Tu te décides à sortir encore une fois ce soir, alors qu'à la base t'avais décidé de bosser un peu. Tu te dis que déjà, ton année scolaire est mal barrée mais t'y peux rien si t'es plus tentée à écumer les bars en te prenant une cuite au lieu de bosser sur tes maths. Les maths à quoi ça va te servir dans la vie ? Le jour où tu seras dans la merde, c'est pas de savoir calculer un diamètre ou la racine carré de ton cul qui va se sauver de cette merde. Quitte à apprendre un truc ce soir, autant apprendre comment boire sans te bourrer la gueule, du moins essayer.

Tu te prépares et prends ton téléphone qui te suis partout où tu vas, même dans les toilettes et là tu décides d'envoyer un sms à la première personne qui te passe par la tête. Bien évidemment, c'est Shelby, la blonde, ta blondasse, ta connasse. Tu l'aimes de plus en plus cette fille, quoi que non, c'est l'idée de te bourrer la gueule avec elle qui te fait l'aimer, t'es sûre au moins qu'elle refusera jamais de sortir, semaine ou pas. Elle ne doit pas avoir grand chose à faire dans sa vie, du moins, c'est l'impression qu'elle te donne, en même temps tu sais pas ce qu'elle fait dans la vie, t'as jamais eut l'occasion de lui demander, mais si elle te disait qu'elle était péripatéticienne ou autre, ça ne t'étonnerait même pas.

« Voilà, j'espère qu'elle verra mon sms à temps. »

Tu lui as juste demandé de te rejoindre dés qu'elle recevrait ton message, t'as pas le temps de l'attendre, en fait non, mieux, t'as pas envie de l'attendre. Tu sais qu'elle est un peu superficielle et qu'elle va mettre 2h à se préparer, si il faut l'attendre tu risques de ne pas avoir de place où t'asseoir au bar.

Tu prends ta veste que t'enfiles et tu te regardes une dernière fois dans le miroir avant de quitter ton chez toi, t'as qu'une petite trotte à faire depuis chez toi jusqu'au bar, et même si c'était loin t'aurais été dans l'obligation de continuer étant donné que t'as pas le permis et que t'as personne pour te conduire où tu veux.C'est quoi l'intérêt de ton frère a avoir le permis si il refusait de te conduire où tu voulais, tsss.

Une fois arrivée dans le bar, t'as tes petites habitudes alors tu commences par t'installer au bar et pour une fois, tu décides de faire ta gentille en attendant de passer une commande, après tout, boire à deux, c'est mieux.

T’aurais voulu réussir à t’endormir rapidement pour une fois. Simplement fermer les yeux et laisser ton esprit divaguer vers les terres lointaines du sommeil sans rêve. Pourtant, malgré la nuit bien entamée, tes yeux scrutent toujours le plafond. Et tu penses. A tout. A rien. Tout se mélange et tout se mêle. Tu penses à William. A Sara. A tes sentiments un peu confus. Un peu honteux. Alors tu penses à ce que pensent les autres. Puis à ce que penserait ton père. Et alors, tu te recroquevilles sur toi même. Ils te détesteraient. Tous. Un soupire s’échappe de tes lèvres. Et alors, doucement, tes yeux se ferment. Doucement, ton esprit s’élève pour aller voguer dans l’autre monde.

La sonnerie est violente. Brutale. Un grognement s’échappe de tes lèvres tandis que tu te redresses pour attraper le téléphone et répondre. Tu mets quelques minutes à reconnaître William. Il y a du bruit. Et il ne parle pas vraiment normalement. Tu ne comprends pas grand-chose. Seulement que tu dois venir. Que tu dois l’aider. Alors tu te plains. Tu l’engueules un peu. Pour la forme. Pourtant, tu te lèves déjà pour enfiler un jean au dessus de ton boxer et un teeshirt. Et dans un petit soupire, tu lui annonces que tu arrives.

T’as sorti la petite voiture que ton père t’a offerte pour tes seize ans et maintenant, tu as l’air bien con à essayer de te garer. Pas de place évidemment. Ça serait beaucoup trop facile. Alors tu te gares plus loin et tu marches jusqu’au bar que William t’a indiqué. Quand tu arrives devant, un soupire s’échappe de tes lèvres. La musique se fait entendre jusqu’à dehors. Et c’est sans compter le bruit des gens qui parlent forts parce qu’ils sont trop bourrés. Après quelques secondes, tu te décides finalement à entrer. Tu sens le regard du videur sur toi mais il ne dit rien. Tant mieux. Son patron lui a probablement dit de laisser passer. Et puis, si les étudiants ne venaient plus, il perdrait probablement près de la moitié de ses recettes.

