Isaac était enfoncé dans le fauteuil de son bureau, à balancer une balle contre son mur, à répétition. Depuis l'ouragan et la chute du toit de son hôtel, son établissement avait perdu de ses pensionnaires. Qui voulait venir dans un hôtel encore en réparation ? Isaac avait eu du mal à trouver quelqu'un pour entreprendre les gros travaux, et avait seulement déniché quelqu'un au bout de trois mois. Quelqu'un de compétent s'entend. Parce qu'il en avait vu défiler, des soit-disant ouvriers qui réellement n'en voulaient qu'à son argent. Des « oui-oui » à tout va pour au final ne rien faire. Isaac voulait tourner cette désastreuse situation en quelque chose de positif, c'est-à-dire installer des panneaux photo-voltaïques sur son toit. Ainsi, c'était écologique (et une étoile de plus sur le guide michelin yeah), et il pourrait revoir toutes ses factures d'électricité. En attendant, ça lui coûtait assez cher et voulait donc trouver la bonne personne. Tout un étage était donc en « pause » et Isaac peinait à trouver un moyen d'attirer des touristes. L'ouragan n'avait pas donné envie aux gens de venir, ça c'était sûr.

Poussant un long soupir, Isaac se mit finalement debout et rangea la balle dans son tiroir. C'était un de ses passe-temps quand il avait besoin de réfléchir. De mouvement de va et vient de la balle lui calmait les nerfs, et il pouvait ainsi réfléchir calmement et prendre les bonnes décisions. Là, il avait envie de descendre se prendre un verre au bar, quitte à discuter un peu avec son barman. C'était un peu ennuyant, de rester à faire de la paperasse dans un bureau toute la journée. Parfois il appelait Clara ou mangeait le midi avec Austin, cela lui faisait plaisir. Mais ils n'étaient pas non plus toujours à sa disposition, malgré le fait que c'est ce qu'Isaac aurait bien voulu.. Fermant son bureau à clef, il descendit donc jusqu'au rez-de-chaussé en sifflotant.

Comme prévu, il n'y avait personne. Isaac soupira, triste de voir son hôtel ainsi abandonné. C'était son bébé, son chef-d'oeuvre, et ça lui brisait le coeur de voir que tout le monde le désertait. Comme si ça ne lui avait pas suffit de se faire arracher le toit ! Isaac aperçut alors une jeune femme rentrer, comme si elle cherchait quelque chose. Fronçant les sourcils, Isaac alla à sa rencontre, histoire de se rendre peut-être utile.

« Bonsoir ! Vous cherchez quelque chose ? Quelqu'un ? »

Flash-back - Juin 2013

Savannah s’était encore enfoncée dans une histoire bien malgré elle. Sortie avec une amie dans un bar voisin, elles avaient bien consommés avant que celle-ci ne s’enfuit avec un homme rencontré à la va-vite, abandonnant la jeune Richardson qui n’avait pas un sou sur elle pour payer toutes ces boissons. Un inconnu était alors venu à sa rescousse, mais malgré cet acte de ‘bonté’, Savannah avait rapidement compris que ce geste charitable avait un but bien précis… Ce lourdeau qui se vantait et dont le sujet de conversation favori semblait être lui-même ne voulait que la mettre dans son lit. La jolie blonde était loin d’être stupide en la matière et avait rapidement compris son petit jeu. Elle l’avait patiemment écouté au début ‘en remerciement pour avoir payé ses consommations’, mais elle en avait été vite gavée. Alors quand Savannah se leva pour lui faire comprendre qu’il était temps pour elle de rentrer, son espoir s’estompa aussitôt quand il lui proposa de prolonger la soirée. Comment éconduire ce jeune homme sans être trop désagréable ? Il semblait si sûr de lui et d’avoir réussi son coup, c’en était affligeant. Peut-être devrait-elle lui rendre service en lui donnant une leçon ? Toutes les filles n’étaient pas des proies à regarder comme son gibier du soir. Savannah avait l’impression de parler à un chasseur qui jaugeait sa marchandise avant de l’attaquer. Elle lui donna alors rendez-vous à l’hôtel de Magnolia – hors de question de le ramener chez elle ou de le suivre chez lui – et lui fit promettre de leur réserver la meilleure chambre. À son plus grand plaisir, il accepta. Son plan pourrait facilement se mettre en place. Pas de chance pour elle cependant, l’homme refusa qu’elle le quitte pour revenir plus tard et lui proposa de s’y rendre directement. Savannah lui emboîta donc le pas jusqu’à l’hôtel où il s’adressa au réceptionniste pour réserver la chambre la plus chère. Il ne lésinait pas sur les moyens… Elle attendit qu’il paie et qu’il reçoive la clef pour lui emboîter le pas. Une fois dans la chambre, il voulut évidemment se montrer câlin. Hors de question ! Savannah profita de ce moment pour s’esquiver et prétexta avoir oublié son sac –imaginaire – dans le bar où ils étaient un peu plus tôt et qu’elle devait allait vite vérifier avant de revenir. Il ne remarqua pas le mensonge, et la jolie blonde sortit de la chambre en se félicitant de s’être débarrassé de lui sans qu’il ne s’en rende compte. Elle n’avait évidemment pas l’intention de revenir. Il avait payé pour rien. Ce serait une bonne leçon pour lui ! Savannah entra dans l’ascenseur et se retrouva dans le hall de l’hôtel avant de se diriger vers la sortie.

