Acte I - Scène I - Où comment ne pas s'ennuyer lors d'un entretien. / Natalie

Je fais des commérages à propos des voisins

Comte de Belvèze a écrit : ❝ L'imprévu n'est pas l'impossible : c'est une carte qui est toujours dans le jeu. ❞

Chercher un stage n'a rien d'obligatoire, je sais. L'école nous répète tous les jours que ce n'est pas la priorité, mais que c'est important dans la vie d'un étudiant. Bref, c'est le refrain tant répété du casque à vélo. Alors je préfère me la jouer élève modèle ; surtout que ça fait super plaisir à mes parents. Ils ont l'impression que je deviens responsable. Moi, je me sens un peu perdu dans une faculté aussi grande qu'une ville, avec des gens de toutes les couleurs, qui parfois parlent dans un charabia inintelligible, à peine soutenu par les professeurs qui connaissent leurs cours par coeur mais pas le nom de leurs élèves. J'ai l'impression d'avoir été jeté dans une fosse aux lions, mais par esprit de compétition ou juste par peur d'échouer, je m'efforce de tenir le coup.
Il n'empêche que j'ai trouvé quelques journalistes qui pourraient correspondre à mes attentes. Je n'en connais aucun personnellement, et tant mieux. Cela me frustrerait d'être pistonné pour si peu. J'ai envoyé mes lettres de motivations, toutes relues et corrigées par ma chère maman, et ai attendu. Je me suis demandé au bout de trois semaines si cela valait le coup d'espérer encore et...
Le verdict est tombé. Natalie Daniels m'autorise à venir la rencontrer pour un entretien. Quatorze heures, je suis prêt à partir. Je dois me rendre chez elle, à environ cent mètres de chez moi. Je me poste devant sa porte d'entrée, vérifie que mes cheveux sont à peu près bien coiffés, lisse le pli de mon pantalon. Je suis tendu jusqu'aux orteils. Premier entretien de ma vie, pour un stage d'observation qui risque rapidement de tourner à la garderie. Mais premier entretien quand même. J'inspire profondément et frappe à la porte. Quelques secondes plus tard, alors que je me retiens de cogner une seconde fois la porte, une jeune femme m'ouvre. Je fronce les sourcils. Elle me semble bien jeune pour être journaliste, et pourtant, elle ressemble à toutes les photos que j'ai vu d'elle sur Google. Son air un peu renfrogné, froid et la manière qu'elle a de se tenir droite face à moi ne m'inspire rien d'autre que de la crainte. Je suis tombé sur une sorcière féministe assoiffée de sang, c'est sûr. « Je suis Aaron Hamilton, le stagiaire. » J'ai envie de tourner les talons et de fuir mais il semble qu'elle ait des projets pour nous deux.

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Acte I - Scène I - Où comment ne pas s'ennuyer lors d'un entretien

Natalie était, comme tout le monde le savait à Magnolia, une journaliste sérieuse. Elle aimait être au contact même de la populasse, interviewer ses voisins, ses amis, sa famille. Et depuis quelques temps, elle s'intéressait plus particulièrement au phénomène Dirty Secret. Dans ce quartier, tout le monde avait un secret plus ou moins lourd à porter. Elle en avait un également. Mais étant débordée de travail, même si Maxim venait de la rejoindre, Natalie cherchait toujours quelqu'un pour la seconder. C'est pourquoi, quand elle avait reçu une lettre de motivation d'un étudiant, elle avait accepté de le rencontrer. La rencontre avait lieu cet après-midi même. Ne faisant pas les choses à moitié, Natalie voulait s'assurer qu'il valait qu'elle l'engage.
La journaliste était en train de faire du rangement dans son bureau, au rez-de-chaussée de la maison familiale. Elle n'avait pas de bureau, préférant nettement travailler chez elle, là où elle pouvait garder un œil sur Maxim et Erica. Elle regarda la pendule : 13h57. Elle allait vérifier en premier si ce Aaron était ponctuel. Elle détestait les gens en retard, spécialement lorsque cela dépendait de rendez-vous professionnels. On frappa à la porte, ce qui tira Natalie de ses pensées. Elle se dirigea calmement à la porte d'entrée, veillant à ne pas trop faire attendre celui qui se trouvait de l'autre côté de la porte.
Une fois la porte ouverte, Natalie se retrouva face à un jeune minet d'une vingtaine d'années visiblement stressé. Natalie lui sourit froidement, comme à chaque fois qu'elle rencontré quelqu'un de nouveau.
- Je suis Aaron Hamilton, le stagiaire.
- Natalie Daniels, mais vous devez déjà me connaître. Entrez, Mr. Hamilton.
Sans un mot de plus, Natalie retourna dans son bureau, faisant comprendre au jeune Aaron qu'il fallait qu'il la suive sans traîner. Une fois dans son bureau, elle contourna l'imposant bureau en verre et s'installa confortablement dans son siège en cuir, laissant s'asseoir Aaron sur la chaise en plastique de l'autre côté du bureau.
- Alors, Mr. Hamilton... J'aurai quelques petites questions à vous poser...
Natalie sourit de nouveau de son sourire froid et énigmatique, attendant la réaction du jeune homme.

