Le filet de lumière traversa les rideaux de la chambre de Daniel et inondèrent ses paupières des rayons du matin. Le jeune homme se retourna dans son lit et se réfugia sous son oreiller, peu décidé à se réveiller. Il entendit alors une voix cristalline reconnaissable entre toutes. Dans son demi-sommeil, il poussa un petit soupir en entendant sa sœur approcher. Quel mauvais coup avait-elle encore préparé ? Il était dimanche bordel ! Jour de grasse matinée. Mais une Gabrielle qui voulait réveiller son jumeau n’avait pas peur des risques qu’elle encourait à s’entêter dans une telle entreprise. C’était bien dans ses habitudes de lui retirer la couverture et parfois même de se jeter sur lui. Il ouvrit alors un œil et la retrouva à côté de lui en train de le regarder. Leur relation fraternelle devenait parfois trop étrange, et souvent étouffante. Il adorait sa sœur mais ils ne se laissaient pas suffisamment vivre de leurs côtés. La dernière à en avoir souffert était d’ailleurs son ex Jules. Daniel n’avait pas entretenu de relation un tant soit peu sérieuse depuis. Il avait bien rencontré quelques filles, mais ne s’était jamais posé. Gabrielle aurait fini par envahir le terrain, et le jeune footballeur le lui rendait bien dans les propres histoires amoureuses de sa sœur, qu’il avait trop tendance à surprotéger. Il avait cependant lâché du lest dernièrement, alors qu’elle fréquentait Carl Spencer et lui avait demandé de vivre sa relation en paix. Le jeune homme ne s’en était pas mêlé, résultat elle se retrouvait seule et déçue, ce n’était pas faute de l’avoir prévenue.  Cependant, ils avaient conclu un pacte : s’il n’interférait pas dans vie, elle ne devrait pas le faire non plus. Il songea donc de nouveau à Jules et pensa à aujourd’hui comme un jour particulier. Tout à fait réveillé cette fois, il repoussa ses couvertures et se leva avec la ferme intention de passer son dimanche à l’extérieur de la maison et ne pas avoir sa sœur collée sur son dos. Ce ne serait pas une journée de jumeaux aujourd’hui. Elle lui devait bien ça tiens, après l’avoir plus ou moins forcé à lui faire quitter la jeune Robinson. Daniel se demandait parfois s’il n’avait pas commis une erreur, mais il partait du principe qu’il ne fallait pas regretter ce qui avait été fait. Il ne pourrait de toute façon rien y changer. Le jeune homme contacta donc Jules pour lui proposer de le rejoindre au parc… autant profiter de ce beau soleil. Daniel quitta sa chambre et fila sous la douche avant de se préparer. Il glissa deux plaids dans un petit sac et sortit ensuite de la maison pour aller faire quelques courses dans la supérette du coin avant de rejoindre le lieu de rendez-vous donné à Jules. Il ne l’avait plus revue depuis un moment, malgré qu’ils soient restés amis, mais Gabrielle était d’une telle jalousie qu’elle s’imaginait toujours des choses quand ils se voyaient, alors ils étaient à peu près obligés de le faire dans son dos… tout comme elle cachait ses propres relations. Sauf que Daniel en avait marre de ces crises sans queue ni tête et ne se priverait plus de voir qui il voulait et quand il le voudrait, comme il l’entendait. Dans le magasin, il acheta des sandwichs et de quoi faire un petit pique-nique improvisé et sympa dans le parc. Après avoir réglé le montant, il sortit de la supérette et se dirigea à pieds vers le lieu-dit non loin de là. Une fois dans le parc, Daniel installa les deux couvertures sur le sol avant de se caler contre un arbre entre quelques brins d’herbe en attendant l’arrivée de Jules. Elle arriva enfin quelques minutes plus tard et s’assit à ses côtés après l’avoir salué. Le jeune étudiant en médecine n’était pas si surpris qu’elle ait accepté sa proposition de le rejoindre. Ils passaient toujours des bons moments ensemble. Elle lui demanda alors s’ils avaient quelque chose à fêter. Daniel esquissa un sourire avant de répondre. « En quelque sorte oui, ça doit faire à peu près un an que tu es arrivée ici non ? » Lui rappela-t-il. Et à quelques jours près, ils s’étaient rencontrés non loin d’ici. Ah les souvenirs. Ils laissaient toujours en vous un sentiment de nostalgie, une douce mélancolie qui ne s’effaçait jamais vraiment. Et si, par le plus grand des hasards, il vous était donné l’occasion et la chance de les revivre encore une fois ?

