Plusieurs semaines s’étaient écoulées depuis la dernière fois qu’elle l’avait vu. Un manque incompréhensible continuait de grandir dans la poitrine de Savannah. Ce n’était pourtant pas dans ses habitudes de ressentir de tels sentiments bizarres. Qu’est-ce qui lui prenait bon sang ? La jolie blonde était en colère contre elle-même d’arriver à ressentir une pointe de regret. Depuis le début, elle avait tout fait pour que sa « fausse » relation avec Gabriel soit un échec, il avait pourtant tenu bon, pour le jeu. Plusieurs mois avaient passés, elle s’était rendu compte que bien loin d’être si différents, ils se ressemblaient beaucoup. Le jeune Farnsworth l’avait alors prise sous sa protection, tolérant toutes les bêtises les plus poussées les unes que les autres qu’elle s’autorisait à faire depuis qu’elle était avec lui, il avait fermé les yeux sur tout. Le soir où il l’avait laissé sortir un Holden drogué de la maison des Davies sans chercher plus loin la provenance de ces drogues, le jour où il avait accepté qu’elle « libère » Maxim de prison sans lui faire plus d’histoires, celui où il avait fermé les yeux quand elle avait volé des chaussures dans le magasin de Charly avec la petite Hopper pour faire plaisir à Amy… Gabriel avait tout laissé passer. Mais Savannah s’était alors rendu compte que personne avant lui ne l’avait jamais à ce point acceptée comme elle était et n’avait jamais autant compris de choses sur elle. Elle avait alors pris conscience qu’un attachement naissant avait pris possession de son corps, un attachement qui n’avait plus rien d’amical, mais qui était passé à un stade bien supérieur. C’était finalement la jolie blonde qui avait jeté l’éponge la première de leur « faux » couple. Ils ne s’étaient jamais rien passé entre eux, au sens physique du terme, mais elle avait eu peur de ne plus pouvoir gérer le côté sentimental qui avait pris de plus en plus d’ampleur pour elle au détour de leurs jeux incessants. Savannah ne pouvait pas s’attacher à quelqu’un, d’autant plus au vu de sa situation compliquée. Elle était beaucoup trop liée à deux autres hommes, l’un était le riche héritier du quartier, celui avec qui elle avait accumulé les bêtises, l’autre était son frère de cœur Jay, grâce à qui elle avait essayé d’oublier Gabriel et Holden, ces dernières semaines. Ils avaient retrouvés leur vieille complicité d’antan et elle n’avait pas vraiment envie de la « détruire » alors que tout était enfin rétabli entre eux… d’autant qu’elle ne savait même pas ce qu’ils étaient. Mais Savannah était sûre d’une chose. Elle n’avait pas encore réussi à sortir le policier de sa tête. Puisque Gabriel n’avait pas répondu à son téléphone depuis plusieurs jours, la jolie blonde avait donc décidé de passer chez lui très tôt ce matin-là, ou plutôt en fin de nuit, bon gré mal gré, à une heure où elle pouvait être sûre que toute la petite maisonnée était sans doute endormie. Ils avaient besoin de parler, parler de cette situation compliquée… ou même pas du tout. Le voir simplement lui conviendrait très bien aussi. Et puis, n’était-ce pas bizarre qu’elle avait toujours les clefs de chez lui et même de son bureau de police ? Il n’avait pas encore demandé à les récupérer. Savannah débarqua donc silencieusement chez les Farnsworth sans prendre la peine de frapper pour ne réveiller personne. Elle avait toujours su se montrer la reine de la discrétion quand il le fallait. La jolie blonde sortit donc son trousseau de clefs et entra sans bruit par l’arrière avant de monter dans la chambre du concerné. Elle s’introduisit à pas de loups avant de découvrir la chambre de Gabriel… vide. Il n’était pas là, peut-être sorti ou parti pour son travail. Savannah poussa un soupir, décidément il était introuvable partout, même chez lui en pleine nuit. Puisqu’elle était là, elle décida de se glisser quelques instants sous les couvertures pour l’attendre au chaud, dans son lit même pas défait maintenant qu’elle y pensait, ce n’était pas comme si elle n’y était jamais allée, peut-être reviendrait-il avant que le soleil ne se lève, mais pratiquement une heure s’écoula avant qu’elle n’entende du bruit dans la maison, sans doute les membres de sa famille se réveillaient-ils chacun à leur tour pour se rendre en cours ou au boulot. Dans quelle situation s’était-elle encore mise ? En était-elle vraiment arrivée à un stade aussi désespéré ? Non, bien sûr que non. Disons plutôt que Savannah n’avait peur de rien, pas même de tomber sur ses proches, elle aurait toujours une bonne explication à donner. Quand les bruits s’estompèrent et que les éclats de voix s’éteignirent, la jeune vendeuse trouva le moment opportun pour filer. Elle décida tout de même d’écrire un mot à Gabriel avant pour laisser une trace de son passage et lui demander de la recontacter dès que possible. La jolie blonde hésita alors à lui laisser le trousseau de clefs sur le bureau, mais songea qu’elle pourrait encore en avoir besoin. Savannah les rangea donc dans la poche de sa veste qu’elle enfila à nouveau avant de mettre l’oreille contre la porte. Aucun son dans le couloir. La voie semblait libre. Elle sortit de la chambre en refermant discrètement la porte derrière elle pour ne pas se faire entendre, elle était devenue maître dans l’art de passer inaperçue… La main de la jeune femme quitta la poignée, mais alors que Savannah se pensait quasiment tirée d’affaire, une voix l’interpella. Grillée ! Pour l’inaperçue, on repassera.

