C'était une vieille photo, qu'il avait trouvé, un peu par hasard, aux aléas de ses allées et venues, et qu'il tenait entre ses doigts sans vraiment réussir à la lâcher. Comme un aimant. Elle ne méritait pas de rester posée sur son bureau, ou cachée sous son oreiller, ou même pliée dans sa poche. Pourtant c'était exactement de ce genre de choses qu'il avait décidé de s'éloigner, au moins pour un temps. Il soupira, et finit par la poser sur sa table de chevet, une bonne fois pour toute. Il décida de se changer les idées, un peu. Ce n'était pas vraiment à ça qu'il aimait penser. Faute d'arriver à penser à autre chose, et ce n'était pas faute d'avoir essayer, il enleva son tee-shirt et se baissa pour faire des abdos. Ça avait au moins le mérite de lui occuper les dix doigts de ses mains. Le garage était fermé aujourd'hui, résultat il ne savait pas vraiment quoi faire et les journées avaient une légère tendance à défiler le plus lentement possible, dans ces cas là. Le soir tomba et les grognements de son ventre le forcèrent à aller prendre une douche puis à manger quelque chose. Pendant que le repas se réchauffait dans le micro-ondes, il regarda son portable qui restait désespérément vide de tout message. Quelque part, ce n'était pas plus mal.
Et puis, alors qu'il mangeait, l'écran s'alluma et le téléphone vibra, affichant un message plutôt chaleureux. Mike sourit, à vrai dire ce texto était un peu le message qui sauvait sa soirée. Il se saisit du mobile et tapota.

Citation :

Tu veux voir ma belle gueule c'est ça ? T'as pris rendez-vous avant ?

Puisque la rousse pouvait débarquer à tout moment, autant être prêt lorsque ce serait le cas. Il fit la vaisselle, rangea vaguement ce qui trainait et monta à l'étage se changer. Il n'y avait personne au n°13 ce soir là, hormis lui ; alors qu'il l'avait toujours trouvée oppressante, la maison lui semblait soudain trop grande, et trop vide pour lui seul. La quitter, ne serait-ce que pour cette nuit, semblait être une solution intéressante.
Des coups sur la porte l'avertirent que la jeune fille était arrivée. Il descendit, se saisit de sa veste et ouvrit la porte alors que la rousse s'écriait déjà de joie à sa vue. Quelques jours plus tôt encore, ils ne se seraient même pas parlés. Mais pour une raison qui lui était inconnue, elle avait décidé de revenir vers lui. Et oubliés, ces jours de silence et ces regards noirs à la simple présence de sa copine. Maintenant elle se remettait à lui donner toutes sortes de surnoms et à débarquer chez lui à l'improviste. « Non, ça je m'en passerais, merci. » Il allait sortir lorsque la jeune fille lui boucha le passage et entra. Il remarqua le sac..énorme, qu'elle tenait. Il pensait qu'ils iraient simplement dans un bar, ou à une soirée. Est-ce qu'elle avait réellement besoin de tout ça ? Il tiqua lorsqu'il la vit prendre ses aises chez lui. « Attends, j'ai dis oui pour sortir, pas oui à une soirée pyjama. » Il fronça les sourcils ; il n'y avait personne dans la maison, certes, mais il voulait justement laisser ce vide derrière une porte fermer à clé. Et pas le combler par la présence d'une amie.

