Ce soir, c'était le grand soir. Enfin, ce n'était pas un si grand évènement, mais il était quand même important. Ce soir, Andrew Davies allait manger avec des roux. Cela pouvait sembler fort banal pour certains, mais connaissant Andrew et son étrange phobie, cela relevait de l'exploit. Ginny avait réussi à l'inviter un soir à manger avec sa famille pour lui prouver qu'ils n'étaient pas démoniaques. Il accepta, mais sous la condition d'emmener avec lui sa copine qui lui servira de bouclier au cas où un sacrifice aurait lieu - Lou. Ainsi, au début de la semaine, Ginny contacta Lou pour convenir d'une date pour le fameux dîner, ne connaissant pas le numéro de portable d'Andrew. Elles convinrent de ce soir, à la résidence des Wainwright. À partir de ce moment, Ginerva avait deux possibilités: faire un souper amical, bon enfant, pour prouver à Andrew qu'ils étaient normaux ou lui donner la frousse avec une ambiance digne de démons et une mise en scène de type Halloween. Connaissant la rouquine, elle opta rapidement pour la seconde option.

17h30. Les invités ne devraient pas tarder. La rouquine avait passé une partie de l'après-midi à préparer la salle à manger et le repas avec l'aide de Lucy. Ginerva était habillée et maquillée, Balthazar et Satine ne devraient tarder à descendre également. Elle avait demandé à ses frère et soeur de s'habiller comme elle, et même si Satine était plus réticente à cette idée, elle accepta de jouer le jeu. Ainsi, les trois enfants Wainwright avaient mis du maquillage digne d'Halloween sur leurs visages pour paraître plus pâles que leur peau leur permettait déjà et avaient enfilé des vêtements longs et noirs. Ginny portait une robe noire qui rappelait un peu l'époque médiévale. Elle avait laissé ses longs cheveux détachés, ils ondulaient librement sur ses épaules et étaient joliment éclairés par les chandelles. Parce que oui, la famille de roux avait mis des chandelles dans la salle à manger. Il y avait de la lumière au plafond, comme toute bonne salle à manger qui se respectait, mais Ginny avait tamisé tellement la lumière qu'elle était presque inutile, d'où les chandelles. Ça pouvait ressembler à une ambiance romantique, mais avec la mélodie du piano qu'on entendait, ça ne l'était pas du tout. Ginerva était en mesure de décrire l'ambiance comme macabre: la grande maison familiale vide ou presque, éclairée par quelques chandelles et la lune à l'extérieur; les habits sombres des hôtes; la mélodie de Chopin, Nocturnes, en background. Il ne manquait plus qu'un orage et un sacrifice d'animal. Ce que Ginny ne ferait jamais, évidemment.

Ginerva était donc assise à table avec Lucy, attendant que le reste des enfants Wainwright et les invités arrivent.

Lucy, vêtue d'une robe noire en dentelle, se tenait dans le hall d'entrée de la maison Wainwright. Ginerva finissait de s'affairer en cuisine, tandis qu'elle était partie éteindre la lumière de l'entrée. La demeure devait être la plus sombre, et la plus inquiétante possible. Ce soir, au numéro 42, aurait lieu une soirée très particulière: Lou Huntingon et Andrew Davies venaient dîner. Ce dernier était connu chez les Wainwright pour sa peur phobique des roux. Il croyait aux démons ? Alors il allait être servi ! Lucy se rendit dans la cuisine pour rejoindre Ginny, elle aussi vêtue de noir, et encore plus pâle qu'à l'ordinaire. Elle vint jeter un oeil au carpaccio de saumon qu'elle avait préparé, tandis que la rousse surveillait le rôti dans le four. Cela sentait extrèmement bon.

Je crois que tout est prêt, non ? lui demanda Lucy, un rictus aux lèvres.

Elle avait hâte de voir Satine et Balthazar descendre. Mais surtout, elle avait hâte de voir la tête d'Andrew à son arrivée ! Le plus dur pour elle serait alors de garder son sérieux. Elle avait un rôle à jouer: celle de la servante qui a vendu son âme au diable. Oui, Andrew semblait persuadé qu'elle était retenue chez les Wainwright par la force, ce qui promettait d'être assez drôle à mettre en scène. Elle jeta un oeil à l'horloge: six heures moins le quart, ils ne devraient plus tarder.

