Andrew avait décidé d'y aller doucement, dans la reconquête de sa cuisine. Il avait commencé par y manger à nouveau, ce qui mine de rien évitait beaucoup de tâches de sauce à pizza dans son lit. Aujourd'hui, il voulait aller plus loin. Il n'était pas encore prêt à utiliser le four et à faire de la pâtisserie, mais arrêter les plats livrés et remplir à nouveau son frigidaire était une bonne étape. Surtout, il sentait qu'il commençait à prendre du poids. Et ce n'est pas en s'empâtant qu'il allait garder le coeur de sa belle.
Comme à son habitude, il s'empara donc de son cabas et se rendit au marché. Faire ses courses là bas lui rappelait son enfance, Juliet l'emmenait souvent. Quelle joie de recevoir le privilège de porter le panier. Avec le temps, son habitude était restée, même si Juliet n'était plus là aujourd'hui pour l'accompagner. Il n'avait pas proposé à Lou, il voulait réussir seul, d'abord. Il avait tellement vécu en ermite ces derniers mois que, finalement, redevenir sociable n'était pas si facile. Il ne voulait pas non plus refaire les mêmes erreurs que dans le passé, et se concentrer uniquement sur sa petite amie. Lors de la rupture, son monde entier s'était écrouler. Il devait se préserver, faire des activités par lui même, garder d'autres personnes dans sa vie ... Même s'il avait perdu bien des potes jusqu'à aujourd'hui. Christian l'avait définitivement rayé de sa vie, Andrew avait abandonné l'idée d'avoir des nouvelles de lui un jour. Qui aurait cru qu'une simple fille puisse être plus importante que vingt années d'amitié. Certes, Lou n'était pas une simple fille. Mais leur bromance n'était jamais été un simple amitié comme les autres. Du moins Andrew le croyait, il s'était peut-être trompé. Il ne cherchait plus de nouvelles de son ancien ami, il allait de l'avant. C'était suffisamment douloureux de se prendre des vents à chaque fois.

Quand il arriva au marché, il se dirigea d'abord vers les fruits et légumes. Il en avait marre de boire des jus d'orange industriels en bouteille, sans aucune pulpe et beaucoup trop lisses pour être honnêtes.

Andrew contemplait les produits en attendant son tour. Quelques fraises plairaient à Lou, quoi que le fruit pouvait lui rappeler le moment douloureux de l'an passé. Elle n'avait jamais présenté une envie particulière de fraises durant sa grossesse. Cependant il était de connaissance commune que ce fruit était lié au fait d'avoir un bébé. Il choisit, du coup, de se rabattre sur des cerises, choix plus sûr. Quand le vendeur le servit enfin, il ajouta à sa commande des oranges, des nectarines ainsi que des ananas et des tomates. Sans grande surprise, il n'était pas branché légumes verts. Le vert étant une couleur tellement peu ragoutante, qu'il trouvait louche les aliments de cette couleur.

Il attrapa ensuit le paquet qu'on lui tendait puis se dirigea vers un autre étal. C'est là qu'il fut attaqué par du poisson. « Beeeh » cria-t-il en reculant, comme si le poisson risquait de l'infecter en touchant son pied. Il releva aussitôt la tête en entendant une voix familière. Là, derrière le stand de poissons, se tenait son vieil ami, Lukas. Déstabilisé, Andrew en oublia aussitôt la contamination qu'il risquait, et regarda sans bouger le vendeur s'activer, venir ramasser le poisson, l'emballer tel un pro de l'emballage, puis congédier la cliente. Andrew ne comprit pas pourquoi il resta devant lui au lieu de retourner à ses animaux. « Bonjour ... je veux bien du poisson » En vrai, aucun poisson ne figurait sur sa liste. Voir leurs têtes sur l'étal de glace le rebutait toujours. Et les cuisiner, encore plus. Il ne supportait pas ce silence et avait donc prononcé la première phrase idiote qui traversa son esprit. « Du saumon, pour deux. » demanda-t-il. « Lou et moi sommes à nouveau ensemble, je sais pas si t'es au courant » se sentit-il obligé de préciser, alors que Lukas ne lui avait rien demandé.

Spoiler:

«L’amitié requiert de la compréhension et non des compromis. Cela signifie pardonner et non oublier. Cela signifie que les souvenirs restent même si le contact est perdu» Andrew & Lukas

« Old friend where you headed for now »

Quelle façon d’aborder un ancien meilleur ami, que de ramasser du poisson tombé à ses pieds ! Une fois le coupable remis en sac, je le donnai à ma cliente en lui souhaitant une bonne journée. J’étais donc là, debout, devant mon ancien pote, et je ne savais pas quoi dire. C’était vraiment dommage d’en être arrivé là alors qu’on s’entendait si bien il y a quelques années, qu’on faisait les 400 coups avec mon frère et Christian. A cette époque on pensait que rien ni personne ne pouvait casser cette amitié, mais on était bien naïf. Les prises de têtes et le temps cassaient beaucoup d’amitiés ou n’importe quelle relation. Andrew venait de me demander du poisson, sans doute tout aussi mal à l’aise que moi. Il ajouta qu’il en voulait pour deux personnes. Il s’était apparemment remis avec Lou. « Euh… bonjour…euh… ok » Pitoyable, j’étais vraiment pitoyable. « Bon, bah suis moi, je vais te servir » Je retournais à mon stand où m’attendais un nouveau client. « Tu peux patienter un instant stp ? » Un homme d’une cinquantaine d’années me demanda alors 1 kg de crevettes roses. Je les lui servis, tout en jetant des regards discrets à Andrew. Qu’allais-je lui dire, après tout ce temps. Parler de saumon ou autres produits de la mer n’allait pas beaucoup aidé. Il avait commencé à parler de Lou en disant qu’ils s’étaient remis ensemble. « Tenez Mr Black, bonne journée, et passez le bonjour à votre femme » Je tendais le sachet à mon client et une fois qu’il m’avait payé, je me tournais vers Andrew. « Donc du saumon pour deux personnes. » Je pris le saumon du présentoir à glace, je m’approchai de la balance et pendant que je lui découpai 600g du poisson rose, je lui dis, en parlant de Lou « Et elle va bien ? Moi je ne suis plus avec Camilla » Bien qu’on ne fût plus autant en contact, on se sentait obligé de nous donner de nos nouvelles respectives. C’était, sans doute, une tentative de montrer le drapeau blanc et qu’on était quand même attaché l’un à l’autre malgré ses anciennes tensions et tout ce temps sans se donner la moindre nouvelle.

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