Le soleil s’était levé ce matin et avait entraîné avec lui une vague de bonne humeur inhabituelle chez moi, pas que je passe mon temps à râler – quoi que ces derniers temps, si, un peu – mais c’était l’effet de la fin des cours, d’une année scolaire qui se termine, d’un départ dans une nouvelle vie éventuellement étant donné que le lycée allait être une page qui se tourne pour moi. C’était peut-être ce qui me stressait le plus, devoir quitter le lycée pour entamer des études supérieures alors que je sais très bien que je ne m’en sortirais pas, manque de confiance en soi ? Pas du tout, simple  réalisme. Je n’ai même pas pris la peine d’envoyer les dossiers de candidatures pour aller à la fac, et pourtant, dans un élan d’espoir je me suis mise à remplir tous les papiers, à réunir tous les documents et même à les glisser dans l’enveloppe avec l’adresse marquée dessus. Mais je n’ai jamais eu le courage de le poster, me disant que c’était tout simplement inutile, il ne fallait pas non plus être un géni pour se douter des réponses qu’elles enverraient alors autant prendre de l’avance et éviter de faire perdre son temps à tout le monde. La seule personne qui aurait pu peut-être me pousser à poster ces dossiers ne serait-ce que pour tenter de voir plus loin qu’une misérable carrière de caissière dans le meilleur des cas et de tapin dans le pire, aurait sans nul doute était ma mère, mais même elle avait fini par s’en aller. J’avais d’ailleurs fini par me dire qu’elle avait une bonne raison d’être partie et qu’elle était peut-être morte aujourd’hui. Cette pensée n’est pas la plus joyeuse que j’ai pu avoir ces derniers temps, mais la savoir morte au lieu de lâche me rassurait quelque part. Oui maman, si tu m’entends, je préfère te savoir morte que vivante. Je parle de toi parce qu’avec ta petite voix, tes petites manies tu as versé sur ma vie des milliers de roses, et aujourd’hui je préférerais en verser sur ta tombe que de t’affronter. Quoi qu’il en soit, j’allais devoir trouver de quoi occuper mon temps pendant les trois prochains mois et éventuellement pendant le restant de ma vie vu comment c’est parti, mais pour l’instant, restons concentrés sur le présent. Comme d’habitude, j’allais devoir procéder par élimination pour savoir ce que j’allais faire de ma journée, pour le moment le ménage était hors compétition, il était hors de question pour moi de passer ma journée à astiquer la maison alors que le temps me permettait de sortir, et de toute façon on avait déjà Shannon à la maison pour s’occuper de ça alors pourquoi s’emmerder ? Poussant un soupir de désespoir, je pris mon sac et me mis en route vers la seule personne qui pourrait me sauver de mon ennuie et avec qui je pourrais passer un bon moment sans me prendre la tête avec tous ces trucs d’école, d’avenir et même de la vie. En gros, direction la maison de Nina.

Un calme plat, un silence apaisant et une tranquilité absolue. Rien d'exténuant à faire jusqu'à nouvel ordre. Une sensation que Nina n'avait pas connue depuis l'été dernier. Depuis un an. Cette quiétude était devenue si inhabituelle chez elle qu'elle en devenait presque dérangeante. Les cours étaient terminés depuis plus d'une semaine maintenant, et elle se demandait comment elle avait pu tenir ce rythme aussi longtemps. Comment elle avait pu devenir un monstre de travail et ne pas craquer plus tôt. Car elle avait craqué, ça oui. Elle en avait vécu des soirées à taper du pied et s'énerver parce qu'elle n'en pouvait plus, de bosser. Que sa vie ne tourne plus qu'autour de l'université. Elle avait failli même tout arrêter, le mois dernier. Elle avait manqué une semaine entière de cours, et était revenue à Magnolia pour se ressourcer, pour reprendre des forces et éviter que plus de neurones n'explosent dans sa tête. Et aujourd'hui elle était là. Pas encore sereine mais un peu plus apaisée, déjà. Dans le jardin de chez ses parents, un livre à la main et des lunettes de soleil sur le nez. A respirer, à se détendre. Elle n'avait plus envie d'y retourner. Lorsqu'elle aperçoit sa mère se diriger vers elle, elle a juste envie de plonger dans la piscine et de ne plus parler à personne. Nina a envie d'éviter tout contact humain aujourd'hui, même celui de sa mère qu'elle aime tant, elle a besoin de se retrouver avec elle-même. Mais elle ne fait rien. On lui fait savoir que quelqu'un est là pour elle dans l'entrée. Nina prend une dizaine de secondes pour réagir et digérer l'information avant de se lever, sans penser à rien, et se dirige vers la porte d'entrée. « Une tepu magnolienne. Ça faisait longtemps. » Un petit sourire se plante sur ses lèvres lorsqu'elle aperçoit sa chère amie. Les bonnes habitudes semblent de retour.