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Comte de Belvèze a écrit : ❝ L'imprévu n'est pas l'impossible : c'est une carte qui est toujours dans le jeu. ❞

La journaliste se présente succinctement. Natalie Daniels me semble tout bonnement froide. Je ne suis plus certain de vouloir travailler à ses côtés, convaincu que la tâche va être trop rude pour moi. Elle m'invite dans sa maison, traverse son salon d'un pas assuré et pénètre dans un bureau modeste. Un immense pièce de verre lui sert de support à ses activités. Une chaise confortable d'un côté, qui lui est sans nul doute réservée, et une en plastique de l'autre, pour moi. Quelques paperasses plus ou moins bien rangées éparpillées ça et là. Un ordinateur qui semble être souvent utilisé, neuf ou presque, d'une marque reconnue.
Comme elle me le conseille d'un geste, je m'assois dans la chaise face à elle. Natalie m'annonce que je vais avoir à répondre à ses questions. J'y suis préparé mais ne crois pas réussir à la séduire. Et si elle s'intéresse à mon parcours dans le journalisme ? Je ne suis qu'un novice ! Ou bien si elle me demande si j'ai préparé un sujet... oh la la, je n'ai rien à répondre à cela. « D'accord », j'acquiesce par politesse mais ma voix tremble. Je m'efforce de la regarder dans les yeux mais elle ne peut ignorer mon absence d'assurance. « A quelles questions dois-je répondre ? » Tous mes mots sont pesés pour le meilleur. Natalie doit pouvoir être certaine que je suis capable de m'exprimer correctement. Sauf que pour l'instant, si mes phrases sonnent juste, je suis vraiment trop tétanisé. Mais c'est de sa faute, aussi. Si elle souriait franchement plutôt qu'avec mystère, comme elle le fait depuis quelques minutes, j'irai bien mieux. Elle pourrait également apprécier ma prise d'initiatives. C'est pourquoi je me tiens droit et annonce : « Comme vous avez pu le lire dans ma lettre de motivation, je suis en première année de journalisme. J'adore le sport et aimerai pouvoir commenter les matches ou les événements. Mais il est vrai que je ne vois du métier qu'un seul côté du décor. C'est pourquoi je souhaiterai vous observer dans vos démarches, vos recherches et votre travail sur le terrain et dans votre bureau. » Je conclus par cette attente toute particulière. J'espère qu'elle saura me satisfaire sans se pourfendre dans son travail. Mais étrangement, je la sens tout à fait apte à cela, plutôt qu'à générer une aura bienfaisante et chaleureuse. Alors oui, j'y crois finalement, à ce stage.

