I wonder how, I wonder why
Yesterday you told me about the blue blue sky

... And all that I can see... is just a yellow lemon tree.

Lucy éteignit la musique et descendit les marches quatre à quatre. Elle alla dans le vestibule à la recherche de sa nouvelle paire de bottes, les mit, enfila sa veste, enroula son écharpe bleu coral autour du cou... et réalisa que son sac était toujours à l'étage. Elle remonta donc les marches en vitesse, récupéra ses affaires et redescendit. Sa montre affichait 20h18. Elle avait encore suffisamment de temps pour arriver au cinéma en avance et avoir une bonne place. Lucy aimait bien aller au cinéma, même seule, même à pied dans le froid. Elle y allait plusieurs fois par mois, elle était de ceux que l'on appelait cinéphiles. Alors qu'elle enfilait sa paire de gants, on toqua à la porte d'entrée. Tiens, étrange. Toute la famille Wainwright était partie au récital de piano de Satine, laissant Lucy seule à la maison. Elle aimait le piano, mais ne supportait pas les récitals, les concours ou quoi que ce soit de ce genre là. Elle alla ouvrir la porte et une jeune blondinette se tint devant elle.

Salut Lucy ! s'exclama Holly, est ce que Gin' est dans le coin par hasard ?
Beh, non, ils sont tous au récital de piano de Satine ce soir...
Ah, zut.

La déception se lisait sur le visage de la jeune fille. Holly, Lucy l'avait rencontrée quelques mois après son emménagement à Magnolia Cresent. Elle était nouvelle dans le quartier et devint rapidemment amie avec Ginerva. Du coup, les deux filles furent amenées à se rencontrer régulièrement, et elles découvrirent qu'elles avaient beaucoup de chose en commun: leur âge, leur arrivée récente dans le voisinage, et puis leur caractère. Elles s'entendaient d'ailleurs particulièrement bien.

Tu allais sortir ? demanda la blonde.
Oui, je vais au cinéma, répondit l'autre avec un sourire.
Hinhin... avec qui ? demanda la première, avec un petit sourire espiègle l'air de dire: mais c'est un rencard ?
Toute seule ! D'ailleurs, si tu veux m'accompagner...

Dévalant les escaliers de la maison de retraite, Holly était contente d'avoir fini sa journée. Son travail ne lui déplaisait pas, mais rentrer chez soi était toujours un bon moment. Bon, en réalité pas toujours, mais cela lui faisait quelque part du bien. Après avoir dit aurevoir au personnel soignant qu'elle croisa sur son chemin et salué plus vivement une collègue qui était aussi bonne amie à elle, Holly prit le chemin de Magnolia Street. Elle venait à pieds, ce qui était assez rude en hiver. Mais la jeune femme voyait le bon côté des choses, au moins cela lui faisait de l'exercice et elle avait souvent l'occasion de croiser d'autres voisins aussi aventureux qu'elle. Traversant les pâtés de maison, la jeune Montgomery se demanda quand les premiers flocons de neige tomberaient sur la ville. C'était chaque fois un moment assez magique. Lorsqu'elle était petite Holly avait toujours été fascinée par ces petits flocons blancs glacés. Du coup, cela lui rappelait certains bons souvenirs qu'elle aimait à se rappeler, nostalgiquement. Bribes d'une enfance échappée trop rapidement. Son pas étant plutôt rapide, la jeune femme arriva rapidement dans la rue principale du quartier, mais étant en sens inverse, elle passa devant la maison des Wainwright. Sa maison n'était qu'à deux numéros de là, mais elle eut une idée. Passer la fin de journée en compagnie de sa meilleure amie avant de rentrer chez elle pour de bon. Venir à l'improviste n'était pas vraiment dans ses habitudes mais elle l'avait déjà fait, Ginny ne lui en voudrait pas. Il fallait bien après tout profiter d'habiter à quinze mètres l'une de l'autre. Holly coinca une mèche blonde derrière son oreille puis frappa.

A peines quelques secondes plus tard, ce fut Lucy qui lui ouvrit. Un sourire surpris fendit le visage de la petite blonde. « Oh Lucy ! Est-ce que Ginny serait dans le coin, par hasard ? » La brunette lui répondit négativement. Holly était déçue, elle qui s'était fait une joie à l'idée de papoter avec la rouquine un tant soit peu. Lucy semblait sur le point de quitter le numéro quarante-deux, elle avait déjà ses chaussures et son manteau, ce que la jeune Montgomery ne put que remarquer. « Tu allais sortir ? » La concernée lui répondit que c'était le cas, elle allait au cinéma. Curieuse comme toujours, Holly ne put s'empêcher de lui demander l'idendité de la personne qui l'accompagnerait, mais la jeune femme y allait seule. « Oh, toute seule ? C'est un peu triste d'aller au cinéma sans personne. Du coup oui tiens, pourquoi pas. » Elle n'avait rien de prévu dans l'immédiat, alors soyons fous. « Tu permets juste, je reviens. » Holly marcha rapidement jusqu'à chez elle, laissa un mot sur le frigo pour prévenir les autres qu'elle serait de retour juste avant le dîner et que s'ils avaient faim ils pouvaient commander quelque chose, leur laissa quelques billets, puis rejoignit à nouveau Lucy ; ce qui lui prit trois minutes en tout et pour tout. « On est parties alors ! » s'exclama-t-elle.

