L'ordinateur, posé sur le bureau, était allumé sur la page de connexion Facebook. Julia l'avait oublié là, trop occupée à essayer de mettre un peu d'ordre dans sa chambre. Katya ne revenant à Magnolia Crescent que le week-end, il fallait bien que Juju se décide un jour ou l'autre à faire un minimum de rangement. C'était donc aujourd'hui et pour quelqu'un de bordélique on pouvait dire qu'elle faisait un bel effort. Les vêtements qui trainaient autrefois partout dans la chambre étaient plus ou moins pliés dans l'armoire (pliés, aheem) et elle avait rapidement passé l'aspirateur. Ne se sentant pas le courage de continuer, Julia se dit que c'était déjà pas mal. Elle décida de faire une petite pause, pause qui durait sûrement deux semaines mais qu'importe, se connecta sur son compte facebook et descendit à la cuisine prendre un jus de fruit. La maison était déserte, quoi de plus agréable que profiter du silence qu'une famille partie à ses occupations procurait. Elle remonta aussitôt, s'affala sur son lit avec l'ordinateur sur les genoux et se mit à regarder les nouveaux statuts. Quelques photos, quelques mots. Rien de franchement intéressant. Les gens étaient moches et avaient le culot de s'afficher sur facebook, congratulations à eux. Julia vit cependant que Dirty Secret s'était manifestée. Tiens donc, ça faisait longtemps. La dernière fois qu'elle avait posté quelque chose, c'était pour dire n'importe quoi ; comme s'il y avait encore quoique ce soit entre Julian et elle, mise à part de l'amitié. Et encore, une amitié toute récente. Cédant à sa curiosité, Julia ouvrit l'article et commença à lire. La disparition de Naya, dont la bloggeuse parlait, lui fit penser à Carl. Il faudrait qu'elle l'appelle, un de ces quatre. En parlant du jeune Spencer, Julia apprit qu'il avait une relation avec Lily Evans. Allons bon, il ne perdait pas les bonnes habitudes celui-là. Trois ou quatre nouveaux couples, ou on-ne-savait-trop-quoi-exactement furent dictés. Décidément, la vie des habitants de Magnolia Crescent était passionnante. Mais Julia, qui était presque sur le point de plus s'intéresser à son jus de fruit qu'à cet article, reporta toute son attention sur la chronique lorsqu'elle crut y lire ses initiales, ainsi que ceux de Zach et Jaylann. What's the fuck ? Elle relut plusieurs fois le paragraphe et lâcha la paille de son jus au fur et à mesure qu'elle comprenait le sens de ces phrases. D'une certaine manière elle savait qu'il ne pouvait s'agir de quelqu'un d'autre ; personne d'autre dans les alentours ne portait ces initiales. Mais ce qu'elle découvrait était juste impossible. Il n'aurait pas fait ça, hein ? Dirty Secret était d'humeur rigolarde et avait décidé de lui faire une bonne blague, voilà tout. Il ne pouvait quand même pas faire ça... DS s'était bien trompée au sujet de Julian, elle pouvait aussi se tromper là-dessus. Ou peut-être qu'elle avait confondu les deux sœurs. Ou que... ?