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Natalie est au courant qu'au premier abord, elle paraît froide. Pourtant, c'est une personne chaleureuse qui adore sa famille et ses amis. Mais elle joue de ça avec le petit. Natalie sait qu'il est stressé de ce (premier ?) entretien. Mais elle continue son petit jeu pendant un moment. Aaron accepte de répondre à quelques questions. De toutes façons, il avait pas le choix. Mais avant que Natalie ne pose sa première question, il débite un petit texte sûrement appris par coeur devant son miroir en compagnie de sa petite mère qu'il aime et qui le couve depuis son plus jeune âge.
- Comme vous avez pu le lire dans ma lettre de motivation, je suis en première année de journalisme. J'adore le sport et aimerai pouvoir commenter les matches ou les événements. Mais il est vrai que je ne vois du métier qu'un seul côté du décor. C'est pourquoi je souhaiterai vous observer dans vos démarches, vos recherches et votre travail sur le terrain et dans votre bureau.
Natalie hoche la tête et ressort la fameuse lettre tandis qu'il parle. Il pèse ses mots, elle le sent. Elle lui fait peur, elle le sait. Mais alors qu'elle s'apprêtait à abandonner son jeu de tigresse et lui avouer qu'il était pris, une idée lui vint en tête. Elle leva la tête vers Aaron qui semblait toujours aussi stressé. Natalie entrecroisa ses doigts dans un geste du plus professionnel et plongea son regard sombre dans celui du jeune homme.
- Mr. Hamilton... Avant de vous prendre en tant que stagiaire, je dois tout d'abord m'assurer que vous méritez ce stage. J'espère que vous comprenez.
Natalie s'arrêta un moment, sentant la tension dans l'air. Elle n'aimait pas montrer cette image d'elle-même mais elle aimait s'entourer des meilleurs et seuls ceux qui ne fuyaient pas devant cette apparence de fille froide étaient dignes d'elle.
- Je suppose que comme tous les habitants de Magnolia, vous connaissez cette blogueuse, Dirty Secret. Et comme tous les jeunes d'ici, vous devez en raffolez. Je me trompe ? Mais là n'est pas la question. Afin de m'assurer de vos compétences, Mr. Hamilton, j'aimerais que vous fassiez un rapide article à propos de cette gamine.

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Comte de Belvèze a écrit : ❝ L'imprévu n'est pas l'impossible : c'est une carte qui est toujours dans le jeu. ❞

Il y a une chose de sûre : elle est sérieuse. Trop ? Je ne peux encore l'affirmer. Mais pendant que je parle, elle tire la lettre lissée du tiroir. Elle ne la lit pas, s'amuse avec comme un chat avec une souris. Je ne peux m'empêcher de me sentir mal à l'aise. Elle cultive ce sentiment, je le sens. D'un ton un peu sec, elle m'annonce que je dois faire mes preuves, que je dois mériter mon stage. Je déglutis, n'ayant rien prévu de ce genre. J'aimerai l'interroger aussitôt, savoir si je dois fuir ou bien rester à ses côtés. Elle me laisse presque le temps de prendre cette initiative qui me dérange, mais les mots sont bloqués derrière mes dents. J'attends donc qu'elle m'explique en quoi se consiste l'examen. Elle veut que je fasse un rapide article sur Dirty Secret. J'ouvre une seconde très grand la bouche, avant de me gratter l'arrière du crâne.
Evidemment que je connais la blogueuse, mais de là à réaliser un article à son sujet. De toute façon, je n'ai pas le choix : il faut que je m'exécute. J'espère juste ne pas être trop objectif, étant là l'erreur numéro un à ne pas faire lorsqu'on est journaliste. « D'accord » dis-je en hochant la tête bien sagement, bien qu'un peu décontenancé. Puis, je m'intéresse aux conditions de ce travail : « Je vous fais un travail à l'écrit ? J'ai combien de temps ? » Voilà quelques temps que je n'avais pas eu à travailler. J'ai peur d'être un peu rouillé mais les idées apparaissent à moi si facilement.
Dirty Secret, quel habitant de Magnolia n'a pas déjà -ne serait-ce qu'une fois- entendu parler de ce blog haut en couleurs ? Apparu au lendemain du meurtre d'Alicia King, ce blog est un condensé de ce que certains certifient être des secrets tandis que d'autres crient aux rumeurs. Depuis trois ans, personne n'a pu se rapprocher du propriétaire de ce site, qui reste une personnalité emblématique de la vie à Magnolia. Haï, adulé, chacun est libre de penser ce qu'il veut de ce site et de l'individu qui en est à l'origine. Néanmoins, il serait bon de vérifier les dires de cet inconnu, qui a déjà détruit plusieurs vies et plusieurs réputations. Notons par exemple le cas d'Alice*, qui s'est vue affublée des pires sobriquets lorsque le blog a révélé son intérêt pour sa demie-soeur. C'est alors qu'on se demande, tous, ce qu'on doit faire. Continuer de suivre ce site, de boire ses mots et d'y croire innocemment ? Doit-on s'amuser de tels propos, tout en s'interrogeant sur quand viendra enfin notre tour ? Ou bien doit-on essayer d'oublier ces articles dévastateurs, d'ignorer Dirty Secret ou pis, de découvrir la vérité ?
Je trouve mon récit plutôt bon. Du moins, dans ma tête il est bien rodé. Il ne reste plus qu'à savoir à quelle sauce je dois lui servir.