Un diner de roux. C'était bien évidemment une idée de Ginny, tout ça. Cependant, cela plaisait beaucoup à Balthazar qui, se tenant devant son miroir, se maquillait pour la toute première fois de sa vie. Bien sur, il ne mettait que du blanc sur son visage, mais il avait aussi eu la brillante idée d'emprunter un fard à paupière bleu/gris et brun à Ginny, pour accentuer ses énormes cernes noirs. Une fois terminé, il se regarda longuement dans le miroir en s'imaginant jouer dans un de ces films de morts vivants qu'il aimait tant regarder, puis sourit à lui-même avant de descendre au rez-de chaussé, vêtu de ses longs habits au style gothique.

Lorsqu'il tourna le coin de la cuisine, une douce odeur de nourriture lui passa sous les narines, ce qui lui fit pousser un petit son voulant dire qu'il appréciait ce fumet. Son regard croisa celui de Lucy et il demanda alors «Ont est obligés de les attendre? Ça sent trop bon! J'ai faim, moi!» puis il rigola faiblement avant de s'asseoir sur le comptoir, aux côtés de sa soeur chérie. Peut-être avaient-elles remarquées sa touche personnelle? Ses cernes encore plus apparentes? Peut-être que oui ...Ou pas.

L'envie de piquer quelque chose à manger lui prit et il opta pour une carotte marinée qu'il apporta et enfonça rapidement dans sa bouche, avant même que Ginny ne lui empêche de la prendre. Plissant son nez par la suite d'un air moqueur, il ajouta «Excellente, la carotte! Mhh. mhh!»avant de s'essuyer les mains sur ses pantalons noir et baisser la tête, en geste de nervosité. Ça allait être long pour lui, cette soirée. Déjà qu'il n'aimait pas trop rencontrer des gens ...En plus, ce serait une personne qui déteste les roux! Le comble, quoi! Par contre, il avait peut-être un plan. Celui de tout faire pour accentuer la peur panique d'Andrew envers les roux, afin qu'il déguerpisse au plus vite. Si possible, avant le dessert, même! C'était son plat préféré ...Si lui et sa copine partaient, cela voudrait dire plus pour lui et son ventre affamé!

Gotique.. Quelle idée, cela ne pouvait venir que de Ginny, mais Satine était prête à faire un effort même si à ses yeux Andrew était totalement fou cela pourrait être drôle de jouer de sa folie. Elle avait alors obéit à sa soeur et elle portait un de ses longues robes de concerts noir qu'elle ne portait plus à présent, les trouvant trop dépassé, trop moche, trop pas pratique, trop noir, trop tout. Ensuite c'était le maquillage, Satine avait déjà la peau pale, mais ce que lui avait prêté sa soeur pour l'occasion lui donnait une teinte pire que pale, à son visage, on aurait dit une malade face au miroir, pure, une morte ! Elle avait mis un peu fard à paupière noir sur ses yeux et se sentait à présent prête dans son rôle de grande soeur macabre.

Elle descendit rejoindre la fratrie ainsi que Lucy en bas dans le salon, elle ne put s'empêcher de sourire en voyant la dégaine de chacun. Aussi glauque les uns que les autres, les Wainwright étaient flippant, Ginny avait réussis son coup. Elle montra le résultat à sa soeur et à Lucy tandis que Balt cherchait à se remplir l'estomac pour la 59852 fois de la journée. Aah... les garçons. « Alors ? Macabre ou pas ? Vous êtes flippante les filles, prenez le comme un compliment. » Ils étaient tous là, il ne manquait plus qu'Andrew et Lou pour commencer la soirée et Satine commençait à trouver sa drôle. C'était toujours mieux que passer sa soirée à travailler.