Fin du Flash-back

Savannah se rappelait de cette histoire sordide qui lui était arrivée au début de l’été. Depuis, l’incident avait failli se répéter à plusieurs reprises. Une idée avait alors germé dans la tête de la jeune femme. Pourquoi ne pas tirer profit de ces pauvres crédules prêts à payer pour ‘acheter’ leur nuit de rêve ? La jolie blonde arrivait à l’hôtel ce jour-là dans l’espoir de rencontrer le patron et d’en discuter avec lui. Elle avait eu vent des dégâts causés par la tempête cet été et du besoin cruel d’argent de l’hôtel et avait donc une proposition à faire où les deux parties seraient gagnante-gagnante dans l’affaire. Une fois devant la bâtisse, elle rentra à l’intérieur et regarda autour d’elle. La partie principale de l’hôtel avait déjà été restaurée, sans doute pour pouvoir continuer d’accueillir des clients malgré tout. Savannah s’apprêtait à se diriger vers l’accueil, lorsqu’un homme au sourire avenant, pas loin de la quarantaine sans doute, s’adressa à elle et lui demanda si elle cherchait quelqu’un. Était-ce un touriste qui séjournait à l’hôtel ? La jolie blonde chassa rapidement cette pensée, il devait sûrement travailler ici. « Bonsoir. En effet, je cherche le gérant. Pourriez-vous m’indiquer où je peux le trouver ? » Demanda-t-elle à tout hasard, en tentant sa chance. Par rapport à quelques mois auparavant, il n’y avait plus autant de monde qui venait ici.

« Le gérant ? Et bien vous tombez bien, la personne en face de vous lui ressemble fortement ! » lança-t-il sur le ton de la rigolade. Oui, Isaac n'en avait vraiment que faire de ces convenances qui disaient de se montrer sérieux quand on parlait boulot. Si l'on avait affaire au Melrose, on avait qu'à accepter son côté blagueur, point barre. Non mais, quel était l'intérêt de toutes ces réunions où tous sont plus blafards que les autres et où tout le monde lèche le cul de l'autre (oui au second degré, merci, n'imaginons pas de choses farfelues) pour se faire entendre ou gagner une meilleure place au sein de la société. Bref, que de moments tristes. Pourquoi ne pas passer du bon temps ! Isaac faisait des affaires avec des hommes qui parfois en avait gros sur la patate et approuvaient avec plaisir une discussion zen autour d'un verre de bière, tranquille, sans cravate qui te serre le cou comme un pendu. Et parfois, le business s'organisait bien mieux que dans une salle impropre et froide. Enfin, bref, tout ça pour dire que le Melrose ne cachait pas qui il était.