Blaine grogna lorsque les cris de son réveil parvinrent jusqu'à ses oreilles. Autant il s'était motivé la veille à se lever tôt pour aller à l'hôpital où il faisait un stage de quelques jours, autant maintenant qu'on le réveillait de force, toutes ses bonnes résolutions s'étaient évaporées. Il manquait cruellement de sommeil mais ne pouvait pas se permettre de continuer à dormir. Il ne pouvait pas rater le bus qui l'emmenait directement en face de l'hôpital et il savait qu'il lui fallait un petit moment pour sortir totalement des bras de Morphée. Il décida de s'accorder deux minutes, deux petites minutes de plus mais pris garde à ne pas se rendormir. Il soupira, se retourna sur le côté pour jeter un oeil à Jenna, mais son bras rencontra les couvertures vides de toute présence. Cette simple constatation suffit à le réveiller. Il se redressa, fronçant les sourcils. Où était-elle encore passée ? Il fit rapidement le rapprochement, elle s'était certainement levée encore plus tôt pour un article, un reportage ou quelque chose du genre. Parfois, Blaine enviait l'énergie continuelle de Jenna. Ce matin-là, il en aurait bien eu besoin. Finalement il se força à se lever, de toute manière il n'avait pas tellement le choix. Il enfila un t-shirt et un sweat, frissonnant à la différence de température entre son lit et l'extérieur.

Il descendit les escaliers d'un pas lourd, le reste de sa famille devait certainement continuer de dormir, bien au chaud sous les couettes. Ce qu'il pouvait envier sa petite sœur parfois. Il se dirigea vers la cuisine et dans un même mouvement, ouvrit le frigo y prit le lait ouvrit un placard y prit un bol ouvrit un second placard y prit des céréales mélangea le tout dans ledit bol et se laissa tomber sur une chaise. À vrai dire à cette heure-là de la matinée, quasiment de la nuit, il n'avait pas très faim, mais il se forçait à manger, sachant pertinemment qu'il avait besoin d'un bon petit déjeuner et de beaucoup d'énergie pour la journée qui s'annonçait. Il recommençait déjà à s'endormir ; se frottant vigoureusement les yeux, il termina ses céréales, fit rapidement la vaisselle avant de remonter à l'étage. Arrivé sur le palier, il releva la tête et s'arrêta net. Il aurait juré être le seul éveillé, mais de toute évidence la jeune fille blonde qui lui faisait face était elle aussi concernée. Il reconnut la jeune Richardson et tiqua en remarquant qu'elle se tenait devant la porte de la chambre de son frère. Il était pourtant persuadé que ce dernier n'était pas rentré la veille au soir, et ne voyait donc pas ce qu'elle faisait là. « Savannah ?.. » il ne voulait pas lui demander ce qu'elle faisait là, après tout si son frère ramenait des filles à la maison ça ne concernait que lui, quoique leur mère ne cautionnerait peut-être pas. Mais si Blaine n'était pas du genre très curieux, il ignorait que Savannah et Gabriel se connaissaient, de près ou de loin, et il avait tout de même de quoi se poser des questions.

