Comme il est facile de l’imaginer, le retour à la réalité fut à la fois extrêmement brutal et violent. Juliet gardait en mémoire tous ces précieux instants qu’elle avait passé avec Adrian, quelques jours perdus dans le temps et qui resteraient indéfiniment gravés dans sa mémoire. Revenir à Magnolia n’était pas chose aisée et Juliet s’évertuait à penser que tout ceci n’était qu’une perte de temps. Elle détestait cet endroit, elle savait qu’elle n’y avait plus sa place. La jeune femme se sentait étouffer et elle avait véritablement besoin de prendre le large. En rentrant chez elle, Juliet savait qu’elle ne trouverait rien de plus qu’une succession de pièces vides, susceptibles de lui flanquer le bourdon pour les semaines à venir. Elle ne supportait plus cette maison, elle ne supportait plus ce quartier, ses habitants, ni même l’ambiance malsaine qui y régnait. Sans compter que vivre ici, c’était prendre le risque de croiser Adrian tous les jours et Juliet ne voulait pas s’y risquer. Voilà donc pourquoi l’une de ses premières initiatives fut d’appeler Christopher afin de l’informer qu’elle accepterait de manière irrévocable la location de la ravissante demeure qu’elle avait eu l’occasion de visiter quelques semaines plus tôt. Les jours qui suivirent cet appel, Juliet se chargea de faire ses cartons et d’entreprendre quelques travaux de décoration dans sa future maison.
Ce jour-là, la demoiselle était venue chercher ses derniers cartons avant le grand départ et entre deux chargements, Juliet avait décidé de s’octroyer un instant de répit. Sous le porche, la jeune femme relisait un vieux bouquin –offert par Adrian alors qu’ils étaient encore au lycée – tandis que Logan jouait sagement dans son parc. Une brise fraiche lui parcourait la nuque tandis que le quartier ne lui avait jamais semblé aussi calme… Soudain, Juliet entendit une voix familière s’adresser à elle et aussitôt, elle leva les yeux de son roman, croisant le regard d’Adrian. « Disons plutôt que l’éditrice relit un best-seller. Tu t’en souviens ?» Un léger sourire aux lèvres, elle leva le livre afin qu’il puisse déchiffrer la couverture. Ce livre était l’un des favoris de Juliet. Elle avait dû le lire un bon million de fois et ne parvenait toujours pas à s’en lasser. Non seulement parce que l’histoire était magnifique mais également car il revêtait une valeur sentimentale non négligeable. Soigneusement, elle le referma et observa Adrian embrasser Logan avant de s’ adresser de nouveau à elle. Même si elle lui avait fait part de son désir de quitter la maison, elle ne lui avait pas encore annoncé la couleur : à savoir qu’elle avait bel et bien trouvé un nouveau toit et qu’elle comptait s’y installer dans les plus brefs délais. « Epuisante, pour être honnête. » Juliet qui était jusque-là assise sur les marches, se releva et défroissa les plis de sa ravissante robe d’été avant de plonger son regard dans celui d’Adrian pour de plus amples explications. « J’ai passé la semaine à faire mes cartons pour partir d’ici. Rassure-toi, je ne pars pas bien loin. C’est juste que je commence à étouffer dans ce quartier et j’ai sérieusement besoin de prendre mes distances avec ma famille. Je veux être seule avec Logan. Du coup j’ai trouvé une petite maison à louer à quelques kilomètres d’ici. » S’il voulait s’assurer de la véracité de ses propos, il n’avait qu’à jeter un œil à la voiture de la jeune femme qui était pleine à craquer. La maison des Davies aussi paraissait bien vide sans les affaires de la demoiselle, mais Juliet était tellement