-ce que tu m’ignores ?!?! » Ouais et ça ne marchait visiblement pas avec celle-là! Et merde. Et là, dans ces moments là, fallait que je sorte un peu de méchanceté pour que la fille en question me foute la paix. Putain que je détestais devoir à faire ça. Voir leur viser tomber en morceaux, ça ne me faisait pas plaisir, au contraire. Ça me faisait paraitre comme le pire des trous de cul, mais au fond, je me sentais terriblement mal. Je n’aimais pas devoir être méchant, mais il le fallait. Je ne voyais pas tellement leur arriver en disant : « Ouais uhhhh toi et moi c’est fini parce que j’ai été abusé et que j’arrive pas à avoir de relation sérieuse. Désolé, j’enchaine la prochaine! Non merci. Je n’avais pas envie de m’humilier en confiant mes abus, je me sentais sal. Et je n’avais pas envie de la pitié des gens non plus. « Écoutes, je suis désolé, mais toi et moi ça ne fonctionne pas. N’insiste pas, je ne veux pas être méchant mais je le serai si nécessaire. Je ne changerai pas d’avis, j’ai rencontré quelqu’un d’autre et maintenant, vas voir ailleurs si j’y suis. » Je claquai la porte de ma voiture, lançant mon sac sur le siège du passager, et je pris la route de la piscine. Au moins là, je devrais avoir la paix. Mais de rencontrer mes anciennes conquêtes, dans le genre, ça me mettait toujours dans une humeur massacrante.

Je roulai une bonne dizaine de minute avant d’arriver à destination : la piscine. J’aimais bien venir ici pour dépenser mon énergie et avec cette rencontre inattendue, ça allait me faire encore plus de bien. Faire du sport quand j’étais de mauvaise humeur, ça me faisait toujours du bien. Je fis un saut dans les vestiaires pour enfiler mon maillot de bain, style shorts de surf, et je barrai le reste de mes choses dans un casier à cadenas. Je pris ensuite la direction de la piscine, dans laquelle je plongeai sans attendre davantage. Je me mis à faire des longueurs, le plus rapidement que possible, essayant de chasser les souvenirs qui me hantaient. Mais j’avais beau accélérer et essayer de penser à autre chose, la vision de ma mère revenait tout le temps. Je détestais rencontrer les filles que je plaquais car ça avait pour effet de faire remonter ces souvenirs à la surface, puisque c’était la raison pour laquelle je mettais fin à une relation. Chaque fois, je devais affronter mes démons encore une fois, et je n’aimais pas ça du tout. Je me sentais mal dans mon peau, je me sentais tout petit. C’était lourd de devoir garder ça pour soi, mais je ne voulais pas que ça se sache. Je savais que, si j’en parlais, ça allait se répandre à un rythme pas possible. Alors je gardais tout pour moi! Même Maximiliano n’était pas au courant. Il n’y avait que moi et ma mère, et c’était bien comme ça. J’accélérai le rythme, encore une fois, ignorant la douleur qui commençait à élancer dans mes bras. La douleur allait m’occuper l’esprit. J’arrêtai quelques longueurs plus tard, lorsque la douleur devint insoutenable. Je m’accotai les bras contre le rebord de la piscine, reprenant mon souffle, en fixant un point devant moi. Je sens que la journée allait être à chier à cause de cette conne. J’avais juste envie d’assassiner quelqu’un … au sens figuré hein, pas au sens propre!

Alors que je reprenais mon souffle, suite aux nombreuses longueurs que je venais de faire, je me perdais toujours dans mes pensées. Est-ce qu’un jour j’allais réussir à reprendre le contrôle de ma vie ? Est-ce que j’allais réussir à me mettre en couple et à rester en couple plus qu’un mois ou deux ? Est-ce que j’allais pouvoir fonder une famille avec la femme de ma vie ? Plus le temps avançait, plus je commençais à douter. Oui je suis encore jeune, mais le temps passait tellement vite et rien ne s’arrangeait. J’imagine que je ne m’y prenais pas de la bonne façon, en ne faisant qu’assouvir mes désirs, peut-être que j’espérais l’avoir facile. Probablement que j’espérais que tout se replace tout seul, que tout redevienne comme avant en un claquement de doigts. Mais quelque chose me disait que ça ne fonctionnait pas comme ça mais l’idée de devoir aller à des thérapies ne me plaisait pas. Je n’avais pas besoin d’aide, bon, j’étais capable de régler mes problèmes tout seul. Du moins, c’est ce que je pensais. En même temps, tous ces évènements étaient encore récents, il allait probablement me falloir un peu de temps avant de PEUT-ÊTRE commencer à guérir. Ça ne faisait que quelques mois que je n’habitais plus chez ma mère, après tout. Lentement mais surement, j’allais retrouver qui j’étais. L’espoir fait vivre, comme on dit.

L’apparition de deux pieds me sortit de mes pensées. Je tournai la tête, suivant la jeune femme des yeux, en la reluquant sans trop de gêne. Je tentai de trouver, dans ma tête, une raison pour aller lui parler. Ce n’était sans doute pas une bonne idée, vu le combat que je tentais de remporter mentalement, mais je la trouvais séduisante et puis, et si c’était elle ? Et si c’était elle la bonne ? Comment le saurai-je si je ne tentais pas ma chance après tout ? Je voulais garder espoir que quand je trouverais la bonne personne, j’allais changer. Je n’allais quand même pas passer ma vie à sortir avec la première venue, la plaquer deux fois après et recommencer à nouveau, non ? Je pris donc mon courage à deux mains et je me mis à nager jusqu’à ce que j’arrive dans le couloir voisin au sien. J’attendis qu’elle soit assez proche de moi, et qu’elle sorte la tête de l’eau afin d’être certain qu’elle m’entendait. « Excuses-moi. » dis-je pour attirer son attention, puis je poursuivis : « On ne se serait pas croisé quelque part par hasard ? Tu me sembles vraiment familière. » En fait, pas tant que ça mais ça avait été la seule idée, vite comme ça, que j’avais eu pour l’aborder. Après tout, c’était un moyen comme un autre d’engager la conversation.

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