I wonder how, I wonder why
Yesterday you told me about the blue blue sky

La blondinette avait accepté d'accompagner Lucy au cinéma, ce qui l'enchanta. Non pas qu'aller au cinéma seule lui déplaisait, elle avait pris cette habitude lorsqu'elle habitait déjà à Paris, mais passer du temps avec Holly lui faisait encore plus plaisir. Elle laissa le jeune fille aller chez elle prévenir de son absence, et ferma la maison des Wainwright. Elle l'attendit sur le trottoir. Lucy avait toujours admiré la jeune Montgomery pour sa maturité et sa responsabilité. Elle connaissait un petit peu ce qu'il se passait chez elle, et Holly devait gérer tous ses frères et soeurs, ainsi que son travail. Ce n'était pas évident chaque jour, elle s'en doutait bien. Holly revint, et elles se mirent en route. Lucy leva le nez vers le ciel gris, et huma l'air frais. Elle aimait tout particulièrement l'hiver, et espérait avoir cette année un Noël tout blanc. Elle se souvenait des batailles de boules de neige dans le jardin du numéro 42 l'an dernier, avec les enfants Wainwright et sourit à ce souvenir. Holly marchait à côté d'elle, emmitouflée dans son manteau.

Tu as passé une bonne journée ? lui demanda la petite brune.

Lucy savait que la jeune fille travaillait dans une maison de retraite, elles avaient déjà eu l'occasion d'en parler. Elle l'aimait bien, cette petite blonde là. C'était peut être parce qu'elles avaient pas mal de points en commun ? Elles avaient le même âge, étaient toutes les deux arrivées récemment dans le voisinage, elles travaillaient et avaient une maison à gérer. Lucy la trouvait plus mature que les autres jeunes d eleug âge et cela ne lui déplaisait pas, au contraire. Elle regarda sa montre et vit qu'elles avaient largement le temps d'être à l'heure pour la séance: aucune raison de se presser.

Bon, Holly espérait maintenant que les jumeaux et Cody n'aient pas besoin d'elle pendant son absence. Elle serait de toute façon de retour dans deux heures ou un peu plus. La jeune femme ne pouvait s'empêcher d'éprouver une pointe de culpabilité lorsqu'elle n'était pas à la maison, qu'elle sortait juste pour le plaisir de sortir. La petite blonde se dit que de toute façon elle laisserait son téléphone allumé et qu'elle le garderait sur ses genoux pendant la séance. Ne sait-on jamais. Une fois de retour aux côtés de Lucy, elles se mirent en route. Le froid faisait rosir ses joues mais c'était une sensation plutôt agréable. La jeune femme s'emmitoufla un peu plus dans son écharpe malgré tout, profitant de la chaleur qu'elle lui procurait. Il n'était pas très tard, l'après-midi se terminait seulement, mais déjà la nuit tombait et les rues étaient éclairées. L'intérieur des maisons l'était aussi. Les deux jeunes femmes passèrent devant un vendeur de marrons chaud, vu la file d'attente et le sourire du marchand, la récolte semblait avoir été bonne. Le Black Friday était désormais derrière elle, pourtant Holly n'avait pas encore fait ses courses de fêtes de fin d'année. La jeune femme détestait Noël et cette période, simplement parce que les fêtes familiales lui rappelaient à quel point la sienne n'en était pas une. Lucy brisa le silence et lui demande comment s'était déroulée sa journée. « Plutôt bien. En fait j'ai bossé toute la journée. Je sais que l'ambiance de la maison de retraite peut être spéciale pour certains, mais moi ça me plait. Si tu savais le bien que ça leur fait qu'on s'intéresse un peu à eux. La plupart de ces gens-là ne reçoivent jamais de visite. » Holly trouvait ça triste de finir sa vie de cette façon. Sans famille, sans ami, sans repère, seul. C'était aussi pour cette raison qu'elle mettait du coeur à l'ouvrage pour enjoliver leurs journées. Ils n'en demandaient pas beaucoup, un rien les faisait sourire. Et Holly en apprenait en retour, ils lui racontaient leur vie trépidante appartenant au passé ; leur voix trahissait alors à la fois bonheur et mélancolie face à cette commémoration. Des pèlerins de toute une vie, en somme.

Lucy la rappela à la réalité. « Et toi ? Ça se passe bien chez les Wainwright ? » Holly et la petite brune étaient arrivées à la même période dans le quartier, mais elles n'avaient appris à se connaitre que récemment. Pourtant, Ginny était ici depuis son arrivée, sa première et meilleure amie, et elle hébergeait également la jeune Lucy. En effet celle-ci en plus d'être employée chez la famille rousse de Magnolia, vivait également sous leur toît. Holly trouvait cette situation assez originale, pour autant Lucy avait l'air de s'y plaire. Les deux jeunes femmes passèrent devant une maison dont les propriétaires avaient laissé une citrouille d'Halloween dans le jardin, tournèrent au coin de la rue et arrivèrent enfin au cinéma. Holly se demanda quel genre de film Lucy avait prévu de voir, que ce soit un film d'horreur ou un documentaire sur les indiens d'Amérique.