« C'est à quel sujet ? » demanda-t-il alors, assumant que la jeune blonde avait compris qu'il était le gérant. Isaac était bien curieux de savoir ce qu'une jeune fille pouvait bien avoir envie de raconter au gérant. « Si vous voulez on peux aller dans mon bureau, mais bon, vu qu'il n'y a pas foule, on peut rester dans le lobby.. » rajouta Isaac en indiquant les canapés à l'entrée. Au regard de la jeune fille, il comprit qu'il n'y avait pas que lui qui trouvait l'endroit bien vide ! Mais il espérait qu'avec les fêtes de Noël cela se remplirait un peu. D'habitude l'hôtel était plein à craquer pour le réveillon, espérons que le désastre de l'ouragan ne vienne pas défaire cette tradition !

« Alors, dites-moi tout ! » fit Isaac avec un sourire, en s'installant sur les canapés. Il se serait bien bu un petit café tiens. Peut-être plus tard.

Savannah esquissa un sourire. Elle avait eu la chance de tomber sur le gérant directement. Elle le jaugea discrètement quelques instants. Il avait l’air plutôt décontracté et bien dans ses baskets, pas un de ces vieux directeurs d’hôtel coincés et sévères que la jolie blonde avait déjà eu l’occasion de croiser ou comme certains films le montraient parfois. De plus, il n’était pas dénué d’une touche d’humour bien placée, une attitude qui l’encourageait à poursuivre dans sa démarche. Elle avait une idée en tête qui aurait être pu mal interprétée par quelqu’un de plus ‘vieux jeu’. La jeune femme n’aurait pas à chercher plus longtemps, puisqu’elle était directement tombée sur la bonne personne et que celui-ci était justement libre pour l’écouter. Une double chance ! Il lui demanda à quel sujet elle voulait le voir. « Je suis bien tombée ! C’est à propos de l’hôtel. » Répondit-elle, préférant ne rien ajouter pour le moment. Isaac était bien loin de se douter de ce qu’elle avait en tête. Il croirait sûrement qu’elle était une cliente qui voudrait se plaindre du service, donner des conseils pour améliorer le fonctionnement de l’hôtel ou ce genre de choses. Il n’en était rien. Voyant que la jolie blonde hésitait à poursuivre devant les quelques personnes présentes autour d’eux, il lui proposa d’aller dans son bureau ou de s’installer dans le lobby, puisque peu de monde était présent. Savannah acquiesça pour la seconde suggestion, inutile de rendre ce rendez-vous trop officiel non plus. Ils s’installèrent donc dans les canapés à l’entrée. Il est vrai que le hall était bien peu rempli en cette période qui approchait pourtant des fêtes. Le gérant l’encouragea donc à parler. « J’ai une drôle de proposition à vous faire, autant vous prévenir avant que ce ne soit compris de travers. » Avoua-t-elle dans un premier temps en l’avertissant au passage. Il avait l’air d’avoir un esprit plutôt ouvert et d’être du genre à écouter jusqu’au bout. Savannah n’avait pas envie qu’il la prenne pour une genre de prostituée/cow girl qui lui demanderait de faire son travail clandestinement dans son hôtel quand elle lui ferait part de son idée, sa stratégie serait beaucoup plus subtile en réalité. Elle attendit donc sa réaction avant de poursuivre plus loin.

Isaac aurait pu faire semblant qu'il n'était pas le gérant. Il aurait pu écouter la requête de la jeune femme come s'il était le sous directeur ou autre, et décider que si c'était intéressant il était le gérant, mais si cela ne l'était pas, ''le gérant n'était là pas là en ce moment, elle pourrait repasser plus tard''. Certes c'était un peu faux-cul mais c'était comme ça qu'Isaac fonctionnait souvent, pour se démêler de situation compliquées. Enfin, aujourd'hui, il n'y avait pas pensé. Cette jeune femme lui inspirait bizarrement confiance, alors que leur relation était inofficieuse. Il de décida alors de lui dire qui il était et de parler un peu avec elle, voir ce qu'elle voulait. La jeune fille s'exclama alors qu'elle était bien tombée, puis déclara que c'était à propos de l'hôtel. Le Melrose fronça les sourcils. Hm, avait-il bien fait de lui faire confiance ? Et si il venait de s'embarquer dans une demi-heure de plaintes ? Dieu du ciel.. Mais Isaac resta poli, on ne sait jamais. Il lui proposa alors d'aller dans le lobby, vu qu'il n'y avait personne. « Vous vous appelez.. ? » demanda-t-il, histoire de mettre un nom sur le visage. Peut-être qu'il pourrait ainsi voir si jamais le nom lui disait quelque chose.