heureuse de s’en aller !! « Logan et moi on va y passer notre première nuit ce soir. » Son enthousiasme était presque contagieux. Juliet était tellement heureuse de pouvoir enfin s’éloigner de ce quartier et de cette maison de malheur !! Cet endroit aurait pu être le lieu de ses plus beaux souvenirs mais il n’était rien de plus que le souvenir de son pire cauchemar. Il était grand temps qu’elle change de décor. « Hum… tu peux venir si tu veux. Après tout, tu te sentiras sans doute plus rassuré lorsque tu auras vu où vivra ton fils à l’avenir.» Sa proposition partait d’un bon sentiment. A sa place, Juliet aurait aimé voir où Logan allait passer les prochaines années de sa vie. Autant dire que Juliet avait bien fait les choses : elle avait choisi une petite maison dans un ravissant quartier et il y avait même un petit jardin dans lequel Logan pourrait faire ses premiers pas. Elle n’y vivait pas encore que déjà, Juliet adorait cet endroit. « Et toi, comment tu vas depuis … depuis qu’on est rentrés ? »
Dix fois ? Adrian était bien loin du compte !! En réalité, Juliet ne comptait plus le nombre de fois où elle s’était plongée dans cette petite merveille, œuvre de la plume audacieuse et ô combien talentueuse de son écrivain préféré. Lorsqu’il lui avait offert ce livre, Juliet avait eu le plaisir de découvrir qu’Adrian y avait rédigé un petit mot à l’intérieur et tel un rituel sacré, la jeune femme le relisait chaque fois qu’elle ouvrait la première page. « La dixième fois rien que ce mois-ci, sans doute.» Elle esquissa un sourire amusé car naturellement, elle exagérait le trait. Mais connaissant Juliet, il fallait s’attendre à ce qu’elle relise une fois de plus cet ouvrage dès qu’elle aura atteint la dernière page. Incontestablement, c’était une pure merveille. En entendant la suite, la demoiselle haussa les yeux au ciel. Il fallait vraiment qu’Adrian cesse de s’inquiéter pour elle. Elle était une grande fille et parfaitement apte à prendre soin d’elle sans l’intervention d’un tiers. Son regard se braqua dans celui du jeune homme et elle prononça quelques mots sur un ton presque nostalgique. « Ce n’est malheureusement pas l’accident qui fut le plus éprouvant dans tout ça.» Clairement, elle était en train de faire allusion à tout ce qu’ils avaient vécu ensemble durant sa convalescence, ainsi qu’à ce retour extrêmement brutal auquel ils devaient faire face. "Je suis passé voir le garagiste, il m'a dit que tu pourrais récupérer ta voiture sous quinze jours. C'est plutôt une bonne nouvelle!" C’était vraiment gentil et attentionné de sa part de s’en être occupé. A vrai dire, Juliet ne comprenait rien en mécanique. Elle était plutôt bonne conductrice mais dès qu’il s’agissait de changer un pneu ou ne serait-ce que de rajouter de l’eau dans le moteur, elle s’empressait de faire appel à Andrew ou à Adrian… Elle ne voyait pas l’utilité de savoir toutes ces choses car quand bien même tomberait-elle en panne sur le bord de la route, elle n’aurait qu’à sortir du véhicule et adresser un sourire charmeur aux automobilistes pour qu’une dizaine d’entre eux accourent sur le champ. « Oh tu n’étais pas obligé de faire ça … mais je te remercie, c’est vraiment gentil. A vrai dire, je pensais qu’elle serait bonne pour la casse. Je ne me souviens pas vraiment de l’accident mais Andrew m’a fit que la voiture était en piteux état. » Le choc avait été d’une violence extrême et si Juliet était encore envie à l’heure actuelle, elle devait probablement mettre cela sur le dos de son ange gardien ou d’une bonne étoile.
