Isaac regarda sa montre. 21H26. Cela faisait onze heures qu'il travaillait aujourd'hui, et il était un peu, voire beaucoup fatigué. Ce genre de journée lui plaisaient, cependant, car il aimait l'activité. Ne rien faire c'était impensable pour lui. Alors oui, il était crevé en fin de journée, mais c'était de la bonne fatigue, pas comme celle qu'on ressent après avoir passé la journée devant un écran. Isaac se leva de son bureau et s'étira avant de descendre les escaliers, fermant son bureau à clé. Entendant son ventre gargouiller, il décida de passer en vitesse en cuisine pour manger quelque chose. Il aurait toujours pu rentrer chez lui et manger en famille, mais c'était plutôt lion, et il avait vraiment faim. En plus, Isaac était le genre de personne à être éxecrable quand il avait faim. Inconsciemment, il devenait méchant et sarcastique, chose qui ne lui arrivait presque jamais. Et un fois mangé, tout retombait et il se remettait à rire. Isaac avait apprit à en rire ce cette horloge biologique qui règlait son corps, mais c'était quelque chose qu'il ne pouvait pas empêcher. Cela nuisait bien sûr souvent à son entourage, et c'est pour cela qu'Isaac était assez stricte sur ses horaires de repas.

Arrivé dans les cuisines, nouvelle installation depuis un couple d'années, Isaac se servit dans le frigo les différents plats qui restaient. Souvent, les cuisiniers laissaient les aliments non utilisés dedans afin que qui veuille puisse se servir. Ils se réutilisaient jamais les condiments frais d'un jour sur l'autre, donc le père Melrose se servit de ce qui ne serait pas bon le lendemain. En s'asseyant sur l'une des chaises, son sandwich improvisé en main, Isaac pensa à tous les changement qu'avaient subi son hôtel. Il n'en était propriétaire que depuis deux ans, mais avait fait de bons changements. Déjà lorsqu'il était vice-directeur, il avait donné l'idée d'y ajouter un restaurant, chose plutôt normal mais dont l'hôtel ne disposait pas. Puis lors de ces deux dernières années, alors que son établissement devenait populaire, il décida d'embaucher des musiciens pour mettre un peu d'ambiance dans les dîners. Cela avait eu un succès fou, surtout quand il choisissait des groupes connus. Bref il état plutôt content de ce qu'il avait accompli.

Une fois son mini dîner terminé, il se sentit d'aplomb pour rentrer à pied. C'était une petite trotte à pied, mais l'air frais du soir faisait toujours du bien. En sortant, Isaac leva la tête au ciel pour regarder les étoiles, mais seule la lune éclairait la petite ruelles, accompagnée des faibles lampadaires. Le père Melrose mit ses mains dans ses poches et avança d'un pas rapide sur le trottoir. Il en profita pour mettre ses écouteurs dans ses oreilles, et écouter un peu de Jazz. Comme au bon vieux temps.

Le vent froid s'engouffrait dans les narines d'Isaac, qui faisait tout pour respirer le moins possible. Il était doté d'un nez plutôt normal, mais il n'était jamais malade, n'avait jamais le nez bouché, mais dieu du ciel qu'il aurait aimé avoir le nez bouché là, maintenant, pour le pas sentir ce gel contre ses muqueuses. On était pourtant début mars, le temps était sensé se radoucir. Mais l'hiver s'était prolongé, Dame Nature ayant encore cédé aux caprices de l'Hiver, qui voulait dominer plus longtemps. La fin du monde n'avait pas eu lieu, mais les saisons semblaient perturbées. Rien qu'en une semaine il avait neigé et fait grand soleil en même temps, suivi d'une pluie et d'un orage atroce. Même si Isaac trouvait que les temps d'orage étaient les meilleurs, il n'aimait pas passer de l'un à l'autre sans prévenir. Au moins, cela lui donnait des idées de blagues qu'il sortait à tout va, et c'était suffisant.

Son Jazz dans les oreilles, Isaac fermait parfois les yeux et esquissait des petits pas dans la rue. Celle-ci était déserte, sombre, donc logiquement personne pour le voir. De toute façon, le Melrose partait du principe qu'il s'en foutait de que les autres pensaient, du moment que lui s'amusait et faisait ce qu'il voulait. Certes, il y avait des limites à ne pas dépasser, mais souvent il n'en faisait qu'à sa tête. Il marchait dans une ruelle menant à Madison Avenue, mais décida de prendre un raccourci car la faim revenait à grand pas. Mais alors qu'il entamait une remix de 'Hit the road Jack' en bougeant ses membres, des ombres bougèrent devant lui. Vite, il se faufila plus près derrière un recoin de mur opur observer ce qui se passait. Il retira ses écouteurs en les fourrant dans sa poche, oubliant d'éteindre la musique. Il n'avait pas peur non, il ne voulait juste pas tomber entre les mains d'un gang chelou ou d'une armé de drogués tarés. Même la carure d'Isaac ne ferait pas le poids contre un groupe en quête de sang. Bref. Ce qu'il vit alors en épiant de l'oeil lui donna l'envie de jouer le super héros. Une jeune fille se faisait racketter par un groupe de mecs à capuche, dont l'un deux la tenait par le col. Respiration forte, pensées à mille à l'heure. Quand Isaac aperçut que le racket tournait au viol, il sut qu'il devait faire quelque chose. Mais quoi ? Leur donner son ipod ou de l'argent n'arrangerait pas l'affaire puisqu'ils étaient trop nombreux. Ils forceraient même peut-être au Melrose d'assister au viol, et ça, c'était impensable. Il eut alors une idée..