Zachary était chez des potes, assis sur le canapé en fumant tranquillement un joint quand il avait reçu l'alerte d'un nouvel article de Dirty Secret. Au fur et à mesure de sa lecture, son visage s'était décomposé. Comment, mais COMMENT avait-elle ou il pu bien savoir tout ça? Qui lui en avait parlé? Et surtout, comment allait-il pouvoir arranger ça? Tout le monde le savait, maintenant. L'estomac retourné, il songea à Julia, qu'il connaissait assez bien pour savoir qu'elle avait déjà lu l'article. Sans même s'expliquer, il avait descendu les escaliers en courant, avant de sauter sur son vélo. Il fallait qu'il lui explique, qu'elle comprenne. Qu'elle ne le prenne pas pour un enfoiré. Même si il en était un. Il avait essayé de se déculpabiliser en se disant qu'elle l'avait largué, qu'il n'étaient plus ensemble à ce moment là. Mais la vérité était qu'il ne l'avait pas attendu, qu'il l'avait considéré comme une parmi tant d'autres. Ce qu'elle n'était pas, réellement pas, à ses yeux. C'était elle, la fille idéale, celle qu'il voulait. Il l'avait perdu une fois, et ça allait recommencer. Mais quel con...
Traçant à travers la ville, il ne pris même pas la peine d'attacher son vélo et couru jusqu'à la porte des Fitzgerald. La porte était miraculeusement ouverte, et il monta par réflexe dans la chambre des deux soeurs avant d'entrer à l'intérieur en trombe. Et là, complétement désarmé, les larmes aux yeux, il fixait Julia, qui le fixait. Sans bouger. Sans parler. Après un long silence, de vingt secondes, qui lui parurent une éternité, il commença à parler. La voix tremblante, hésitant. "Je... C'est... Le soir où tu m'avais largué... J'suis arrivé chez toi et... Et voilà. J'ai pas... Réfléchi. J'ai pas pensé. J'étais en colère, j'pensais que c'était définitif... J'ai fait le con et... Putain j'le regrette. J'te l'ai pas dit parce que c'est elle, et que je sais très bien que t'aurai pas accepté ça plus que maintenant... J'suis... J'suis un connard. J'le sais, j'suis désolé. Mais... Mais dis quelque chose. Frappe moi, hurle moi dessus, dis moi ce que tu penses."
Le silence était peut être la pire des choses chez Julia. Le calme avant la tempête, il savait qu'elle allait se défouler dans les minutes à venir, et que tout allait être totalement ruiné. A cause de lui. C'était de sa faute, il le savait très bien. Et il s'en voulait, plus que beaucoup.

Il ne pouvait pas continuer de la fixer dans les yeux. Il ne pouvait pas avoir cette arrogance. Alors, il commença à examiner les défauts du plancher. Tout était en train de s'écrouler autour de lui. Sa soeur avait finalement compris ce qu'il faisait depuis des années, et ce qu'il lui avait également fait. Dirty Secret avait révélé à tout le monde ses deux trahisons. Et c'est comme si il venait juste de prendre conscience de ce qu'il avait fait, à cause, ou peut être grace, à ces deux articles. Il était un salaud comme l'avait dit Mitchie. Il répendait le mal autour de lui. Tout ce qu'il touchait devenait néant ou douleur. Retenant les sanglots qu'il sentait enfler dans sa gorge, il murmura d'une voix éraillée. "Non... J'aimerai... Vraiment... Mais non...". Que pouvait-il dire après tout? Qu'il l'aimait, qu'il regrettait, qu'il aurait du le savoir, qu'il n'était qu'un enfoiré? Julia ne lui pardonnerait jamais, il le savait, quoi qu'il dise. Et il attendait que sa colère explose, que le choc passe et qu'elle lui renvoie tous ses défauts, ses fautes, ses horreurs au visage. Tel un petit garçon attrapé après avoir fait une bêtise, il attendait sa punition, l'acceptant dors et déjà. Certainement pas de bon coeur, mais était conscient qu'il la méritait plus qu'amplement, et que rien de ce que Julia ne pourrait lui dire ne serait à la hauteur de ce qu'il lui avait fait.

Ce n'était même pas une blague de mauvais goût, même pas une erreur. Tout, absolument tout était vrai. Il avait couché avec Jaylann. Avec Jaylann. Jaylann Fitzgerald. Ce prénom revenait tel un slogan dans la tête de Julia, elle le percevait comme si quelqu'un l'avait écrit devant ses yeux en énormes lettres d'une couleur rouge ultra-voyant. Elle avait du mal à croire ce qu'elle entendait : il ne plaisantait pas. Yeux plissés, bouche ouverte, silencieuse, elle continuait de le fixer alors qu'il n'arrivait plus à soutenir son regard. Il avait honte, n'importe qui aurait pu le remarquer mais pas Julia. Elle était trop choquée, frappée trop brutalement par la réalité pour s'en rendre compte. La seule chose qu'elle voyait, elle, c'était un traitre. Un traitre qui s'était joué d'elle, qui avait d'abord fait abattre sa garde pour ensuite mieux la blesser.