Une fois assis dans les canapés du lobby, Isaac écouta ce que la jeune fille avait à dire. Mais avant de dire quoi ce que soit, elle eut une phrase assez flippante. Ou comique. Une drôle de proposition à lui faire ? Bon, au moins, ce n'était pas une réclame. Mais Isaac avait l'impression d'entendre le début d'une conversation sexuelle. Cela ne le choqua pas trop d'ailleurs, au vu de son humour bien placé. Il se permit d'ailleurs une remarque. « Oui, alors si c'est pour de quelconques avances, je ne fais pas les mineurs ! Et je peux m'habiller en cuir si ça vous emballe.. 100 euros la soirée ! » fit-il avec un sourire en coin. Puis il éclata de rire. « Non vous inquiétez pas, vous ne risquez pas de me choquer. Peut-être que moi je vous ai choqué d'ailleurs, et si c'est le cas, pardon. Je suis assez ouvert. » rajouta-t-il. Puis il se rendit compte du sous-entendu de sa dernière phrase et rit encore plus. Décidément, il lui en fallait peu pour être heureux.

Dans la confusion de ces premiers instants, la jeune femme avait totalement oublié de se présenter. « Savannah Richardson. Désolée, j’étais tellement dans l’optique de vous trouver que j’en omets le plus élémentaire. » Dit-elle en souriant afin de bien le faire passer et de ne pas être prise pour une malpolie sans éducation. Mieux valait le prendre avec humour que de s’attarder sur cet oubli trop longtemps. Ils s’installèrent alors dans le lobby. Avant d’entrer dans le vif du sujet, Savannah préféra prévenir son interlocuteur que sa proposition pourrait paraître… déplacée en quelque sorte. Isaac avait l’air plutôt ouvert, une attitude qui avait encouragé la jeune femme à continuer sur sa lancée en le voyant et à ne pas rebrousser chemin. Elle préférait de loin tomber sur un « jeune » gérant à l’esprit communicatif que sur un vieux croûton fermé trop vite offensé par des propositions douteuses. D’ailleurs, la réponse d’Isaac lui confirma rapidement ses pensées. Il la taquina sur d’éventuelles avances qu’elle pourrait lui faire, parce qu’il ne faisait pas dans les mineurs, mais qu’il accepterait en revanche d’enfiler sa combinaison en cuir pour 100 euros de la soirée (ou dollars chez eux (a)). Savannah attendit la chute, parce que bien sûr, il ne pouvait pas être sérieux vu son rire. Un sourire étira à son tour ses lèvres, plus de doute, elle était tombée sur l’homme de la situation ! Puisqu’elle ne risquait pas de le choquer… Autant se lancer une bonne fois pour toutes ! « Ça tombe bien, je ne suis pas mineure et pas plus vite choquée que vous. Et que diriez-vous d’obtenir plus de 100 € lors de certaines soirées ? » Répondit tout d’abord Savannah sur une pointe d’humour pour éveiller son intérêt, à nouveau plus sûre d’elle. La jolie blonde lui fit alors part de l’idée qui avait germé dans sa tête quelques temps auparavant. « Je sors souvent  en soirées et j’ai déjà eu l’occasion de rencontrer beaucoup d’hurluberlus qui me prennent pour une fille facile. Pas de chance pour eux… Ce n’est pas tout à fait le cas. Certains, et même beaucoup d’ailleurs, sont en couple et espèrent s’en sortir en venant passer une nuit à l’hôtel, dans le plus grand secret. Vous voyiez le genre de propositions auxquelles je suis confrontée ? » Exposa-t-elle la situation brièvement. « À deux ou trois reprises, j’ai trouvé très amusant de leur faire un mauvais coup. Je leur faisais croire que c’était gagné et que j’acceptais de passer la nuit avec eux à la condition qu’ils prennent une des chambres les plus chères de l’hôtel… C’était la moindre des choses qu’ils pouvaient faire. » Expliqua-t-elle ensuite la source de sa véritable idée. « Mais au dernier moment, je ne venais pas les rejoindre et je les plantais là. Trop tard pour eux, puisque la réservation était déjà réglée. Sans parler du fait que ça leur servira de leçon à l’avenir. Quand on touche à leur portefeuille, ça fait tout de suite plus mal. » Avoua alors Savannah d’un air malicieux. Isaac risquait de la prendre pour une vile manipulatrice de la gente masculine, mais elle s’en fichait royalement. La jolie blonde fonctionnait toujours par principe. Et un des principes de base qui régissaient sa vie était le respect, sauf si on lui en manquait, là elle perdait le sien aussi. « Je me suis alors dit pourquoi ne pas reproduire l’expérience à plusieurs reprises ? Que je vous ramène des hommes qui paient les suites les plus chères… » Poursuivit-elle, désormais tout à fait lancée. Isaac avait bien compris que ce n’était pas de la prostitution clandestine ou quelque chose d’un aussi mauvais goût, puisque Savannah ne resterait pas ou ne viendrait tout simplement pas rejoindre ses victimes du jour. Mais alors qu’avait-elle à y gagner en échange à part leur donner une bonne leçon ? C’était quand même se donner beaucoup de mal pour rien. Pas tout à fait. « En contrepartie, si j’arrive à en ‘attirer’ suffisamment, ce serait merveilleux de pouvoir bénéficier des avantages de l’hôtel le jour où… je pourrais en avoir vraiment besoin. Gagnant – gagnant. » Conclut-elle enfin la stratégie dans sa tête. Elle se mua enfin dans le silence, en attente de la réponse d’Isaac, partagée entre la fébrilité qu’il puisse accepter et la possibilité qu’il la prenne pour une dingue culottée.

