Lorenzo passait dans le quartier pour récupérer quelques affaires à lui, dans cette maison qui n'était désormais plus la sienne. Le divorce était toujours en cours, finalement choisir Adrian comme avocat s'avérait peut-être un mauvais choix, car celui-ci était peu disponible. D'un autre côté, ce n'était pas plus mal. Lorenzo avait encore du mal à accepter l'idée qu'il était séparé de Summer. Alors divorcé, ce mot sonnait encore plus vilain, il préférait d'abord s'accommoder à la séparation, avant d'accepter le divorce. Qu'on ne se méprenne, il savait pertinemment que leur décision était la bonne, leur couple ne fonctionnait plus. Néanmoins, il ressentait ce petit pincement au coeur, en pénétrant dans cette maison remplie de souvenirs. Summer l'avait prévenu qu'elle serait absente, et ce n'était pas plus mal. Probablement l'avait-elle fait exprès, afin d'éviter toute rencontre gênante. Il avaient déjà du mal à se saluer normalement au lycée. Quelle idée, d'être marié à une collègue.

En sortant de chez lui, une valise à la main, il aperçut son ancienne voisine Natalie devant chez elle. Vite, il lança sa valise dans sa voiture, et se dépêcha pour la saluer. Au début amis, ils s'étaient éloignés au fil du temps, la rumeur avait couru à l'époque que Natalie s'était épris de lui. Encore jeune marié en ce temps là, il ne s'était pas enorgueilli de la rumeur, et fut plutôt soulagé que Natalie l'évite. Aujourd'hui, il regrettait cette ancienne amie qu'il avait tant appréciée. « Natalie ! » Il la rattrapa dans l'allée de chez elle, avant qu'elle ne puisse disparaître à nouveau, comme il l'en soupçonnait d'habitude. « Comment vas-tu ? Ça fait un bail ! » Ironique, quand on considère que ces deux là furent voisins un sacré moment. Mais il préféra ne pas revenir sur ce sujet. Seul le présent importait désormais.

Natalie resta silencieuse quelques secondes, avant de lui répondre. Lorenzo craint d'avoir eu une parole déplacé, pourtant il n'avait prononcé que quelques mots pour l'instant. A moins qu'elle ne soit déjà au courant de la mise à jour de sa situation maritale, et qu'elle n'ait pris le parti de Summer. Finalement, Natalie rompit le silence, permettant à Lorenzo de comprendre qu'elle n'était pas au courant. Séminaire ? Pourquoi Summer avait-elle donc menti ? Il osait espérer que ce mensonge - dont il ne pouvait même pas s'enorgueillir - datait d'avant leur décision de séparation définitive. Summer pouvait très bien, à l'époque, mentir afin de cacher leurs soucis évidents. Désormais, la procédure de divorce s'engageait, quel besoin d'un "séminaire" ? Néanmoins, il ne souhaitait pas décrédibiliser sa pas-encore-ex-épouse. « Euh oui, je suis revenu. » Il espérait vivement que Natalie ne formule aucune question à propos dudit séminaire, ne souhaitant pas s'enfoncer désespérément dans ce mensonge. Alors, vite, il choisit d'engager la conversation sur un nouveau sujet. Sur le premier sujet qui lui vint à l'esprit. « Je ne sais pas si tu l'as revue, depuis, enfin si elle t'en a parlé, mais Summer et moi avons décidé de divorcer. » Ces mots tellement pompeux l'agaçaient quelque peu, ils donnaient à leur situation un ton cérémonial, alors que l'heure n'était pas à la fête. Même si leur mariage se trouvait désormais derrière eux, même s'il était vécu, consommé, terminé, Lorenzo prenait cette rupture avec douleur. Se retrouver seul dans cette chambre d'hôtel déclenchait chez lui une crise d'approche de la trentaine, et se retrouver célibataire à cet âge ne lui revenait toujours pas. Néanmoins, une telle remarque devant Natalie serait vraiment déconvenue. Cette dernière se trouvait dans la même situation. Probablement pourrait-elle le comprendre, alors, mais il préférait ne pas causer de peine inutile. Il était de connaissance commune que son ancienne voisine vivait assez mal le manque d'homme dans sa vie.

Natalie remarqua lorsque Lorenzo tiqua un moment alors qu'elle lui parlait du séminaire. Elle haussa les sourcils, attendant la réponse de son voisin. Il finit par lui répondre que oui, il était revenu, avant de rapidement enchaîner sur une nouvelle qui ne laissa pas Natalie de marbre.
- Je ne sais pas si tu l'as revue, depuis, enfin si elle t'en a parlé, mais Summer et moi avons décidé de divorcer.
La jeune femme en resta bouche bée. Elle n'était pas au courant de ça, personne ne lui en avait parlé. Pourtant, Erica devait forcément être au courant puisqu'elle était élève dans le lycée où Lorenzo et Summer travaillait.
- Je... Non, je n'était pas au courant.
Natalie tenta de sourire. Malgré cette nouvelle, elle était toujours aussi gênée en présence de Lorenzo. Il était à présent libre, du moins c'est ce qu'elle pensait, mais elle l'avait fui pendant 2 ans. Difficile d'effacer ce qu'elle ressentait pour lui pendant tout ce temps. Elle passa une nouvelle fois la main dans ses cheveux, jetant quelques coups d'oeil dans la rue derrière Lorenzo.
- Hum... tu veux... tu veux rentrer ?
Natalie indiqua la maison derrière elle. Elle lui proposait plus par politesse que par autre chose, ne voulant pas passer pour une mauvaise voisine. Les rumeurs allaient vite par ici et une fois qu'une était lancée, impossible de l'arrêter.
- Et, hum... Je suis désolée pour... ton divorce et tout ce que ça entraîne...
Elle ne l'était pas vraiment. Intérieurement, elle était plutôt réjouie, elle pensait enfin avoir une chance avec lui. Mais elle n'en montrait rien. Mais elle voulait se montrer polie, comme l'amie qu'elle avait été avant qu'elle ne commence à le fuir.

