La voix de Frederik qui résonnait dans la chambre me rendait nerveuse. J’aimais bien quand il chantait en temps normal mais là, ça avait le don de m’énerver, en ce moment je crois que c’est un peu tout qui m’énervait. L’ouragan qui s’était déclaré à Magnolia Cresent quelques temps auparavant n’avait pas aidé pour que je garde mon calme, bien au contraire, ça avait été un des pires moments de mon existence. Heureusement, je me suis retrouvée avec mon mari dans la maison, on a réussi à se cacher dans la cave avec de quoi tenir quelques temps. Je ne sais même pas combien de temps ça a duré mais assez longtemps pour que notre maison soit touchée, comme la plupart de celles du quartier, et aussi assez longtemps pour que je sois au bord de la crise de nerfs mais j’avais mes raisons pour ça.
Effectivement, j’avais mes raisons pour ça et seule moi était au courant. Ça faisait deux mois que je le cachais à Fred, je savais pertinemment que c’était une très mauvaise idée de lui cacher mais tant pis. Je ne pouvais plus le nier maintenant, j’étais bel et bien enceinte et ça faisait deux mois. Et ça faisait le même temps que je le cachais à celui avec qui je partageais ma vie, j’appréhendais sa réaction, non pas par rapport au fait que je sois enceinte, je savais que ça lui ferait plaisir mais par rapport au fait que je lui ai caché pendant deux mois, ça lui ferait moins plaisir ça. Je repensais à ma réaction pendant l’ouragan, j’avais eu peur, mais vraiment peur, non pas pour moi mais plus pour le bébé qui était en train de grandir dans mon ventre. J’avais eu peur de le perdre, je m’étais mise à pleurer, adoptant une position fœtale et malgré les différentes tentatives de Fred, je n’avais pas réussi à me calmer et lui non plus n’avait pas réussi à me calmer.
Ma relation avec Frederik avait été assez chaotique ces derniers temps, d’habitude on s’entendait très bien mais là, ça avait été affreux. Tout était ma faute, je l’avais « trompé » avec quelqu’un d’autre, enfin trompé est un bien grand mot, on avait juste échangé un baiser, rien de plus. En temps que personne honnête, je l’avais avoué à mon mari qui s’était mis dans une colère noire et s’en était suivi des journées d’engueulade mais depuis quelques temps, le calme était revenu au sein de notre couple, pour mon plus grand bonheur. Par contre, ce calme n’allait probablement pas durer longtemps, la journée commençait très mal, il m’énervait à chanter et à siffloter de la sorte. Je mettais ça sur le compte du début des hormones qui faisaient leur travail mais bon, il était quand même insupportable par moment.
Je venais de remonter une lessive et je commençais à ranger le linge quand Fred sortit de la salle de bain en sifflotant, vêtu d’une simple serviette de toilette. Je jetais un coup d’œil vers lui avant de me concentrer sur mon linge, j’avais qu’une peur, c’était qu’il remarque que mon ventre avait un peu grossi. Je sentais qu’il s’approchait de moi, j’entendais en plus son sifflotement se rapprocher, il s’arrêta à quelques centimètres et déposa ses lèvres sur les miennes rapidement, il avait ce sourire sur son visage que je connaissais si bien, celui du Fred qui a envie de taquiner. Et j’avais vu juste, les paroles qui sortirent de sa bouche eurent le don de m’énerver un peu plus, j’attrapais un t-shirt à lui et lui lançait.
« Ta petite hystérique chérie ira mieux quand tu auras arrêté de siffloter ton air insupportable. »
Je le regardais d’un air noir avant de ranger le dernier habit dans l’armoire, je n’avais pas envie de revenir sur l’épisode de l’ouragan. Je pris les habits que j’allais mettre et les posa sur le lit avant de m’allonger dessus, j’étais très fatiguée ces derniers temps et je n’avais envie de rien faire. Le travail me prenait un temps fou, l’aide pour le quartier aussi et étant enceinte, ce n’était peut être pas si bon de s’agiter autant. Je fermais les yeux quelques instants attendant une quelconque réaction de la part de mon mari.

Je savais pertinemment que la réaction aux paroles de Frederik n’allait pas lui plaire mais je m’en fichais, je n’étais pas d’humeur aujourd’hui. Je lui avais lancé un t-shirt, impassible, puis avait repris mon activité, sa réflexion sur le fait qu’il n’y avait pas que le sifflement qui était insupportable me rendis encore plus nerveuse, je le toisais d’un regard noir puis finissait mon rangement. Je ne pris même pas la peine de lui répondre, mon silence suffisait pour qu’il comprenne.
Je m’étais posé sur le lit, yeux fermés, essayant de me reposer tranquillement. La fatigue était constante chez moi en ce moment, je ne savais pas combien de temps ça durerait tout ça mais probablement pendant neuf mois … J’entendais Fred qui s’habillait à mes côtés, rien qu’à entendre ses mouvements, je savais qu’il était énervé contre moi et il avait tous les droits de l’être. Mon comportement était surement incompréhensible et puis, je ne respirais pas la joie de vivre en ce moment. Tellement différent de d’habitude, je savais que parfois je n’étais pas facile à vivre mais Fred était pareil, il était parfois insupportable. Je sentis ensuite que quelqu’un me secouait gentiment, Frederik bien entendu, mais je préférais ne pas réagir, j’avais envie de me reposer tranquillement. Les paroles sur la préparation psychologique me firent rire doucement.