T’as l’air un peu paumé au milieu de tous ces gens. Tu fais tache. Timidement, tu t’avances à la recherche de William, balayant du regard la salle. Impossible de le trouver. Dépité, tu passes la main dans tes cheveux en reculant pour te diriger vers la sortie. Mauvaise idée. Tu te retrouves à bousculer une serveuse qui trébuche avec toi, renversant les cinq bières qu’elle amenait à des clients. Brusquement, tous les regards se sont tournés vers ta pauvre petite personne étalée par terre au milieu de la bière. Tu clignes des yeux comme un con. « Je … Heu… Pardon… » évidemment, ton teeshirt était blanc. Il est donc devenu tout ce qu’il y a de plus transparent. Et toi, t’es rouge. Rouge comme une tomate bien mure. « Hey ! C’est pas le pote gay de William ?! » Toi qui croyais que tu ne pourrais pas plus rougir …

Tu enfiles les verres alors qu'à la base t'avais juste prévu de venir un peu ici, avant de bouger pour animer un peu plus ta soirée. Manque de pot, t'as une pote un peu folle qui ne se contrôle plus quand elle entre en contact avec l'alcool et qui pour ton plus grand plaisir, tien bien cette merde.  Au fur et à mesure, les gens commencent à arriver, t'as l'impression que tout le quartier de Magnolia s'était donné rendez-vous ce soir juste pour te faire chier, juste pour que quand tu te décideras à te lever pour danser un peu, un con te colle au cul en te faisant des avances, que tu refuseras bien sûr, avant de te laisser tenter si tu considères que Shelby te fais trop chier.

Tu te lèves pour te dégourdir les jambes, mais t'as du mal à rester droite, alors tu t'appuies sur ton siège mais t'es même pas sûre de pouvoir faire un pas sans te casser la gueule. Tu te tournes vers ton amie et là tu remarques à quel point ses cheveux te font mal aux yeux, elle est blonde, trop blonde. De toute façon pour toi le blond c'est pas une couleur de cheveu, c'est un concept.

« Tes cheveux y sont moches vu de près comme ça ! » tu mets une main sur ta hanche comme si t'étais en train de dire quelque chose de sérieux.

Mais t'as pas le temps de continuer, de pousser plus loin dans ta réflexion puisqu'un énorme bruit se fait entendre dans tout le bar. Toi qui pensait faire plus de bruit à toi toute seule, t'as trouvé mieux que toi, ou pire, reste à voir.

De là où t'es tu vois pas très bien ce qui se passe et tu vois pas non plus qui venait de faire du bruit. La seule chose que tu captes c'est que tout le monde a les yeux braqués sur quelqu'un et que y a de l'alcool par terre. Fouine comme t'es, tu prends l'initiative de te rapprocher pour voir ce qu'il en est.

« Tu viens, on va voir ce qui se passe là bas. »

Bien sûr, si t'arrives à te déplacer comme il faut. Par chance, t'as pas mit de talons ce soir, alors ça facilite un peu les choses. Tu t'en fous, tu pousses les gens, tu leur demande de dégager de ton chemin, quitte à te faire insulter, tu t'en fous.

Une fois que t'arrives à te frayer un chemin, t'essaies de mettre tes idées en place pour comprendre ce qui se passe pendant que les autres parlent autour de toi. Tu vois qu'un mec par terre, qui a l'air gêné, avec autour de lui des bouteilles cassées et une serveuse qui ne semblait pas contente.

« Hé, mais je le connais lui ! Shelby, tu le connais pas toi ? »

Tu gueules pour que Shelby t'entendes alors que t'as même pas besoin vu qu'elle est juste à côté, mais t'as envie de te faire remarquer. Sans attendre de réponse de sa part, tu t'approches du mec au visage rouge et tu te postes devant lui. Tu sais pas pourquoi, sûrement parce que t'as des intentions de l'aider, mais le temps que cette volonté arrive à ton cerveau, les autres auront le temps de se disperser.  

Tu sens tous les regards, là, autour de toi. Et personne pour t’aider à te relever. Y’a la petite boule qui se forme dans ta gorge. Tu devrais être habitué maintenant. Pourtant, ça te fait toujours aussi mal. Leurs regards. Leurs rires. Leurs remarques. Doucement, tu essais de te relever. « Hé, mais je le connais lui ! Shelby, tu le connais pas toi ? » Tu avales difficilement ta salive en posant tes yeux sur la demoiselle ayant ouvert la bouche. Tu les connais. Les deux filles là. Elles étaient dans ton lycée. Probablement à se foutre de ta gueule. Comme tous les autres. T’as envie de disparaître. « Si je le connais ? Hey mais t’as raisooon, il était en cours avec moi celui-là. Enfin je crois qu’il était genre plus jeune. » Les remarques fusent autour de toi. Sur ton identité. Et évidemment, elles arrivent. Les remarques sur ta sexualité. Le gay. T’es plus une personne. T’es plus un adolescent. T’es même pas celui qui a essayé de se suicider. T’es juste le gay. Le pote gay de William. Alors tu les fixes avec ton regard noir. Et tu finis par te lever. Difficilement. Tous les regards restent rivés sur toi. Tu fronces un peu les sourcils. « Allez vous faire foutre … » Tu dis ça doucement. Tout doucement. Comme si c’était un secret. T’as envie de leur crier que tu les emmerdes. Mais tu sais pas faire ça. Tu sais pas faire.
 