Il avait sur son ipod une application qui simulait plein de différents bruitages. Du Isaac tout craché, qui aimait rendre vivant ses blagues en ajoutant des petits bruits amusants. Il posa son Itouch dans la gouttière qui descendait pile à côté de lui, de façon à ce que le bruit résonne assez fort pour que les mecs le croient réel. Mais en débranchant les écouteurs, son Jazz se mit à continuer, chantonnant la musique de Ray Charles dans la gouttière. Réprimant un juron, Isaac se reprit vite et appuya sur l'application 'sirène de police'. Avec un peu de chance, les agresseurs croiraient à un voisin qui mettait du Jazz fort avant de l'éteindre.(a)

S'éleva alors la son connu des gyrophares, et dieu que la gouttière était un très bon haut parleur, et le père Melrose était surpris de la réalité du bruitage. Il pencha la tête et vit que les quelques hommes déguerpissaient en jetant la jeune fille au sol. Isaac se précipita donc à sa rencontre en courant et en criant à travers le bruitage. « Vite vite ! Avant qu'ils ne s'aperçoivent que c'est un faux ! » Il la souleva, la mit sur ses pieds et la prit par la main, l'entraînant en courant derrière lui, en récupérant au passage l'ipod, donc la sonnerie venait de s'arrêter. Ils coururent un petit moment, assez loin pour que personne de les rattrape. Arrivés vers une rue plus illuminée et connue, Isaac lâcha la main de la blondinette et se plia en deux les mains sur les genoux. « Pfiouuu.. On a eu chaud. » Puis il se releva, et fit un triste sourire à l'adolescente, qui paraissait encore être sous le choc. Il lui mit une main sur l'épaule. « Ca va ? »

Isaac était comme un enfant, tout content que sa tactique ait marché. Certes, il aurait pu s'en tenir à la méthode super-héros habituelle et user de poings magiques pour battre à mort les agresseurs, mais non, le Melrose optait toujours pour une manière amusante et efficace à la fois. En plus, cela faisait une belle anecdote à raconter, plus tard. Il était souvent impulsif, c'est vrai, mais son côté blagueur prenait parfois le dessus, peut-être mêlé à de la peur, mais ça, Isaac ne l'avouait pas. Il avait sauvé la jeunette, est-ce que sa méthode avait de l'importance ?

Dans tous ce tumulte, Isaac n'avait pas bien pu distinguer le visage de la blonde qu'il avait tiré d'un mauvais pas. Arrivés vers une ruelle plus illuminée, il reprit son souffle puis lui demanda si elle allait bien, sachant pertinemment que ce n'était pas le cas. L'adolescente paraissait traumatisée, et elle le démontra en serrant de ses petits points la veste du Melrose, le regardant ses ses yeux larmoyants. « Isaac.. ». Stupeur et tremblements. C'était Sara Van Wagner. Comment n'avait-il pas reconnu la jeune fille ? C'était la meilleure amie d'Allie depuis un bon bout de temps, Isaac se sentit con de ne pas l'avoir reconnue. Faut dire qu'il ne s'était pas attardé à son visage, plus soucieux de la mettre en sécurité. Le Melrose avait toujours apprécié la jeune Van Wagner, même s'il n'avait jamais passé beaucoup de temps avec elle. Vu que sa fille l'évitait soigneusement, il ne s'attendait pas à ce que ses amies veuillent le connaître. Mais Isaac avait apprit, de par ses relations, que Sara n'habitait qu'avec sa mère, et il était parvenu aux conclusions qu'elle devait chercher dans tous les hommes âgés le côté d'un père qu'elle n'avait jamais eu. Il répondait aux sourire que la blonde lui lançait avant e monter dans la chambre d'Allie, mais rien de plus. Et il venait par hasard de la sauver d'un probable viol. Il lui sourit et la prit dans ses bras. « Shh, t'inquètes pas, c'est fini.. » Il esquissa des petits mouvements de droite à gauche comme pour bercer la fille qui se trouvait accrochée à ses bras. Isaac n'avait jamais eu affaire à une histoire comme ça, et il n'imaginait pas le traumatisme de la jeune fille, et du coup il agissait comme il le ferait pour un enfant après un cauchemar. Bien sûr, le cauchemar ici était bien réalité, et il ne savait pas quoi faire d'autre pour rassurer la jeune fille. Isaac attendit donc qu'elle se calme, avant de pouvoir la ramener chez elle.

Isaac avait l'impression de bercer un enfant. Un petit être tout frêle, une poupée de porcelaine qui au moindre mouvement pouvait se briser, éclater en mille morceaux pour ne plus jamais de recoller. Sara avait toujours parue différente aux yeux d'Isaac. Il avait toujours cru que cette enfant était forte, déterminée, marchant la tête haute quelles que soient les circonstances. Il découvrait aujourd'hui la vérité. Sara était comme tout le monde, effrayé par le noir et par les monstres sous le lit. Certes elle devait avoir quoi, à peine 18 ans, c'était une grande fille. Mais pour lui, tout de suite, ce n'était qu'une enfant qui avait besoin de réconfort, une fillette qui avait besoin d'un père pour la rassurer. Il entoura alors la jeune fille de ses larges bras, tentant de ne pas serrer trop fort, de peur d'ébrécher cette poupée fragile. Sa main droite s'était posée sur le crâne de Sara, caressant ses cheveux d'un geste paternel. Isaac n'était pas habitué, ou ne l'était plus, à avoir de gestes tendres envers une enfant. Allie n'en avait plus eu depuis longtemps, et quant à Austin, c'était sa mère qui s'en était occupé. Ses deux enfants n'avaient plus besoin de ce père pour les rassurer, ils n'avaient plus besoin de la protection que recherchait à présent la jeune Van Wagner. Cette dernière ne paraissait pas rejeter ces gestes affectueux, et s'accrochait à Isaac comme un mourant à la vie. Le cœur d'Isaac se brisait à la vue de la blondinette, qui paraissait dans un état d'effroi inconsolable. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était de la tenir dans ses bras, chuchotant des mots de réconfort.