Lorenzo ne s'attendait pas à une telle proposition. Celle qui l'évitait comme la peste depuis 2 ans, lui proposait carrément d'entrer chez elle. Il la regarda interloqué, croyant d'abord à une blague, l'imaginant déjà lancer "mais nan je déconne, maintenant dégage de mon allée !". Mais elle n'en fit rien, et enchaîna même sur son divorce. Bizarrement, Lorenzo ressentit de la gêne, il ne s'attendait pas à une telle compassion de la part d'une amie à qui il ne parlait plus depuis si longtemps. Dès son arrivée, il avait rapidement lié amitié avec cette voisine fraiche, qui le faisait rire. Lorenzo avait toujours aimé rire. Et du jour au lendemain, Natalie était devenue distante, sans que Lorenzo ne sache jamais quelle parole l'avait blessée, quel mot de travers l'avait offensée. Alors, aujourd'hui, agir comme si de rien était le laissait perplexe, mais il ne souhaitait pas gâcher cette chance, qui ne se reproduirait certainement pas de sitôt. « Avec plaisir, j'ai bien envie que tu me racontes ce que tu deviens ! » Sa voix enjouée trahissait son enthousiasme, celui de retrouver une ancienne amie.

Il la suivit à l'intérieur de la maison, et se rappela soudainement qu'il ne l'avait même pas remerciée. « Au fait, c'est gentil de, enfin d'être désolée quoi. J'ai encore du mal à m'y faire, au divorce. J'avais peut-être l'air d'en parler de façon dégagée, mais redémarrer ma vie de zéro, tout seul, c'est vraiment bizarre. » lui confia-t-il, profitant de l'intimité de la maison, largement préférable à la rue. Il avait appris, ici, que buissons, palissades, trottoirs ...possédaient des oreilles, et ne manquaient jamais de répéter, déformer et amplifier tout ce qu'ils entendaient.

Natalie venait de proposer à Lorenzo d'entrer chez elle et attendait sa réponse. Qui fut finalement positive, après un petit temps d'hésitation. Intérieurement, Natalie souffla. A l'intérieur de sa maison, les murs n'avaient pas d'oreilles. Et puis Maxim et Erica n'étaient pas là, ils allaient être seuls.
Elle rentra chez elle d'un pas assurée, suivie par Lorenzo. Elle ouvrit la porte et la tint lorsque Lorenzo rentra. Avec un sourire et un geste de la main, elle lui indiqua le salon.
- Au fait, c'est gentil de, enfin d'être désolée quoi. J'ai encore du mal à m'y faire, au divorce. J'avais peut-être l'air d'en parler de façon dégagée, mais redémarrer ma vie de zéro, tout seul, c'est vraiment bizarre.
Natalie acquiesça en silence. En vérité, elle n'était pas vraiment désolée. Elle était plutôt heureuse que l'homme pour qui elle avait le béguin depuis 2 ans soit enfin libre. Tandis qu'il s'installait dans le salon, Natalie se dirigea vers la cuisine, lui proposant en chemin :
- Tu veux boire quelque chose ? Un café, peut-être ? Ou tu préfères une bière ?
Le temps que Lorenzo lui réponde, la jeune femme était déjà dans la cuisine. Elle hocha la tête à la réponse de Lorenzo, attrapa un plateau et y posa leurs boissons. Elle prit ce dernier d'une main et arriva au salon, le posa sur la table basse et s'assit sur le canapé, à côté de Lorenzo.
- C'est drôle, je n'étais pas au courant de ton divorce. A croire que les rumeurs ne circulent pas assez par ici !
Natalie émit un léger rire à son propre blague. Les rumeurs circulaient parfaitement bien à Magnolia. Quel comble qu'elle ne soit pas au courant ! La journaliste se baissa, attrapa sa bière, la décapsula et but une gorgée. Elle passa une nouvelle fois sa main dans les cheveux, geste qui commençait à devenir une obsession. Mais c'était la façon de Natalie de montrer sa gêne. Oui, elle était gênée en présence de Lorenzo mais elle essayait de ne rien laisser paraître et de détendre l'atmosphère entre les deux anciens amis.

Il la suivit jusqu'au salon, puis se surprit de la proposition de Natalie. Une bière ? Lorenzo, en garçon très vieux jeu, n'était pas habitué à voire des bières avec une femmes, comme il pouvait cependant le faire avec des potes. Il choisit pourtant la bière. « Va pour une bière, si tu m'accompagnes ! » Hors de question de boire seul. Il ne comprenait toujours pas son choix, mais il en avait bien besoin. Il savait qu'en entrant ici, il serait amené à parler de son ancien couple, de son divorce, et une telle discussion nécessitait au moins une bière.

Quand Natalie revint avec les deux boissons, il attrapa la sienne pour en boire une gorgée aussitôt. Il avait soif. Il ne se souvenait pas de la dernière fois où il était venu ici comme ça, de la dernière fois où Natalie et lui avaient passé du temps ensemble. Dire qu'il avait attendu son divorce pour retrouver son amie, c'était idiot. Mais cette décision l'avait aidé à réaliser ce qui comptait vraiment. Il avait repris contact avec bien des gens, avait été franc avec d'autres ... A 30 ans et futur divorcé, il comprenait combien le temps était précieux. « Vraiment ? Pourtant nous ne nous en sommes pas cachés ! Mais j'imagine que nous ne sommes pas le couple le plus intéressant pour les commérages, Summer et moi étions un couple banal, normal » Parler d'elle, d'eux, au passé le refroidissait, il eut besoin d'une nouvelle longue gorgée de bière. « Nat, j'étais en train de me demander : c'était quand la dernière fois qu'on a passé du temps comme ça ? Je suis incapable de m'en souvenir. » avoua-t-il avant de porter à nouveau sa bière à sa bouche. Il ajouta aussitôt « En quittant la maison pour prendre une chambre à l'hôtel, je me suis retrouvé seul, et j'ai réalisé que j'avais laissé bien des gens de côté, sans m'en rendre compte. Divorcer, ça fait vraiment réfléchir tu sais, sur les choix qu'on a pu faire. » Il ne savait pas pourquoi il racontait ça, peut-être pour s'excuser de l'avoir oublié si facilement. Ou alors, formulait-il simplement à haute voix les pensées qui traversaient son esprit.