« J'ycroispasj'ycroispasj'ycroispas... »

Elle finit par se prendre la tête dans les mains, ses doigts s'emmêlant dans ses cheveux, prêts à les arracher. Comment avait-il pu, comment avait-il pu. Cette question se répêtait en boucle dans son esprit mais elle ne trouvait ni la réponse ni la force de la prononcer à voix haute. Il ne pouvait de toute manière pas dire grand chose pour s'expliquer. Julia était trop concentrée par la révélation qu'il venait de lui faire pour réfléchir à une quelconque raison qui l'aurait poussé à faire ça. Il n'avait aucune excuse. Aucun prétexte. Il l'avait dit lui-même de façon subtile : il l'avait fait exprès, il avait cherché à passer du bon temps avec Jaylann.

« Comment t'as pu, non mais comment t'as pu... »

En plus de trembler, elle se sentait si bizarre, comme molle, abattue, qu'elle avait le sentiment d'avoir été vidée de ses forces en un instant. Et puis, à bien y réfléchir, elle n'avait pas à être aussi étonnée. À peine l'avait-elle largué, sous un coup de colère, qu'il se tapait sa sœur et s'affichait 'célibataire' sur Facebook ? Mais Julia n'avait pas tenu compte du second critère, trop hantée par l'idée de ne pas se faire pardonner pour son pétage de plombs. L'impression d'avoir été manipulée, trompée, trahie, se faisait si grande à présent que Julia n'avait qu'une envie : l'exprimer. Il l'avait fait exprès, il avait tout fait exprès.

« Mais...mais putain mais Jaylann ! Jaylann ! Est-ce que tu t'rends compte ! »

Elle lui faisait à nouveau face à présent, ses mains légèrement refermées dans la position des serres des aigles, comme si elles essayaient de s'aggriper à quelque chose. Quelque chose qui la tirerait de là, de ce cauchemar vivant.

Plus Zachary l'écoutait parler, plus il réalisait son erreur. Sa vie avait viré au désastre. Entre la malencontreuse découverte de sa soeur, et l'article de DS, il entendait bien des critiques à son égard. Aussi véridiques étaient-elles, elles avaient également un impact sur sa conscience. Il ne se reconnaissait pas. Ce n'était pas lui. Avant il était le gentil petit Zachary, et il se retrouvait à être le mec morbide dont tout le monde se méfie dans le quartier. Rien n'était plus comme avant, rien ne serai plus jamais comme avant. Il était resté trop longtemps ici, il le savait. Il devait partir avant que tout ça n'éclate, avant tout ce qu'il s'était passé. La mort de Tessa, celle d'Alicia, et l'apparition d'un enfoiré comme Dirty. Une malédiction s'était littéralement abattue sur la ville. Il en avait été victime.
Il avait beau essayer de s'en persuader, ça ne rentrait pas. Il avait juste été un enfoiré. Il avait voulu se venger. Il avait été cruel. Et il en payait le prix. Il était devenu le genre de personnes qu'il haïssait le plus.
Il avait couché avec la soeur de Julia. Jaylann. Avec la personne qu'elle détestait le plus au monde. Il avait apprécié ça. Et il s'en voulait, se haïssait pour ça. Il avait envie de lui hurler tout ça, de lui montrer, mais le désespoir dans les yeux de Julia lui coupèrent les jambes. Tombant à genoux, il fixait Julia en se mordant les lèvres pour ne pas être plus pitoyable qu'il ne l'était déjà. « Je sais pas pourquoi j'ai fait ça... Je t'aime putain. Je t'aime! » Il n'avait trouvé rien de mieux que ça. Il n'avait trouvé que ça, que ses sentiments, et il réalisait soudainement l'utilisation exagérée de cette expression.

"Celui qui s'assure le premier de ta confiance sera le premier à trahir."