Ils restèrent ainsi un petit moment et Isaac, qui avait fermé les yeux, les rouvrit en découvrant que la brume s'était levée. Quelques gouttes de pluie tombèrent, rafraîchissant l'air devenu lourd et pesant. La pression des mains de Sara se relâcha de sa veste tandis qu'un vibrement se faisait entendre, résonnant dans le silence qui régnait. Isaac sut que cela ne venait pas de son portable puisqu'il ne l'avait pas sur lui. Mais Sara non plus ne paraissait pas réagir au son de l'appareil, comme sourde à tout bruit extérieur, perdue dans le gouffre de ses pensées et le noir qui devait l'habiter depuis l'agression. Cependant, après trois longs vibrements successifs qui fendaient le silence comme un couperet, la jeune fille trouva la force pour articuler quelques mots. « C'est ma mère. Répondez-lui mais ne dites rien. S'il vous plait. » Sara le regardait dans les yeux, et Isaac vit de la peur dans son regard. De la peur tellement profonde que le Melrose en fut effrayé. Comment une jeune fille aussi habituellement calme et douce pouvait ressentir autant de noirceur ? Il acquiesça à ses paroles, décidé de tout faire pour protéger la Van Wagner. Il tendit sa main en direction du sac que la jeune fille avait à l'épaule, trouvant vite contact avec l'appareil qui vibrait. Toujours presque immobile, Sara se raccrochant désespérément à lui, Isaac prit une grande inspiration avant d'appuyer sur la touche verte.

« Allo ? … Oui bonsoir, Isaac Melrose. … Oui, elle est avec moi. … Non, non, elle va bien. … Elle est au vestiaire, je l'ai attendue pour pas qu'elle ne rentre seule. … Oui. … Elle m'a demandé de vous dire qu'elle restait chez nous ce soir, Allie et elle ont prévu une soirée. … Mais de rien. C'est normal. … Oui je lui dirais. … Au revoir. » Touche rouge. La mère de Sara était paniquée que sa fille ne soit pas à l'heure. Isaac espérait avoir été assez bon dans son mensonge. Sans que la jeune fille ait pu lui dire, il avait deviné qu'elle ne voulait pas que sa mère soit au courant de ce qu'il venait de se passer. Et de toute façon, elle n'était pas en état de lui répondre, pétrifiée comme elle était. Isaac n'avait pas entendu beaucoup de choses sur Elena, mais il savait que c'était une mère très protectrice qui paniquait quand sa fille ne répondait pas au téléphone ou était en retard. Sara avait bien fait de décider de ne rien lui dire, au risque de provoquer une attaque de panique chez sa mère. Si la Van Wagner restait chez lui ce soir, elle pourrait, Isaac l'espérait, récupérer de son choc et retourner chez elle le lendemain sans inquiéter sa mère, et peut-être alors lui dire la vérité. Le Melrose se sentait mal quand même de mentir à une femme qu'il ne connaissait pas, ce n'était pas à lui de faire cela. Il soupira, empêtré dans une histoire dont il ne voyait pas la sortie de secours.

Tout en remettant le portable dans le sac de Sara, il tenta de la dégager de son torse pour voir si la jeune fille allait mieux, si elle se sentait capable de marcher. Mais elle restait fermement accrochée, comme gluée à Isaac de peur de sombrer dans le noir, d'être livrée à la noirceur du gouffre sans fin. « Sara. Est-ce que tu peux marcher ? » La jeune femme semblait pétrifiée et le vide se faisait sans ses yeux. Isaac dut la secouer légèrement pour la ramener à la réalité. Il devait vite la mettre en sécurité.

Spoiler:

Isaac était vraiment dans une situation gênante. Rien à voir avec Sara, mais plutôt envers lui-même. Le Melrose n'était pas le genre de personne qui faisait des câlins, qui chuchotait des mots doux ou qui venait réconforter une enfant qui n'était pas sienne. Non, Isaac avait une grande gueule, toujours le mot pour rire, toujours là pour faire le malin et jouer les durs. S'attendrir devant Sara, ce n'était pas lui, il ne se reconnaissait pas. Et il ne savait pas quoi faire. Il ne savait pas si ce qu'il avait fait avait aidé la jeune fille, si elle voulait même venir chez lui.. bref, il était perdu. Mais il avait quand même un cœur qui se brisait en voyant cette jeunette de coller à lui désespérément. Et il ne pouvait plus fuir. Même s'il pouvait de toute façon, il ne voulait plus. En l'espace de cinq minutes, il s'était attaché à la blonde, comme elle s'était attachée à lui, apparemment. Il ne pouvait pas l'expliquer. C'était comme des aimants vous savez ? Une fois qu'ils se trouvent ils ne se lâchent plus. Et là c'était comme ça. Isaac avait été entraîné vers Sara et il avait fait des choses qu'il n'aurait jamais fait normalement. Certes il s'était amusé avec la sonnerie et la gouttière, mais une fois en sécurité, tout avait changé. Ding, une lueur s'était allumée, changeant ses pensées en un clic. Il n'avait non seulement pas réconforté la Van Wagner, il l'avait bercée, appelé sa mère et inventé un mensonge pour l'aider. C'était comme s'il sortait d'un songe dont il venait seulement de se réveiller. Et encore. L'adolescente était comme un cri qui l'appelait, qui le suppliait de l'aider, qui le poussait à changer d'attitude. C'était un hurlement du fond de l'abîme, une voix qui l'entraînait avec elle. Bizarre, certes. Quoi qu'il en soit, Isaac était déterminé à aller au bout de ce qu'il avait commencé et aider la jeune fille, qui semblait totalement déboussolée. Isaac se dit qu'elle devait être bien fragile pour réagir ainsi. Elle avait certes été presque raquettée et violée, mais Isaac n'aurait pas pensé que cela puisse faire des répercussions aussi énormes. Pourtant elle aurait du rire quand il l'avait aidée avec sa chanson puis sonnerie. C'était une farce qui valait bien le coup de rire, et d'en parler en rigolant le lendemain. Mais non, la Van Wagner restait traumatisée et semblait ne pas réussir à reculer de ce gouffre où un pas en avant la mènerait au fond de l'abîme à jamais.