Lorenzo accepta de boire une bière à une condition : que Natalie en prenne une également. Après avoir sorti deux bières du frigo, elle rejoignit Lorenzo au salon et commença la conversation. Tandis qu'elle l'informait qu'elle n'était absolument pas au courant de son divorce, il lui répondit qu'il était étonné. Elle hocha la tête à sa réponse, le silence s'installa un bref instant entre eux. Lorenzo le brisa, replongeant Natalie dans sa gêne.
- Nat, j'étais en train de me demander : c'était quand la dernière fois qu'on a passé du temps comme ça ? Je suis incapable de m'en souvenir.
- Je.. euh... Je ne m'en souviens pas non plus !
La jeune femme tenta de sourire. Elle savait très bien combien de temps ils n'avaient pas passé ensemble : 2 ans. 2 ans qu'elle le fuyait, 2 ans qu'elle avait le béguin pour lui. Natalie but une nouvelle gorgée de bière à l'instar de Lorenzo. Il finit par reprendre la parole.
- En quittant la maison pour prendre une chambre à l'hôtel, je me suis retrouvé seul, et j'ai réalisé que j'avais laissé bien des gens de côté, sans m'en rendre compte. Divorcer, ça fait vraiment réfléchir tu sais, sur les choix qu'on a pu faire.
Natalie hocha la tête, feignant la compassion. En vérité, elle mourrait d'envie de lui dire de venir habiter ici, qu'une chambre était libre mais... elle n'eut pas le courage. A la place, elle posa sa main sur l'épaule de Lorenzo et plongea son regard dans celui de l'homme qui lui plaisait.
- Je te comprends, Lorenzo. Je t'aurais bien dit de venir ici mais...
Elle s'arrêta un instant, n'osant pas formuler ses pensées. Devait-elle lui dire que s'il emménageait ici, elle ne pourrait pas s'empêcher de... de quoi, d'ailleurs ? De l'embrasser ? De lui sauter dessus ?
- Ça te gênera sûrement d'habiter en face de ton ancien chez-toi.
C'était une excuse bidon, certes. Mais elle n'avait rien d'autre de mieux en réserve. Et si jamais ça ne le dérangeait pas, lui proposerait-elle de prendre la chambre de libre ? Que penserait Maxim de ça ? Il verrait sûrement Lorenzo d'un mauvais oeil et lui reprocherait tous les vendredis-déprime de Natalie. La jeune femme n'osait pas bouger. Au bout d'un moment, elle retira sa main de l'épaule de Lorenzo et attrapa sa bière. Elle en but une gorgée et la reposa sur la table basse. Levant les yeux vers Lorenzo, elle s'aperçut qu'il l'observait. Elle lui sourit, mourant d'envie de l'embrasser. Mais elle se retint, ne sachant pas si ses sentiments étaient réciproques. Ils ne devaient sûrement pas l'être... Avec la chance qu'elle avait en amour ! Natalie baissa les yeux, de plus en plus gênée par le silence qui pesait dans le salon.

Lorenzo fut très surpris par la réponse de Natalie. Pas une seconde il ne s'était imaginé ou n'avait eu envie de venir emménager ici. Pas qu'il n'appréciait pas la compagnie de son amie, seulement habiter face à chez son ex, comme elle l'ajouta ensuite, était très malvenu. Chez une autre femme en plus, et chez une ancienne élève aussi. Et puis, même s'il appréciait la compagnie de la jeune femme, leur relation était loin de celle requise pour une colocation. Il resta un moment silencieux, cherchant une réponse appropriée tandis que la main de Nat - posée sur son épaule - le gênait de plus en plus. Elle finit par bouger, et il réalisa qu'il la faisait patienter depuis un peu trop longtemps peut-être. « Exactement, même si Summer et moi sommes en parfait terme, il faut que je redémarre tout de zéro, seul. » Il but une gorgée de bière. « Mais c'est très étrange de ne plus avoir de "femme à la maison" » Ni de maison, d'ailleurs ! Il sourit. Lorenzo avait toujours été débrouillard, ayant vécu longtemps seul, quand il était arrivé à Magnolia une dizaine d'années auparavant. Il était naturellement capable de préparer un repas - personne n'en doutait - mais également de tenir une maison. La 44 ayant été la sienne il fut un temps. Néanmoins, le vide laissé par l'absence Summer, le manque de sa présence, était difficile à combler. Il réussissait à vivre seul, sans souci. Mais dire qu'il en avait envie était radicalement différent.« Mais c'est vrai que je ne suis pas fait pour vivre seul, aussi ! » Il rit. « En fait, c'est surtout que quand tu t'habitues à vivre avec quelqu'un, te retrouver seul est bizarre. Je ne parle plus à personne, c'est frustrant ! » Il laissa une pause avant de trouver une illustration. « Regarde, si Maxim et Erica déménageaient du jour au lendemain, ça te semblerait étrange non ? »

Lorenzo refusa l'offre de Natalie, ce à quoi elle s'attendait. Il sourit tout de même. Voir ce visage heureux redonna le sourire à Natalie, surtout les adorables fossettes de Lorenzo. Il se mit à rire et Natalie comprit qu'il avait parlé pendant qu'elle le contemplait. Elle rit aussi, ne sachant pas vraiment pourquoi, n'ayant pas écouté ce qu'il venait de dire.
- Regarde, si Maxim et Erica déménageaient du jour au lendemain, ça te semblerait étrange non ?
Natalie hocha la tête et but une nouvelle gorgée de bière. Elle ne pourrait se remettre du départ de Maxim. Elle aimait son frère par-dessus tout et malgré qu'elle déteste le fait qu'il veuille jouer au grand-frère, elle ne pourrait se passer de ses précieux conseils. Avec Erica, c'est... une autre histoire. Surtout depuis ce conflit qui s'est installé entre elles.
- Tu as raison, je n'arriverai pas à m'y faire ! Surtout si je suis célibataire à ce moment... Je me sentirai terriblement seule dans cette grande maison !
Natalie émit un léger rire. Puis elle s'arrêta net lorsqu'elle s'aperçut que c'était ce qu'était en train de vivre Lorenzo. Elle baissa les yeux, cherchant ses mots.
- Je suis désolée... Ça doit pas être facile pour toi.
Natalie leva la tête, un sourire réconfortant aux lèvres. Malgré le fait qu'elle l'avait évité pendant près de 2 ans, leur complicité se réinstallait petit à petit.
- En tout cas, je suis très contente de t'avoir retrouvé... Enfin, je veux dire... passer du temps avec toi à nouveau.
Elle avait beau être journaliste, Natalie était mal-à-l'aise avec les mots. Surtout en présence de l'homme qui lui plaisait depuis plusieurs années. Elle sourit maladroitement et but à nouveau, finissant ainsi sa bière.