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Natalie observa silencieusement le garçon tandis qu'il réagissait au petit exercice qu'elle venait de lui donner. Il finit par hocher la tête, acceptant le travail. De tout façon, il n'avait pas le choix. S'il voulait travailler avec elle, il devait faire cet article. Il posa quelques questions auxquelles Natalie s'empressa de répondre sur une voix un peu moins glaciale qu'auparavant.
- Prenez mon ordinateur, Mr. Hamilton.
Natalie se leva de son fauteuil, laissant ainsi la place libre à Aaron. Elle ouvrit son ordinateur portable et l'alluma, entra son code d'accès et le poussa vers Aaron qui venait de s'installer dans le fauteuil en cuir.
- Je vous laisse tranquille, j'ai quelques petites choses à faire dans la maison.
Sur ce, elle sortit de la pièce sans laisser le temps au jeune homme de répondre. La trentenaire se dirigea vers la cuisine et mit la cafetière en marche tandis qu'elle montait à l'étage. Elle évita les chambres d'Erica et Maxim s'étant mis d'accord sur le fait qu'ils avaient chacun une vie privée et qu'ils n'aimaient que les autres viennent y mettre leurs nez. Elle longea le couloir et entra dans la salle de bain. Elle se recoiffa tout en se regardant dans le miroir er se passa du déo sous les aisselles. Elle avait menti à Aaron, elle n'avait rien à faire mais elle-même détestait travailler avec quelqu'un à côté. Elle resta un moment à se contempler dans le miroir et finit par sortir de la pièce et redescendre au rez-de-chaussée. Le café était prêt, elle sortit deux tasses du placard qu'elle posa sur un plateau et qu'elle remplit du nectar noir. Elle attrapa un sachet de gâteaux qu'elle déposa à côté des tasses. Elle amena le plateau au salon et le posa sur la table basse. Natalie retourna ensuite dans son bureau, frappant avant d'ouvrir la porte.
- Avez-vous fini ?

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Comte de Belvèze a écrit : ❝ L'imprévu n'est pas l'impossible : c'est une carte qui est toujours dans le jeu. ❞

Mon sujet est à peu près clair dans ma tête. Mais il me reste à savoir si je dois lui présenter à l'oral ou à l'écrit. A l'oral, je risque de bégayer ou de faire des fautes de syntaxe. Je vois déjà venir les accords de conjugaison à cause des expressions longues mais nécessaires à la rédaction d'un article. A l'écrit, j'avoue que je me sentirai plus à l'aise. Non pas que ma rédaction sera parfaite, mais au moins, j'aurai davantage le temps de coordonner les choses et surtout : de les vérifier !
Natalie m'informe que je peux utiliser son ordinateur portable. Sa proposition me semble improbable, si bien que je n'y crois premièrement pas. Mais comme elle quitte son fauteuil et allume ledit ordinateur, je commence à revenir à moi. Je quitte ma chaise en plastique et viens m'installer dans le sofa en cuir. Elle me présente la machine et m'annonce qu'elle doit s'absenter. Je la regarde s'enfuir du bureau l'air consterné. Pourquoi me laisse-t-elle seul ? Ses petites choses à faire dans la maison me semblent bien louches. Mais peu importe : il faut que je travaille pour obtenir le stage à ses côtés.
J'ouvre le traitement de texte et m’attelle à la tâche qui m'a été imposée. Les idées apparues dans mon esprit sont imprimées sur la feuille blanche et je conclus en quelques cinq minutes. Je relis mon travail, corrige quelques fautes malheureuses, change deux ou trois verbes et adjectifs dont l'objectivité laisse à désirer. L'article me semble correct, clair. Il me semble retenir l'attention du lecteur, respecter l'anonymat des témoignages et permettre la remise en question des curieux qui auraient l'occasion de le lire.
Le stress me gagne tandis que j'entends Natalie s'approcher. Elle doit avoir fini ses petites choses et vient inspecter mon travail. En entrant dans le bureau, alors que je remarque le plateau sur lequel sont disposées deux tasses et un paquet de gâteaux, elle m'interroge. J'acquiesce avant de lui laisser la place à nouveau pour retourner à mon siège. Bien moins confortable, notons-le.
Je la laisse lire ma rédaction en tentant de déchiffrer ses expressions, ses hochements de tête, ses grimaces. Une fois qu'elle me semble avoir fini, je lui demande : « Alors ? Vous en pensez quoi ? » J'ai un peu peur de sa réponse. J'ai la sincère impression qu'on va me remettre mes notes d'examens en live pour la première fois de mon existence. Une fois pas deux, du moins, j'ose l'espérer de tout mon cœur.