Isaac demanda alors à la jeunette si elle pouvait se lever et marcher. Depuis tout ce temps elle était restée à genoux, pressée contre le corps du Melrose, comme un enfant qui aurait eu peur du noir. Elle murmura des mots à peine audibles, et Isaac en déduit que c'était du positif, puisqu'il sentit soudainement une pression supplémentaire contre lui. Sara se raccrochait fortement à lui pour ne pas tomber, pour essayer de se tenir debout, les membres sûrement engourdis par le froid, la peur et la détresse. Encore une fois poussé par des instincts inconnus, Isaac soutint la jeune fille tandis qu'elle se mettait péniblement debout. Une fois fait, il déserra doucement son bras, histoire de voir si elle n'allait pas s'effondrer dès qu'il la lâcherait. Elle tituba un peu, frissonna mais resta debout, au grand soulagement du Melrose. Il enleva alors sa veste et la déposa sur les épaules de Sara. Lui n'avait pas froid. Il avait même chaud tellement tout ceci le perturbait. Oui, Isaac avait l'habitude d'avoir des bouffées de chaleur lorsqu'il faisait des choses inhabituelles. Et là, ça sortait énormément de l'ordinaire et de son normal. Bref, il tenta donc de réchauffer l'adolescente en lui donnant sa veste encore chaude de la chaleur de son corps. Celle-ci balbutia alors un désolée, et Isaac resta figé d'étonnement. Pourquoi s'excusait-elle ? Il resta interdit pendant un moment, ne sachant que répondre, si il y avait quelque chose à répondre d'ailleurs. Plus ça allait plus tout ceci sortait de son domaine de connaissance et il se perdait dans le labyrinthe de ses nouveaux sentiments. Isaac ouvrit la bouche pour s'exprimer mais ne sachant que dire, il la referma, sourcils froncés. Il se contenta de frotter le dos de Sara pour stopper ses frissons, puis il se décida tout de même à lui parler, lui demander ce qu'elle voulait faire. Isaac avait mentit à sa mère en lui disant que Sara serait chez lui, mais si cette-dernière ne s'y sentait pas à l'aise, bah tant pis, ce ne serait qu'un mensonge de plus. Un banc se trouvait non loin -oui comme par hasard- et même si Sara venait juste de se lever, Isaac lui indiqua avec un geste et sourire l'endroit, histoire qu'ils puissent discuter sans que celle-ci soit assise par-terre sous la pluie. Il avait de la considération pour les femmes tout de même, et comme le disait la blague.. Oups, non, ce n'était pas le moment.

Il s'assit alors sur le banc et frotta ses paumes de mains contre ses cuisses. Que dire ? Comment parler sans la vexer ni la brusquer ? Il la connaissait bien, depuis le temps qu'elle traînait avec Allie, mais il avait l'impression de se trouver tout de suite en face d'une toute autre personne. Et cette personne paraissait se briser au moindre choc, émotionnel ou physique. Et elle lui faisait honnêtement un peu peur.. Et si il faisait quelque chose qu'il lui faisait encore plus de mal ? Si il aggravait son cas ? Isaac ne savait pas quoi demander en fait. Finalement, après être resté un moment sans parler, il se décida tout de même à agir, histoire qu'ils restent pas là toute la nuit. « Donc, euh.. Tu veux faire quoi ? J'ai dit à ta mère que tu venais chez moi, ça te vas ? 'fin, j'vois pas où tu pourrais rester d'autre. » Il accompagna ses paroles d'une moue interrogatrice. Il ne savait pas ce qu'elle voulait faire, où elle voulait aller, avec qui elle voulait être. Et elle avait intérêt à savoir parce qu'Isaac lui, commençait à être totalement à l'ouest.

Les paroles de Sara choquèrent Isaac. Il réalisait que cette jeune fille n'avait rien à voir avec celle qui venait régulièrement à la maison. Il ne la reconnaissait pas. Ce n'était pas forcément une critique, mais il ne comprenait vraiment pas son attitude. Faisait-elle donc semblant d'être la Sara Van Wagner que tout le monde connaissait, cachant en elle son côté sombre ? Pourtant Isaac ne voyait pas pourquoi elle devrait cacher cette partie d'elle même. La jeune fille était jolie, intelligente, et certes un peu sensible mais cela arrivait à tout le monde de pleurer, surtout après un choc émotionnel comme celui qu'elle venait de subir. Mais pourquoi ne voulait-elle pas voir Allie, alors que cette dernière pourrait la consoler et l'épauler ? Sûrement que sa fille savait mieux le faire que lui d'ailleurs, qui était maladroit pour ce genre de choses. Les deux adolescentes étaient amies, alors pourquoi diable la Van Wagner ne voulait elle pas voir sa meilleure amie ? Isaac ne posa pas la question à Sara, et d'ailleurs elle répondit même sans qu'il ai dit un mot. Elle ne voulait pas faire semblant. Puis il comprit. Comme il l 'avait vu depuis le départ, la jeune fille avait deux personnalités. Celle qu'elle montrait aux autres, celle d'une fille populaire, en couple, courageuse et hautaine. Et celle qu'elle refoulait, la vraie, celle d'une adolescente en réalité en quête d'une vie meilleure, trop sensible pour pouvoir être totalement ce qu'elle désirait. Isaac fit un petit sourire triste mais ne dit rien. Peut-être que c'était mieux comme ça, après tout. Cependant, le Melrose n'arrivait pas à comprendre en quoi Allie regarderait Sara différemment. Une amie, n'était-ce pas fait pour accepter l'autre comme il était ? Isaac ne comprenait rien aux adolescentes.. Ceci-dit, en plus de ce dédoublement de personnalité que semblait avoir la Van Wagner, elle ne voulait pas non plus avouer son racket. La raison en était un peu plus compréhensive, notamment envers sa mère, qui s’inquiéterait. Bref, le Melrose était tout de même confus, ne pensant pas à tout ce qui pouvait se tramer dans la tête d'une aussi jeune fille. Il fut sortit de ses pensée par trois mots qui rendirent ses pensées encore plus à l'ouest -et même au nord-. L'emmener à l'hôtel ? La première pensée d'Isaac fut bien évidemment issue de son esprit tordu. La deuxième fut de se retenir de rire, pour finalement se dire que l'idée n'était pas si mauvaise. Il avait tellement envie de sortir une de ses vannes habituelles, et l'occasion était bien bonne, mais l'ambiance n'y était pas. Isaac ne voulait pas faire fuir Sara, qui pourrait croire qu'il se moquait d'elle. Il ravala donc sa connerie pour s'esquisser qu'un sourire. « Bien sûr, aucun problème ! » Il posa sa main sue celle de la jeune fille qui s'était agripée à lui pour lui montrer qu'il la soutenait. Lui n'avait de toute façon rien d'autre de spécial à faire, mis à part revenir chez lui, et oh tiens, peut-être s'engueuler avec sa femme encore une fois.. Non, il préférait largement la compagnie de la Van Wagner pour ce soir.