Lorenzo se raidit net, quand Natalie souligna qu'elle ne se ferait pas à une situation où elle serait seule chez elle ... La situation que Lorenzo vivait en ce moment même, en somme. Il esquissa un sourire quand elle s'excusa, mais le geste était forcé, le coeur n'y était plus. Elle n'avait pas tort, être seul, c'était tellement ... seul. La solitude quand on n'y est pas habitué. « Ce n'est rien ne t'en fait pas. Moi aussi, ça me fait plaisir, de retrouver une ancienne amie. » Il sourit sincèrement. Il est un grand garçon, il risque de faire face à ce genre de remarques bien souvent. S'en formaliser est égoiste.

Le mot "célibataire", prononcé quelques minutes auparavant par Natalie, lui revint alors soudainement en mémoire. Il réalise que, en bon égoiste, il ne s'est même pas inquiété de sa situation sentimentale. Peut-être que, en 2 ans, Natalie a finalement trouvé son prince charmant. « Mais, Natalie, assez parlé de moi ! Je ne t'ai même pas demandé ce que tu devenais, ou si tu avais trouvé quelqu'un ! Je suis trop égoiste. » Il secoue la tête, désolé par lui même. En attendant la réponse de son amie, il termina sa bière, puis la posa sur la table. Est-ce qu'il l'a bue trop vite ? Ah moins que ce ne soit le temps qui défile à une vitesse folle, quand on se trouve avec des gens qu'on apprécie.

Natalie remarqua que Lorenzo raidit lorsqu'elle évoqua son impossibilité de vivre sans son frère et sa sœur. Elle comprit alors que c'était ce qu'il vivait à présent. Elle s'excusa et sourit. Lorenzo lui rendit son geste, ce qui la rassura. Elle avait eu peur qu'il se soit vexé.
- Ce n'est rien ne t'en fait pas. Moi aussi, ça me fait plaisir, de retrouver une ancienne amie.
Natalie hocha la tête. Il avait fallu qu'elle attende son divorce pour lui parler à nouveau, l'inviter chez elle et passer du temps avec lui. Bien sûr, elle espérait bien qu'ils se rapprochent d'une manière... autre que de l'amitié. 2 ans après leur rencontre, elle avait toujours le béguin pour son voisin. Alors que jusqu'à présent, ils avaient parlé de Lorenzo, il décida de changer de sujet.
- Mais, Natalie, assez parlé de moi ! Je ne t'ai même pas demandé ce que tu devenais, ou si tu avais trouvé quelqu'un ! Je suis trop égoïste.
Natalie rougit. Voilà la question fatidique : était-elle toujours célibataire ? Elle ne se gênait pas pour dire à Maxim que sa vie privée ne regardait qu'elle, autant devant Lorenzo, elle se résigna à répondre, d'une voix un peu gênée.
- Je... je suis toujours célibataire.
La journaliste sourit maladroitement. Elle entreprit de croiser les doigts afin de faire partir son stress. Puis de les décroiser, de les croiser à nouveau et ainsi de suite... Elle remarqua ensuite la remarque de Lorenzo et pour la seconde fois aujourd'hui, elle posa sa main sur l'épaule de son voisin.
- Non, voyons ! Tu n'es pas égoïste, Lorenzo, tu...
Elle ne put finir sa phrase, se perdant dans le regard de Lorenzo. Elle venait de se rendre compte que leurs visages étaient assez proche pour tenter un baiser. Elle ne fit rien, ne bougea pas. Elle était bloquée, ne sachant que faire. Si elle tentait de l'embrasser, il la repousserait sûrement. Mais si elle reculait, elle regretterait de n'avoir rien essayé. A la place, elle resta figée, attendant une quelconque réaction de Lorenzo.

Entendre parler d'autre chose que de son divorce lui ferait certainement du bien. A vivre seul dans une chambre d'hôtel sordide, il ne pensait qu'à Summer, qu'à la fin désastreuse de leur mariage. A longueur de journée. Il vivait dans le passé, ressassait ses erreurs, ressassait ses souvenirs, ressassait ... Nina. Nina qu'il voulait revoir depuis le jour où il avait franchi la porte de son ancienne maison, une valise à la main. Nina qu'il n'était toujours pas retourné voir. Elle n'habitait pas loin, c'était les vacances. Il avait laissé traîner, délibérément, prétextant qu'obtenir l'aval de Rose auparavant était la moindre des choses. Le temps passait, elle avait certainement repris le chemin de la fac. Philly n'était pas loin, mais il repoussait l'échéance, toujours plus. Et pour autant, il y pensait tous les jours, toujours plus. Et sa capacité à ne pas s'aliéner le surprenait toujours plus.