Ton regard se pose plus précisément sur la blonde. Petite blonde superficielle. Elle était dans ton lycée. Tout ce que tu détestais. « J’suis pas gay. » Elle et sa copine. Petites pestes. « Il est où William ? » Tu passes la main dans tes cheveux tout poisseux en soupirant un peu. Y’a ton coude qui saigne. Un morceau de verre qui t’as coupé. En plus d’être dégueulasse, maintenant tu t’es blessé. Le sort s’acharne.
 
Tentant de faire abstraction des autres, tu essores doucement ton teeshirt. On voit sans difficulté ton torse imberbe. Ton torse imberbe marqué par un joli bleu, souvenir d’une rencontre avec trois connards. Tu accumules. Tu accumules.
Tu relèves la tête pour voir les deux filles te fixer avec toujours autant d’intérêt. « … J’suis pas gay ! »

D'un coup ça te reviens, tu sais où est-ce que tu l'as déjà vu. Lui et toi étiez dans le même lycée, oui, étiez parce que pendant que lui obtenait son diplôme, toi tu te préparais mentalement à refaire une dernière année de lycée. Quoi qu'il en soit ça fait bien plaisir de voir des têtes que t'as déjà vu ou que t'as connu, mais lui, il a pas l'air d'être vraiment content de te voir.

Enfin bref, l'heure n'était pas à ce genre de souvenir, l'heure est peut-être au sauvetage. Tout le monde a formé une sorte de cercle autour de lui et le garçon est là, impuissant, un peu comme la mère de bambi dans le film quand elle se fait zigouiller. Rien que de penser à ce film te fait mal au cœur, t'as pas d'autres solutions que d'aller à sa rescousses mais même si tu veux faire quelque chose, t'as autant d'alcool dans le sang que si on t'avais imbibé entièrement d'alcool. Ta main gauche va toucher ton front pour essayer de mettre en place le peu de neurone qu'il te reste, et tes yeux ne quittent pas le jeune homme.

« Pauvre chou. » que tu dis en te tournant vers Shelby en te tournant de nouveau vers l'intéressé.

Tu lances cette phrase à son intention, surtout quand tu vois le mal qu'il se donne à parler. Tu vois que ses lèvres bougent et que ses sourcils se froncent, mais t'es incapable de comprendre ce qu'il raconte, sûrement qu'il a pas envie que tu saches ce qu'il dit. Alors autant la fermer, non ? Quoi qu'il en soit, tu le sens fragiles et vulnérable et la phrase qu'il te sort ne fait que confirmer ta pensée. T'as envie de l'aider mais tu sais pas comment, tu supposes que la foule autour de vous ne l'aide pas, alors au lieu de les disperser, tu souffles fort d'agacement mais ça ne suffit pas à les faire s'en aller.

Quand il se lève, t'as toujours les yeux braqués sur lui et tu vois un peu les dégâts de sa chute : il est dégueulasse, attention, pas lui personnellement hein, c'est le fait qu'il se soit cassé la gueule qui te fait penser ça. T'essaies de faire un rapide bilan de son état mais comme il peut se mettre sur ses pieds, t'en conclus que ça va, il est pas trop mal en point, cependant tu remarques une chose, son coude. Il saigne, pauvre chou.

Essayant de faire preuve de bonne foi, tu te décides à enfin faire quelque chose d'utile. Alors, c'est pleine de bonnes intentions que tu prends un foulard autour du coup de quelqu'un pour le lui donner pour qu'il puisse au moins s'essuyer le coude. Quand la personne commence à râler, tu lui lances un regard noir de meuf bourrée.

« De toute façon il est moche ton foulard, alors une tâche en plus ou en moins hein. »

Par chance pour toi, cette personne semble être encore plus bourrée que toi – oui, c'est possible – et décide de tourner les talons sans rien dire et de te laisser.

« Tiens, ton coude seras moins dégueulasse avec ça. »

T'es pas sûre qu'il comprenne ton geste,mais c'est toujours mieux que rien après tout, et pour une fois on ne pouvait pas dire que t'essaies pas d'aider.