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Parlez-vous de moi, Mr. Hamilton. Si jamais je vous prends en tant que stagiaire, j'ai besoin d'en savoir un peu plus sur vous.

Avez-vous un frère, une sœur ? Des parents divorcés ? Une petite-amie peut-être ?

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Comte de Belvèze a écrit : ❝ L'imprévu n'est pas l'impossible : c'est une carte qui est toujours dans le jeu. ❞

J'attends que le couperet tombe, que le verdict soit prononcé comme un accusé dans une cour ou un condamné sous l'échafaud. Je crains vraiment que mon travail ne soit pas valorisé. Il faut dire que mes années d'étude n'ont jamais été simple. Je ne suis de base pas une tête de classe. Pas un cancre non plus, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Mais je laisse aux autres la motivation inébranlable de réviser. Quand on voue sa vie au sport, il est difficile d'y laisser la place pour d'autres occupations, même si certains en sont parfaitement capables. Alors, après avoir redoublé une année suite à la mort de Tessa, j'espère ne pas avoir à repiquer. Mais alors que j'attends ma note, ou l'appréciation de Natalie, elle m'invite à passer dans le salon. Je me sens tout décontenancé, comme si on venait d'offrir au condamné une sucette, chose qui n'a rien à voir. Je la suis néanmoins, docile agneau et m'assied à ses côtés, sur le canapé. La journaliste rodée se servit une tasse de café avant de m'en proposer une. J'accepte bien volontiers d'un merci poli et récupère le mug qu'elle me tend. Je crois une seconde que c'est pour me mettre à l'aise et m'annoncer qu'elle rejette ma candidature en douceur. Mais au lieu de ça, elle m'interroge sur ma vie, qui je suis. Mes sourcils se arquent sous la surprise. Je ne m'attendais pas du tout à ça alors je ne sais pas par quoi commencer. « Hum. Et bien... » Elle doit ressentir que je suis un peu mal à l'aise alors elle me pose des questions plus précises. Mes parents, mes soeurs, mes copines. Autant dire que je peux y répondre, mais je crains que cela ne la déçoive. Si elle s'attendait à un type avec des conquêtes plein les poches, elle risque de réaliser très vite que ce jeune homme n'est pas moi du tout. Je me lançais alors, certain de n'avoir rien à perdre. « J'habite à Magnolia depuis toujours. Je connais le quartier comme ma poche, les gens aussi. Tout le monde nous connait, nous les Hamilton. Pas forcément pour les bonnes raisons mais... j'ai quatre soeurs. Enfin, j'avais quatre soeur, l'une d'entre elles est décédée l'an dernier. Je... je ne veux pas qu'on me plaigne. Il y a des choses qu'il faut affronter et qu'il faut surmonter. Et puis, mes parents sont encore ensemble, malgré tout. Il y en a qui se déchire pour bien moins que ça, je me dis que j'ai de la chance. » Je marque un temps d'arrêt. Voilà l'épisode famille clôt. Il ne reste qu'à discuter de ce problème qui m'habite et me hante. « J'en ai moins pour ce qui est des filles, cependant. Impossible de me trouver quelqu'un. Je ne sais pas pourquoi. » Ma dernière partie sonne comme une question, bien que cela ne soit pas voulu. Peut-être qu'inconsciemment, j'espère que Natalie pourra y trouver des raisons, à mon célibat. Peut-être que je ne regarde juste pas les bonnes personnes...