La suite de la conversation sembla légèrement plus tendue. Du moins, c’est ce que Juliet eut l’impression de constater lorsqu’elle annonça au jeune homme son déménagement. Il n’avait vraiment pas à s’inquiéter car comme elle le lui avait clairement dit, Juliet ne partait pas loin d’ici. Juste suffisamment pour pouvoir prendre ses distances avec sa famille mais également avec la résidence des O’Conell, devant laquelle elle était contrainte de passer quotidiennement. "Ah, c'est... c'est une bonne nouvelle... Euh, oui j'allais te le proposer. Tu as probablement d'autres meubles à emporter, si je peux t'être utile." Juliet hocha négativement la tête. En réalité, elle n’avait pas perdu la moindre minute après la signature du contrat de location. Elle s’était empressée de refaire quelques peintures avant de faire livrer des meubles qu’elle avait fraichement acheté. Car oui, il était hors de question qu’elle transporte dans sa nouvelle maison le moindre élément de décor susceptible de lui faire penser à la vie qu’elle menait autrefois avec Adrian. Ainsi, elle avait investi dans de nouveaux meubles et dans une décoration allant totalement à l’encontre de la leur. Il fallait vraiment qu’elle apprenne à oublier leur passé commun. « Ce ne sera pas nécessaire, je te remercie. En fait, j’avais envie de changer de style et de décoration. J’ai donc acheté de nouveaux meubles qui ont directement été livrés chez moi. Pour le reste, ce sont juste des cartons contenant pour la plupart toute ma collection de livres et tu es suffisamment bien placé pour savoir qu’elle est imposante.» Elle se mit à sourire légèrement, voyant bien que quelque chose semblait tracasser Adrian. Ce fut d’ailleurs la raison pour laquelle elle osa enfin lui demander comment il se sentait depuis leur retour. La réponse fut à la fois froide, distante et cinglante, à tel point qu’elle déconcerta immédiatement la jeune femme. « Bien … tant mieux.» Que pouvait-elle ajouter de plus ? Elle n’avait pas envie de commettre le moindre faux pas qui les inciterait à parler de nouveau de Sasha, de leur couple ou autre… Toutefois, Juliet connaissait tellement bien Adrian qu’elle n’eut aucune difficulté à saisir que quelque chose d’autre n’allait pas… elle n’était pourtant pas capable de dire ce dont il s’agissait mais c’était pourtant bel et bien évident. « Est-ce qu’il y a autre dont tu voudrais me parler ? Tu as l’air songeur … »
Le problème, c’est que Juliet n’avait absolument plus besoin de son aide. Du moins, elle tâchait de se convaincre qu’elle pouvait faire preuve d’une indépendance totale et qu’elle pouvait parfaitement survivre sans Adrian. Toutefois, la jeune femme n’avait absolument pas envie de faire des histoires, d’autant qu’elle avait pleinement conscience qu’il essayait seulement de se montrer serviable à son égard. De ce fait, elle acquiesça à sa proposition puisque de toute manière, elle se devait d’emmener encore quelques cartons chez elle. La suite de la conversation sembla en revanche l’inquiéter. Qu’est-ce qu’il avait de si important à lui dire que cela nécessite d’en parler en privé ? Tout d’abord décontenancée, Juliet se contenta de l’observer sans véritablement comprendre où il souhaitait en venir. C’était sans doute stupide de sa part mais elle commença à se poser mille et une question tout en sentant les battements de son cœur adopter une nouvelle cadence. « Hum… oui bien sur…» Après tout, ce n’est pas comme s’il lui laissait le choix. Avant d’entrer dans la maison, Juliet ramassa une peluche appartenant à Logan puis souleva son fils dans ses bras afin de le faire rentrer également. Elle poussa ensuite la porte de la maison des Davies et invita Adrian à entrer. Il risquait de trouver la maison bien vide sans les affaires de Juliet mais qu’importe. La demoiselle avait décidé qu’il était grand temps pour elle de refaire sa vie et cela passait également par un changement radical de ses habitudes. Vivre dans une nouvelle maison allait lui permettre de faire table rase du passé et surtout, de cesser de penser à Adrian chaque fois que son regard se posait sur tel ou tel élément de décor. Chaque pièce, chaque recoin de la maison familiale semblait revêtir son lot de souvenirs et par la force des choses, une telle situation devenait invivable pour elle.