I wonder how, I wonder why
Yesterday you told me about the blue blue sky

Tout en marchant, Holly raconta à Lucy sa journée à la maison de retraite. On pouvait sentir dans sa voix que son métier lui plaisait énormément. Peu de gens devaient connaître cette joie de passer leurs journées en compagnie de personnages agées. Holly, elle, aimait ça. Peut être parce qu'elle aimait s'occuper des gens. Finalement, chez elle aussi elle avait ce rôle: s'occuper de ses frères et soeurs comme une mère le ferait. Lucy sourit en l'écoutant, elle aimait les gens passionnés. Il n'y avait rien de plus gai qu'entendre quelqu'un parler de ce qu'il aime. Elle pensa à ses parents, auxquels elle n'avait pas donné de nouvelles depuis des mois, à sa grand mère qu'elle appelait quelques fois en France, et qui lui manquait beaucoup. Elle ne put s'empêcher d'espérer que ses rapports avec son père et sa mère s'arrangeraient avant qu'ils deviennent vieux et séniles.

Et toi ? Ça se passe bien chez les Wainwright ?

Cette fois, c'était Holly qui avait posé la question. Lucy remontait le col de son manteau, gênée par le froid qui lui mordait le visage. Et chercha comment formuler sa réponse.

Oui, ça va. Avec les fêtes c'est un peu la pagaille, mais ça va.

Chez les Wainwright, tout allait toujours bien aux yeux de Lucy. Une famille exemplaire. Des parents aimants et attentifs, des enfants intelligents et sages. A première vue, la famille parfaite. Depuis le temps qu'elle y vivait, elle se sentait chez elle, à la maison. Bref, totalement intégrée à cette petite famille. Il était vrai qu'à l'approche des fêtes, l'ambiance était plus tendue que d'habitude: Satine (et donc Margareth aussi) préparait un concert important, et puis il fallait organiser Noël et le Nouvel An. Cela ne dérangeait pas la jeune Roberts puisqu'elle adorait cette période de l'année. D'autant plus que cette fois ci, elle ne rentrait pas en France ! Lucy sourit à Holly, ne sachant pas vraiment quoi ajouter. Après tout, il ne s'y passait rien de folichon: répétitions de Satine, cours de Balthazar, tâches ménagères. Mais elle savait qu'elle avait une chance inouie: celle de s'entendre à merveille avec les deux filles Wainwright, qui étaient devenues pour elle de véritables amies.

Les deux jeunes filles tournèrent au coin de la rue, traversèrent un passage piéton et marchèrent encore quelques mètres. Le cinéma se dressait devant elle, enfin. Lucy commençait à congeler, et entra dans l'espace surchauffé avec joie. Elle frotta ses joues rougies par le froid et sourit à Holly. Elle n'avait même pas pensé à lui parler du film qu'elle souhaitait voir. Il s'agissait de l'adaptation cinématographique d'une oeuvre de Tolstoi qu'elle avait lue il y a quelques années. Un roman excellent. Lorsqu'elle avait vu que le film sortait, elle s'était jurée d'aller le voir. Le casting promettait en plus de cela: Jude Dieu Law, Keira Knightley, Aaron Johnson. Elle espérait que ce choix plairait à Holly. Si ce n'était pas le cas, elle était prête à aller voir autre chose. Elle se dirigea vers les guichets.

Anna Karénine, est ce que ça te va ?

Après avoir un peu raconté son quotidien à la maison de retraite, Holly s'intéressa à celui de Lucy. Elle savait que la plupart des voisins trouvaient bizarre le fait que celle-ci vive sous le toit des Wainwright, tout en travaillant pour eux. Mais pas elle. Elle ne voyait pas en quoi. La jeune femme haussa les épaules à cette pensée. Lucy lui répondit que tout se passait à merveille, même si l'ambiance devenait un peu plus compliquée puisque Noël approchait. Holly tiqua sur la deuxième partie de sa réponse, ne comprenant pas en quoi les fêtes de fin d'année étaient problématiques. Mais elle choisit de ne rien répondre. Après tout, si quelque chose n'allait pas, Ginny le lui aurait dit. Et puis, Holly ne voulait pas se faire trop intrusive. Chaque famille avait ses problèmes, et cela ne la regardait pas. Pourtant, chaque fois que la petite blonde foulait le sol de la maison numéro quarante-deux, cette famille lui semblait en tout et pour tout parfaite. Des enfants studieux, doués, des parents aimants et présents, et Lucy, rayonnante, fidèle à elle-même. Parfois, souvent, Holly se plaisait à imaginer qu'elle aurait pu naitre dans une famille comme celle des Wainwright. Alors des gens qui s'aiment toute leur vie, ça existe vraiment ? En voyant les parents de sa meilleure amie, Holly ne pouvait qu'en conclure que oui. Ce n'était pourtant pas l'idée de l'amour que lui rendait sa mère depuis toute petite. Elle voyait s'enchainer les hommes au bras de Vera ; comment se construire face à une telle situation. Heureusement Holly avait la tête sur les épaules, et c'est en regardant chez les autres qu'elle se rendait compte que le bonheur pouvait exister.