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Mr. Hamilton, si cela peut vous rassurer, je trouve que vous êtes un très beau jeune homme. Moi-même suis dans cette situation. L'amour est une chose compliquée que personne né sur cette planète n'a réussi à comprendre.

Peut-être connaissez vous mon frère, Maxim. Il s'est entêté à me trouver quelqu'un qui me rende heureuse. Il se fiche de son âge, de son emploi ou qu'importe définisse cet homme. L'important pour mon frère, c'est qu'il trouve quelqu'un qui me rende heureuse.

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C'est vrai. Chaque fois que j'ai l'occasion de me rapprocher d'une fille, une force extérieure vient s'interposer. A croire que je me suis trompé. Le journalisme, ce n'est pas pour moi, je ferai mieux de me tourner vers le culte et le sacré. Prêtre. Frère Aaron, ça a la classe ? Enfin, j'ai un peu abandonné mes recherches de l'amour perdu. Quelqu'un a dit, c'est quand on arrête de retourner ciel et terre que l'on retrouve ce qui nous appartient. J'imagine qu'on peut facilement transposer cette idée à l'amour. De toute façon, j'ai bien trop de choses à penser pour l'instant : le sport, le journalisme, le sport, la famille. Toutes ces parties de ma vie me divertissent bien assez. Néanmoins, j'ai appréhendé la partie « amours » de ma présentation sous une interrogation implicite qui n'échappe pas à Natalie. Elle me rassure en complimentant mon physique et en généralisant les problèmes de couple à l'humanité toute entière. Elle n'hésite pas à me confier son célibat, et je trouve que c'est à la fois agréable et aussi plutôt étrange d'avoir une conversation de la sorte avec une femme que je connais à peine et qui peut, d'une seconde à l'autre, devenir mon employeur. J'acquiesce, me concentrant sur le côté sympathique de cet entretien qui jette aux oubliettes les idées strictes que j'avais pu m'en faire.
Je baisse les yeux et trouve un certain intérêt dans le café et les gâteaux que la Daniels m'a proposé. Je l'entends me parler sans gêne de sa famille, de son frère, un certain Maxim. Ce nom me dit quelque chose et je le connais sans nul doute, mais sur l'instant, encore fiévreux à cause du stress, je ne remets pas son visage. Enfin, elle m'apprend que ledit garçon s'implique dans sa recherche du prince charmant, afin de lui offrir un peu de bonheur. Je conçois l'initiative adorable mais je sais que je ne supporterai pas qu'une de mes sœurs se mêle de ma vie amoureuse. « Personnellement, je préférerai que mes sœurs évitent de faire ça. On se sait jamais quel genre de fille qu'elles pourraient me trouver ! Je ne suis à l'abri de rien avec elles. » Je rie un peu, dévoilant mon sourire charmeur et si naturel. Il est vrai que la présente conversation me procure un certain réconfort, mais l'anxiété me tient au corps et j'aimerai savoir ce que Natalie pense de ma candidature. Histoire qu'enfin, je puisse faire taire les spasmes musculaires dans ma main. « Euh... vous avez pensé quoi de mon travail ? » Je réalise que c'est un peu impoli de clôturer la discussion bonne-enfant que nous avons alors je rajoute, m'obligeant à être sincère. « Enfin, c'est que je suis super stressé par cet entretien et je n'arrive pas bien à me détendre en fait. » Je ne suis pourtant pas de nature anxieuse : avec le nombre de débuts de match, de compétitions, j'ai réussi à dompter la bête, dirons-nous. Mais là, c'est tout nouveau pour moi. Vraiment nouveau.

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Acte I - Scène I - Où comment ne pas s'ennuyer lors d'un entretien. / Natalie

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