Ce soir là, Andrew stressait un max. Quand Lou lui avait annoncé que le dîner chez les roux était finalement programmé, il avait dégluti difficilement, entrevoyant déjà un repas macabre où il trônerait dans la cheminée, embroché, et cuisant doucement à petit feu sous les regards hilares de ces créatures du diable. Pourtant, il s'était contenté d’acquiescer, se gardant bien de confier ses craintes à sa petite amie. Elle ne croyait pas à tout ça, et les "délires" d'Andrew avaient le don de l'exaspérer. Pire, elle considérait Ginerva comme une de ses amies, ou un truc du genre (notepourlou : oui bah je n'ai pas encore appris ta fiche de liens par coeur, et puis d'abord je retiens que tes liens avec les garçons). Il aurait juste à rester doublement concentré, durant ce dîner, même s'il restait persuadé qu'ils seraient plutôt intéressés par un mâle, fort, plutôt que par une femelle. Cette situation lui convenait : il ne supporterait pas de perdre Lou aux mains de ces démons.

Quand il fut l'heure de partir, Andrew serra un peu plus Lou dans ses bras, pour l'empêcher de se lever du canapé où ils s'étaient affalés, en attendant l'heure fatidique. Ils passaient désormais leur vie entière chez Andrew, Juliet étant tout le temps chez Adrian, qui s'inquiétait corps et âme pour son futur descendant (qui logiquement n'est pas né puisque la cigogne l'a apporté la veille de la saint valentin, or si le dîner se déroulait le 13 Andrew aurait été trop content d'annuler pour cause de naissance de son filleul). Mais elle avait fini par pester, ajoutant qu'il n'était pas convenable d'arriver en retard. « Arriver en retard en Enfer c'est tout à fait convenable » grommela-t-il dans sa barbe, avant de se souvenir qu'il n'en avait pas, de barbe. Il baissa alors les yeux. Il était incapable de faire entendre raison à Lou, et quelque part ça le peinait qu'elle ne le croit pas un peu plus. Les démons ça existe wesh, comme les licornes et les farfadets.

Une fois devant la maison du Diable, il laissa son amoureuse sonner, et respira une dernière grande bouffée de l'air frais, sain, pur, de l'extérieur. « Bonsoir ... Nous ne sommes pas en avance j'espère ? Sinon nous pouvons revenir un peu plus tard ! »

Quand Ginny avait proposé à Lou de venir dîner chez elle en compagnie d’Andrew, la jeune femme avait tout de suite senti que la soirée ne se résumerait pas à un simple dîner. Lou avait évidemment eu vent de la rencontre d’Andrew avec Ginerva, elle voulait montrer à Andrew qu’elle était parfaitement normale, et que sa couleur de cheveux ne voulait pas dire qu’elle était en fait la fille du Diable ou un autre délire étrange du jeune homme. Lou n’avait jamais compris pourquoi Andrew avait si peur des roux, ou pourquoi il ne les aimait pas. Elle avait beau lui dire que tout cela était ridicule, il n’en démordait pas. Qu’à cela ne tienne, elle décida d’accepter avec grand plaisir l’invitation de son amie, peu importe les surprises que lui promettait la soirée. Lou connaissait en effet Ginny depuis toute petite, et savait bien qu’elle était malicieuse. Elle s’attendait donc à tout.

Le jour fatidique était finalement arrivé. La jeune étudiante dût tirer son copain du canapé pour qu’il accepte vraiment de se rendre chez les Wainwright. Elle le sermonnait, lui montrait que clairement son attitude ne rimait à rien, que toute la famille était adorable, même si elle n’était vraiment amie qu’avec Ginerva. Elle sut néanmoins le convaincre malgré ses sarcasmes et sa mauvaise volonté. Arrivés devant la porte, Andrew fit preuve de maturité et de galanterie. Il poussa (oui, oui poussa) Lou devant afin que ça soit elle qui sonne. Elle lui lança un regard mauvais, et dire qu’elle avait devoir supporter son attitude méfiante durant toute la soirée. Lou appuya donc sur la sonnette et attendit qu’on vienne leur ouvrir. Quand la porte s’ouvrit, Andrew ne se montrât pas vraiment poli et demandait déjà s’ils pouvaient quitter les lieux. « Bonsoir. » ajouta Lou à la suite d’Andrew. « Ce qu’il veut dire c’est merci de nous avoir invité ce soir, ça nous fait vraiment plaisir. » fit-elle avec un sourire sincère à l’attention de la personne qui s’était dévouée pour leur ouvrir. Si Andrew ne faisait aucun effort, Lou allait vite être embarrassée de son attitude. Après tout, les Wainwright les avait si gentiment invités !