Sentant les larmes lui monter aux yeux, risquant d'apparaître d'un moment à l'autre, Julia se releva et tourna le dos à Zachary. Elle ne devait pas pleurer, pas devant lui, pas tout de suite, plus tard peut-être mais pas ici, avec lui juste à côté. Règle d'or n°1 de toute fille qui n'est pas une nunuche et qui se respecte : ne jamais pleurer devant et encore moins à cause d'un garçon. Ces petites morales qu'elle et Minnie s'étaient dictées, comme des enfants elles avaient juré qu'elles les respecteraient ; Julia en avait déjà violé plus d'une jusqu'à maintenant. Et tout ça à cause d'un mec, un con qui l'avait trahie, il ressemblait à tous les autres imbéciles du monde, indigne de confiance. Quelle mouche l'avait piquée pour penser que les règles d'or ne s'appliquaient pas avec lui, du moins pas toutes ? Elle aurait dû suivre les conseils de Minnie, elle aurait dû l'ignorer depuis le début. McCormick lui avait dit : il est louche ce gars, fais gaffe, nos règles d'or oublie pas. Elle avait répondu : oui oui, t'inquiètes pas, je gère, il ne m'aura pas. Il l'avait eue, tellement bien eue qu'elle était à deux doigt de se mettre à chialer devant ses yeux. Règle d'or n°1 de toute fille qui n'est pas une nunuche et qui se respecte : ne jamais pleurer devant et encore moins à cause d'un garçon. Elle pouvait retenir les larmes de tristesse, par contre les larmes de colère c'était plus compliqué. Les deux se ressemblaient tellement d'apparence que Zachary penserait qu'elle pleurait de douleur. Ce qui n'était pas tellement faux.
Elle avait envie de faire vingt fois le tour du pâté de maisons en courant, de taper dans quelque chose, de renverser tout sur son passage, elle n'arrivait pas à rester immobile alors pour s'occuper elle se mit à monter sur son lit, puis sur celui de sa sœur, à descendre de l'autre côté et à recommencer en sens inverse sans un regard pour Zachary. Il n'avait pas juste porté une attention un peu plus qu'amicale à Elin Hamilton, il n'avait pas juste embrassé Emily Johnson bien avant qu'il commence à se rapprocher d'elle. Non, il avait fait bien pire, ça avait été à son tour de jouer et il avait bien joué, trop joué, il avait placé la barre tellement haut qu'il allait flinguer le jeu, faire Game Over et puis adieu. À ses paroles, Julia s'arrêta net, debout sur le lit de Katya c'était au moins la troisième fois qu'elle faisait cet aller-retour. Elle le découvrit à genoux, par terre, la voix tremblante pleine de détresse. Il osait lui dire qu'il l'aimait.

« Dis pas ça. Dis pas ça ! Tu peux pas m'aimer moi et baiser Jaylann, c'est soit l'un soit l'autre, t'as rien compris, c'est pas les deux, ça marche pas comme ça ! »

Tout se bousculait, elle ne savait plus quoi lui dire et en même temps elle voulait lui crier sa faute, le faire culpabiliser, lui mettre devant les yeux son erreur, qu'il comprenne même si elle était persuadée qu'il ne comprendrait pas parce qu'il n'avait jamais rien compris de ce qui se passait entre les deux sœurs.

Toujours à terre, le souffle coupé, Zachary réfléchissait. Il réfléchissait à ce qu'il pouvait dire, pour sa défense. Mais rien ne venait, parce qu'il était tout simplement indéfendable, malgré ce qu'il se tuait à se répéter depuis quelques temps. Il avait tout foutu en l'air, encore une fois. C'est comme si il était socialement inadapté, ou simplement comme si il était un enfant qui apprenait comment réagir aux aléas de la vie. La voix brisée, il commença son mea culpa. "Je sais. Je sais que je suis indéfendable, que tu ne pourras certainement jamais me pardonner. Je sais que j'ai été ignoble, mais je peux t'assurer que je n'en avais pas conscience. Du moins c'est comme ça que je le vois. Et je t'aime. Je peux te l'assurer, je t'aime." Se relevant, difficilement, il fallait l'avouer, il se tint à peu près droit devant elle. Il n'en pouvait plus, de toute cette haine qui convergeait vers lui, constamment. Il ne savait plus quoi faire d'autre pour arranger la situation. Il était impuissant, totalement. Les lèvres pincées, il réfléchit quelques secondes, afin d'être certain de ce qu'il allait dire. "Ecoute... Je pense pas que cette conversation puisse avancer, du moins pas aujourd'hui. Je pense qu'on doit tous les deux réfléchir à la question. Je vais y aller. Mais je veux juste que tu gardes ça en tête, je t'aime, et je t'aimerai encore aussi longtemps que la vie me le permettra. Souviens toi de ça." Expirant, il la regarda longuement. Il voulait graver les traits de Julia dans sa mémoire, pour toujours. Il l'aimait, il le sentait au déchirement ayant lieu dans son coeur. Se retournant lentement, il passa le seuil de la porte avant de la fermer doucement, non sans un regard au dessus de son épaule avant. Il se haïssait de lui avoir fait du mal, et de ne pouvoir faire disparaître cette douleur en un claquement de doigts.