Les deux amies arrivèrent rapidement au cinéma. Cela ne tombait pas plus mal, Holly commençait à avoir froid et en jetant un coup d'oeil sur sa droite, la petite blonde put en conclure qu'elle n'était pas la seule. Cette vision lui arracha un rire. Lucy cessa enfin de grelotter lorsqu'elles pénétrèrent dans l'endroit. C'est seulement en se postant à la fin d'une file d'attente pour les caisses que Holly se souvint d'une question fondamentale. « On va voir quoi au fait ? » Ce à quoi Lucy répondit spontanément. « Anna Karénine, est-ce que ça te va ? » Holly avait vaguement entendu parler de ce film, de bons échos en résonnaient. « Oui pourquoi pas. » Les gens sortaient du travail, alors forcément pas mal de monde souhaitait se détendre, et nombreux étaient les couples, les familles, ou encore les solitaires à faire la queue eux aussi. Quand vint le moment de payer, Holly eut un petit bug avant de se rappeler à nouveau ce qu'elles allaient voir. Une fois servies toutes les deux, elles purent se rendre dans la salle numéro douze. C'était une toute petite salle, selon les souvenirs de la jeune femme, qui avait rarement l'occasion d'aller au cinéma. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'elle poussa la porte de la salle. « On est toutes seules ! On a la salle rien que pour nous ! »

I wonder how, I wonder why
Yesterday you told me about the blue blue sky

Une fois en possession de leurs tickets, les deux jeunes filles se dirigèrent vers la salle indiquée. Holly poussa la porte, et elles entrèrent dans une salle... vide ! Un grand sourire apparut sur le visage de Lucy.

On est toutes seules ! On a la salle rien que pour nous ! s'exclama la blonde.

Lucy adorait se retrouver seule dans une salle de cinéma, elle pouvait glousser à loisir, ou se mettre à pleurer sans avoir à se cacher de personne. Il n'y avait aucun éternuement ou chuchotement pour la déranger. Elle pouvait même mâcher ses pop corn pendant les moments silencieux sans gêner quiconque, quel luxe ! Tiens, cela lui rappela qu'elles avaient oublié le pop corn. Elle prit le temps d'installer ses affaires, après avoir choisi les meilleures places de la salle, évidemment.

On a un peu de temps, je vais chercher à manger !

Lucy était gourmande, et n'avait pas trop de souci à se faire niveau poids. alors tant qu'elle entrait dans ses jeans, elle ne pensait pas au régime. Elle prit son porte monnaie, et partit chercher des friandises. Elle revint quelques minutes plus tard, les bras chargé d'un pot de pop corn sucrés, tièdes et croustillants. elle s'installa à côté d'Holly et mit le pot entre elles deux.

Dis, tu penses que personne d'autre ne va venir ?

L'écran, noir jusque là, fut envahi par les publicités. Les lumières, elles, s'étaient éteintes. Mais toute personne habituée à aller au cinéma sait que lumières éteintes ne signifie pas début du film. En effet, elles en avaient pour une bonne dizaine de minutes de publicité !

Quelle surprise de découvrir qu'elles étaient bel et bien seules dans la salle. Certes, celle-ci n'était pas grande, c'était peut-être même bien la plus petite du complexe cinéma, mais l'étonnement de la jeune femme n'en fut pas amoindri. La peite blonde et Lucy s'avancèrent dans la salle, elles avaient l'embarras du choix pour se placer. « On va tout en haut ? Du coup ? » C'était en tout cas la place préférée d'Holly. Au moins, il n'y aurait personne derrière elle pour lui donner des coups de pieds dans le siège, chose qu'elle détestait particulièrement. Elle ne comprenait pas pourquoi certaines personnes se rendaient au cinéma simplement pour faire les guignols, et non pas pour profiter du film. D'une part cela dérangeait toute la salle, mais c'était aussi de l'argent gâché, la jeune femme détestait ça. Contrairement aux jeunes friqués de Magnolia, elle connaissait la valeur de l'argent. D'ailleurs, les places de cinéma étaient vraiment trop chères selon elle, mais de temps en temps cela lui faisait plaisir. Les deux amies se placèrent donc, puis après quelques secondes de silence - puisqu'elles étaient seules et assez surprises - Holly se leva. « Attends, je vais vérifier, quand même. » lança-t-elle avec un sourire. La jeune femme dévala les marches, s'arrêta, examina les places qui étaient le plus en bas, certaines étant cachées par une espèce de barrière sur le côté, puis revint en haut l'air bredouille. Conclusion : « On est vraiment toutes seules. »