Une fois la jeune fille remise sur pattes de nouveau, il se dirigea avec elle vers la rue mitoyenne, qui servirait de raccourci direct pour arriver à l'hôtel. Isaac évita cependant de suivre des ruelles trop sombres afin de tranquilliser Sara. Déjà qu'elle se remettait à peine de l'attaque, si en plus il l'emmenait dans une rue noire, la pauvre allait tomber dans les pommes. Les mains dans les poches, il sifflotait un petit air, histoire de rendre l'air un peu moins angoissant. Et aussi parce qu'il ne savait pas quoi dire à l'adolescente. Le Melrose ne savait pas dire s'il était à l'aise avec les jeunes ou pas. Avec Mike Huntington par exemple, ils avaient un relation assez proche. Avec Lily Evans, c'était particulier, une sorte d'entente mutuelle sans forcément d'affection derrière. Et avec ses enfants, c'était encore autre chose. Tout ça pour dire que la Van Wagner était pour lui une énigme, car elle émanait une sorte de.. d'onde qui touchait le Melrose inexplicablement. Avec elle, il n'était plus le même. Il sentait qu'il avait besoin d'aider la jeune fille, qu'il avait envie de le faire. Chose dont le Melrose n'était pas habitué à faire. Certes, il aidait Mike mais c'était à cause de l'amitié avec son père. Certes, il avait de longues discussions avec Lily, mais juste pour prouver à sa femme qu'il avait raison. Mais rien ne l'attachait spécialement à la Van Wagner, ce qui l'intriguait énormément. Il se promit d'y réfléchir un jour, plus calmement.

Arrivés devant la porte de l'hôtel, Isaac sortit son trousseau de clés afin de déverrouiller la porte. A cette heure-ci il la fermait toujours et les clients possédaient un code qui leur permettait d'entrer et sortir à leur guise. Le Melrose quant à lui possédait les clés et le code, au cas où. Laissant la porte ouverte pour que Sara rentre au chaud, il la referma ensuite derrière lui, vérifiant bien qu'elle était fermée à clé. Il adressa enfin un petit sourire à l'adolescente et se décida à lui demander si elle voulait quelque chose à boire. Peut-être qu'un chocolat chaud ou un thé pouvait la réchauffer, permettait aussi peut-être que la jeune fille se soulage du fardeau qu'elle avait l'air de porter sur les épaules. Sa femme étant psychologue, Isaac en savait long sur certains comportements, et pouvait être une bonne oreille à qui avait besoin de se confier. Isaac espérait qu'il pouvait permettre à Sara de se rétablir au mieux, et peut-être de gagner sa confiance.

Qu'était-ce que l'amour, la peur, la joie ou l'angoisse ? Comment définir un sentiment ? On pourrait parler philosophie, tout en donnant son avis sur la question ou exposer des théorie. On pourrait, on pourrait faire plein de choses si on se disais ''Et si ?''. Isaac croyait au présent. Son passé, son futur, c'était quelque chose de fait, de vague, même d'inconnu. Il ne passait pas ses journées à regarder derrière lui pour se dire s'il aurait du faire autrement. Il ne regardait pas devant pour se demander où il serait dans dix ans. Non, il vivait au jour le jour, se contentant simplement d'être vivant. Un bon vivant. Car c'était ce qu'il était. Blagueur, gourmand, autoritaire parfois, mais s'il ne l'était, ne le prendrait-on pas pour un naïf, un simplet ? Isaac aimait sa vie, il aimait la vie. Quant aux définitions de ses sentiments, il croyait également au moment actuel des ressentis. Si la peur que l'on ressentait était due à une peur du passée, si l'angoisse était due à un probable futur ? Il s'en foutait. C'était le boulot de sa femme de réfléchir à ce genre de choses. Lui, il vivait, acceptant les choses quand elles arrivaient. Tout simplement.

Et ce qu'il voyait en Sara, il pensait que c'était quelque chose qui allait passer, peut -être que demain ce ne serait qu'un mauvais souvenir. Il l'espérait. Il espérait avoir fait tout ce qu'il pouvait pour la jeune adolescente. Sara, qui était pétrifiée, apeurée, angoissée. Mais il parut à Isaac qu'elle était à présent rassurée, calme, confiante. Cependant, elle restait quand même un brin farouche, se raccrochant au Melrose comme si s'il disparaissait elle serait prise entre les bras des ténèbres. Elle refusa la boisson mais demanda de but en blanc si Isaac allait rester dormir aussi. Sa dernière requête pour sa sécurité. Le directeur sourit. « Je pense oui, je ne vais pas te laisser seule comme ça. Et puis ça tombe bien j'avais quelque chose à régler. » La veille il avait eu un problème avec un client, non satisfait de sa chambre pour on ne sait quelle raison, et Isaac l'avait changé de chambre. Même s'il n'appréciait pas ce genre de comportement, le client était roi, et Isaac s'était donc dit qu'il lui ferai parvenir un mot et une réduction. Pour quoi ? Il ne savait pas encore. Le Melrose voulait s'en occuper demain mais plus vite ce sera fait, plus vite il serait débarrassé. Et vu qu'il allait passer la nuit à l'hôtel, autant en profiter pour régler des petites choses.