Quand Natalie l'informa qu'elle était également célibataire, Lorenzo sourit, intéressé. Ils pouvaient donc se prévoir quelques soirées dans un bar, à boire et à voir qui obtiendrait le plus de numéros de personnes du sexe opposé. Sortir avec Carl, avec Elias ... C'était sympa. Mais avec une femme, une amie c'était cool aussi. Différent. Et elle, au moins, ne risquait pas de lui demander de voler quelque chose à un SDF. Et ça, c'était un avantage. La soirée risquait d'être tout autant inoubliable, mais plus sûre. Et puis, il se sentirait moins vexé si Natalie gagnait face à lui, que si c'était Carl qui obtenait le plus de numéros de filles. Il était plus jeune alors forcément, ça l'avantageait ... (mauvaise foi !)
Perdu dans ses pensées à imaginer la prochaine soirée amicale avec Natalie, il fut pris de court quand elle se rapprocha de lui vivement. Il n'était pas égoïste, mais il ne sut jamais ce qu'il était réellement. Natalie semblait tout aussi perturbée que lui, par leur soudaine proximité. Pourquoi leurs visages étaient-ils si proches ? Il était incapable de l'expliquer. Mais elle était là, leurs regards s'entre-croisaient et lui n'avait pas embrassé une fille depuis quelques semaines. Passé la période "je viens juste de quitter ma femme", se remettre en selle se révéla moins évident qu'il ne l'aurait cru. Alors quand Natalie se tenait juste devant lui, prête à être embrassée, comme si elle n'attendait que ça ... Il l'embrassa. Ses mains attrapèrent son visage pour le coller contre le sien, et il lui donna un long baiser langoureux. Elle le lui rendit, et durant de longues secondes, ils ne se détachèrent plus, ne faisant plus qu'un. Mais quand il réalisa la connerie royale qu'il venait de faire. Il s'écarta aussitôt, lâcha la jeune femme, recula d'elle sur le canapé, et finit même pas se lever. « Natalie, excuse moi, je n'aurais pas dû ... »

Perdue dans le regard de Lorenzo, Natalie n'attendait plus qu'une chose : que leurs lèvres se joignent dans un baiser inoubliable. Son vœu fut rapidement exaucé. Lorenzo se pencha et l'embrassa langoureusement. Ses mains enveloppèrent le visage de Natalie qui, à son tour, posa ses mains sur le torse de Lorenzo. Elle pouvait sentir son torse se soulevait au fil des respirations de celui qu'elle était en train d'embrasser. Pendant un moment, ils restèrent l'un contre l'autre. Un moment magique pour Natalie. Puis Lorenzo brisa leur étreinte, se reculant puis finissant par se lever du canapé sur lequel ils étaient assis.
- Natalie, excuse moi, je n'aurais pas dû...
Lorsqu'elle entendit Lorenzo prononcer ces quelques mots, elle eut les yeux mouillés. Elle attendait ce moment depuis deux ans et maintenant que c'était fait, il s'excusait. De toutes évidences, les sentiments que lui portait Natalie n'étaient pas réciproques. La journaliste ne bougea pas, ne sachant pas comment réagir : devait-t-elle lui avouer son béguin ? Ou faire comme si rien ne s'était passé ?Elle jeta un coup d'oeil aux bières vides, réfléchissant à la situation. Finalement, c'est d'une petite voix qu'elle répondit.
- Lorenzo... Je, hum... Avais-tu réellement envie de ce baiser ?
Elle leva la tête vers lui mais détourna rapidement le regard, ne voulant pas lire l'expression qu'il affichait. Qu'elle était bête de lui avoir posé cette question ! Elle ne supporterait sans doute pas la réponse de Lorenzo, qui sera sûrement négative. Il ne devait ressentir que de l'amitié pour elle, rien de plus. Une larme roula sur la joue de Natalie. Ne voulant pas pleurer devant lui, elle attrapa les bières à présent vides et se dirigea vers la cuisine. Elle s'arrêta, face à l'évier et laissa quelques larmes perlaient sur son visage. Au bout d'un moment, elle entendit des bruits de pas derrière elle et lorsqu'elle se retourna, elle découvrit Lorenzo qui l'avait rejointe dans la cuisine.
- C'est de ma faute, tu n'as pas à t'excuser...
Natalie leva la tête, croisant ainsi le regard bleu de son voisin. Elle ne sut dire ce qu'elle y trouva, détournant immédiatement le regard pour de nouveau se tourner vers l'évier. Quelle cruche elle avait fait !

En embrassant Natalie, il avait totalement ruiné les efforts qu'il venait de faire pour retrouver leur ancienne relation. Il n'osait imaginer l'état d'esprit dans lequel elle se trouvait maintenant, elle qui était si fragile émotionnellement. Il ne savait pas quoi lui dire sans aggraver la situation. Il la connaissait, il savait comment elle fonctionnait, et surtout il était au courant de sa vie amoureuse particulièrement désastreuse. Son ancien ami qui l'embrassait, voilà qui n'irait rien arranger. Lui dire qu'il ne l'aimait pas serait faux, lui dire qu'il ne l'aimait pas comme ça serait blessant. Et dire que ce n'était pas de sentiments amoureux dont il avait besoin le ferait passer pour le dernier des connards. Et bien sûr, s'enfuir sans rien dire n'était pas une option envisageable.

« Natalie, je ... » Elle avait posé une question fatidique, rompu le silence de glace. Mais avant qu'il n'ait pu formuler une réponse convenable, elle disparut dans la cuisine. Il remerciait ce gain de temps, même si sa fuite ne présageait rien de bon. Il aurait préféré qu'elle crie, qu'elle le giffle ou même qu'elle casse ces fameuses bouteilles vides sur sa tête. Qu'elle réagisse, qu'elle lui dise qu'il ne valait pas mieux que tous les hommes qui brisèrent son coeur auparavant. Car c'était exactement le cas. Mais il était également un gentleman, malheureusement, et partir comme ça n'était pas dans ses cordes. Il avait besoin de s'assurer qu'elle allait bien, ou de faire en sorte qu'elle se porte mieux. Même s'il ne savait pas du tout comment faire.

A peine eut-il franchi le pas de la cuisine qu'il regretta d'être venu jusqu'ici, il regretta d'avoir ces principes qui l'empêchaient de partir sur ces entrefaites. « Je ne vais pas m'excuser de t'avoir embrassé. Sauf si ça t'a fait mal, ou si ça t'a vraiment déplu, là alors je m'excuserai » Il tentait en vain de détendre l'atmosphère. « Je ne te dirai pas non plus que je n'en avais pas envie, ce n'est pas vrai. Mais je n'en avais pas envie comme ça. Je te l'ai dit, je me sens seul, je viens de me séparer, mais je suis aussi en plein divorce, je ne suis pas prêt pour ça. » Et pourtant, il ne regrettait pas ce geste. Car, pour la première fois depuis longtemps, Nina lui était totalement sorti de la tête.