Daniel avait très bien compris que Jules avait posé sa question en ne pensant pas vraiment obtenir une réponse sérieuse, mais il se souvenait parfaitement de sa date d’arrivée qui correspondait à peu près à leur rencontre ensuite. Il n'ignorait rien des véritables raisons qui avaient amené la jeune femme d’Angleterre à Magnolia, du moins une des raisons. Elle était venue retrouver son amour passé Andrew Davies, en couple avec Lou à ce moment-là. Jules s’était résolue à accepter qu’elle ne tenait plus la même place qu’avant dans le cœur de celui qui avait tout plaqué de la capitale anglaise pour rentrer chez lui. Il avait fait avec la jolie blonde, ce qu’il avait fait subir à Annie McCormick une année avant en quittant l’Amérique pour la Grande-Bretagne sans mot dire. Mais, quelques temps après sa rencontre avec Daniel, la jeune femme s’était davantage ouverte et s’était quelque peu laissé séduire par le jeune homme. S’en était suivi une jolie histoire entre eux, une première relation plutôt sérieuse pour le jeune Montgomery qui n’était pas habitué à se poser longtemps, mais ce lien avec Jules avait plutôt bien marché durant quelques mois jusqu’à ce que Gabrielle ne mêle son grain de sel à un point tel qu’ils jugèrent bon d’y mettre totalement un terme plutôt que de continuer à s’étouffer. Sa jumelle restait sa jumelle quoiqu’il arrive, et il ne pourrait jamais choisir pour une de ses relations plutôt que pour elle. Leur lien fraternel était indissociable… du moins il l’était jusqu’à il y a quelques mois où Daniel s’était promis de vivre sa vie de son côté aussi, que ça plaise à sa sœur ou non. Le jeune footballeur ignorait si la jeune femme avait retrouvé chaussure à son pied depuis ou si elle s’était contentée de s’amuser de temps à autre sans vraiment oublier ses relations passées. Ils étaient amis certes, mais ils prenaient souvent soin d’éviter le sujet des histoires de couple entre eux pour ne pas ramener le passé sur le tapis. Daniel sortit alors de sa rêverie quand Jules l’avisa d’un sandwich poulet crudités qui dépassait du sac. « C’est pas dans tes préférés ? » Demanda-t-il confirmation, ne se souvenant pas de tous les détails de ce qu’elle aimait ou non depuis qu’ils n’étaient plus ensemble. Le jeune homme était loin d’être idiot et avait très bien compris que la jeune femme avait tant bien que mal tenté de changer de sujet pour ne pas réagir sur ce qu’il avait dit. L’aurait-il embarrassée à se souvenir de son arrivée à Magnolia ? Elle n’en laissa pas paraître davantage l’impression et s’installa près de lui contre l’arbre. Daniel sortit ce qui restait du sac et disposa les sandwichs sur les couvertures en indiquant à Jules qu’elle pouvait se servir de ce qu’elle voulait. La jolie blonde fixa ensuite l’horizon à plusieurs mètres de là et s’exclama alors en se demandant si ce n’était pas là qu’ils s’étaient rencontrés la première fois, sans pour autant finir sa phrase comme si le prononcer aurait été un crime commis par une remontée de souvenirs qu’elle n’arrivait pas à éteindre. « Oui, c’est bien là. » Se contenta-il de répondre tout en servant dans deux verres en plastiques (pas très glamour, mais pratique pour un pique-nique) d’un rosé qu’il avait acheté avant de venir dans le parc. Trop tôt pour de l’alcool plus fort. Daniel n’était pas fou. Il lui tendit sa boisson tandis qu’elle lui proposa de trinquer à cette année pleine de rebondissements. « Et à celle à venir ! » Répondit-il sur un même ton d’humour, en « percutant » son gobelet contre le sien avant de boire une gorgée. « Alors dis-moi, cette première année s'est-elle passée comme tu l’attendais ? » Demanda-t-il ensuite subtilement de ses nouvelles sans trop entrer dans les détails. Libre à Jules de lui raconter ce qu’elle voudrait.