Isaac se dirigea vers le comptoir et attrapa une des clés qui se trouvaient en face de lui. Il fit un sourire. « Hop là, suite numéro trois ! Toutes mes petites chambres sont prises, et cette suite est réservée pour dans deux jours donc elle est libre pour le moment. Ca te dit ? » Bien sûr qu'elle dirait oui. Qui refuserait une nuit dans une suite avec un bon jacuzzi, mini bar et un grand lit ? Ceci dit, la Van Wagner était particulière, il le découvrait à présent, et peut-être qu'elle préférait une petite chambre. Mais de toute façon, le Melrose n'en disposait pas de libre. C'est dommage (a). Isaac lui tendit les clés avec un grand sourire. Si elle les attraperait ou non, à elle seule de décider.

Isaac eut l'impression que Sara croyait qu'il blaguait, à propos de la suite. Peut-être n'était-ce pas une impression. Il insista donc du regard, bras tendu et clés au bout, afin qu'elle se décide à les prendre. Isaac n'allait pas passer toute la nuit le bras levé non plus. Il commençait d'ailleurs à être fatigué. Le sport, toutes ces émotions avec le sauvetage de la demoiselle en détresse et tout ce qui s'en était suivi, avaient contribué à puiser dans les dernières forces journalières du Melrose, qui se serait bien écroulé dans un lit, un sofa, ou même à-même le sol. Et honnêtement, même si la Van Wagner reprenait des forces, la lenteur de ses gestes commençaient à agacer Isaac. Faudrait pas que ça dure trop longtemps, un Isaac fatigué, ce n'était pas beau à voir.

Finalement, Sara tendit les mains pour attraper les clés, restant un moment avec sa main posée sur celle du gérant, tout en expliquant qu'elle ne voulait pas déranger, et qu'elle n'avait pas les moyens. Il la regarda alors avec un soupir en souriant. « Ah, mais non, ne t'inquiètes pas. Quand au reste, c'est justement le moment d'en profiter ! » Isaac appréciait les personnes polies, mais quand ça virait au trop poli, à demander toutes les deux secondes si ça dérangeait pas, à remercier à chaque chose faite, bon, ça avait le don de l'agacer. Ceci dit, il se contint, se disant que Sara devait encore être sous le choc du drame. Il était comme ça. A chaque petite chose qui le contrariait, il trouvait une excuse. Pour se rassurer lui-même peut-être, s'enlever des problèmes supplémentaires de la tête. Isaac n'avait d'ailleurs pas relevé quand la jeune femme avait insinué qu'il connaissait ses conditions financières. Ah bon ? Le Melrose n'était pas du tout du genre à détailler les gens ou se faire des affinités en fonction de leurs revenus financiers. Ses connaissances n'étaient en aucun point jugées quantitativement. Certains se rapprochaient des riches. D'autres voulaient plein d'amis, quelque soient leur statut social. D'autres encore préféraient être seuls. Mais Isaac lui, ne comptait pas. Avoir vingt-cinq amis ? C'était bien. Mais pourquoi pas n'en avoir que trois ? Et valait mieux en avoir moins mais des bons, plutôt que trente-six mais qui vous tourneront le dos au moindre défaut. Le Melrose n'était en rien calculateur, trouvant cela horrible de gérer sa vie sournoisement en fonction des autres. Bref, le niveau de vie de Sara ne l'avait jamais intéressé. Quelle soit pauvre ou riche, elle passait du temps avec sa fille, et c'était tout ce qu'il voyait. Bon, jusqu'à aujourd'hui.

Sara se rapprocha alors encore une fois du Melrose en le remerciant. Ce dernier la laissa faire, ne sachant plus comment réagir. Les effusions d'amour, c'était pas son fort. Et puis trop de fois en une journée, bon, ça commençait à le rendre inconfortable. Il n'était pas à l'aide dans tout ce qui était câlins et mots doux, même s'il avait su plus ou moins gérer avec Sara un moment plus tôt. Elle avait eu d'ailleurs de la chance, ce n'était pas souvent que le Melrose se livrait à ce genre de loisirs (a). Il se racla alors la gorge, et repoussa doucement la blondinette. « Oui, bon.. euh, de rien. » Il afficha un sourire gêné. « On y va ? » demanda-t-il alors, commençant à marcher vers les escaliers -en beau tapis rouge sisi-. Isaac montra le chemin à Sara, qui en soi n'était pas très dur. Monter des escaliers, suivre le couloir, monter d'autres escaliers, tourner à gauche et deuxième porte à droite. Les clés étant en possession de la Van Wagner, il lui laissa le champ libre pour ouvrir la porte, et pour qu'elle puisse avoir la première vue sur la chambre, souvenir qu'elle n'oubliera sûrement jamais.

Cela faisait toujours rire Isaac quand les clients découvraient la suite. Lui ne la trouvait pas si belle, peut-être qu'il était simplement blasé. Faut dire que faire ce métier pendant aussi longtemps, ça rend les chambres... banales. Ceci dit, il savait bien que ses suites étaient magnifiques. Elles avaient d'ailleurs été refaites il y a peu. Mais enfin, toutes les suites dans tous les hôtels étaient sensées être sublimes, donc pourquoi les siennes plus que celles des autres ? Il le voyait au regard de ses clients, et ça lui faisait toujours chaud au cœur. Et celui de Sara ne dénotait pas. Les yeux qui brillent, l'exclamation de stupeur, le compliment. On aurait dit que tous ses clients se passaient le mot pour réagir exactement de la même façon. Alors bien sûr, il avait déjà eu à faire à des gens encore plus blasés que lui, qui regardaient la chambre avec dédain. Mais c'était des cons, et Isaac s'amusait à se moquer d'eux avec le personnel. Cela occupait les journées, disons.