Une fois les décorations terminées et parfaites selon Ginerva, elle alla finaliser les détails du menu avec Lucy dans la cuisine. La rouquine s'affaira au four, gants de cuisine aux mains, pour vérifier pour la énième fois la cuisson du rôti. Il devait être parfaitement saignant pour l'occasion. Une fois persuadée que son rôti ne brûlerait pas et serait parfait au moment de le servir, Ginny se débarrassa des gants et se tourna vers Lucy, satisfaite de ce qu'elles avaient faites en un après-midi.

"Il ne manque plus que nos invités et tout sera prêt!"

La rouquine était impatiente de voir ces derniers arriver: la tête d'Andrew vaudrait son pesant d'or! Balthazar vint les rejoindre à la cuisine, vêtu et maquillé comme prévu. Il avait même ajouté une touche personnelle!

"Très joli, ta touche personnelle! Et cesse de ta plaindre le goinfre, tu mangeras lorsque ce sera le temps!" Trop tard, le fourbe s'était emparé d'une carotte aussi rapidement que l'éclair. Ginerva s'esclaffa en lui secouant gentiment les cheveux. Puis Satine arriva, magnifique comme à son habitude. "Macabre, l'effet est parfait!" À les voir, les rouquins avaient vraiment l'air sortis du cimetière.

La sonnette de la porte d'entrée retentit dans la cuisine. Les yeux de Ginerva s'illuminèrent aussitôt et son sourire habituel prit une tangente plus... sadique? On pouvait dire ça.

"Parfait, ils sont arrivés! Lucy, tu sais ce que tu as à faire. Les autres, à table!"

Lucy, en tant que "servante", avait un rôle important à jouer. Mais ça sera Ginny, l'hôtesse, qui ira ouvrir aux invités. Elle gambada alors jusqu'à l'entrée et, avant d'ouvrir, prit une inspiration pour se calmer et se donner un air grave. Puis elle tourna la poignée.

"Bonsoir à vous deux et bienvenue chez les Wainwright!" La rouquine leur fit une révérence comme à l'ancienne avant de faire la bise à Lou. Inutile de traumatiser Andrew en faisant de même. Ce dernier qui, comme à son habitude, trouva quelque chose à dire pour revenir plus tard, voire ne pas revenir du tout. Lou reprit son copain pour qu'il paraisse moins brusque, mais ça ne dérangeait pas la rouquine qui sourit de façon mesquine à son invité. "Ne t'inquiètes pas, vous êtes arrivés pile à l'heure! Entrez, l'entrée sera servie bientôt." Ginerva tourna les talons et se dirigea vers la salle à manger. Une fois qu'ils l'avait rejointe, Satine et Balthazar étaient déjà à table. Les trois rouquins étaient assis côte à côte, trois chaises vacantes se trouvaient face à eux. Alors que Lucy faisait ce qui était prévu - les assigner à leur place respective -, la rouquine ajouta à Davies: "J'ai pris soin d'éloigner la domestique de toi, pour éviter un coup de pied comme lors du souper de Thanksgiving. D'ailleurs, les domestiques sont supposés manger dans le sous-sol, mais nous avons fait une exception pour ce soir." Ginerva sourit aux invités. "L'entrée sera servie dans un instant!" Au loin, la mélodie de Chopin se faisait de plus en plus angoissante. Andrew avait peur des roux? Ginny allait lui prouver qu'il n'avait pas si tort que ça.

Ils étaient tous près, horriblement près même. Comme le disait Ginny, il ne manquait plus que les invités. Oh oui les invités. Satine ne connaissait pas vraiment Lou, mais elle connaissait bien le jeune Andrew qui la prenait pour une sorte de sorcière, un peu comme toute la famille et tout ce qui étaient « roux » . Si cela amusait énormément sa petite soeur, Satine elle voyait plus en Andrew une sorte de folie non guérit, un truc du genre. Il était clair pour elle que tout n'allait pas très bien dans sa tête. Ce dîné était loin d'arranger les choses, mais cela faisait plaisir à Ginny et puis sont idée amusante.