Finalement, la jeune demoiselle se présenta, et Isaac put placer un nom sur ce joli visage. « Et bien enchanté, mademoiselle Richardson. » Puis il lui tendit la main, afin de rester quand même professionnel. Isaac avait beau être un grand blagueur, il restait strict envers ses employés et les personnes qu'il rencontrait au travail. Il ne fallait pas croire non plus que le Melrose était gentil avec tout le monde, il savait différencier travail et plaisir. Certes cela lui arrivait de discuter sympathiquement avec des employés, mais l'expérience lui avait montré que ce n'était pas une bonne chose de trop s'en rapprocher car après ils prenaient des libertés, et c'était foutu. Donc par ce geste envers Savannah, il ne voulait pas faire le vieux gérant coincé, mais surtout lui faire comprendre qu'il garderait de la distance. Enfin, pas sûr qu'il suive cette règle une fois la proposition de la jeune femme entendue.

Les deux futurs acolytes s'installèrent dans le lobby où ils échangèrent quelques mots avant que Savannah entre dans le vif du sujet. Déjà, en accroche il n'y avait pas mieux. A tel point qu'Isaac se dit qu'elle devait avoir étudié la dissertation, et qu'Allie devrait en prendre de la graine. Il ne remettait pas en cause l'intelligence de sa fille, mais parfois il aimerait qu'elle s'exprime mieux, qu'elle travaille plus, en gros, qu'elle en fasse toujours plus. Et il trouvait ça normal, qu'une jeune fille souhaite exploiter au mieux ses capacités. Cela donnait lieu à des fréquentes disputes familiales, mais ce qui était bien, c'est qu'il finissait toujours par avoir le dessus. Enfin, c'était une autre histoire.