Avec Sara, cela en était autant plus chaleureux, sachant qu'elle n'aurait peut-être pas cette chance deux fois dans sa vie. Et ça, Isaac en était fier, de pouvoir en quelque sorte réaliser le rêve d'une enfant perdue. Car c'était un peu comme il la voyait. Perdue. Dans son monde peut-être. Ou dans ce monde où elle ne savait plus qui elle était. Populaire un jour, fillette traumatisée un autre. Et la balance entre les deux ? Un labyrinthe. Un labyrinthe de pensées propres à la jeune fille qui semblait tiraillée entre deux aspects de sa vie. Comme si un jour, elle devrait choisir pour renoncer à un bout d'elle-même. Et c'est peut-être ça qui l'attirait à Isaac. Cette quête de l'autre, que ce soit la personne en face de soi, ou la deuxième personne que l'on avait à l'intérieur de nous, et que l'on se refusait à montrer. Comme un dragon en cage qui n'attend qu'une petite faiblesse pour s'échapper. Un trésor maudit que l'on cache.

Le Melrose s'engagea derrière Sara et ferma la porte derrière lui. Il la laissa découvrir la chambre, en la regardant d'un oeil amusé. On aurait une enfant qui découvrait un paradis, un monde fantastique où tout n'était que couleurs vives, êtres surnaturels, bonheur à l'état pur. Elle faisait plaisir à voir. Pour une fois une enfant qui semblait émerveillée par le monde qui l'entourait. Isaac pensait à Allie, toujours renfermée et misanthrope. (coucou Molière) Mais qu'avait-elle toujours à s'enfermer dans sa bulle ? C'était à se demander comment les deux jeunes filles étaient arrivées à devenir amies. Un énigme à percer. Peut-être qu'il n'aurais jamais sa réponse. De toute façon sa fille lui avait toujours donné du fil à retordre, ce ne serait pas la première fois. Isaac laissa Sara divaguer encore un peu puis prit la parole. « Comme tu peux voir, la salle de bain est par là, fais-toi plaisir si tu veux prendre un douche, un bain, un jacuzzi, bref. » dit-il en souriant et en montrant d'un geste une porte à droite. Il attendait avec amusement la tête que la jeune fille allait faire une fois la salle de bain découverte. C'est vrai que ça, il en était fier, de ses jacuzzis. Cela donnait toujours un petit plus à la chambre, et puis tout le monde en raffolait, généralement. Pour la Saint-Valentin il s'amusait toujours à trouver des petites choses à rajouter, pour décorer et mettre en scène la chambre. Jennifer l'aidait souvent, rajoutant sa touche féminine. Dommage que depuis quelques temps, ils ne s'entendaient plus trop bien..

En attendant que la Van Wagner se délasse -faut dire qu'un bon bain aiderait sûrement pour les tensions- , Isaac s'installa par-terre au bout du lit, une jambe pliée, l'autre allongée, et il laissa sa tête penchée en arrière sur le lit. Et il expira, doucement, relâchant tout le stress de l'agitation qui se passait depuis quelques heures. Il n'était pas habitué à un tel rythme, et sauver les demoiselles n'était pas dans se habitudes, en fait. Il avait un peu passé l'âge de jouer au prince charmant, sans compter qu'il était marié. Bref, que de pensées qui trottaient dans sa tête. Il irait bien se boire un petit verre avec Nathan, tiens.

Pourquoi est-ce que fixer le plafond était si intéressant ? Quand on a rien a faire, on s'allonge et on regarde le plafond. Mais pourquoi ? Un plafond, c'est plat, lisse, sans couleurs, et honnêtement avec rien d'intéressant. Littéralement rien. Et pourtant, les ennuyés le fixaient, que ce soit à la maison ou en cours, quand on compte le nombre de carreaux. Sisi, on a tous fait ça un jour. 30 gros carrés et 365 petits points sur les bords. En cours de maths, évidemment. Et Isaac, adossé au lit de la suite, penchait la tête en arrière, fixant le plafond tout en se demandant pourquoi il le fixait. Normal. Faut dire que le Melrose était intelligent au fond. Tout le monde le considérait comme un gros blagueur, certes ce qu'il était, sans jamais vraiment se demander comment il en était arriver à être gérant de l'hôtel. Ils devaient sûrement croire qu'il l'avait hérité, ou qu'il avait même tué l'ancien. Mais imaginer qu'il était arrivé à cette place en bossant comme un cheval de trait -quelle belle expression-, non, ça ne leur traversait jamais l'esprit. Jamais il n'avait entendu dire quoique ce soit sur le fait qu'il était directeur. Peut-être étaient-ils simplement jaloux et se contentaient de croire qu'il avait ''usurpé le trône''. Bien sûr. En même temps, Isaac n'aidait pas vraiment. Il affirmait son côté puéril avec fierté, ce qui, évidemment, ne donnait pas lieu à croire qu'il avait un jour travaillé d'arrache-pied. Ce qui se passait en réalité, c'est que maintenant qu'il était à ce poste stable, il profitait de son temps libre, le temps qu'il n'avait jamais eu avant.