Mike ne refusait pas cette sortie avec la rousse. Certes, elle l'avait snobé pendant un moment, sous prétexte qu'il sortait avec la fille qu'elle n'aimait pas par définition. Mais ils avaient été amis, avant qu'elle devienne alergique aux Huntington. Et ils en avaient passé, du temps ensemble, et s'il avait d'abord trouvé ça dommage de tout foutre en l'air pour une histoire d'amitié, il ne lui avait pas couru après. Après tout, on dit bien que les vrais amis sont ceux qui restent quoiqu'il arrive. Peut-être qu'Annie n'était pas une vraie amie. Enfin, quand elle l'avait vu au casino, seul, elle n'avait pas hésité à venir le voir. Mike n'était pas sûr qu'elle aurait fait de même s'il avait été accompagné. D'Emily, par exemple. Enfin, de toute manière, il ne lui demandait pas d'être sa meilleure amie, il voulait juste passer du temps avec elle ce soir pour se changer les idées, et s'amuser. Comme elle, il supposait. Il la laissa poser ses affaires dans un coin du salon; il n'était pas sûr d'avoir envie de se retrouver avec une Annie McCormick bourrée ou complètement défoncée sur les bras et encore moins de devoir la faire dormir chez lui, non merci. Il n'aurait qu'à la raccompagner chez elle et lui rendre son sac le lendemain. En attendant, il la laissa l'entrainer dans la rue, direction un bar de la ville. Il eut tout juste le temps de refermer la porte à clé derrière lui, que la rousse s'était déjà élancée dans la rue. Il la rattrapa en courant et referma un peu plus sa veste sur lui, frissonnant à l'air frais de la nuit. « Où vous voulez, Miss McCormick! » Il lui aurait bien sortie une phrase toute droite copiée de comédies romantiques, tel Rose Bukater soufflant à l'oreille de son amant « dans les étoiles », mais...non. Pas de romantisme avec Annie, jamais. Ils s'étaient toujours taquinés et ce n'était pas prêt de changer; à vrai dire il ne l'avait jamais vu très romantique, plutôt du genre directe et souvent, manquant de finesse. Il doutait qu'elle en ait de toutes manière quelque chose à faire qu'il ait déjà prévu quelque chose ou non. « Non. Et toi ? Parce que si on doit être plusieurs à te supporter, je préférais le savoir. » Il sourit, et se décala légèrement sur le côté pour la bousculer. Et puis il la prit par l'épaule, parce que c'était une soirée drôle qui s'annonçait, et que rien que cette idée le faisait marrer.

Mike se souvenait de tous les moments qu'il avait passé avec Annie. Enfin, pas tous, parce qu'il y en avait eu un bon paquet depuis le temps et qu'à force il aurait été bien en passe de tous les compter. Mais il en avait eu un bon nombre, passant leur temps à rire l'un avec l'autre, ou l'un de l'autre, à se chamailler, à se lancer des piques. Ce n'était pas toujours des choses très cools qu'ils se lançaient, mais ils savaient tout les deux que c'était pour rire. Enfin, encore fallait-il être dans le coup pour le savoir, ça pouvait paraître un peu violent parfois. Mais Mike n'était jamais sérieux avec Annie, comme Annie n'était jamais sérieuse avec lui. Et puis, le temps et les évènements avaient fait qu'ils s'étaient éloignés. Beaucoup, beaucoup éloignés. Au point qu'au bout d'un moment, Annie s'était mise à lancer des regards noirs à Mike. Si, d'abord, le jeune homme n'avait pas compris, sa copine n'avait pas tardé à lui annoncer qu'il existait une rivalité entre elle et McCormick. Mike avait trouvé ça débile que la rousse lui en veuille parce qu'il sortait avec une fille qu'elle n'aimait. Mais que pouvait-il répliquer à ça ? Elle savait pourtant qu'il n'était pas du genre à juger les gens selon leurs affinités avec les autres. Alors non, ce n'était pas parce que sa petite amie n'aimait pas Annie que lui aussi, allait se mettre à la détester. Surtout pas après tous les bons moments qu'ils avaient passé ensemble. Mike l'avait dit à Annie, une fois. Mais elle n'avait rien écouté.  À partir de là, il ne pouvait plus rien faire lui, ce n'était plus de son ressort. Si Annie voulait faire la sourde, eh bien il n'était pas spécialiste en problèmes d'oreille lui.