La porte sonna ce qui remplit Ginny de joie. Elle rappela le rôle de chacun et Satine suivit ses ordres avec Balt qui avait du mal à se retenir de sauter sur la nourriture. Satine le prit par le bras en riant « Allez ! Les morts ça ne mangent pas » et entraîna son frère avec elle à table. S'il fallait rire c'était bien maintenant ou jamais avant que Ginny ouvre la porte, après cela la fratrie devrait garder son sérieux pour le bon fonctionnement de la blague de Ginny.

A peine arrivée Andrew faisait déjà des siennes, Lou essaya de rattraper ses propos et Ginny joua les hôtes exemplaires. Satine se concentra pour ne pas rire et se leva de sa chaise une fois leur invitée entrée pour les saluer. Elle tenta de prendre l'air qu'elle avait le matin, l'air fatigué et endormie à la fois avec sa voix légèrement roque. « Bienvenue » ajouta-t-elle simplement en se penchant légèrement tout en relevant légèrement sa robe. « Soyez les bienvenue ». Heureusement pour elle, William lui avait appris comment garder son sérieux dans ce genre de situation. Elle espérait qu'il soit fier d'elle quand elle lui raconterait.

Le jeu était lancé. Depuis la salle à manger, Lucy entendit Andrew et Lou entrer. Elle lança un regard nerveux à Satine et Balth' déjà assis à table. Elle déglutit en entendant les pas approcher. Il ne fallait surtout pas tout faire flancher: elle avait un rôle à tenir, un personnage à jouer. Lucy se tenait tête baissée, les mains entrecroisées dans le dos, dans une posture soumise. Lorsque les invités entrèrent, la brunette prononça un "bonsoir" calme tout en inclinant la tête. Sans lever les yeux, elle s'approcha pour prendre leurs manteaux. Elle partit dans le bureau y déposer leurs affaires. Ce faisant, elle entendit la remarque de Ginny à propos des domestiques et étouffa un rire. Elle revint quelques minutes plus tard dans la salle à manger, sombre à souhait. Elle s'approcha de la table et énonça le plan de table:

Andrew, ici à côté de Lou et face à Satine, Lou face à Ginny.

Elle attendit que chacun prit sa place, puis partit dans la cuisine. Elle en revint vite avec une bouteille de cidre (seul alcool autorisé par les parents Wainwright) ainsi que l'entrée: un plat de carpaccio de saumon au basilic. Elle posa le tout sur la table et ouvrit la bouteille de cidre. Ce soir, elle était de service ! Son regard fit le tour de la table, tous se montraient sérieux... sauf Andrew, qui semblait plutôt effrayé.
Cette soirée ne serait assurément pas comme les autres.

Andrew restait collé à Lou tel un enfant dans les jupes de sa mère. A ses côtés, il se sentait (un peu) en sécurité. Mais si le diable surgissait par surprise de derrière un plante verte, il aurait bien du mal à l'éviter. Alors, par reflexe, il attrapa la main de sa petite amie, discrètement. Là, il se sentait déjà mieux, une dose de force s'empara de son corps, il pouvait entrer.

A l'intérieur, il salua poliment tout le monde, mais leurs accoutrements hallucinants l'empêcha de rester calme. Il se retint de montrer sa frayeur, pourtant, celle-ci battait des records. Plus silencieux qu'à l'habitude, tout le monde aurait vite la puce à l'oreille, un Andrew qui ne parle pas n'était pas un Andrew en bonne santé. Mais plutôt mourir que d'admettre qu'il était apeuré. « Eh bien, je suis ravi que grâce à nous, Lucy évite le sous-sol pour une nuit. C'est là bas que tu y reçois aussi tes petits amis quand il te rend visite ? » Il n'avait pas oublié que la jeune fille lui avait touché deux mots sur un garçon inconnu, mais cette soirée saugrenue ne serait certainement pas l'occasion d'en apprendre d'avantage.