Le Melrose entendit l'eau s'arrêter de couler de l'autre côté de la pièce. Sara avait du remplir le bain d'eau chaude afin de se prélasser dans les bulles moussantes. Il imaginait les yeux ronds de la jeune fille se promener dans la pièce, n'osant bouger de peur de casser quelque chose. D'ailleurs, il n'entendit même pas le vrombissement que faisait le jacuzzi, quand on actionnait tous les boutons (a). Seul le silence se fit entendre, signe que Sara se contentait juste d'un bain chaud. Au moins, elle restait calme, et c'était une des choses qu'il appréciait avec elle. Depuis le début elle aurait pu hurler de peur, et agir comme une hystérique en rentrant dans la suite. Mais non, elle appréciait en silence, pour le bonheur des oreilles d'Isaac. Pour une fois, il était près d'une enfant qui ne criait pas. Il ferma les yeux, se reposant de l'agitation de la semaine. Cela faisait longtemps qu'il ne s'était pas tenu en compagnie de quelqu'un de calme, dans un endroit calme. Et cela faisait un bien fou. Des petits bruits de pas mouillés de firent entendre à sa gauche, aussi devina-t-il que la Van Wagner était sortie de son bain. Puis le bruit s'arrêta, et après un moment, sa voix s'éleva, timide, demandant ce qu'elle pouvait faire pour lui. Un sourire se dessina sur ses lèvres, et il releva la tête en direction de la jeune fille. En short et débardeur, encore avec les cheveux mouillés, elle se tenait là en face de lui, avec des yeux suppliants. Isaac ne nia pas le fait qu'il avait trouvé la requête de la jeune fille bizarre, son esprit tournait toujours les choses autrement. Mais lui ne prenait as avantage sur les jeunes filles, même si la situation pouvait faire croire que c'était le cas. Sara lui témoignait d'ailleurs une confiance aveugle, c'en était presque louche. Il ne lui répondit pas, se contentant de sourire, et il se remit dans sa position. Il lui avait déjà dit qu'il ne voulait rien, et il ne voulait pas se répéter.

Après un moment, les pensées toujours tournant dans sa tête, il prit la parole. « Comment est-ce que tu fais pour rester aussi calme ? » lui demanda-t-il, toujours les yeux fermés, adossé au lit. Le silence l'enveloppait dans ses bras soyeux, et le fait que la blonde soit aussi silencieuse le perturbait. Lui n'avait jamais eu un moment de répit lorsqu'il passait du temps avec ses enfants. C'en était épuisant. Pas étonnant que certains n'en voulaient pas. Isaac n'imaginait même pas ceux qui en avaient six...

Penser avant d'agir. Une pure logique. Comment rester calme ? Penser. Ouais, pas con. Isaac ruminait les paroles de Sara en silence, essayant de mettre tout en ordre dans sa tête. A l'origine, sa question sur le calme s'était pas tournée de la façon dont elle l'avait crue. Lui voulait seulement savoir comment elle restait aussi calme, dans le sens de silencieuse, non excitée. Mais la réponse de la jeune fille venait de lui faire rendre compte de l'autre sens de la question, l'autre sens qu'il n'avait pas voulu dévoiler. Un beau lapsus révélateur. Peut-être que la Van Wagner n'avait pas eu conscience de ce qu'elle répondait, d'ailleurs. Et ça avait plongé Isaac dans une grande torpeur, un grand moment de réflexion. Penser. Pourtant il pensait toujours avant d'agir, non ? Il fronça les sourcils. C'était une bonne question. Et il se perdait un peu dans ses pensées, dans la différenciation du calme et calme. Silence et sang-froid. La jeune fille avait-elle des suspiscions sur Isaac ? Connaissait-elle des choses qu'il ignorait ? Pourtant, elle avait parlé avec tant de naturel qu'il était fort étrange qu'elle puisse avoir une idée derrière la tête. D'autant plus qu'elle se mit à rire comme une enfant et de le considérer comme un défaut. Pfu, cela en faisait beaucoup pour Isaac, qui n'arrivait plus trop à suivre. Beaucoup trop de penser pour une soirée. Peut-être que c'était ça, on problème. Il ne prenait pas assez le temps de penser et réfléchir à ce qui l'entourait. Métro, boulot, dodo, la routine. Du temps pour jouer, rigoler, manger, ouais. Du temps pour penser ? Pas tant que ça. C'était peut-être ce qui manquait dans sa vie. Pourtant il avait l'impression que tout allait bien, qu'il avait comme tout le monde des humeurs sombres mais que c'était normal et que la vie continuait, que chacun exprimait ses ressentis comme il le voulait. Et Isaac réfélchissait beaucoup, à l'hôtel, tant il y avait de choses à faire, ses journées étaient bien remplies. Mais pensait-il à autre chose ? Pensait-il à son entourage, sa famille, ses émotions ? Non. Il n'accordait jamais de temps à ce qu'il appelait des futilités. Il pouvait passer du temps seul à réfléchir au ciel, au carrés sur le plafond, aux fleurs. Mais jamais sur lui-même. Jamais. Et Sara venait de le faire réaliser qu'il serait peut-être le temps de s'y mettre.

Isaac était prêt à parler à voix haute de ce qu'il voulait. La jeune fille instaurait un calme si agréable qu'il aurait pu se laisser aller, raconter sa vie et ses soucis, ses réfléxions. Il avait toujours les yeux fermés, et Sara restait silencieuse depuis sa réponse. Tellement de choses envahissaient sa tête qu'il aurait pu tout lâcher. Aurait pu. Mais Sara lâcha à ce moment-là un mot qui brisa tout en éclats. Ce fut comme si le Melrose se réveilla, refermant la porte qui avait commencé à s'ouvrir. Ses yeux s'ouvrirent et il se releva brusquement. « Cela ne te regarde pas. » Il épousseta son pantalon et passa une main sur son visage. « Bon, je te laisse dans la chambre, je dois aller régler des choses dans mon bureau. » rajouta-t-il en se dirigeant vers la porte. « S'il y a quoi que ce soit je suis à l'autre bout du couloir. Bonne nuit. » Et il referma la porte derrière lui, laissant Sara prendre du repos. Il n'allait quand même pas dormir avec elle non plus ! Restant derrière la porte pendant un moment, il soupira en fermant les yeux. Sacrée soirée.