Dès qu’ils furent entrés, Juliet referma la porte et déposa Logan dans son parc. Après quoi, elle se tourna vers Adrian et croisa ses bras devant elle, manifestement inquiète. « Alors … que se passe-t-il ? J’aime pas quand tu fais ça, ça m’angoisse…» Quand il faisait quoi ? Et bien quand il demeurait mystérieux et refusait de cracher le morceau rapidement. Intuitivement, elle imaginait déjà qu’il allait lui annoncer qu’il avait l’intention de s’en aller et de refaire sa vie ailleurs. S’il souhaitait qu’elle l’envoie promener avec perte et fracas, il ne pouvait pas mieux s’y prendre. Si elle voulait qu’il sorte de sa vie, elle refusait en revanche qu’il sorte de celle de leur fils. Adrian n’avait donc pas intérêt à s’en aller de la sorte. Dans l’hypothèse où c’était là son intention… Elle imagina ensuite qu’il allait lui parler de Sasha et de ses sentiments pour elle… comment réagirait-elle s’il faisait une chose pareille ? A coup sûr, elle allait fondre en larmes. Juliet avait beau paraitre forte, ce n’était qu’une façade car nulle autre femme ne pouvait être aussi fragile qu’elle. Elle avait ses failles, ses faiblesses … ses peurs. Elle ne pouvait pas pardonner à Adrian, ce qui ne voulait pas dire pour autant qu’elle ne l’aimait plus. Au contraire, les sentiments étaient toujours bel et bien présents et elle ne supporterait pas de le voir avec une autre. Pourtant, elle devait bien se douter qu’il n’allait pas rester éternellement seul… Finalement, la jeune femme passa une main sur sa nuque endolorie et se mordilla nerveusement la lèvre inférieure. « J’espère que t’as pas l’intention de t’en aller O’Conell, sinon je t’assure que ce sera véritablement la guerre entre nous. Mes sentiments, je m’en fiche. J’ai appris à les reléguer au second plan depuis longtemps sans quoi je vais finir par perdre la tête mais t’as pas le droit de faire ça à ton fils. Logan a besoin de toi. Et je veux pas que mon fils grandisse sans son père … donc j’espère pour toi que ce que tu comptes m’annoncer n’a rien à voir avec un éventuel départ.»
La patience de Juliet était soudainement mise à rude épreuve, chose dont témoignait la nervosité avec laquelle elle jouait machinalement avec le bracelet qui ornait son poignet droit. Elle avait véritablement peur d’entendre Adrian lui annoncer son départ pour une autre ville. Certes, elle voulait que leurs chemins se séparent mais cela ne voulait pas dire pour autant qu’elle souhaitait le voir disparaitre. Les sentiments qu’elle éprouvait à l’égard de cet homme lui collaient à la peau depuis des années et Juliet savait pertinemment qu’elle ne parviendrait pas à s’en défaire aussi facilement. Elle aimait toujours Adrian, elle ne pouvait pas le nier. Cependant, elle ne parvenait pas à trouver la force de lui pardonner sa trahison. Le couple maudit se trouvait ainsi au cœur d’une tourmente infernale qui semblait les anéantir de jour en jour. "Une question me perturbe depuis quelques jours, je n'arrive pas vraiment à m'en défaire. J'aimerais avoir la certitude que ce que j'ai vu n'est pas, ou est, ce que je crois. Et comme finalement on ne peut faire confiance à personne, tu es bien placée pour le savoir, autant s'adresser à la principale intéressée!" Décontenancée, Juliet lui lança un regard interrogateur. Elle ne comprenait vraiment pas où il souhaitait en venir, ni même ce qu’il avait pu voir qui mérite de faire autant de mystère. Interloquée, elle attendit donc la suite. "Je veux juste que tu répondes à ma question par "oui" ou "non". Est-ce que tu "fréquentes" mon associer Frederik?" Quoi ? Toute cette mise en scène pour … ça ? En un sens, Juliet se sentit soulagée qu’Adrian ne lui annonce pas son départ. D’un autre côté, elle était agacée qu’il ose lui poser une question pareille. Résultat des courses, elle se mit à rire légèrement. « Rassure-moi, c’est une plaisanterie n’est-ce pas ?» Juliet braqua son regard dans celui du jeune homme avant d’agiter doucement la tête de droite à gauche, signe évident d’agacement. Elle ne voyait pas trop en quoi ce « détail » de sa vie pouvait le concernait. Mais soit !! Puisqu’il tenait tant à obtenir une réponse, elle allait lui en donner une. « Oui. Oui je fréquente ton associé. Et si tu veux tout savoir, j’adore ça. Il est de plaisante compagnie, charmant, drôle … j’appréhende chacun de nos rendez-vous avec une certaine impatience, je dois le reconnaitre.» La jeune femme croisa ses bras devant elle tout en dévisageant son ex-fiancé. Elle ne faisait que dire la vérité et d’une certaine manière, cruelle elle le savait, elle se réjouissait à l’idée de lui faire mal. C’était horrible, elle en avait conscience. Mais se venger ne serait-ce qu’un tout petit peu du mal qu’il avait pu lui faire était presque jouissif. Mais hélas, Juliet n’était pas dotée d’un mauvais fond. Au contraire, elle était la douceur et la gentillesse incarnée. Ainsi, elle ne tarda pas à mettre fin à son supplice. « Fréquenter ne veut pas dire s’envoyer en l’air. Il se trouve que Fred et moi nous sommes découvert de nombreux points communs. J’aime passer du temps en sa présence et cela semble réciproque. Je ne vois pas trop où est le mal. Quand bien même ferions-nous plus que nous amuser ensemble, il faut bien que tu comprennes que cela ne te concerne plus. En couchant avec elle, tu as renoncé à moi.» Et bam. Il fallait bien qu’elle lui en renvoie une petite dose, non ?