Pourquoi Nina ? Je sais pas trop, c’est la première personne à qui j’ai pensé, peut-être parce que sa connerie me manque, peut-être parce que son gros cul qui pètent les canapés me manquent, peut-être qu’elle me manque tout simplement. On a eut l’occasion de se parler depuis son départ, bien sûr, mais sinon ça s’arrêtait à là surtout que ces dernières semaines elle était tellement prise avec ses examens que j’ai préféré la laisser tranquille, ou du moins j’essayais de prendre de ses nouvelles le moins souvent. Je me contentais de lui envoyer un message le soir avant d’aller dormir, un peu comme une petite touche de Magnolia pour clôturer sa journée et rien que cette pensée me fait me sentir utile. Moi je n’étais et voilà qu’aujourd’hui, je suis le gardien du sommeil de ses nuits, c’est peut-être exagéré mais c’est comme ça et pas autrement. Il ne m’a fallut que quelques minutes pour arriver jusqu’à ma destination, et sans grande surprise, ce n’était pas elle qui vint m’ouvrir lorsque je toquai, comme quoi elle ne changerait jamais, même pas foutu de venir ouvrir la porte elle-même. « Bonjour madame, est-ce que Nina est là ? » J’essayais de montrer mon plus beau sourire pour que maman VV puisse voir toutes les bonnes intentions que j’ai en lui demandant de voir Nina, et à croire que ça a marché puisqu’elle alla appeler la jeune brune en un temps record, ou alors tout simplement elle en avait assez de voir ma gueule et a préféré me donner ce que je voulais au lieu d’argumenter, au choix. « Ouais je sais ça fait même trop longtemps, c’est pour ça que j’suis venue te voir. » J’étais déjà venu ici alors pas la peine de faire des manières et de jouer les filles bien élevée, de toute façon je ne savais ni faire des manières, ni être bien élevée alors autant laisser le naturel surgir au galop. Entrant sans même y être invité, je fis une rapide inspection des lieux comme si j’étais vraiment chez moi, avant de me tourner vers ma chère amie. « Tu veux pas qu’on aille faire un tour en ville ? J’dois aller acheter des trucs pour la maison et comme t’étais sur mon chemin et que j’m’emmerdais, autant faire une pierre deux coups, non ? » Les courses c’est une chose, mais on trouverait de quoi s’amuser toutes les deux en ville, au pire on improvisera comme toujours. Bougeant mes sourcils pour lui faire passer le message, si elle connait encore les codes du quartier, elle comprendrait ce que ce haussement de sourcil signifie.

