Il serait probablement assez ironique de t’envoyer une carte d’amour cette année. Alors je préfère le préciser : ce n’est pas une carte de saint valentin ordinaire. Je ne crierai pas que je t’aime, je t’écrirai peut-être que je t’aime différemment. Pas comme les autres. Je ne l’ai d’ailleurs pas souvent dit, moins encore écrit ; je ne te parlerai pas d’amour fou, pas de celui qui fait s’envoler des centaines de papillons dans ton ventre, pas de celui qui te donne l’impression de sauter à l’élastique, pas même de celui qui te fait te sentir invincible et te donne envie de prendre ta personne dans tes bras pour ne pas la laisser partir. Je n’ai jamais su t’en parler, ce n’est pas aujourd’hui que je vais commencer.
Non, ce que je veux t’écrire, c’est l’amour calme, celui dont on se dit qu’il ne mérite peut-être pas ce nom pompeux, celui qui te fait sourire d’un air nostalgique, celui qui ne te donne envie de te blottir contre ta personne que pour donner et non plus recevoir.
Merci.
C’est peut-être l’optimisme des jours passés, un truc scientifique ou hormonal qui fait qu’on ne se souvient que des bons moments. C’est dangereux, au fond, mais c’est comme ça : on se sent sage à regarder en arrière d’un air apaisé. J’ai probablement aimé te détester ; je me suis surtout détestée de t’aimer. C’est probablement là le plus étonnant : aujourd’hui je n’ai plus l’impression que c’est un mal, au contraire. Parce que précisément je ne parle pas de l’amour fou, je ne parle pas de l’amour qui met des papillons au ventre, ni de celui qui te fait te sentir invincible. Mort-né ou peut-être épuisé des obstacles qu’il n’a pas vraiment surmontés, je te parle de celui qui n’est pas coupable d’exister davantage maintenant qu’il n’est plus.
C’est probablement stupide de te dire ça maintenant. Ça vaut ce que ça vaut –ça ne vaut pas grand-chose.
Surtout aujourd’hui, n’est-ce pas ? Ce n’est pas un jour pour aimer différemment, paraît-il. Ce n’est pas une année pour envoyer des lettres qu’on n’a jamais été fichu d’envoyer avant. Seulement voilà, je voulais que tu le saches, je ne saurais t’expliquer ; ça vaut ce que ça vaut, mais je t’ai aimé.