Alors que Savannah venait de refermer la porte de la chambre de Gabriel derrière elle, la jeune femme poussa un soupir de soulagement en songeant que le plus dur était presque fait. Il ne restait plus qu’à sortir de la maison en passant inaperçue et le tour serait joué. Mais c’était sans compter que la jolie blonde se laisserait surprendre comme une bleue. Lorsque son prénom résonna derrière elle, Savannah sursauta un instant, comme si elle avait été prise sur le fait de quelque chose de mal, avant de se retourner et de reconnaître Blaine, le frère de Gabriel, qu’elle avait déjà eu l’occasion de croiser dans le voisinage. Il est vrai que les membres de la famille du policier ignorait généralement ce qui le liait à lui, puisque d’une part, ils ne s’étaient jamais vus devant eux, et d’autre part, l’aîné des fils Farnsworth gardait bien précieusement sa vie privée pour lui. Alors comment expliquer qu’elle sortait de sa chambre sans en dire trop et surtout sans paraître déplacée, alors que Gabriel était absent et que Savannah avait purement et simplement débarqué à l’improviste ? La jeune femme n’avait certes voulu croiser personne, mais sa présence ne devait pas être un secret absolu pour la cause, d’autant qu’elle assumait parfaitement connaître le policier. Mieux valait donc ne rien inventer. Même si Blaine ne lui avait rien pas posé de question, la jolie blonde les devinait et elle s’empressa donc d’expliquer les raisons de sa présence aussi tôt. « Blaine. » Répondit-elle tout d’abord. « Désolée pour cette irruption matinale, je suis venue pour voir ton frère, mais je ne voulais réveiller personne. » Ajouta-t-elle ensuite. Jusque-là, Savannah n’avait absolument rien inventé. Elle avait voulu se montrer discrète. Après, Blaine se demanderait sûrement comment elle était entrée sans que personne ne lui ouvre, mais la jeune femme préféra passer ce détail pour le moment. La jolie blonde n’avait pas envie de s’étendre plus loin sur les raisons de sa présence, ni pourquoi elle avait voulu voir Gabriel, disons que Blaine n’aurait qu’à se renseigner auprès de son frère s’il voulait vraiment en savoir plus. « Enfin, je ne vais pas m’éterniser, puisqu’il n’est pas là. Tu pourrais lui dire que je suis passée ? » Poursuivit-elle ensuite, bien qu’elle avait laissé un mot à son attention dans sa chambre. Savannah ne voulait pas paraître désespérée de le voir, ce n’était absolument pas le cas, mais il était injoignable depuis un jour ou deux, probablement en mission ou parti du quartier, et elle commençait à s’inquiéter de ne pas avoir de nouvelles, car malgré ce qui s’était passé entre eux, ils n’avaient pas coupé les ponts loin de là, alors c’était étrange. La jeune femme avait d’ailleurs beaucoup réfléchi à toute cette situation bizarre entre eux, une situation sur laquelle ils avaient vraiment besoin de faire le point. Joignant le geste à la parole pour ne pas s’attarder, Savannah lâcha la poignée de la porte et se dirigea vers escaliers. Après tout, elle n’était pas chez elle et ne voulait pas « s’imposer » plus longtemps en l’absence de celui qu’elle était venue voir.

Si Blaine n'était pas tellement surpris de voir quelqu'un debout à cette heure de la matinée, la faute aux horaires imprévisibles de chacun des membres de la famille, il ne se posait pour autant pas moins de questions concernant la venue de la jeune femme. À vrai dire il n'aurait rien dit s'il savait son frère à proximité, préférant ne rien savoir de ce qui s'était passé dans cette chambre depuis que la jeune femme était là. Mais il savait que son frère n'était pas rentré hier soir et ne pensait  pas avoir entendu de quelconques bruits de porte pendant la nuit. Finalement Savannah répondit d'elle même aux questions que Blaine n'avait pas osé poser, laissant supposer qu'elle n'était pas venue avec son frère mais pour son frère et que celui-ci était donc bel et bien absent. Puis elle s'excusa de la gêne occasionnée et Blaine haussa les épaules, s'empressant de la rassurer. « Oh ne t'inquiètes pas, une tornade ne les réveilleraient pas. » Il désigna les autres chambres, plongées dans le noir et le silence.

Jetant un œil à sa montre, il vit qu'il était largement en avance. Les joies de mettre son réveil bien trop tôt. Mais Blaine n'était pas du genre très ponctuel, au contraire il avait tendance à ne pas savoir gérer son temps et à arriver souvent en retard. Pesant le pour et le contre, il décida que s'il faisait attention à l'heure il n'y avait pas de raison pour qu'il rate son bus. Il se tourna vers Savannah, qui déjà se dirigeait vers les escaliers, prête à repartir aussi vite qu'elle était venue, lui demandant au passage de prévenir Gabriel de sa venue. « Bien sûr. Écoute Savannah, j'ai un peu de temps devant moi et tu as l'air épuisée. Laisse-moi te servir un café. Ou un thé, comme tu préfères! » Il ouvrit les mains en signe de proposition. Après tout ce n'était rien d'autre que dix petites minutes autour d'une tasse, et s'il faisait ça c'était uniquement parce qu'il avait bien remarqué les cernes plus ombrées que d'habitude que la jeune femme arborait. Il ne savait pas si son frère pouvait y faire quelque chose, s'il y était même pour quelque chose mais pas besoin d'être étudiant en médecine pour savoir qu'une boisson chaude et un peu de compagnie ne pouvaient être que bénéfiques.