Le doigt toujours en l'air après l'avoir pointé sur Zachary, Julia le fixait entre ses larmes. Avant qu'elle ait pu fermer les yeux pour les en empêcher, celles-ci se mirent à couler. Elle les essuya d'une main et quand son regard revint sur Zachary, il avait relevé la tête vers elle et l'observait à son tour. Trop tard, il l'avait vue, elle ne pouvait plus se cacher ni s'empêcher de pleurer. Tant bien que mal elle se força à lui faire face, pendant qu'il se remettait à lui parler. Indéfendable, impardonnable, ignoble, inconscient, et pour finir, sortant du lot : amoureux. Julia céda finalement à ses envies et lui tourna le dos ; elle n'aimait pas ne pas voir ce qu'il faisait mais elle était incapable de l'affronter plus de deux minutes d'affilées. Elle l'entendit bouger, derrière elle, mais resta immobile, ou du moins ne fit rien d'autre que continuer d'essuyer ses larmes. Elle n'eut pas plus de réaction lorsqu'il annonça qu'il partait et qu'ils parleraient plus tard. Elle se dit seulement qu'il devrait cesser de lui sortir les belles phrases philosophies sur la vie qu'on comprend au lycée, parce qu'elle ne croyait plus ni à la philosophie, ni à ses paroles. Et elle n'avait pas envie de se souvenir, parce que même si elle détestait les discours pleins de réflexions comme celui que Zachary venait de lui faire, ses mots la touchaient tout de même, intensifiant le sentiment de déchirure en son cœur, alors qu'elle pensait qu'ils étaient complices il n'était finalement qu'un traitre. Partisans du mal vous me tuerez. Elle entendit un claquement mais ne comprit pas, toujours concentrée sur ce qu'elle venait d'apprendre. Son après-midi pourtant si joyeuse et appréciable quelques minutes plus tôt venait de virer au cauchemar. Par fierté elle décida de répondre, quelque chose qui le marquerait longtemps ou du moins quelques jours, et ravala toutes ses larmes pour pouvoir dire clairement et fortement.

« Tu peux aller te le mettre là où j'pense ton amour à la con ! »

En même temps qu'elle balançait sa réplique, elle s'était retournée, histoire de lui montrer qu'elle n'avait pas honte de ses paroles et qu'elle les lui disait les yeux dans les yeux. Mais elle ne trouva pas les pupilles de Zachary, parce que lorsqu'elle alla pour le défier, il n'y avait plus personne. Parti. Évaporé. Mais n'avait-il pas dit qu'il se retirait maintenant pour la revoir plus tard ? Sentant une bouffée d'audace la submerger, elle sauta du lit, ouvrit la porte et s'arrêta net dans le couloir. Pas la peine d'aller plus loin, qu'il l'entende ou non elle s'en fichait, elle avait juste besoin d'extérioriser les choses un bon coup. Elle pouvait même parler toute seule, ça ne la dérangeait pas.

« Oui c'est ça, dégage ! laisse-moi tranquille, retourne voir ta tepu si ça te chante, casse-toi ! »

Et ne revient pas, connard.
Mais elle n'arriva pas à finir, comme si quelque chose coinçait la sortie, une boule de chagrin ou peut-être ne voulait-elle pas aller plus loin, parce que ce n'était pas non plus n'importe qui qu'elle insultait et qu'elle chassait. Entre temps ses larmes étaient revenues, plus fortes et plus nombreuses devant l'abandon de Zachary, et son courage l'avait quitté. Elle rentra dans sa chambre, claqua la porte et s'affala à même le sol, pour se laisser aller au mal la dévorant.