Après leur baiser, Natalie s'était enfuie dans la cuisine, voulant cacher ses quelques larmes à Lorenzo. Voilà 2 ans qu'elle attendait ce moment et sa seule réaction était de pleurer. Elle fut vite rejointe par celui pour qui elle avait le béguin. Lorenzo tenta de détendre l'atmosphère sans grande réussite. Natalie avait les yeux fixés sur le fond de l'évier, les mains posaient de par et d'autre du bac. Elle l'écoutait sans bouger, sans parler, le laissant faire. Lorsqu'il lui annonça que dire qu'il n'en avait pas envie était faux, elle releva la tête sans pour autant se retourner. L'espoir commençait à renaître en elle. Lorenzo venait d'avouer qu'il avait eu envie de l'embrasser. Seulement, son sourire s'effaça lorsqu'il finit sa phrase. Il n'était pas prêt pour elle. Après tout, elle le comprenait, il était en train de divorcer, se retrouver complètement perdu. La journaliste finit par se retourner, faisant face à Lorenzo. Si ses yeux étaient rouges, elle ne pleurait plus. Elle ouvrit la bouche, cherchant quoi dire. Devait-elle lui avouer qu'elle attendait ça depuis leur rencontre ? Que si elle l'avait fui, c'était parce qu'elle ne supportait pas le fait qu'elle ne puisse l'embrasser ?
- Lorenzo, je...
Elle fit un pas en avant, croisa ses bras sur sa poitrine, cherchant toujours ce qu'elle devait dire : j'ai adoré ce baiser, par pitié, continue ? ou : j'ai des sentiments pour toi depuis le premier jour, j'attends que tu me remarques depuis le début, par pitié, ne pars pas comme ça, me laissant seule après ce que tu viens de me faire ? Natalie avança encore un peu, se rapprochant petit à petit de Lorenzo.
- Tu n'as pas à t'excuser, alors... Ton baiser est loin de m'avoir déçue...
Sans vraiment réfléchir à ce qu'elle faisait, Natalie posa ses mains sur les joues de Lorenzo, encadrant ainsi son visage. Elle passa ensuite ses doigts dans les cheveux foncés du professeur, ce qu'elle avait toujours eu envie de faire. Elle resta ainsi un moment, elle ne sut cependant pas dire combien. Elle finit par faire redescendre ses mains au niveau du visage de Lorenzo, caressant doucement sa peau. Fermant les yeux, elle se sépara de lui, sans pour autant reculer. Elle espérait toujours qu'il se passe quelque chose entre eux, qu'importe ce qu'il venait de lui dire.

Lorenzo se sentait mal à l'aise, énormément. Il ne savait pas vraiment quoi faire, quelle attitude adopter. Il ne pouvait pas dire à Natalie qu'il la trouvait séduisante et avait envie d'elle. Il ruinerait à jamais leur amitié. Ce divorce avait vraiment des effets néfastes sur lui. Pourtant, quand il résidait encore dans son ancienne maison, ce n'était pas la folie au lit tous les soirs. A peine toutes les semaines. Mais il se sentait plus que frustré. Néanmoins, il n'était pas encore un animal se jetant sur la première femme venue. Surtout si cette femme était une amie. Une amie réputée sentimentalement fragile. Il avait peur de l'avoir chamboulée. Que dans la tête de la jeune femme, elle soit déjà en train d'imaginer leur vie à deux. Il appréciait énormément Natalie, mais niveau coeur, elle lui faisait parfois un peu peur. C'était légitime, après tous les déboires qu'elle avait enduré.

Il lui sourit, il s'attendait naturellement à ce que son baiser ne soit pas mauvais. Il n'avait pas tout perdu de ses talents, quand même. Et le contraire l'aurait d'ailleurs vexé, taillant son égo juste là où ça fait mal. Puisqu'elle n'était pas déçue, il pouvait partir, non ? Il ressentait toujours ce besoin de s'enfuir, il n'était pas encore assez idiot pour rester dans cette intimité trop pesante. Mais Natalie se rapprocha de lui, il distingua ses yeux rouges sur son visage pâle, elle avait pleuré à cause de lui. Il faillit tressaillir, mais cessa de respirer, de penser, de réagir, quand elle posa ses mains sur son visage. Allait-elle l'embrasser à nouveau ? Il en avait envie, la tension était beaucoup trop palpable. Il se contrôlait - difficilement - pour ne pas reprendre là où ils s'étaient arrêtés dans le salon. Finalement, elle ôta ses mains, Lorenzo soupira en silence, laissant s'échapper la pression. « Natalie, je suis vraiment désolé » Contre toute attente, il la prit dans ses bras. Il était désolé, de l'avoir perturbée, qu'elle ne trouve pas d'homme qui la comble ... De tout et n'importe quoi. Mais il était surtout désolé, de lui offrir ses bras, alors qu'elle semblait désirer autre chose. Offrir l'amitié, à qui souhaite l'amour, est comme donner du pain, à qui meurt de soif. Mais Lorenzo n'avait que ça en stock.