La jeune femme soupira doucement et passa une main sur sa nuque tout en observant de nouveau Adrian. « Qu’est-ce que tu pensais Adrian ? Que j’allais refaire ma vie en un claquement de doigt ? J’arrive déjà pas à me faire à l’idée que nous ne formons plus un couple alors comment veux-tu que je parvienne à faire de la place à un autre homme ? C’est toi qui a cessé de m’aimer, non l’inverse.» Il le savait, mais le lui rappeler lui faisait le plus grand bien. « Ta curiosité est satisfaite, c’est bon ? » Sur ces mots, Juliet se détourna d’Adrian pour filer en direction d’une pile de livres qu’elle avait soigneusement mis de côté. Elle les pris un à un et les déposa dans un carton prévu à cet effet. Il se passa quelques secondes avant qu’elle ne reprenne la parole. « Heureusement que toutes les femmes ne sont pas comme elle...»
Que connait-on de l’amour lorsque, comme Juliet, l’on se laisse subjuguer par les sentiments offerts par un seul et unique homme ? Pas grand-chose … Sauf que contrairement à Adrian, la jeune femme n’avait pas besoin d’aller voir si l’herbe était plus verte de l’autre côté de la barrière. Elle avait aimé cet homme de manière inconditionnelle durant des années et il était fort malheureux de constater que le principal intéressé ne s’en apercevait que maintenant. Si la jolie brune se montrait sur la défensive, c’est bel et bien car elle lui en voulait d’avoir laissé leur histoire s’effondrer de la sorte alors que pour sa part, elle s’y était toujours pleinement investie. Certaines femmes désabusées sont capables de pardonner et d’offrir une seconde chance à l’être aimé. Ce n’était pas son cas. Ce qu’elle ressentait à l’égard d’Adrian relevait plus d’une passion dévorante que d’un simple amour de jeunesse. C’est probablement la raison pour laquelle elle avait tellement de mal à accepter l’affreuse vérité. Alors qu’elle n’avait toujours désiré que lui, elle avait découvert avec stupeur qu’il avait pu en aimer une autre, ou tout au moins, la désirer. Elle aurait aimé pouvoir lui pardonner, elle aurait voulu leur laisser une seconde chance mais par la force des choses, Juliet savait que plus rien ne serait jamais comme avant. Elle n’arriverait pas à trouver la force de lui faire de nouveau confiance, sans se demander toutes les cinq minutes s’il n’était pas en train de penser à une autre. Comme quoi, il faut des années entières pour construire un amour qui s’avère détruit aussi vite que le vent balaye un château de cartes. Elle trouva donc sa question particulièrement irritante. D’une part, car il osait croire qu’elle pouvait le remplacer avec une facilité incroyable et d’autre part, car elle ne comprenait pas bien en quoi tout ceci pouvait le concerner. Juliet ne lui appartenait plus désormais. Elle faisait ce qu’elle voulait de son corps … y compris ce qu’il redoutait tant qu’elle fasse avec un autre.
