Février. Cela allait faire 5 mois que Carl avait commencé son école de vétérinaire, à quelques kilomètres de Magnolia. Et dieu merci il était parti à temps. S'il était resté, il y aurait sans doute eu un mort de plus dans la ville. Entre les prises de tête avec ses parents et les engueulades futiles avec ses sœurs, le Spencer avait été content de partir. Il avait laissé les choses un peu dans un sale état à vrai dire. Depuis plusieurs mois il n'avait pas vraiment passé du temps avec quelqu'un en y prenant goût. Non, tout semblait fade, inutile. Enfin, sauf Joy. Ceci dit, il ne la voyait pas souvent non plus. Mais c'était la seule avec qui il passait vraiment du temps, à parler, et ok, flirter. Carl ne sortait même plus, se contentant d'un ou deux verres, posé chez lui ou à la morgue. Son père avait vraiment fait une drôle de tête en apprenant que son fils comptait changer totalement de plan. Evidemment, Carl Spencer devait suivre les traces de son père n'est-ce pas ? Et bien, non, il en avait décidé autrement. De toute façon, il suffisait de lui demander quelque chose et il faisait autre chose. Mais ce n'était pas ça qui l'avait poussé à changer de voie. Parce qu'il respectait et aimait son père comme personne, et ce n'était pas par pur égoïsme. Passer toute sa vie dans une morgue, c'est juste que cela ne l'enchantait plus, voilà tout. Qui prendrait en charge le business ? Desmond, peut-être. Ou l'une des sœurs. C'est vrai que cela posait problème, mais après tout, ses parents n'étaient pas encore morts -dieu merci- donc la question ne se posait pas.

Carl stoppa le moteur et soupira, en tournant la tête vers sa maison. Il appréhendait de rentrer. Il n'était pas revenu depuis plusieurs semaines -ou était-ce plusieurs mois ?- et il se demandait comment il allait trouver les choses. Remarque, sans lui ça allait peut-être mieux, vu que c'était toujours lui qui finissait par foutre la merde. Faut dire qu'il a une grande gueule (a) Le Spencer retira les clés du contact et sortit de sa voiture, avant de récupérer son sac à l'arrière. Le jetant sur son dos négligemment, il ferma la voiture et se dirigea vers l'entrée. Porte ouverte, quelqu'un devait être là. Carlos haussa les épaules. Aujourd'hui il avait pas envie de s'énerver, alors il arbora un petit sourire en entrant, posant son sac aléatoirement près des marches. Il n'était pas le genre de personne à crier ''je suis rentré !' juste pour voir sa famille accourir pour lui souhaiter la bienvenue. Peut-être qu'il aurait aimé l'être. Mais la famille Spencer ne se prêtait simplement pas à cette tradition, car la famille Spencer ne cessait de se briser un peu plus chaque jour.  

Depuis plusieurs semaines déjà, Scarlett avait remis de l’ordre dans sa vie. La situation était redevenue à peu près normale entre Nate et elle, son travail poursuivait son cours et elle prenait soin de se tenir à carreaux de tout ce qui concernait DS après cette histoire d’incendie qui l’avait fameusement dissuadée à continuer ses recherches. Elle se souvenait encore de cet horrible moment, quelques mois auparavant, où coincée dans cette maison inhabitée en compagnie d’Elisabeth, les deux sœurs avaient d’abord eu la vision horrible d’une réplique de la tête de leur frère balancée sous leurs yeux avant qu’un feu ne se déclare dans tout l’endroit et qu’elles ne prennent leurs jambes à leur cou. Elles avaient promis de ne pas en parler et surtout de ne pas creuser plus loin cette affaire. Peu de temps après, DS avait sorti un article concernant une vieille histoire qui avait eu lieu à Magnolia, éclairant ainsi un peu plus les raisons pour lesquelles son site internet avait été créé. Les secrets des habitants du quartier déchiraient des familles entières. Celle des Spencer ne faisait pas exception, bien qu’ils aient été plutôt épargnés jusqu’à présent. Et même si la vie de Scarlett avait retrouvé un semblant de normalité, la jeune femme regrettait que leur famille continue de se briser intérieurement et que plus personne ne tente de sauver les pots cassés. Ce n’était pas parce que la situation se déchirait entre les deux parents, qu’elle voulait laisser la relation avec son frère et sa sœur s’empirer toujours plus. Sa complicité avec Elisabeth avait retrouvé des couleurs depuis cette affaire avec DS, quant à son frère Carl… C’est à peine s’ils se parlaient encore ces derniers mois. Par fierté, chacun avait maintenu ses positions, préférant s’éviter plutôt que d’arranger les choses. Toutefois, la jolie brune avait frôlé plusieurs fois des dangers qui l’avaient encouragée à revoir son avis sur la question. Elle en avait assez de cette situation tendue, une idée qui lui occupait l’esprit depuis plusieurs semaines déjà, mais elle n’avait pas encore eu l’occasion de revoir son frère entretemps. Celui-ci avait plus ou moins quitté la maison pour ses études de vétérinaire et ne revenait quasiment plus à Magnolia. Encore loin de se douter qu’il rentrerait aujourd’hui, Scarlett terminait de travailler sur un dossier pour papa O’Conell dans le salon, afin de clôturer la semaine dans les temps. Alors qu’elle rédigeait la dernière phrase d’un rapport à glisser dans les documents, elle entendit la porte d’entrée s’ouvrir. Vu l’heure qu’il était, Elisabeth n’était certainement pas rentrée de sa sortie avec Joshua. Quant aux parents, ils avaient pris du temps pour eux et étaient partis aussi pour un bon moment. Peut-être était-ce Nate qui passait à l’improviste, même s’il n’avait pas l’habitude d’entrer sans qu’on lui ouvre ? Sa curiosité éveillée, Scarlett se leva du canapé et se rendit dans le hall d’entrée. Surprise. C’était son frère, qu’elle n’avait plus vu depuis longtemps. « Ah c’est toi… » Lâcha-t-elle simplement, pas vraiment très pro pour tout ce qui était d’engager la conversation. Voyant qu’il se dirigeait vers les escaliers, la jeune femme songea que l’occasion était trop belle que pour la rater. Carl et elle, seuls dans la maison, avec des choses encore non réglées. C’était maintenant ou jamais. « Attends… » Murmura-t-elle alors, en s’approchant un peu timidement pour le retenir de monter à l’étage. Scarlett se mordit la lèvre inférieure, pas très douée pour ce genre de conversation. Sa fierté mise en sourdine depuis longtemps déjà, ajoutée à son envie de calmer la situation avec son frère, elle se lança finalement. « On peut parler ? » Par cette question, elle lui donnait le choix de répondre positivement ou non. La jolie brune ne forçait en rien son frère, mais on ne pourrait pas lui reprocher de ne pas avoir fait un pas vers lui.