(HRP) Pour l'ambiance musicale :

Daniel avait oublié à quel point les moments passés en compagnie de Jules étaient agréables. Il avait l’impression que tout était facile avec elle. Le jeune homme esquissa un sourire quand elle exprima un ravissement excessif pour les sandwichs, la jolie blonde avait toujours été démonstrative et ne cachait jamais son mécontentement ou son enthousiasme envers quelque chose. Elle remarqua ensuite l’endroit où ils s’étaient rencontrés pour la première fois un peu plus loin. Daniel n’avait pas besoin d’être un génie pour arriver à terminer sa phrase, il avait facilement deviné sa pensée. Ce qu’il n’arrivait pas à comprendre était plutôt pourquoi elle avait buté sur les mots. Jules et lui avaient été ensemble, ils avaient un « passé commun » comme on dit, et ce n’était pas parce qu’ils continuaient à se fréquenter différemment qu’ils devaient en avoir honte ou s’en cacher… encore moins entre eux.  Il préféra cependant ne pas s’attarder sur la question, son but n’était pas d’embarrasser la jeune femme. Il ouvrit une bouteille de rosé et servit un verre qu’il tendit ensuite à Jules. Ils trinquèrent à cette première année écoulée dans le quartier pour elle avant que le jeune footballeur ne lui demande si ces douze derniers mois avaient répondu à certaines de ses attentes. Son interlocutrice soupira et posa sa boisson avant de lui répondre. Daniel devina une nouvelle fois que tout ne s’était pas passé comme elle l’avait espéré… Comment se faisait-il qu’il continuait à avoir l’impression de si bien la connaître alors qu’ils ne se voyaient presque plus ? Jules lui expliqua alors qu’elle était surtout venue pour tenter de récupérer quelqu’un. Andrew, pas besoin de se le cacher. Elle avait naïvement parcouru des milliers de kilomètres pour se remettre avec une personne qui n’avait même pas daigné la prévenir de son départ (plus ou moins) et qui s’était déjà mis en couple avec une autre depuis un moment. Entendons-nous bien ; Daniel ne jugeait pas Andrew, mais se rappelait juste des faits un jour énoncé par Jules. « Les histoires d’amour… C’est souvent compliqué. » Acquiesça-t-il simplement. Voilà pourquoi le jeune footballeur s’était toujours promis de vivre ses propres relations au jour le jour sans se prendre la tête. Quand elle s’était rendu compte de son erreur, la jolie blonde avait encaissé une lourde chute qui lui avait permis de grandir et de rebondir pour avancer. C’était une qualité que Daniel appréciait chez elle, Jules n’avait pas passé son temps à se morfondre et avait immédiatement repris sa vie en main. Il s’apprêtait à répondre, lorsqu’elle reprit qu’elle l’avait rencontré lui entretemps, qu’il lui avait été bénéfique, car il lui avait finalement  redonné le goût… d’aimer. Le jeune homme faillit avaler sa gorgée de travers sous le coup de la surprise tandis qu’elle le remerciait. Il ne l’avait jamais entendu employer ce mot devant lui auparavant. Leur couple avait bien marché pendant quelques mois et ils étaient certes très proches, Daniel admettait même s’être attaché, mais… « Aimer ? Tu n’avais jamais utilisé ce mot pour ‘nous’ avant. » Souligna-t-il en étant bien loin de s’imaginer que leur relation ait pu finalement être aussi forte et autant compter pour elle.  

Spoiler:

Daniel esquissa un sourire quand Jules précisa sa phrase après sa surprise. Ce n’était pas qu’elle l’aimait lui, mais ce que leur relation avait représenté. Il lui avait redonné goût de croire que des sentiments amoureux pouvaient être à nouveau possibles à ressentir pour elle et avec le temps elle se serait peut-être plus attachée à lui s’il n’avait pas choisi sa sœur. Il en avait bien conscience. Jules était la relation la plus sérieuse qu’il avait entretenue, celle qui avait été le plus stable pour lui du moins. Ce qu’il avait vécu auparavant avec Erica n’était pas non plus à négliger, mais ce n’était pas pareil. Avec Jules… Il y avait eu plus qu’une amitié charnelle. Ils avaient réellement formé un couple. Il avait pris goût à cette nouvelle perspective parce que la jolie blonde était une fille à la fois décalée et posée. Jules partageait les mêmes délires que lui tout en ayant cette once de maturité qui lui rendait son sérieux quand il le fallait. Il répondit donc sans hésitation à sa question quand elle lui demanda à son tour son avis. « Il est clair qu’on s’est bien trouvés. Je ne peux pas te mentir, je tenais vraiment à cette relation. Sa longueur parle d’elle-même, notre