Sans ciller, la jeune femme écouta la suite. Bien que son cœur hurlait d’une douleur indicible, elle ne laissa absolument rien transparaitre sur son visage. Alors comme ça, il avait décidé de partir ? Que pouvait-elle répondre à cela, elle qui avait décidé de mettre les voiles loin de cette maison et de son passé ? Le retenir ? A quoi bon … Elle voulait qu’il sorte de sa vie car elle ne supportait plus de souffrir à ce point. Le fait qu’il soit loin d’elle l’aiderait sans doute à y voir plus clair, à s’octroyer le droit de recommencer sa vie à zéro. En réalité, Juliet n’était plus sure de rien à présent. Quand il eut terminé, elle laissa un court silence s’installer entre eux avant de répondre avec une virulence qui contrastait fortement avec son tempérament d’une douceur inouïe. « Oh si Adrian, tu es exactement comme ton père …» Sur ces mots, elle lui tourna le dos et fit mine de continuer à ranger ses livres dans des cartons. Elle avait envie d’hurler, de pleurer même … il n’avait pas le droit de faire ça merde !! Finalement, elle jeta un dernier livre dans l’emballage et lui refit face, manifestement troublée. « Tu es exactement comme lui dans le sens où tu préfères prendre la fuite plutôt que d’affronter la réalité. Tu penses qu’ailleurs les choses seront plus simples ? Tu penses que cela va effacer toute notre histoire d’un simple claquement de doigt ? T’es le même que Joey …» Certes Juliet ne connaissait pas le sombre passé d’Adrian mais elle en savait suffisamment sur son père pour savoir qu’ils se ressemblaient beaucoup, en dépit de tout ce qu’il pouvait dire. « Quant à Logan … ouais tu viendras certainement le voir tous les week-end durant trois ou quatre ans … d’ici là tu auras rencontré une autre femme … tu auras de nouvelles préoccupations et un jour tu me diras que tu viendras voir Logan le week-end suivant… puis tu ne viendras pas … ou alors tu viendras de moins en moins … jusqu’au jour où vous vous verrez seulement durant les vacances ou une fois par an, pour Noël. Puis vous deviendrez deux étrangers… Logan grandira, il deviendra un homme … à ce moment-là, il sera trop tard.» Elle disait cela comme si c’était une évidence et en un sens, ça l’était à ses yeux. Juliet savait qu’Adrian finirait pas refaire sa vie et même si elle devait l’accepter, c’était difficile à encaisser. A croire que ses sentiments étaient totalement paradoxaux. D’un côté, elle souhaitait qu’il sorte de sa vie et de l’autre, elle ne pouvait se résoudre à le voir s’éloigner de la sorte. Il faut dire qu’elle n’avait pas choisi de vivre la situation dans laquelle ils se trouvaient. Pour sa part, elle n’avait jamais cessé d’aimer Adrian, c’est lui qui l’avait fait souffrir. Leur relation était devenue toxique et Juliet n’avait pas la force de pardonner. Elle avait essayé, vraiment. Mais elle n’y parvenait pas. « Je ne vais pas te faire croire que la perspective de te voir quitter la ville m’enchante, car c’est faux. Je t’aime toujours. Je n’ai même jamais cessé de t’aimer Adrian … mais au risque de me répéter, je n’arrive toujours pas à comprendre comment … comment t’as pu désirer et aimer une autre femme… ça me dépasse vraiment.» Et de nouveau, ses magnifiques yeux s’embrumèrent. Elle s’attaquait à un sujet bien trop sensible même si elle savait que la conversation risquait de tourner en rond. « C’est égoïste ce que je vais dire, mais je ne veux pas que tu partes… j’ai beau t’en vouloir, te détester même … j’arrive pas à envisager ma vie sans toi… sans savoir que tu n’es pas loin … j’ai jamais eu le choix nous concernant … je n’ai jamais cessé de t’aimer, je n’ai jamais choisi que ça se terminerait ainsi … » Non, ce n’était pas l’œuvre de ses propres choix. Elle maudissait cette femme qui avait eu l’audace de convoiter ce qui lui appartenait. Car oui, Adrian était sien. Il était son amour, son âme sœur, son meilleur ami … en une fraction de seconde, elle avait tout brisé et fait voler en éclats ce qu’ils construisaient pas à pas depuis des années. « Je sais que j’ai pas le droit de te retenir. Mais je voulais juste que tu le saches. Nous ne sommes plus faits pour vivre ensemble … nous ne formons plus un couple … mais personne ne pourra jamais me voler tout ce que nous avons vécu.» … et perdu.