Lucy eut l'idée d'aller chercher à manger, ce à quoi Holly ne pouvait pas dire non. Après une longue journée de travail comme celle-ci, son estomac commençait à crier famine, et il fallait bien qu'elle s'alimente si elle ne voulait pas tomber dans les pommes pendant le film. Et puis, tant pis si les aliments en question étaient des sucreries. La jeune Montgomery doutait fortement qu'on puisse trouver quelque chose d'équilibré à manger dans un cinéma. C'était d'ailleurs inadmissible, selon elle, d'inciter les jeunes à se goinfrer de trucs gras et sucrés, comme ça. Holly consulta ses sms le temps que la petite brune aille donc faire ses achats. Se retrouver toute seule dans la salle lui donnait une drôle d'impression. C'était plaisant et opressant à la fois. Peut-être bien la première fois que ça lui arrivait. Il y avait une première fois à tout. Bientôt, Lucy revint les bras chargés d'un gros pot de pop corn. Holly en gouta un, elle préférait les salés mais c'était bon aussi. « Ça t'a couté combien ? » demanda la petite blonde en cherchant dans son sac pour trouver son porte-feuille. Les minutes passèrent, et bientôt la publicité commença à défiler. Holly détestait les spots publicitaires, incitation à la consommation de masse selon elle. Même s'il fallait l'avouer certains étaient vraiment rigolos quoi que débiles. « Dis, tu penses que personne d'autre ne va venir ? » Holly haussa les sourcils et tourna son regard vers la porte d'entrée de la salle. « Je pense que certains sont peut-être en retard, en tout cas ils n'ont pas intérêt je déteste être dérangée pendant les films ! » expliqua-t-elle avec un petit sourire cependant. A cet instant un groupe de trois ados entrèrent brusquement dans la salle, faisant du raffut, et s'assirent quelques places devant elles.

I wonder how, I wonder why
Yesterday you told me about the blue blue sky

Cette fois, elles étaient bien installées. Lucy posa son manteau sur le siège à côté d'elle, et se cala confortablement contre le dossier moelleux du fauteuil. Ah ce petit moment délectable où l'on est tranquille et que l'on n'a plus qu'à attendre le début du spectacle. Holly lui demanda combien avait coûté le pop corn tout en fouillant dans son sac.

Oh t'en fais pas, c'est pour moi ! Je me mange tout ça à moi seule d'habitude, grâce à toi je ne pleurerais pas sur la balance demain matin ! lui dit elle avec un grand sourire.

Elle plaisantait bien sûr, la balance ne lui faisait pas peur. Mais parfois, elle s'inquiétait de la quantité de sucre qu'elle était capable d'ingurgiter. Si les kilos en trop n'étaient pas au rendez vous, des problèmes de diabète étaient plus à craindre. En tout cas, il était hors de question qu'Holly lui paya quelques chose ! Cela n'avait rien à voir avec les soucis d'argent de la jeune fille, dont Lucy avait eu quelques échos... enfin pas réellement. Si elle était venue avec n'importe qui d'autre, cela aurait été la même chose. Bon, elle espérait qu'un garçon aurait pris les devants quand même, si cela avait été un rendez vous. Mais pour le coup, Holly était une copine, et Lucy avait envie de pop corn, donc la question était réglée.

Son attention braquée sur les publicités toutes plus mensongères et fallacieuses les unes que les autres ne lui fit pas remarquer immédiatement ce qui se tramait dans la salle de cinéma. Un petit groupe d'adolescents venaient d'y faire irruption. Malheureusement, leur brouhaha attira très vite le regard - et la colère - de Lucy. Quelle guigne ! Elles qui pensaient avoir la salle pour elles seules. Elle lança à un Holly lourd de sous entendus. S'ils ne se calmaient pas lorsque le film débuterait, elle ne se gênerait pas pour leur faire une remarque... ou leur balancer quelques pop corn tiens !

Rah, mais qu'est ce qu'ils viennent faire ici...

L'hypothèse qu'ils se soient trompés de salle était encore plausible. Le film n'avait pas commencé, et sans vouloir médire sur la maturité de ces jeunes gens, l'adaptation d'un roman de Tolstoï n'était peut être pas ce qui les branchait le plus...

Même après avoir vérifié tous les sièges, ou presque, il n'y avait rien à faire Holly ne put que constater qu'elles étaient bel et bien toutes les deux toutes seules dans cette salle sombre. Cela avait un côté un peu bizarre et dérangeant, Holly commençait à se croire dans un film d'horreur ; elle s'attendait déjà à voir un cinglé entrer en trombe puis les embarquer on ne sait où. Bref, elle se faisait des films dans sa tête alors que celui qui devait se dérouler à l'écran n'avait même pas encore commencé. Du coup, Lucy en profita pour aller acheter à manger et lorsqu'elle revint la petite blonde lui proposa de payer, ce qui lui paraissait être la moindre des choses. Mais cette dernière refusa poliment, prétextant qu'elle allait l'empêcher de grossir, tss. « C'est sûr, je te conseille de commencer à faire attention d'ailleurs. » se moqua-t-elle en regardant les cuisses toutes fines de son amie. Holly hocha la tête en souriant, notant cependant dans un coin de sa tête de lui payer autre chose un jour prochain pour compenser. Elle se sentirait gênée sinon. La jeune femme la remercia d'un sourire et piocha un pop corn qu'elle porta à sa bouche. La sensation de sucré était vraiment agréable. Et cette impression d'être seules au monde face à cet écran géant l'était tout autant.