histoire est pour moi celle qui a duré le plus. Je m’étais vraiment attaché à toi c’est sûr, après je ne peux pas t’affirmer que ça aurait pu être plus, mais pourquoi pas, ça aurait très bien pu fonctionner, si je n’avais pas eu la bêtise d’écouter la jalousie de ma sœur. » Résuma-t-il le fond de sa pensée. « Disons qu’à ce moment-là, je craignais de faire passer notre lien fraternel après en continuant de te fréquenter et j’ai abdiqué. Nous nous étouffions l’un l’autre. Mais ces derniers temps, notre vision a quelque peu changé. Elle s’est rendue compte qu’elle s’immisçait trop dans ma vie et moi dans la sienne. On a décidé de faire des efforts et de prendre des distances dans l’existence de l’autre. C’est vrai… J’ai réalisé mon erreur trop tard. » Daniel ne comprenait pas vraiment pourquoi il avait besoin de confier ce sentiment tout d’un coup, mais Jules s’était tout autant ouverte à lui, alors il ne voyait aucune raison de ne pas jouer la carte de l’honnêteté jusqu’au bout. Il avait trop longtemps vécu aux dépens du regard de sa sœur et il ne pouvait pas l’ignorer, sauf que c’était terminé ces habitudes-là ! « Mais ce n’est pas le temps des regrets, nous ne sommes pas là pour continuer de rabâcher de vieilles histoires. » Lâcha-t-il ensuite une note d’humour dans cette atmosphère qui devenait trop sérieuse à son goût. D’accord, ces ‘histoires’ comme il venait de les qualifier étaient loin de dater, mais c’était une façon de clore subtilement le sujet, à moins que Jules ne souhaite revenir sur la question de ce changement inattendu dans ses relations avec Gabrielle.  

Spoiler:

Daniel trouvait cette journée plus que bien venue. Non seulement, il revoyait Jules pour la première fois depuis longtemps, mais les deux amis s’ouvraient l’un à l’autre comme ils ne l’avaient jamais fait depuis la fin de leur couple. Le jeune Montgomery ne put cacher le changement de situation qui était intervenu dans sa vie dernièrement entre sa sœur et lui. La jolie blonde était en droit de connaître cette évolution qui n’avait malheureusement pas eu la bonne idée de se produire quand ils étaient encore ensemble. Daniel ne l’avouait pas vraiment à Jules pour ne pas raviver de vieux souvenirs et lui faire du mal, mais elle était bien la seule personne pour qui il ‘regrettait’ d’avoir fait passer son lien avec sa sœur avant. La jolie blonde était du moins celle qui aurait été sans doute capable de le changer. Leurs caractères collaient tellement bien ensemble qu’ils se complétaient. Mais vivre dans les regrets n’était vraiment pas une de ses habitudes, et il n’avait pas l’intention de commencer aujourd’hui.  Il avait déjà blessé Jules une fois, comme il en avait blessé tant d’autres auparavant, mais Daniel était conscient de ne pas être vraiment fait pour les relations sérieuses. À moins que cette excuse ne lui serve pour se convaincre du contraire en présence de la jolie blonde… Après tout, elle avait déjà failli réussir à le changer. Et il avait effectivement changé, depuis sa relation avec elle, il n’était plus le même en présence des filles. Le jeune footballeur était différent dans ses attitudes, dans le sens qu’il essayait de ne plus les blesser, dans la mesure du possible. Une fois ses explications terminées, Jules se contenta de commenter qu’il était bien pour les deux jumeaux d’arrêter de s’étouffer l’un et l’autre dans leurs relations amoureuses. Ce qui avait été le déclic était une énième histoire tout simple… Carl Spencer. Daniel clôtura alors subtilement le sujet en ajoutant que ce n’était pas le temps des regrets. Il était conscient de ce à quoi Jules pensait à cet instant précis… à leur relation. Ils s’étaient pas mal ouvert l’un à l’autre sur la question aujourd’hui, trop peut-être pour de simples amis. Elle acquiesça ses paroles, ils devaient regarder vers l’avenir. La jolie blonde lui demanda alors comment se passait sa vie en ce moment. Tout se passait bien. Il n’y avait pas grand-chose à en dire, sauf peut-être quelques détails dont il n’avait encore parlé à personne, pas même à sa jumelle. « Tout se passe très bien, je continue la médecine, je  n’étais pas trop sûr au début, mais ça commence à plaire… Et puis toujours dans le football américain aussi. Un programme qui ne laisse pas beaucoup de temps aux rencontres. » Résumé-t-il brièvement sa situation actuelle. C’était vrai. Daniel ne voyait personne en ce moment. Disons qu’il faisait passer ses études et sa passion sportive avant cette année.