Effectivement, Juliet ne connaissait pas cette sombre facette du passé du jeune homme et c’est la raison pour laquelle elle l’écouta attentivement, sans ciller. Elle avait beau connaitre Adrian depuis de nombreuses années, elle ne s’était jamais douté que ses relations avec Joey aient pu être aussi compliquées, pour ne pas dire terrifiantes. A n’en point douter, jamais il ne reproduirait le même schéma avec Logan mais la jeune femme ne pouvait s’empêcher d’imaginer qu’il s’éloignerait d’eux au fil du temps. Elle craignait véritablement de le voir refaire sa vie alors que paradoxalement, elle voulait qu’il sorte de la sienne. Juliet ne savait plus trop comment gérer tous ces sentiments contradictoires. A croire que la logique n’avait plus aucune raison d’être. La suite fut tout aussi déconcertante. Adrian semblait tout aussi perdu qu’elle l’était. Jusque-là, la jeune femme n’avait perçu que sa propre peine sans jamais véritablement tenir compte des ressentis d’Adrian. Dans sa tête, elle se disait qu’il était le seul et unique responsable de cette situation alors que dans le fond, elle avait tort. Elle aurait dû se montrer plus à l’écoute, plus disponible aussi sans doute. Mais était-ce une raison pour faire d’elle une femme bafouée ? Bordel, que cette situation était compliquée et tortueuse ! Voir des larmes perler sur son visage lui faisait horriblement mal mais il était hors de question qu’elle soit celle qui tente de le consoler. Elle en mourrait d’envie, c’est vrai. Mais ce n’était plus son rôle. Plus maintenant. « Parce-que tu penses réellement que la distance est une solution ? Désolée, mais le stupide proverbe qui dit « loin des yeux, loin du cœur » n’est qu’un lamentable ramassis de conneries. La distance n’épargnera en rien notre douleur. Tu sais pourquoi ? Parce qu’entre nous cela n’a jamais été qu’une question d’attirance physique. Il y a toujours eu autre chose … quelque chose de fort. C’est ce quelque chose qui me fait frissonner à la simple évocation de ton nom, ce quelque chose qui fait battre mon cœur chaque fois qu’une musique, qu’un mot ou un détail me rappelle l’un de nos souvenirs. Et tu auras beau être à des dizaines de milliers de kilomètres de moi, tu parviendras toujours à me faire cet effet incroyable.» Le regard plongé dans celui du jeune homme, elle le laissa se rapprocher d’elle et écouta la suite. "Je suis désolé d'avoir transformé ton conte de fée en un cauchemar sans nom... Je t'aimerai et te regretterai jusqu'à la fin de mes jours. J'aurai dû savoir que c'était toi, pas une autre. Encore une fois, je m'en veux... Encore une fois, j'en suis terriblement désolé. Il y a quelques semaines, je t'ai dit que je n'attendais pas que tu me pardonnes... mais j'aurai dû être honnête, car j'aimerai vraiment qu'un jour tu trouves la force et le courage de le faire... Putain Juliet, je t'aime vraiment." Sincèrement, elle espérait également être capable de trouver la force d’y arriver un jour. Ce n’était pourtant pas faute d’essayer. Sa main contre sa nuque provoqua un frisson qui parcouru son dos avec une intensité remarquable. Sans vraiment hésiter, la jeune femme avança d’un pas afin de rompre la distance qui s’était installée entre eux et contre toute attente, vint se blottir dans les bras d’Adrian. Elle entoura sa taille de ses bras frêles et plaqua sa tête tout contre son torse. « Je t’aime aussi mon amour …» Il y avait quelque chose de vraiment paradisiaque dans ces moments-là… quand elle pouvait enfin se blottir dans ses bras, sentir sa chaleur rassurante l’apaiser et s’enivrer de son doux et délicat parfum. Il était l’homme qu’elle aimerait jusqu’à la fin de ses jours. Elle le savait. Finalement, Juliet releva son visage vers lui et souffla doucement : « Laisse-moi juste un peu de temps… » Les larmes aux yeux, elle déposa un baiser au coin des lèvres d’Adrian avant de faire une proposition des plus inattendues : « Viens vivre avec nous… je veux dire … dans cette nouvelle maison. Viens. Il y a une troisième chambre disponible, prends-là. » Elle ne voulait pas qu’ils reforment un couple comme avant, mais c’était un bon début, non ?