Aujourd'hui, contre toute attente, ladite sourde était revenue vers lui. Mike n'avait pas vraiment son mot à dire, des fois Annie venait, des fois elle partait, elle vivait sa vie comme elle l'entendait. Mais s'il ne l'avait pas empêché de partir, il ne l'empêchait pas non plus de revenir. Après tout, c'était juste histoire de passer du temps ensemble, l'espace d'une soirée. Il n'était même pas sûr qu'elle continuerait de lui parler le lendemain. Alors il la suivait, sans trop se poser de questions. Arrivés au centre-ville, ils s'engouffrèrent dans des ruelles, se perdant dans ce dédale. Puis, Annie s'arrêta devant une porte qu'elle ouvrit, entra à l'intérieur, suivit de Mike. Même si elle connaissait, il ne lui faisait pas confiance, c'était un coin bizarre. « Il est bien caché ton bar. » il n'était jamais venu là. Pourtant, il avait tourné et viré dans la ville des centaines de fois, dans des coins sombres comme dans des coins plus fréquentés. Mais celui-là, non, il ne connaissait pas. C'était limite un peu flippant, même la rousse avouait ne pas bien connaître l'endroit, n'étant venue qu'une fois.

Ils entrèrent et au premier abord Mike ne remarqua rien. C'était un bar qui semblait normal, avec des gens qui parlaient, dansaient, riaient. Il y avait du bruit, mais ce n'était pas comparable à une boite de nuit. Finalement, Mike était plutôt d'accord pour passer la soirée là. Ils s'avancèrent vers le comptoir, et soudain Annie se mit à rire. Mike ne comprit pas, il fronça les sourcils, attendant qu'elle s'explique. Est-ce qu'il avait fait une blague sans s'en rendre compte ? Non, il n'avait même pas parlé. Est-ce qu'il..Ou est-ce qu'elle devenait folle ? Oui, ce devait être ça, elle pétait un câble. Peu importe ce qui se passait dans sa vie ces temps-ci, elle avait de toute évidence besoin de se détendre et de rire un bon coup.
Et puis Mike comprit. Son regard tomba sur deux personnes, qui s'embrassaient. Jusque là, rien d'anormal. Mais c'étaient deux femmes. Du moins, il imaginait, au vue de leurs longs cheveux. Si ce n'était que ça, ça n'aurait pas dérangé Mike. Il n'avait rien contre les lesbiennes, chacun fait comme il veut. Mais d'autres personnes se roulaient elles aussi des pelles, un peu plus loin. Des hommes entre eux, des femmes entre eux. En fait, il y avait tellement d'homosexuels qui se serraient et se léchaient les amygdales que Mike commençait à douter de l'endroit dans lequel ils étaient arrivés. Il se tourna vers Annie,  « t'es sûr que c'est un bar ? » plutôt un lieu de rendez-vous pour gays invétérés. Le genre de bar que Mike respectait, mais de loin, du moment qu'aucun gay ne venait l'accoster pour partager une danse avec lui. Or là, ils étaient en plein dedans.

On pouvait au moins dire que, pour une surprise, c'était une surprise. Mais le comble dans l'histoire était que l'arroseur se retrouvait arrosé, puisque même Annie ne s'attendait pas à rappliquer dans un bar...gay. Mike ne savait même pas qu'il en existait dans leur ville, il n'était jamais entré là et pourtant il avait parcouru la ville en long, en large et en travers depuis qu'il y vivait. C'était..eh bien ce n'était pas dans cet endroit qu'il pensait passer la soirée. Il s'était imaginé la soirée basique, à boire un peu, à déconner, à rentrer pompette et ne plus y penser le lendemain matin. Ça pouvait toujours marcher, dans un bar gay. Un défi de plus à ajouter à leur compte. Après tout, c'était Annie qui le voulait, c'était elle qui l'avait amené ici. Il jeta un coup d'oeil à la rousse, un brin suspicieux. Peut-être qu'elle lui cachait quelque chose et essayait de lui faire comprendre subtilement la chose en lui envoyant divers messages. Si c'était le cas, elle pouvait au moins être rassuré : Mike se doutait de quelque chose. (je sais qu'il se passe quelque chose avec Amy donc chut) Elle voulait peut-être serrer un gay ici, pour se changer un peu de la routine habituelle. Ou une fille, tiens, là ce serait innovant, il était à peu près sûr qu'elle n'avait jamais essayé. Il sourit à ses bêtises, celles d'Annie surtout. Ouai, lui en fille, on y croyait. « T'as raison, très convaincant. Et j'irais en serrer une autre dans les couloirs. » il rit légèrement. Ce ne serait pas une soirée tranquille, rien qu'à voir la tête des gens qui étaient là, on ne venait pas ici pour se reposer. Tout ce dont il avait envie. Il voulait se changer les idées, voir autre chose, retrouver la Annie qu'il connaissait si bien, leurs conneries et leurs bêtises. Il voulait passer une bonne soirée à s'amuser, simplement. Il se tourna vers la rousse, lui fit un petit sourire malicieux, sa petite idée en tête. « Annie McCormick je te mets au défi de passer la soirée ici! » Il jeta un oeil autour d'eux, remarquant quelques gars et filles, comme des octuplés qui les regardaient de loin. Ils allaient bien rire. En fin de compte, il trouvait qu'Annie allait plutôt bien dans le décor. Il s'approcha du bar, s'assit sur l'une des chaises hautes et commanda deux bières pour se vivifier. Il payait la première tournée, mieux valait commencer doucement.