Elle avait fui dans la cuisine et il l'y avait rejointe. L'espoir renaissait en elle, Natalie espérait encore qu'il tombe sous son charme. Mais elle se berçait d'illusions, et une petite partie en elle le savait. Néanmoins, elle tenta une nouvelle approche, posant ses mains sur le visage de Lorenzo, se rapprochant encore de lui. Mais il ne tenta rien, aussi se sépara-t-elle de lui. Alors qu'elle s'apprêtait à le faire partir, ne supportant plus une nouvelle fois être dans la même pièce que lui sans pouvoir le toucher comme elle le voulait, il l'attrapa et déploya ses bras autour de la trentenaire. Ils faisaient à peu près la même taille, aussi Natalie avait sa tête pile au niveau de l'épaule de Lorenzo. Elle posa sa tête dessus, passant aussi ses bras derrière lui. Puis il s'excusa et elle comprit qu'il n'allait rien ne lui offrir plus que de l'amitié. Elle ne bougea pas, mettant au clair la situation dans sa tête. Il avait l'air de lui faire comprendre qu'il ne voulait être que son ami, pourtant elle avait décelé quelque chose de nouveau dans son regard lorsqu'il posait ses yeux sur elle. Se faisait-elle des films ? Certainement. Repoussant cette idée, elle lui parla d'une petite voix, douce et qui se voulait rassurante, sans pour autant bouger des bras réconfortants de Lorenzo.
- Ne t'excuse pas. C'est moi. Je... je t'ai fait entrer parce que j'espérais que ça se produise.
Elle allait lui dire. Elle allait lui avouer qu'elle n'avait d'yeux que pour lui depuis 2 ans. Elle allait lui révéler qu'il était sa principale source de conflits avec Maxim, peut-être même la seule. Comment réagirait-il ? Elle ne voulait pas le savoir. Natalie garda sa tête sur l'épaule de Lorenzo, ne voulant pas voir son visage lorsqu'il entendrait ce qu'elle allait lui apprendre.
- Lorenzo si... si je t'ai évité depuis 2 ans c'est parce que...
Sa voix était à présent chevrotante, une boule s'était formée dans sa gorge. Elle n'arrivait pas à dire ses sentiments à haute voix. Elle avait peur de comment il allait réagir lorsqu'il saurait. Il prendrait sûrement ses jambes à son cou... Natalie sentit ses yeux s'humidifier et voulu finir ce qu'elle avait commencé avant de verser un torrent de larmes.
- Parce que tu me plais. Parce que depuis qu'on s'est rencontré, je... j'éprouve des sentiments... amoureux pour toi. Et ce, depuis 2 ans. Je t'ai fui, évité, ignoré... tout simplement parce que je ne supportais pas de te voir sans pouvoir te crier ce que je ressentais, ou même te voir avec une autre femme...
Natalie ne bougea pas même si elle mourrait d'envie de se cacher dans un trou et de ne plus jamais en sortir. Elle tenta de sourire, plus pour elle-même que pour Lorenzo mais n'y arriva pas. Une larme roula, puis deux... Elle se trouvait stupide de pleurer pour quelqu'un comme lui, quelqu'un qui n'allait pas ressentir les mêmes sentiments qu'elle. Finalement, avant qu'il ne fasse quoi que ce soit, elle sortit une dernière phrase.
- Tu dois me prendre pour une folle. Excuse-moi...
Elle attendit ensuite la réaction de Lorenzo. Ce temps lui parut une éternité qui n'allait jamais finir mais il finit par réagir au bout d'un moment, arrachant un soupir à Natalie.

Lorenzo s'attendait à tout, sauf à ça. Il imaginait simplement que Natalie s'attachait très facilement aux hommes, et qu'elle venait de jeter son dévolu sur lui, à l'instant, en découvrant qu'il devenait disponible. Mais en fait, elle s'était entichée de lui depuis des années, contre tout attente. Il n'avait rien vu venir. Sous le choc, il fit un pas en arrière, comme pour s'éloigner et se protéger d'elle. Il n'était pas disponible, une seule femme connaissait la formule magique pour ouvrir son coeur. Il se sentait désolé pour Natalie, désolé de ne pouvoir lui offrir ce qu'elle souhaitait.

« Mais non je ne te prends pas pour une folle. » Il se passa la main dans les cheveux, gêné au possible. « C'est juste que, je n'avais pas vu ça venir, je m'attendais à tout sauf à ce genre de révélation. » Elle aurait pu lui annoncer mille et une révélations douteuses plus crédibles que celle là : homosexualité, changement de sexe, chômage, manque d'argent ... tout plutôt que "je suis sous le charme de mon voisin depuis deux ans". « Mais pourquoi moi, pourquoi pendant deux ans ? » Il avait presque envie de se tirer les cheveux tant cette histoire manquait de toute cohérence.

Lorenzo était choqué par la révélation qu'elle venait de lui faire et elle pouvait comprendre. Il lui posa une question à laquelle elle ne sut répondre. Alors, pour noyer le poisson dans l'eau, Natalie repassa au statut de bonne amie. Du moins, elle essaya. La jeune femme venait de se "prendre un vent" et elle ne voulait pas s’apitoyer plus sur son sort. Elle avait été stupide de penser qu'elle aurait pu plaire à un homme comme Lorenzo, son frère avait raison. Natalie sourit, ou du moins essaya. Elle fit quelques pas et s'assit sur l'une des chaises qui se trouvaient autour de la table. Et à ce moment, elle ne sut pourquoi, elle explosa de rire, elle partit dans un fou rire incontrôlable. Le stress, sûrement. La déception, sans doute. Se prendre un râteau par le beau Lorenzo lui avait griller les neurones, voilà qu'elle riait sans raison. Natalie tenta de se contrôler, pour ne pas passer pour plus stupide devant lui. Elle y arriva, au bout d'un petit moment.
- Excuse-moi, Lorenzo, vraiment. Je sais pas ce qui m'a pris !
Elle leva les yeux vers lui, un sourire aux lèvres. Bon, elle ne l'intéressait pas, mais peut-être pouvaient-ils être encore amis ? Secouant la tête, Natalie passa une main dans ses cheveux bruns. Elle chercha quelque chose à dire, en vain. Puis, pour je ne sais quelle raison, elle sortit la plus grosse bêtise qu'elle aurait pu dire.
- Sinon... tu as des amis célibataires ?
Quand elle s'aperçut de ce qu'elle venait de dire, Natalie tenta de se rattraper en sourires et passages de mains dans les cheveux. Elle finit par poser ses mains à plat sur la table, souriant toute seule. Qu'est-ce qu'elle était bête ! Mais qu'est-ce qu'il lui faisait perdre la tête !
- Hum... Non... Je...
Elle s'embrouillait, bégayer. Puis Natalie finit par enfouir sa tête dans ses mains, honteuse de son comportement face à Lorenzo. Il devait sûrement la prendre pour une folle à présent. Mais comment devait-elle agir avec lui ?