Le problème, c’est que Juliet avait vraiment l’impression que ce « dérapage » intempestif était venu foutre leur vie en l’air. Ce n’est pas seulement comme si Adrian avait décidé de la quitter pour une autre. Non. C’était bien pire. Bien pire car au final, il ne s’agissait que d’une simple erreur. Une lamentable erreur qui était en train de les anéantir. Juliet avait beau lui en vouloir, elle n’en demeurait pas moins sensible à ses propos. Elle savait qu’il était sincère et qu’il regrettait amèrement d’avoir pu agir de la sorte. D’un geste particulièrement tendre, elle caressa son visage afin d’ôter les larmes qui perlaient de ses yeux magnifiques. Elle n’aimait pas le voir pleurer, pour la simple et bonne raison que ce qui lui faisait mal l’atteignait également. Ils n’étaient qu’un tout. Deux parties distinctes d’une seule et même âme. Juliet adorait cette vision des choses. "Je suis vraiment, vraiment navré... Je n'arrive pas à croire que j'ai pu te faire ça... à toi. Comment ai-je pu devenir cet homme là? Pourquoi est-ce que je me comporte exactement comme... mon père?" Elle n’avait pas l’intention de le contredire alors qu’elle avait elle-même affirmé quelques minutes plus tôt qu’il se comportait exactement comme Joey. Certes, ils étaient différents l’un de l’autre mais Adrian avait tout de même suivi le chemin tracé par son paternel. « A la différence près que tu éprouves des remords. A la différence près que tu m’as moi et que je ne te laisserai jamais tomber.» Ensemble ou pas, elle n’avait pas l’intention de l’évincer totalement de sa vie. Adrian en était l’un des piliers et elle avait beau jurer être capable de continuer sans lui, la vérité était toute autre. Doucement, tendrement, ses mains caressèrent son dos à l’instant même où il vint enfouir son visage contre sa nuque. Juliet voulait vraiment tenter de le rassurer, de l’apaiser. Elle n’aimait pas le voir dans un tel état. Elle lui en voulait tout autant qu’elle était dingue de lui… sentiment contradictoire. Pourtant, Juliet n’était pas décidée à le laisser partir. Elle n’hésite donc pas à lui faire une proposition susceptible de radicalement changer leur vie…
"Tu... tu en es vraiment sûr?" En réalité, Juliet n’était plus sure de rien désormais. Elle se contenta donc d’hocher la tête, lui faisant comprendre qu’elle n’avait pas l’intention de revenir sur sa décision. Le regard qu’elle lui lançait témoignait aisément de son désir de le voir accepter sa demande. « Je ne dis pas que les choses redeviendront comme avant car honnêtement, je ne sais pas si nous serons capable de surmonter tout ça. Mais il n’y a rien que je ne sois capable de faire pour toi Adrian… alors même si j’en souffre, même si je risque de le regretter, je veux tenter le coup. Parce-que je n’ai jamais cessé de t’aimer, parce-que je ne sais pas vivre sans toi.» Le simple fait de prononcer ces quelques paroles lui faisait affreusement mal. Au même titre que sa demande avait été soudaine et inattendue, Juliet rapprocha son visage de celui du jeune homme et vint capturer ses lèvres pour lui donner un baiser vertigineux. Rien de fougueux, juste de la tendresse à l’état brut. Un baiser comme ils n’en avaient plus connu depuis longtemps. C’était probablement fou et stupide, mais Juliet en avait marre de se poser des questions. Elle préférait agir selon son instinct et elle voulait prouver à Adrian qu’elle l’aimait toujours. Quand son visage s’éloigna du sien, elle avait les larmes aux yeux… « Si les choses doivent se faire, cela viendra progressivement. Je ne veux pas bousculer les choses, je veux que l’on prenne le temps de réapprendre à se connaitre. Vivre ensemble de cette manière nous permettra de prendre la bonne décision. »
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Sujet: Re: Can I get a 10-4? Jeu 29 Aoû - 17:38
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