Mais puisque toutes les bonnes choses ont malheureusement une fin, un groupe de jeunes entra bruyamment dans la salle, ce qui n'échappa pas à Holly. Son regard se porta immédiatement sur eux, elle les tenait à l'oeil. Ils semblaient tout aussi agités qu'immatures, et la jeune femme n'avait aucune envie d'entendre des rires polluer le film. D'accord elle ne savait même pas de quoi parlait le film que Lucy et elle s'apprêtaient à voir, mais autant profiter à fond, et pour cela elle avait besoin d'être concentrée. Râler et faire des reproches aux autres n'était vraiment pas dans le tempérament de Holly, cependant elle avait malgré tout son petit caractère et se faire déranger pendant un film était réellement une chose qu'elle avait en horreur. La petite blonde leur lança un regard noir bien que discret, espérant que l'un d'entre eux se tourne et voie qu'ils n'étaient pas les bienvenus à faire la foire. Lucy, vu son air, pensait visiblement comme elle. « Ils m'énervent déjà. » souffla Holly. Mais bon, ils étaient jeunes, elles pourraient bien leur pardonner. Ou peut-être pas. La petite blonde pouvait s'avérer têtue, et elle ne lâcherait pas l'affaire. Bientôt, les publicités s'achevèrent. La petite musique propre à la salle de cinéma débuta, les adolescents bruyants se calmèrent légèrement, mais, vraiment légèrement. « Bon, on fait quoi ? » demanda Holly à son amie, puisqu'ils n'avaient pas vraiment l'air d'avoir envie de se calmer. Au pire elles pouvaient tout aussi bien les embêter à leur tour en faisant une purée de pop corn qu'elles pourraient balancer sur ces plaisantins, bien que c'était du gâchis de nourriture et que Holly détestait cela.

I wonder how, I wonder why
Yesterday you told me about the blue blue sky

Le film allait commencer, c'était certain. Les publicités avaient laissé place au générique. Normalement, c'est à ce moment là que le silence se fait dans une salle de cinéma. Malheureusement pour Holly et Lucy, le petit groupe d'amis installé quelques rangs plus bas n'avait pas l'air de connaître cette règle fondamentale. Quel manque de savoir vivre.

Bon, on fait quoi ? demanda la blonde.

La brune ne répondit pas, se demandant s'il fallait déclencher les hostilités aussi tôt. C'était risqué, des représailles seraient à craindre, et ils avaient l'avantage du nombre. Lucy se dit qu'il valait mieux attendre un peu, que le film débute. Comme si les adolescents avaient entendu ses prières, ils se tinrent un peu plus calmes qu'auparavant. Lucy sourit à Holly l'air de dire: peut être que ça ira ! Le film débuta, Keira Knightley, belle comme toujours, fit son apparition. La Russie du XIXe siècle, Lucy adorait ça. Les belles robes, la neige et les grandes maisons... Dès le début du film, elle le trouva très esthétique. Un peu bizarre, certes, mais agréable à regarder.

Alors que le film avait commencé depuis cinq minutes, un couple de personnes âgées entra dans la salle discrètement et s'installa à la droite des deux filles, en contrebas. Bon, Lucy espérait qu'il n'y aurait pas d'autres retardataires, et que eux seraient moins bruyants. Parce que finalement, les adolescents n'avaient toujours pas atteint le volume sonore qui convient à une salle de cinéma. Elle tenta de ne pas y penser et de se concentrer sur le film. Jude Law n'était vraiment pas à son avantage: calvitie exacerbée, barbe de... 5 mois ! et l'air pas vraiment folichon. On avait connu mieux. Au bout d'un moment, alors que Lucy était sur le point de demander aux énergumènes boutonneux et bavards de se taire, ce fut le papy qui prit la parole, leur intimant de faire moins de bruit. Les deux amies se regardèrent. Cet homme tombait du ciel ! Mais Lucy appréhendait la riposte des plus jeunes, et espérait qu'ils abdiqueraient une bonne fois pour toutes.

Les publicités terminées, les deux amies allaient enfin pouvoir profiter du film qui s'apprêtait à commencer. Holly se renfonça un peu plus dans son siège histoire d'être bien à l'aise dans ce fauteuil plus ou moins confortable. La jeune femme prit une poignée de pop corn, laissant sa main entrouverte et piochant dedans avec son autre main libre. Lucy à ses côtés attendait tout autant le film, l'instant aurait pu être parfait. Mais c'étant sans compter l'immaturité des nouveaux spectateurs qui avaient fait irruption dans la salle. Holly feint de ne pas se rendre compte du brouhaha qu'ils faisaient à eux tout seuls, mais c'était tout de même difficile. Se concentrer et apprécier pleinement le film était moins aisé à cause de ce groupe de jeunes visiblement tous plus excités les uns que les autres. Le film venant tout juste de commencer, Holly put admirer les décors et costumes qui étaient tout simplement magnifiques. La petite blonde aimait beaucoup ce style de film, c'était différent des longs-métrages commerciaux que l'on pouvait retrouver à l'affiche la plupart du temps. Alors que fichaient là ces jeunes adolescents si ce n'était pour perturber la séance. Holly leva les yeux au ciel tout en savourant son pop corn.