A l'instar de toutes les habitudes qu'elle avait perdues en s'installant à Philadelphie et en laissant Magnolia Crescent derrière elle, celle de sonner chez des amis ou d'en voir débarquer chez elle à l'improviste, lui semblait désormais tellement lointain. Mais c'était un plaisir qui ne s'effaçait guère avec le temps. La jeune femme s'avança pour prendre Amy dans ses bras, puis se rappela que ce n'était pas trop le genre de chose qu'elles faisaient ensemble, ou plutôt elles avaient un salut bien à elles, alors Nina commença à exécuter ce tchek de la mort, avant de rire. Les bonnes habitudes ne se perdent pas. Mais la petite brune hésita, lorsqu'elle entendit la proposition d'Amy. En ce moment, elle avait du mal à socialiser. Elle préférait rester chez elle, se retrouver avec sa famille et faire le plein de calme, de repos et de bonnes énergies. Alors, être confrontée au monde réel, aux enfants qui crient, aux voitures qui klaxonnent et aux gens qui tirent la tête - ce à quoi elle était habituée toute l'année à Philly - ne l'enchantait guère. Elle ne se sentait pas prête. « Tu veux pas plutôt rester un peu à la m.. Ouais, tu as raison, ça va me faire du bien de sortir. » changea-t-elle finalement d'avis. « Maman je sors ! » cria-t-elle en direction de l'étage. Nina changea de chaussures pour une paire plus appropriée, alla chercher son sac dans sa chambre et hop, les deux jeunes filles étaient parties pour un tour. Elles avaient tellement de souvenirs ensemble, tous plus dingues les autres que les autres, que même un silence n'était plus gênant entre elles. « Tu dois acheter quoi pour la maison ? Amy Hopper se transforme en décoratrice d'intérieur ou t'as juste besoin d'acheter du PQ ? » demanda-t-elle en donnant un coup d'épaule à la jeune brune. « Tout le monde va bien, chez toi ? » Cela faisait tellement longtemps que Nina en avait presque oublié leurs prénoms.

La jeune fille avait envie de s’amuser, de retrouver sa camarade qui la suivait dans tous ses plans foireux – ou inversement, mais en général c’était plutôt Amy qui suivait Nina – et tant qu’elle était encore à Magnolia, elle comptait bien profiter de la présence de la brunette quitte à se l’accaparer tout l’été. La miss VV devait être l’une des seules filles avec qui Amy s’entendait bien, avec les autres c’était un peu plus compliqué, quoi qu’en général c’est toujours compliqué avec la Hopper, rien qu’à voir son mode de vie. Ce que la jeune étudiante avait de plus que les autres était qu’elle était sortie avec le grand frère d’Amy et qu’elles avaient tout de suite accrochée, si elle le pouvait, elle voudrait d’ailleurs qu’ils se remettent ensemble juste pour que le gros cul de Nina traîne de nouveau dans la maison des Hopper. Mais avant toute chose, ne perdons pas les bonnes habitudes et commençons par le tcheck qu’elles avaient créées entre elles pour se saluer, et pour être sûres par la même occasion que personne ne se salueraient de cette façon. Le sourire qu’elle avait sur son visage s’effaça face à la mine réticente de son amie, mais revint tout de suite lorsqu’elle accepta finalement de sortir prendre l’air. Elle n’allait pas le regretter. « Cette petite sortie va faire du bien à ton gros cul, d’ailleurs il a pas changé depuis la dernière fois. » Elle se pencha en arrière comme les vieux pervers qui ne pouvaient s’empêcher de se pencher en arrière pour mater des fesses à chaque fois qu’ils en voyaient sur leur passage, et se redressa aussitôt. « J’ai juste besoin du PQ, mais pas que. Enfin de toute façon on verra une fois là-bas. » Dit-elle avec un petit sourire qui promettait. Nom de code pour dire qu’elle allait en effet acheter du PQ, mais que ça n’allait sûrement pas être la seule chose qu’elles allaient faire au super market. « Ouais, tu sais, à la maison ça dégouline d’amour, c’est beau mais c’est insupportable. » Levant les yeux au ciel, elle poussa un petit soupire en lâchant cette phrase. En réalité, elle ne savait pas vraiment si les gens de la maison allaient bien puisqu’elle ne les croisait pas souvent, mais comme elle n’avait pas encore reçu de coup de fils de l’hôpital, de la morgue ou de la prison, elle disait que tout va pour le mieux. « C’est pour ça que je préfère passer mon temps avec des biatchs, et comme t’es de retour bah j’en profite. Sinon, tout le monde va bien chez toi ? » Demanda-t-elle en prenant soin de regarder à droite et à gauche avant de traverser la rue pour atteindre la destination finale.