« Je ne t’ignore pas, je me repose. Prépare toi psychologiquement à ça, le fait de me voir me reposer peut être très dur à voir, je te comprends … »
Encore une fois je savais que ça allai énerver mon mari mais tant pis, il m’énervait avec son air sifflotant, son ton moralisateur et ses gestes. J’avais besoin de me reposer, c’était trop dur à demander ? Plus il parlait et plus il m’énervait, il n’avait vraiment rien compris, c’était affolant qu’il ne comprenne pas à ce point. J’étais fatiguée, j’avais envie de me reposer mais non, Monsieur Winston se tuait à savoir ce qu’était le problème au lieu de me laisser me reposer. Je l’entendis se lever avec rage après qu’il ait sorti ses derniers mots, j’ouvrais les yeux en soupirant, il se dirigeait vers la porte pour prendre l’air. Je me relevais sur le lit puis me levais pour aller à sa poursuite.
« Ce qui me prend ? C’est que je suis fatiguée ! J’ai besoin de me reposer mais apparemment, ça te dérange. Et puis, tu dis que tu veux savoir ce que j’ai et tu te barres ? Paradoxale ta réaction. Mais barres toi si tu veux, je pourrais peut être enfin me reposer sans avoir à subir tes humeurs lunatiques. »
Suite à ces mots, je soupirais une nouvelle fois en le regardant puis je me redirigeais vers la chambre et reprenais ma position initiale, je me sentais vraiment fatiguée. Personne ne m’avait dit que c’était si fatiguant la grossesse et encore, ce n’était que le début. Je posais une main sur mon ventre puis fermais les yeux.

Je savais que mon comportement allait énerver Fred mais je ne pouvais pas m’en empêcher, le voir de si bonne humeur m’avait mise de mauvaise humeur. C’était probablement très égoïste comme comportement mais tant pis, il commençait à avoir l’habitude de ce genre de choses chez moi. J’avais l’impression que ces derniers temps, nos disputes se multipliaient à une vitesse folle, elle me paraissait loin la période où tout était rose pour nous. J’étais toujours allongée sur le lit, ne sentant pas la force de me lever pour le moment.
« Tu vas devoir t’y faire à mon comportement agaçant … »
Je n’en disais pas plus. Je cachais ma grossesse à Frederik depuis maintenant deux mois, je n’osais même pas imaginer sa réaction quand il allait l’apprendre. Je savais qu’il allait être heureux mais en même temps, il allait être énervé parce que je ne lui en ai pas parlé plus tôt. Je l’entendais partir de la chambre après qu’il m’ait demandé des explications. Parfois, je ne comprenais pas le comportement de Fred, il posait des questions puis partait sans même attendre la réponse ce que je me pressa de lui faire remarquer. J’avais finalement réussi à me lever pour lui expliquer le comment du pourquoi comme il me l’avait demandé puis j’étais rapidement retournée sur le lit, les nausées matinales avaient commencé à faire leur apparition et je m’étais levée un peu trop rapidement donc je ne me sentais pas très bien.
« Je ne t’ai pas sauté à la gorge comme tu dis si bien. Tu aurais très bien pu le remarquer tout seul, j’ai des cernes qui ressemblent à des gouffres mais non, toi tu préfères me lancer des piques. Laisses mes humeurs lunatiques en dehors de tout ça, je ne vois pas en quoi je suis odieuse, je te fais simplement remarquer que ton sifflement dès le matin est insupportable. Rien de bien méchant. »
Je ne me contrôlais plus, j’étais vraiment fatiguée, je n’arrivais pas à dormir ces derniers temps. L’ouragan avait vraiment eu un impact important sur moi, j’avais été très stressée pendant tout l’évènement et surtout, inconsolable, même Fred n’avait pas réussi. J’entendis les pas de mon mari qui s’éloignaient à nouveau, j’avais réussi à le mettre hors de lui, rien qu’au son de ses pas sur le sol j’arrivais à le prédire. Ses pas ne s’éloignèrent pas beaucoup, très vite j’entendis ses pas revenir et un poids se fit sentir sur le lit, il était assis sur le rebord. Un élan de douceur comme j’aimais les appeler. Il me demanda si j’avais besoin de voir un médecin, je ne lui avais pas dit que j’en avais vu un dernièrement puis, Fred évoqua l’ouragan, je fronçais les sourcils rien qu’en entendant ce mot. Je me sentais mal de lui faire subir mon comportement des plus incompréhensibles pour lui mais en même temps, je ne pouvais pas m’en empêcher, il savait que j’étais comme ça et surtout que je n’étais pas prête de changer. Je me demandais vraiment comment ça allait être pendant les sept mois de grossesse qu’il me restait, ça allait être vraiment affreux pour lui comme pour moi.
« J’ai vu un médecin en début de semaine t’inquiètes pas. Me parle pas de ça s’il te plaît. »
Ça étant l’ouragan qui était la dernière chose dont j’avais envie de parler, c’était affreux d’y repenser et pourtant je n’avais pas été blessée comme certains habitants du quartier.