Il hésita alors sur la suite à ajouter, mais il avait envie de le dire à quelqu’un, et Jules lui semblait la personne bien placée pour ça. Même s’ils venaient de se retrouver, ils étaient assez proches pour qu’elle connaisse son histoire. « Gabrielle l’ignore, mais depuis quelques temps, j’essaie de trouver des infos qui m’aideraient à découvrir qui est notre père. » Souffla-t-il à voix plus basse, en jouant doucement avec une des mèches de cheveux de la jeune femme. En effet, les quatre enfants Montgomery étaient tous de pères différents – excepté les jumeaux – ; mais leur mère avait eu tellement d’aventures dans sa jeunesse à Londres et elle avait accumulé tellement de rencontres sans lendemain qu’elle avait toujours été incapable de dire qui était leur géniteur biologique. Daniel n’avait pas cherché à en savoir plus jusqu’à lors, parce qu’il était bien entouré de sa famille et ne manquait de rien. Il considérait que même si son père véritable ignorait tout de leur existence, ce n’était pas plus mal. En effet, même si sa mère s’était souvenue de qui il s’agissait, il n’avait été qu’un homme de passage dans sa vie et n’aurait sans doute pas voulu assumer deux gosses d’une femme qu’il n’avait vu qu’une fois. C’était du moins ce que Daniel avait toujours préféré penser par commodité, pour se rassurer de ne pas connaître ses véritables racines. Gabrielle était d’ailleurs du même avis que lui sur la question et ils avaient décidé de ne quasiment jamais parlé de ce père qui leur était inconnu. Sauf que depuis que sa mère s’était mise en couple avec Curtis, Daniel ressentait de plus en plus le besoin de connaître la réponse dans un contexte où il ne s’entendait absolument pas avec son beau-père. Il avait donc recommencé à poser des questions à sa mère, qui comme d’habitude, prétendait ne se souvenir de rien… à moins que ce ne soit vraiment le cas – et ça l’était sûrement. Du coup, il ne savait pas trop par où commencer et avait peu d’espoir de trouver un jour la réponse. Néanmoins, cette « pseudo-recherche » lui occupait l’esprit à ne plus toujours vouloir s’en prendre à Curtis qui draguait ses sœurs d’une façon malsaine. Jules était la première personne à qui il confiait ses intentions. Si Gabrielle l’apprenait, elle péterait littéralement les plombs, sauf que Daniel ne lui disait plus tout, puisqu’ils s’étaient désormais promis de se laisser vivre chacun de leur côté. La jolie blonde assise à côté de lui était un peu au courant de toute cette situation et de son passé, puisque rien n’avait changé depuis leur couple.

La journée confidence était visiblement loin d’être terminée. Après avoir bien parlé de leur relation, Daniel confia à Jules qu’il essayait de retrouver les traces de ce père inconnu. Ne pas en connaître l’identité ne le dérangeait pas auparavant, mais la situation familiale actuelle ne lui plaisait vraiment plus. Sa mère était comme une enfant irresponsable et il ne supportait pas son beau-père qui profitait de la naïveté de maman Montgomery pour abuser de sa confiance et essayer de séduire ses filles dans son dos. Heureusement qu’Holly, sa sœur aînée, faisait de son mieux pour gérer toute cette petite famille. Daniel aimait bien l’embêter, mais elle était le trait d’union le plus solide qui liait encore les quatre frères et sœurs ensemble. Jules s’étonna de cette nouvelle et lui demanda donc s’il avait des pistes. C’était en effet le point le plus problématique. Par où commencer quand on avait une mère qui ne se souvenait de rien et ne savait pas déterminer quelle conquête était le géniteur après en avoir tellement eu à cette période et quand on n’avait pas les moyens de se payer un détective privé ? La jolie blonde venait de suggérer cette idée, mais Daniel n’était pas Crésus. En pleine étude et bien occupé par son sport, il n’avait même pas le temps de se prendre un job étudiant et le peu qu’il avait ne pouvait pas servir à cette recherche. Sa mère en aurait des soupçons. Il avait bien essayé de continuer à lui poser des questions, mais soit elle était très bonne comédienne, soit elle ne se souvenait vraiment de rien. Il pensait plutôt à la deuxième hypothèse. Selon Daniel, la maman Montgomery n’avait aucune raison de leur cacher