Un couple de gens âgés entrèrent à leur tour - en retard, grinça Holly intérieurement - et s'installèrent un peu plus loin. Bon, ils ne risquaient pas de concurrencer le groupe de jeunes niveau bruit. Peut-être même allaient-ils s'endormir au cours de la séance. Il ne manquerait plus qu'ils se mettent à ronfler, tiens. Bref, le film commençait doucement et pour l'instant l'histoire plaisait bien à Holly. Les acteurs à l'écran faisaient partie de ceux qu'elle appréciait bien, c'était déjà un bon point. La jeune femme ne faisait presque plus attention aux adolescents malpolis, visiblement calmés, mais cet instant fut de courte durée car ils reprirent leur chahut de nouveau. La petite blonde demanda alors à Lucy ce qu'elles pouvaient bien faire. Son amie resta tout d'abord silencieuse, ce que Holly ne comprit pas tout de suite. En réalité ces derniers étaient déjà en train de se faire réprimander par le petit vieux qui venait d'entrer pas plus de cinq minutes plus tôt. Holly le suivit des yeux et le remercia par la pensée. Les deux amies se regardèrent d'un air entendu puis sourirent. Holly plissa les yeux pour tenter de voir s'il s'agissait d'un monsieur qui était à la maison de retraite, mais au vu de l'obscurité elle fut incapable d'apporter une réponse adéquate à son problème. « Merci monsieur.. » murmura Holly de façon à ce que seules Lucy et elle puissent entendre, puis se mit à rire discrètement. Le film put continuer, et une bonne demi-heure durant, les énergumènes se tinrent silencieux. Le bac de pop corn était quasiment vidé, morfales qu'elles étaient toutes les deux. Mais inévitablement la nature revient au galop bien vite, et le groupe de jeunes recommença à s'agiter. Cette fois, cela n'allait pas se passer comme ça. Holly attrapa un grain de pop corn et visa quelques secondes, avant de le lancer en leur direction. Malheureusement, elle rata sa cible, et se sentit un peu nunuche. Surtout que le vieux monsieur s'était retourné sur sa gauche, croyant avoir vu quelque chose passer. Holly pouffa discrètement puis se reprit. Elle se donnait une seconde chance, mais si elle manquait cette fois, ce serait tant pis, il ne fallait pas gâcher la nourriture, au moins si ce n'étaient que deux malheureux pop corn elle ne se sentirait pas trop coupable. Mais plus, c'était trop, selon elle. En plus, elle n'avait pas que cela à faire, le film ne s'était pas mis sur pause pour l'attendre. Holly visa, un peu plus longuement cette fois, coupa son souffle comme si sa vie était en jeu, puis lança avec le plus de précision possible. Le grain de pop corn tomba sur la tête d'un des jeunes et, au lieu de ricocher comme elle s'y serait attendue, resta collé dans ses cheveux, ce qui eut pour effet de faire éclater Holly de rire. Mmh, peut-être bien faisait-elle maintenant encore plus de bruit que ceux qu'elles avaient blâmé tout à l'heure.

I wonder how, I wonder why
Yesterday you told me about the blue blue sky

Le calme après la tempête. Les adolescents s'étaient calmés suite aux remontrances du papy. Holly souffla un merci monsieur à l'oreille de Lucy qui ne put s'empêcher de rire un peu. En tout cas, cela leur permit d'avoir une demi heure de film tranquille. Rien ne venait troubler l'histoire de cette chère Anna Karénine, en dehors des pop corn qui passaient du bac à leurs bouches. Mais puisque toute bonne chose a une fin, le brouhaha revint. Lucy eoula des yeux et soupira. Et dire que quelques années auparavant elle aurait été à leur place. Mais dans ses souvenirs, jamais elle ne s'était montrée irrespectueuse dans un cinéma. Elle appréciait bien trop cela pour gâcher ce plaisir. Mais cette fois, Holly semblait ne pas vouloir se laisser faire. Du coin de l'oeil, Lucy la vit farfouiller dans le pot de pop corn quasiment vite. Quelques instants plus tard, un projectile filait devant elle et retombait un rang avant sa cible. Lucy regarda Holly, à moitié surprise, à moitié morte de rire. La guerre était finalement déclarée ! Son amie s'empara d'un nouveau profjectile qui, cette fois, atteignit la tête d'un adolescent... et y resta. Les yeux de Lucy s'aggrandirent, tandis que sur le siège d'à côté Holly était hilare. La brune ne tarda pas à partager le fou rire de son ami.

Mais... mais t'as vu ce que tu as fait ! parvient elle à s'exclamer entre deux éclats de rire.

Ce petit incident provoqua bien des regards réprobateurs. De la part des personnages âgées, mais aussi de la part des jeunes ! C'était le comble ça ! Lucy se ratatina sur son siège et plaqua ses mains devant sa bouche pour arrêter de rire. Plusieurs rangs devant elle, elle vit le garçon blond porter sa main à ses cheveux... et y trouver le pop corn qui s'y était logé. Well done Holly.