Tout de suite donc, Isaac fut intrigué et intéressé par la proposition de Savannah. « J'écoute. » dit-il simplement, afin de lui montrer qu'il était enclin à voir de quoi il s'agissait. Qui refuserait une telle offre ? Surtout avec les conditions hôtelières du moment. Elle se lança alors dans une explication assez complète de son idée, et le Melrose attendait de voir où elle voulait en venir, et détaillait mentalement tous les aspects de la chose, pour voir si cela lui serait éventuellement réellement profitable. Il hochait la tête de temps à autre pour lui monter qu'il suivait, et ainsi elle alla jusqu'au bout de son récit. Haussant les sourcils en entendant la fin, Isaac resta un moment silencieux. Quelle drôle d'idée. Rapidement il pesa le pour et le contre en grimaçant. « Je.. C'est intéressant. » fit-il en fronçant les sourcils. « Mais, pas bête ! Vraiment pas bête. » Il reprit son sourire. « Très bonne idée même. » Il décroisa ses jambes et les mit en sens inverse. « Mais vous feriez ça seulement pour la simple hypothèse d'avoir éventuellement besoin de nos services un jour ? » demanda-t-il, étonné. Il secoua la tête. « Non, non. Je vais vous laisser, en plus  du fait de l'utilisation des chambres, le droit de venir au bar quand vous le souhaitez, à mes frais. » Isaac n'était pas du genre à accepter un deal qui était défavorable à l'un des camps. C'était un commercial, mais tout de même, il savait être équitable ! « Cela vous convient-il ? » demanda Isaac, toutefois prêt à faire d'autres concessions. Qu'on lui apporte des clients sur un plateau, ce n'était pas quelque chose qu'il voyait tous les jours.

Savannah rendit la main qu’Isaac lui tendit avant de lui emboîter le pas dans le lobby où ils s’installèrent confortablement pour parler ‘affaires’. La jolie blonde n’était en effet pas venue pour une quelconque récrimination contre l’hôtel ou quoique ce soit dans ce goût-là. Lorsqu’il plaisanta à propos de se faire une centaine d’euros par nuit, elle embraya donc sur le sujet pour lui faire part de sa proposition. Que penserait-il à l’idée de gagner plus ? Savannah enchaîna sur la suite en lui décrivant le cheminement qui l’avait amenée à avoir cette idée. Certains hommes étaient tellement prévisibles qu’elle n’avait absolument aucun mal à se jouer d’eux, et quitte à devoir leur donner une leçon, autant le faire en profitant de son ‘talent’ et en y ‘gagnant’ certains avantages au passage. Cette petite idée avait donc très vite germé dans sa tête, et quand la jolie blonde termina son petit exposé, elle attendit fébrilement la réaction du gérant. Disons que d’autres à sa place n’auraient même pas considéré la question, ni même réfléchi à son propos. Ils en auraient au contraire étaient offensés et l’auraient renvoyée comme une ‘malpropre’, ce que Savannah était loin d’être puisque son ‘plan’ n’impliquait aucun acte répréhensible sur papier, encore moins sexuel. Hors de question de virer là-dedans, très peu pour elle. Le Melrose en revanche, elle pouvait le dire, était sincèrement intéressé et pesa le pour et le contre de la question. Au bout de quelques secondes de réflexion, il émit un avis favorable sur l’idée et l’approuva même avant de lui demander si elle pourrait faire cela uniquement à la condition éventuelle d’avoir besoin des services de l’hôtel un jour. Savannah fronça les sourcils en pensant qu’il changerait le « marché », elle n’en demandait pas grand-chose quand même, et bien entendu, elle risquait d’avoir besoin de l’hôtel en certaines occasions à vrai dire, mais pas du tout pour rencontrer des ‘hommes’ ou des rendez-vous de ce goût-là. À la grande surprise de la jolie blonde cependant, Isaac ne changea pas les ‘termes’ de ce qu’elle avait énoncé et ajouta au contraire un accès libre et illimité au bar à ses frais. Savannah esquissa un sourire qui en disait long, qu’est-ce qu’elle ne sortait pas aussi, alors cette idée ne pouvait que la séduire davantage. La proposition devenait d’autant plus équilibrée dans les deux sens. Comme la jeune femme l’avait dit, gagnant-gagnant. Toutefois, maintenant qu’elle avait lancé cette idée et qu’Isaac l’avait accepté, elle devrait se montrer à la hauteur. La jolie blonde n’avait aucun problème avec cette perspective. « Ça me convient parfaitement. » Répondit-elle avant de tendre la main afin de marquer de façon plus ‘officielle’ leur accord. Elle avait vu juste, depuis la tempête, l’hôtel souffrait de son infrastructure abîmée, des travaux de restauration en cours, le nombre de clients devait avoir sensiblement diminué, et Magnolia n’était sûrement pas la destination la plus prisée dans le coin. « Je commencerais très bientôt. » Crût-elle bon d’ajouter pour ne pas qu’il la croit disparue dans la nature les prochains jours.