leurs origines à moins de vouloir les garder jalousement près d’elle. Il avait cependant trouvé une piste. « Je dois t’avouer que je n’ai pas grand-chose pour démarrer. J’ai retrouvé récemment un album photo de sa jeunesse dans son bureau, un album où elle aimait répertorier ses souvenirs. Elle y a mis plusieurs photos avec des hommes dont elle a été proche ou qu’elle a fréquenté. Je sais que c’est très mince comme piste, mais j’aimerais commencer par là. Si elle a conservé un album, pourquoi n’en aurait-elle pas d’autres ? » Expliqua brièvement Daniel. La chance était infime, mais il fallait bien que le jeune homme se raccroche à quelque chose. Il partait bien sûr du principe que son père était peut-être l’un de ses hommes sur ses photos que sa mère collectionnait pour chacune de ses conquêtes. Pourquoi ne lui avait-elle jamais parlé de cet album ? Mystère. De plus, Daniel nourrissait un autre espoir car les photos datées dans l’album correspondaient plus ou moins aux années de naissance de sa jumelle et lui. S’il ne tentait pas, il ne saurait jamais. Quitte à finir déçu, il préférait ce sort que de regretter de n’avoir jamais essayé. Jules lui demanda alors pourquoi il se décidait maintenant. Daniel arrêta de jouer avec ses cheveux et se rassit plus droitement. « Disons que la situation familiale n’est pas au beau fixe. Tu sais bien que ça n’a jamais été la grande entente entre mon beau-père et moi. Je ne le supporte plus. Ni lui, ni ces regards bizarres qu’il lance à mes sœurs. » Esquissa-t-il une vision peu jolie de Curtis, une vision néanmoins réelle et indéniable. « Ça m’occupe l’esprit de chercher à savoir d’où je viens vraiment ou alors j’ai peut-être l’infime espoir de changer quelque chose à cette famille ». Souffla-t-il sur un ton d’aveu qui ne lui était pas coutumier. Jules était vraiment la première personne à qui il se confiait à ce point à ce sujet. Nul dans son entourage ne savait à propos des recherches qu’il voulait faire pour retrouver son père, ni ce qu’il pensait vraiment de Curtis.

Daniel avait brièvement expliqué à Jules les démarches qu’il avait entreprises pour commencer ses recherches. Il avait tout d’abord interrogé sa mère qui avait tenu le même discours que celui qu’elle leur vendait depuis leur enfance à Gabrielle et lui, à savoir qu’elle n’avait aucun souvenir de ses aventures multiples. Il avait ensuite déniché ces trésors anciens sur la jeunesse de sa mère accompagné de photos qui reprenaient les délires et les rencontres qu’elle s’était tapée en soirée. Son amie approuva cette trouvaille et lâcha une petite remarque à laquelle Daniel avait déjà pensé : et si son père était l’un d’eux ? Il préférait cependant ne pas s’emballer trop vite pour ne pas se faire de faux espoirs. Il ne savait déjà pas par où commencer parmi tous ces hommes et n’avait pas partagé ses intentions à Gabrielle pour ne pas la ‘perturber’ avant d’avoir trouvé quoique ce soit. Ses chances étaient néanmoins très minces, et même s’il trouvait quelque chose, il n’était même pas sûr de pouvoir changer quoi que ce soit à sa famille… disons juste que cette recherche lui occupait l’esprit pour le moment. Jules brisa de nouveau le silence et lui posa une question intéressante à laquelle il n’avait pas vraiment songé jusqu’à présent… Ou disons qu’il l’avait ressassé un millier de fois sans parvenir à y répondre. Que dirait-il à son père s’il le trouvait ? « Je ne sais pas vraiment à vrai dire, j’y ai déjà pensé, mais je ne me vois pas débarquer dans sa vie et lui dire simplement ‘et salut, au fait je suis ton fils’… » Répondit-il. « J’essaierais peut-être d’entrer dans sa vie d’une manière ou d’une autre pour voir comment il est avant de lui dire. Mais bon, je suis très loin d’en être là. » Ajouta-t-il ensuite en souriant. Ça lui avait fait du bien d’en parler à quelqu’un. Jules l’avait écouté patiemment et sans le juger, lui donnant quelques indications et conseils à suivre. Daniel ne voulait cependant pas l’ennuyer avec toutes ces histoires plus longtemps et décida donc de clore le sujet. « Enfin on verra plus tard comment ça évoluera… On bouge un peu ? » Proposa-t-il ensuite de quitter cet endroit et de marcher un peu après ce petit piquenique improvisé.