Finalement, ils passèrent enfin à table. Il regarda Lucy servir seule l'entrée, le regard légèrement ahuri, aucun hote ne l'aidait ! la pauvre, mais bien loin de lui l'envie d'aller contre la volonté du diable. « Eh bien, bon appétit, ça m'a l'air succulent ! Lucy, c'est toi également qui a préparé le repas ? » Il était naturellement choqué, que la jeune fille soit à la fois domestique et soit disant amie de ses hôtes. C'était une relation tellement ... bizarre. Mais tout était glacial ici, alors cette histoire ne l'étonnait même plus. Pourtant, il préféra se concentrer là dessus, plutôt que sur le manque d'éclairage de la pièce, qui conférait au dîner un aura morbide, accentué par la musique de fond, très dérangeante.

Ginny était venue leur ouvrir la porte, et bien sûr, comme Lou s’y était attendue, elle avait mis le paquet pour se rendre bizarre. Vêtements sombres, teint très pâle… bienvenue chez la famille Adams ! Lou devait se retenir de ne pas pouffer, la situation était vraiment ridicule. Le pire dans tout ça, c’était qu’Andrew allait tomber dans tous les pièges. Ils furent donc invités à rentrer, et tous les membres de la famille de roux étaient habillés à peu près de la même façon. Elle salua tout le monde d’un signe de la main. Lucy vint prendre leurs affaires, avant de retourner en cuisine. Tout le monde agissait de façon étrange. Lou jeta un coup d’œil à Andrew qui n’avait pas lâché sa main depuis qu’ils avaient mis les pieds dans la maison, il semblait avoir peur. Il devait se faire des films dans sa tête. Quel idiot (a).

Lucy énonça ensuite le plan de table, et les deux convives prirent place. Elle servit ensuite le plat, comme une vraie domestique. Lou était pratiquement sûre que ça ne se passait pas de la sorte tous les jours. Surtout qu’il n’y avait pratiquement pas de lumière dans la salle à manger et qu’une musique flippante se faisait entendre au loin. « Bon appétit » répondit-elle à son tour à chacun des gens attablés. Une nouvelle fois, Andrew s’intéressa à Lucy. Apparemment, il semblait croire que les Wainwright retenaient Lucy de force, ou la traitait comme une esclave. Les propos que Ginny avait énoncé tout à l’heure ne devaient pas être pris au sérieux ! Elle n’avait donc aucune idée d’où il avait pu pêcher une telle idée, mais semblait s’y accrocher. Lou avait un peu peur qu’il ne glisse des sous-entendus vexants à Ginny, Satine ou Balthazar. « En tout cas, c’est délicieux. » se sentit-elle obligée de rajouter. Elle fit à un sourire à chacun des membres de la famille. Elle avait l’impression d’être une mère de famille qui devait veiller à la bonne conduite de son rejeton… Elle espérait que les filles n’allaient pas y aller trop fort avec ce pauvre Andrew, qui ne voyait rien venir !

Lucy expliqua la disposition des tables aux invités qui se prièrent à ces exigences. Satine allait donc passer son repas en face d'Andrew, alias la victime de la soirée. Ne sachant pas quoi leur dire et attendant que Ginny véritable maitresse de la soirée prenne place à coup de méthodes plus flippantes les unes que les autres pour terrifier Andrew, Satine se contenta de le fixer d'un air neutre presque mort à vrai dire. Ce n'était pas vraiment son truc de faire peur aux gens, surtout qu'elle considérait Andrew comme un fou. Mais elle avait promis à sa soeur de jouer le jeu alors c'est ce qu'elle tenta de faire en fixant le jeune homme.

Lucy leur apporta un premier plat, Lou souhaita à tout le monde bon appétit et Satine l'imita ensuite d'une voix plus roque que d'habitude. « Merci, à vous aussi » Elle salua d'un geste de la tête les invités rajoutant un petit sourire en coin à Andrew et son plat brièvement. Le plus dur dans cette histoire serait de se retenir de rire si son coup marchait. Mais au pire elle était sûre que même la voir rire ne rassurerait pas le jeune homme. Silencieusement elle commença à manger laissant le jeune Davis tranquille pour le moment.