Le sourire d'Isaac scella leur contrat, pacte, ou dieu sait comment il faut l'appeler. Enfin quelque chose de bien se passait pour son hôtel, et il ne vit pas vraiment ce qu'il avait fait. Peut-être une intervention divine. Pourtant Isaac n'était pas un homme de chance. Que ce soit au loto, aux dés, il perdait toujours. Encore heureux qu'il n'était pas mauvais joueur ! C'était donc une des rares fois où il gagnait à quelque chose, même si théoriquement ce n'était pas gagner mais plutôt, comment dire, être dans uns situation avantageuse. Il ne comptait certainement pas profiter de cette jeune femme qui avait l'air adorable et digne de confiance. C'est pourquoi il lui avait donné l'autorisation d'utiliser le bar à toute heure à zéro frais. C'était la moindre des choses, et puis il savait qu'elle ne manquerait pas d'en profiter, au vu de son regard qui se mit à pétiller. Ah les jeunes, qu'est-ce qu'il ne faut pas faire pour les rendre heureux (a)

Un bruit extérieur fit tourner la tête à Isaac qui aperçut un rentre-dedans de deux voitures juste devant l'hôtel. Il leva les yeux au ciel. « Encore un qui a oublié son clignotant .. Tous des inconscients dans cette ville. » Et heureusement qu'il n'y avait pas de ponts d'ailleurs, parce que dieu sait que tout le monde y passerait. Remarque, cela ferait du business à la morgue Spencer (♥). Isaac se leva voyant l'agitation devant son hôtel. Peut-être que c'était plus dangereux qu'il ne le croyait .. Il s'excusa auprès de Savannah. « Je suis désolé, il faut que j'aille voir ce qu'il se passe et s'il y a des blessés. En tout cas, merci de votre proposition, j'ai hâte de voir ce que ça va donner ! N'hésitez pas à m'appeler pour le moindre problème. » Avec un petit clin d'oeil il lui mis la main sur l'épaule puis fila hors de l'hôtel. Il espérait d'un côté qu'il n'y avait pas eu de morts, mais de l'autre, s'il y en avait eu, cela passerait aux infos, et son hôtel aux infos, et bien ça faisait de la pub... La fibre commerciale dites-vous ?

Spoiler:

L’entretien avec le gérant de l’hôtel s’était merveilleusement bien déroulé, même au-delà des espérances de Savannah. En contrepartie de ces petits manèges auprès des hommes, elle bénéficierait d’avantages non négligeables dans l’établissement. Mais le plus grand plaisir qu’elle aurait été sans nul doute celui de pouvoir se jouer des hommes (en particulier ceux pas très fidèles) sans se soucier des conséquences puisqu’Isaac lui donnait en quelque sorte sa bénédiction. C’était tellement enivrant. Son regard ne pouvait que briller d’enthousiasme à cette idée. Soudain, alors qu’ils étaient en train de conclure leur entretien, Savannah entendit un bruit à l’extérieur et tourna la tête en même temps que le Melrose. Deux voitures venaient de s’accrocher devant son hôtel. Selon lui, l’un des deux conducteurs avait oublié son fameux clignotant. De nature tout aussi distraite, la jolie blonde évitait de prendre le volant pour cette raison quand elle le pouvait et ne conduisait qu’en cas de nécessité ou si les transports publics ne permettaient pas d’arriver très vite à destination. C’était d’ailleurs une des raisons pour lesquelles Savannah connaissait si bien Magnolia comme sa poche, puisque la plupart du temps, elle se déplaçait à pieds. Isaac s’excusa donc auprès d’elle et la remercia de sa proposition avant de prendre congé. « Tout le plaisir a été pour moi. Merci à vous et je n’hésiterais pas. » Répondit-elle avant de se lever à son tour. La jeune femme ne s’attendait pas vraiment à rencontrer une quelconque difficulté mais on ne savait jamais. Ravie de la tournure de ce petit rendez-vous improvisé, elle prit à son tour congé de l’établissement tandis qu’Isaac partit régler ce petit problème d’accident qui ne manquerait pas d’attirer quelques curieux devant son hôtel.

SUJET TERMINÉ