Lorenzo mourait d'envie de partir. Aussitôt Natalie lui aurait-elle répondu à sa question, qu'il s'excuserait et filerait vite. Ce serait mieux pour lui, mais aussi pour la jeune femme. La gêne se lisait sur son visage, l'italien s'en voulut même de l'importuner avec sa question déplacée. A vrai dire, elle était sortie sans qu'il y réfléchisse, motivée par la surprise et l'étonnement. Désormais, il aurait tout donné pour la reprendre. D'ailleurs, Natalie ne répondit pas vraiment et resta évasive. Tant mieux. Lorenzo se redressa sur ses deux jambes, prêt à trouver une excuse idiote pour partir. Ou alors dire la vérité serait sans doute mieux. Les quelques secondes où il hésita suffirent à Natalie pour revenir à la charge. Il fit les gros yeux,ce revirement de situation le surprenait encore plus que la nouvelle précédente. « Euh ? Excuse moi » dit-il en se frottant le visage pour sortir de son mutisme. « Là comme ça, non je ne crois pas ... » Elle bégaya à son tour, ils avaient l'air fins tous les deux. Alors, Lorenzo décida d'agir en adulte. Il se rapprocha de Natalie, mais pas trop afin de ne pas la gêner, et lui parla comme un ami. « Le célibat commence à te peser ? » il espérait que la jeune femme serait honnête avec lui, même si cette discussion n'était pas facile. Il soupira, se lancer en premier aiderait peut-être Natalie à suivre. « Je te comprends, je passe la trentaine dans quelques mois, je me retrouve divorcé, alors que je m'imaginais plutôt marié avec des enfants, pour ce cap là. » lui avoua-t-il, penaud.

Natalie releva la tête et croisa le regard de Lorenzo. Oui, elle le trouvait toujours aussi beau. Oui, il lui plaisait toujours autant. Mais elle savait à présent qu'il ne se passerait jamais rien entre eux. Alors petit à petit, Natalie commençait à voir Lorenzo comme un simple ami. Il finit par lui demander si le célibat commençait à peser sur elle et par se confesser. Natalie hocha la tête tout en l'écoutant. Elle aurait voulu le prendre dans ses bras, lui prendre la main, juste pour le réconforter, comme elle le faisait avec Maxim. Mais cela serait sûrement déplacé. Alors elle se ravisa et avala sa salive avant de parler elle aussi.
- Énormément. J'ai trente ans passé, je n'ai pas de copains et encore moins d'enfants, je vis encore avec mon frère et ma soeur. Certes j'ai un boulot stable et où je suis ma propre patronne mais cela ne suffit pas à me rendre suffisamment heureuse.
Elle regarda Lorenzo, en espérant qu'il la comprenne. Après tout, ils étaient tous les deux trentenaires et leurs vies familiales et amoureuses n'étaient pas vraiment fabuleuses. Mais peut-être qu'un beau jour, ils rencontreront tous les deux une personne qui acceptera de les épouser. Et en bons amis qu'ils sont, dans dix, vingt ou même trente ans, ils se réuniront et se rappelleront de cette après-midi catastrophique où ils avaient déprimés après s'être embrassés. Oui, une après-midi catastrophique. Natalie ne voyait pas comment appeler ce qui venait de se passer autrement. Ok, elle avait pu embrasser Lorenzo. Mais il l'avait repoussé et lui avait fait comprendre que rien ne se passerait entre eux pour le moment. Puis elle avait déraillé, raconté n'importe quoi. Mais heureusement, il la comprenait. Enfin, elle espérait qu'il la comprenne.
En regardant Lorenzo une nouvelle fois, elle s'aperçut qu'il était un peu mal-à-l'aise. C'est vrai qu'elle le retenait depuis un moment. Natalie se leva et se posta face à lui.
- Euh... Je ne vais pas te retenir plus longtemps, tu as peut-être des choses à faire. En tout cas, ça fait plaisir de t'avoir revu.

Sans surprise, les paroles de Natalie furent exactement celles qu'il avait supposé. Il comprenait sa situation, plus qu'elle ne pouvait le penser. On avait beau penser que les bébés sont avant tout une histoire de femmes, Lorenzo avait toujours voulu fonder une famille. Cette valeur profondément ancrée dans ses racines italiennes lui manquait un peu plus chaque jour. Il avait un temps imaginé que Summer puisse être sa partenaire dans cette étape. Mais il était évident que le jeu était à revoir aujourd'hui. Leurs pions avaient avancé sur le plateau, Lorenzo se retrouvait seul, or un bébé se faisait à deux. Alors la solitude que Natalie ressentait, il avait la même au creux du ventre. Mais qu'ils sortent ensemble par dépit et déception ne les rendrait pas heureux. Il ne dit rien à ce sujet pour autant, persuadé que Natalie serait encore trop déboussolée pour admettre que ce n'était pas une attirance ou un coup de foudre, mais juste un besoin d'affection et la peur liée à leurs âges. « Va chercher ton propre bonheur Natalie, je suis sûr que tu finiras par le trouver, tu le mérites. » dit-il en posant ses mains sur les épaules de la jeune fille et en scrutant son regard. « Et si ça doit passer par une de ces soirées de rencontre, je veux bien t'accompagner si tu as besoin de courage ! » ajouta-t-il en souriant, un sourire qui n'enlevait rien à son sérieux. Il était toujours là pour ses amis.

Il était présent, certes. Pour autant, peut-être était-ce temps pour lui de prendre congé. Même si leur relation était revenue à la normal, cet après-midi n'en restait pas moins gênant, et Lorenzo ne pourrait pas redevenir indifférent simplement en claquant des doigts. D'ici quelques jours, probablement, quand il aurait suffisamment de recul pour ne plus en rire ou pour ne plus culpabiliser. « Tu as raison je vais y aller. » Ils se dirigèrent vers l'entrée. Une fois la porte ouverte, Lorenzo se tourna vers elle pour la prendre furtivement dans ses bras. Ce n'était pas la meilleure idée compte tenu des circonstances, mais Lorenzo voulait qu'elle sente qu'il était réellement présent pour elle. « Et cette fois-ci, on n'attend pas deux ans avant de se revoir ! » Il quitta la maison et lui fit un signe de la main avant de s'éloigner. En gagnant le trottoir, il souffla un grand coup, évacuant le stress. Il ne savait pas encore à qui il pourrait bien parler de cet après-midi, mais il avait grand besoin de dédramatiser.