Peut-être qu'il fait une connerie, peut-être qu'Emily lui en voudra, de passer à nouveau du temps avec Annie. Mais il estime que leurs chamailleries de petites filles ne le concerne pas, et si ça n'a pas empêché Annie de l'ignorer pendant de longs mois, aujourd'hui il se laisse le droit de revenir vers elle. Après tout il ne s'engage dans rien. Est-ce à nouveau de l'amitié? Il n'en sait rien, ce n'est que du temps passé ensemble, quelques plaisanteries et regards échangés, rien de concret. Alors Annie l'emmène avec elle, lui qui ne sait pas quoi faire de sa soirée, qui attend là, que quelque chose se passe dans sa petite bourgade tranquille. Et ils s'enfuient en pleine nuit, parcourant à pieds la ville et ses rues sombres, faisant naitre un sentiment d'évasion qui plait à Mike. Personne ne sait, ça donne comme un goût d'aventure à leur soirée. Un goût d'interdit, puisqu'aux dires de certains ils ne sont pas sensés se côtoyer. Foutaises, qu'on essaie d''empêcher Mike de faire ce que ses envies lui dictent.
Et il s'amuse, là, dans ce bar peu commun, il retrouve les surprises et les imprévus qui leurs appartenaient avant, quand ils n'en avaient rien à faire de fréquenter les bonnes ou les mauvaises personnes, d'être supposé se voir ou non. Il commande son verre, à lui, à elle, parce qu'il se souvient encore de ce qu'elle prend habituellement. Il rit à ses blagues, en fait ce ne sont même pas des blagues mais ce qu'elle peut sortir comme bêtises, parfois, Annie McCormick. Il l'aime bien, lui, il saisit pas pourquoi elle se prend autant la tête avec Emily. À vrai dire, ça l'agace, toutes ces histoires. Lui il est là, le cul entre deux chaises, à ne pas trop savoir que faire, c'est un coup à en vexer une inévitablement ça, mais qu'est-ce qu'il peut faire lui. Alors finalement, est-ce ça, qu'ils vont devoir faire, se voir en secret ? Ils se sont déjà retrouvé au casino, quand sa petite-amie n'était pas là, d'ailleurs il soupçonne Annie d'avoir profité de l'absence d'Emily pour venir lui toucher deux mots. C'est une chose qu'elle semble oublié, parfois, que son ennemie à elle est sa copine à lui. Alors il se sent obligé de lui rafraichir la mémoire, puisque apparemment elle a oublié. « Eh, je te rappelle que j'ai une copine. » il veut bien être dans un bar gay, boire un verre ou deux, mais il n'faut pas trop pousser non plus. C'est un jeu dangereux dans lequel Annie l'attire et il est bien décidé à ne pas tomber dedans. « Moi, contrairement à toi. » il ajoute, pour pimenter la discussion. Ils n'ont jamais vraiment eu l'habitude de se confier, de parler de choses sérieuses, de parler tout court d'ailleurs. Leur essence, à eux, c'est plutôt les vannes, les farces, les piques et les conneries. Parfois ça va trop loin, ils se piquent et se blessent, mais au fond ils ne sont jamais sérieux. Pourtant Mike sait, pour la vie chaotique d'Annie, même si elle la lui a toujours un peu cachée, même s'ils ne se prennent jamais au sérieux et trouvent matière à plaisanter à propos de tout.