Le silence d'Andrew Davies voulait tout dire. Habituée à l'avoir dans sa classe depuis toute petite, la rouquine savait bien qu'il était une vraie pipelette, en particulier lorsque ce n'était pas le temps. Assise à sa place respective - entre Satine et Balt, on suivait l'ordre de naissance -, Ginny regardait avec amusement le manège de Satine, qui consistait à mettre Andrew mal à l'aise. Ça semblait fonctionner, même si l'invité s'inquiétait davantage du sort de leur 'domestique' en lui posant une question d'ordre personnel. La rouquine savait bien de qui Davies voulait parler, mais elle ne laissa pas Lucy répondre, se dépêchant de le faire à sa place. "Les domestiques ne peuvent avoir d'invités, voyons! Quelle étrange idée!" Ginny s'esclaffa, comme si Andrew venait de lancer la blague la plus drôle du monde, et espérait que les autres Wainwright la suive dans son rire. L'union des roux faisait la force, ce soir. Puis Lucy servit l'entrée. Ça leur avait pris du temps à préparer leur menu, la nourriture devait être bonne à faire damner un saint. Et leur repas devait être en conformité avec l'esprit Wainwright, toujours: bien servir ses invités. Avant de manger, Andrew souhaita un bon appétît à tous, ce à quoi Ginny lui renvoya la politesse, puis mangea sa portion. Elles avaient vraiment mis le paquet: les assiettes étaient remplies de nourriture de qualité, ce qui rendit Wainwright fière de son début de soirée. Tout allait comme elle le voulait. Après une gorgée de cidre, Ginerva sourit à Lou pour la remercier de son compliment sur l'entrée et brisa le silence qui était jusqu'à présent juste assez pesant. "C'est dommage que nos parents n'aient pu être présents, ils auraient pu vous initier à notre remerciement quotidien envers Lui. La prochaine fois, peut-être!" Les Wainwright ne priaient pas, mais la rouquine savait ce qu'Andrew avait en tête: ils ne remerciaient pas le Seigneur, au contraire. Et puis même si les parents Wainwright étaient présents, l'ambiance n'aurait pas été la même: entre papa qui aurait passé son temps à parler de marché à terme d'instruments financiers (merci Andrew!) et maman qui glisserait un mot sur la perfection de Satine toutes les dix minutes, le côté glauque aurait rapidement disparu.

Le repas avait débuté comme les hôtes l'avaient souhaité ! Tout le monde était installé et Lucy venait d'apporter l'entrée. Le couple d'invité s'accordait à dire que c'était délicieux, Andrew demanda même à la Roberts si elle était la cuisinière. Elle hocha la tête et simula un sourire timide. A vrai dire, les compliments lui revenaient à elle autant qu'à Ginerva, mais pour le bon déroulement de leur plan, il valait mieux faire croire que Lucy seule avait préparé le repas. C'était elle la domestique ! La brune laissa les autres se souhaiter bon appétit et préféra demeurer dans un mutisme inquiétant. D'autant plus inquiétant qu'on entendait depuis le salon une mélodie de Chopin peu rassurante.
Une fois son entrée terminée, elle se dépêcha d'aller chercher la suite du repas dans la cuisine: un rôti de porc et des pommes de terres fondues. Elle apporta le plat dans la salle à manger, puis débarrassa les assiettes ayant servi pour l'entrée. Une fois de retour, armée d'un long couteau à viande, elle s'appliqua à couper des tranches pour chaque convives, lentement. Le silence et la lumière des bougies se reflétant dans la lame rendaient l'ambiance très spéciale. C'est d'ailleurs ce moment que choisit Ginerva pour l'évoquer, Lui... Une entité supérieure inconnue qu'Andrew ne manquerait pas de prendre pour Satan ! L'imagination de la cadette amusa Lucy, mais elle ne devait rien laisser paraître. La domestique finit de servir chaque personne en viande et en pommes de terre puis repartit en cuisine. Elle revint prendre place et but une petite gorgée de cidre. Pas question de boire plus d'un verre ce soir ! Si la tête commençait à lui tourner, elle était certaine de ne plus pouvoir garder son sang froid.