L'ambiance de sérénité confortable habitant le cinéma n'avait pas duré bien longtemps. Une demi-heure en tout et pour tout. En effet, le silence avait quitté les lieux lorsque les jeunes avaient recommencé leur grabuge. C'en était trop pour Holly, qui était très, mais vraiment très patiente, mais aussi extrêmement têtue. Et aujourd'hui devait être un mauvais jour pour elle puisqu'elle comptait bien donner une petite leçon à ces jeunots. Leur apprendre le respect.. Mh, par où commencer ? Appeler leurs parents et leur expliquer que crier et rire à gorge déployée dans une salle de cinéma une fois le film commencé ne se faisait pas ? Ou simplement leur apprendre la vie de façon claire et directe ? Holly avait commencé par leur balancer des pop corn sur la gueule ; la seconde tentative avait été la bonne. La petite blonde était désormais morte de rire de sa bêtise ; une première qu'elle se lâche autant. Oui, lancer un pop corn sur la tête de quelqu'un était quelque chose d'extravagant pour elle, cette jeune femme souhaitant tant se fondre dans la masse, dans la banalité quotidienne de ce monde. Désormais, elle voulut se faire toute petite au creu de son siège, mais sa tentative de se transformer en petite souris fut vaine, d'autant plus que son rire n'arrangeait rien à son cas. Lucy se joignit à elle, et les deux amies ne purent plus s'arrêter. Lucy lui demanda si elle se rendait compte de ce qu'elle avait fait. Oh que oui, et si seulement, bien trop. « Oh tais-toi.. » lâcha-t-elle toujours en se retenant de rire. Des regards réprobateurs se tournèrent vers elles, et Holly se sentit rougir. Elle décida de river ses yeux sur l'écran géant sans le quitter, malheureusement le garçon sur lequel elle avait lancé son pop corn se retourna, visiblement très agacé.

Holly ne le remarqua pas tout de suite, mais fut bien obligée de détourner ses yeux lorsque le blond en question lui rebalança nerveusement ce fichu pop corn sur elle. Premièrement la jeune femme eut un brutal sursaut, ne s'y attendant fichtrement pas. Les yeux ronds comme des soucoupes, elle se tourna vers Lucy. Décidément, ces gamins étaient réellement mal élevés. Bon, il fallait le dire, Holly l'avait cherché, en commençant la bagarre et par la même occasion les hostilités. Mais voilà, ils avaient été désagréables avant elle, avant toute chose. Holly fit mine de rien, et se concentra sur le film, espérant que le blond ne se lève pas pour venir lui casser la gueule non plus. (a) Le film continua, et Holly priait intérieurement pour que quelqu'un ou quelque chose calme naturellement le jeu car cette salle de cinéma n'était décidément pas faite pour devenir le théâtre d'une baston juvénile.

I wonder how, I wonder why
Yesterday you told me about the blue blue sky

Ce petit pop corn fit bien des vagues dans la salle de cinéma. Après l'offensive d'Holly, la réplique de l'ennemi ne se fit pas attendre. Le fou rire laissa place à la stupéfaction. Le regard de Lucy fit des va et vient entre le pop corn atterri sur les genoux d'Holly, et la tête de cette dernière. Il aurait fallu la prendre en photo d'ailleurs, elle n'en revenait pas que ce chenapan lui ait renvoyé son pop corn ! Lucy se fit petite sur son siège, priant pour qu'une bataille de pop corn ne soit pas déclenchée. Elles seraient inévitablement virées de la salle avant la fin du film. Mais elle voulait en connaître la fin ! Et cet acteur, le faut blond avec la moustache là, était plutôt agréable à l'oeil.

Avec toutes ces aventures, la presque totalité du film s'était écoulée et le générique ne tarda pas à apparaître. Les dernières minutes s'étaient passées sans encombre. Lucy se leva de son fauteuil et récupéra son manteau et son sac.

On y va ? demanda-t-elle à Holly qui n'avait pas encore bougé de sa place.

Elle se faufila dans la rangée de fauteuils jusqu'au couloir. Au bout de quelques pas, elle sentit quelque chose dans ses cheveux et y porta sa main. C'était rond et collant. Un pop corn ! Elle se retourna sur le champ et derrière elle se trouvait le groupe d'adolescents qui leur avait pourri leur séance, morts de rire. Elle décolla le pop corn collé à ses cheveux, soudain furieuse.

Ca vous fait rire ?! Vous n'avez rien d'autre à faire qu'emmerder le monde aujourd'hui ? explosa-t-elle.
C'est pas nous qui avons commencé, dit le blondinet sur lequel Holly avait lancé un pop corn en lui jetant un coup d'oeil.

Lucy leva les yeux au ciel. Bien sûr que si c'étaient eux qui avait commencé puisqu'ils étaient incapables de se tenir dans une salle de cinéma. Elle s'était un peu calmée, sachant très bien que cela ne servait à rien de s'énerver. Ils avaient tout au plus 16 ans et ne connaissaient pas grand chose à la vie en société apparemment.