Savannah n’avait pas spécialement quelque chose à cacher, mais elle n’aimait pas trop se faire prendre sur le fait et avoir le sentiment d’être surprise comme une voleuse. Alors quand elle remarqua qu’il s’agissait de Blaine, son voisin qui l’avait déjà aidée à plusieurs reprises lors de quelques petits services rendus, la jeune femme jugea bon de lui donner quelques explications. Comment lui exposer qu’elle était venue voir Gabriel, parce que celui-ci ne répondait pas à ses appels, sans paraître harceleuse ou exagérément inquiétée pour avoir osé s’introduire chez lui ainsi ? Savannah ne voulait certainement pas que ça lui soit rapporté, mais Blaine ne semblait pas du genre à s’abaisser au colportage déformé. Elle avait de toute façon laissé un mot au principal intéressé, qui serait au courant de son passage. La jolie blonde ne pouvait rien faire de plus. En guise de réponse, le jeune homme lui assura que sa présence n’aurait pas réveillé un chat dans la maison. Son attitude accueillante et décontractée détendit aussitôt Savannah qui reprit contenance. N’ayant rien de plus à faire chez Gabriel, elle esquissa alors un sourire et prit déjà congé de Blaine pour quitter les lieux. Contre toute attente cependant, celui-ci se tourna vers elle tandis qu’elle atteignait les escaliers et lui proposa de rester un peu et de boire un café sous prétexte qu’il avait un peu du temps devant lui. Savannah pesa un instant le pour et le contre. Blaine avait visiblement remarqué en un clin d’œil que quelque chose n’allait pas chez elle, l’épuisement et autre, alors que certains de ses plus proches amis ne l’avaient même pas décelé. Elle cachait un malaise profondément enfoui en elle qui ne passait pas. Mais la jolie blonde avait aussi sa fierté et rejetait absolument toute pitié, elle n’était pas du genre ni à s’apitoyer, ni à s’épancher, ses nerfs d’acier lui suffisaient pour compenser, sauf que dans le cas précis, ça ne semblait pas être l’intention de Blaine. Savannah réfléchit quelques secondes supplémentaires. Elle s’était limite introduite comme une voleuse, la moindre des choses était de répondre positivement à l’invitation, histoire de faire plus ample connaissance avec un de ses charmants voisins mais surtout un des proches de Gabriel, puisque Blaine n’était autre que son jeune frère. Si elle n’avait pas franchement l’intention de parler d’elle, c’était en revanche l’occasion ou jamais d’en apprendre un peu plus sur l’entourage du policier. « Avec plaisir. » Répondit-elle donc par l’affirmative. « Va pour un café. » Savannah continua de descendre les marches pour emboîter le pas de son « hôte » matinal dans la cuisine.

Blaine attendait patiemment la réponse de Savannah, qui semblait hésiter à accepter. À vrai dire il comprendrait parfaitement qu'elle décline l'invitation, ils ne se connaissaient pas tellement, juste de vue et parce qu'ils avaient eu l'occasion de parler quelque fois, mais c'était rarement allé plus loin. Ils avaient certes fréquenté les mêmes écoles, mais Savannah avait deux ans de plus que lui et ils n'étaient pas franchement du même univers ; autant de choses qui faisaient qu'ils n'avaient jamais réellement eu l'occasion de faire connaissance. Mais ça ne l'empêchait pas d'apprécier la jeune femme, et de lui proposer un café lorsqu'elle semblait en avoir besoin. Et puis, il ne le disait pas à voix haute, mais il espérait grappiller discrètement quelques informations sur les raisons de sa présence dans la chambre de son frère à cette heure de la matinée. Il était bien conscient que ça ne le regardait pas, raison pour laquelle il ne comptait pas insister si la jeune femme ne souhaitait pas en parler, mais Gabriel restait son frère et Blaine était tout de même un brin curieux. Et le meilleur moyen pour en savoir plus était bel et bien de s'asseoir à la table de la cuisine autour d'une tasse brûlante.
Finalement elle finit par accepter, décrochant un sourire joyeux à Blaine pour qui c'était toujours un plaisir d'aider, ou du moins de soutenir, son prochain. Et ce n'étaient pas les cernes sous les yeux de Savannah, qu'on avait vaguement tenté de dissimuler à l'aide de maquillage, qui diraient le contraire. La jeune femme continua de descendre l'escalier, suivie par Blaine qui lui indiqua le chemin. Quoiqu'elle devait déjà le connaître, il ne savait pas combien de fois au juste elle s'était introduite dans la maison, en secret ou en tant qu'invité. Une fois près du comptoir de la cuisine, il alluma la cafetière, ouvrit un placard et en sortit deux tasses. Ce serait l'occasion pour lui aussi de se réveiller, il n'avait pas pour habitude de prendre de caféine au matin mais peut-être qu'il devrait, en fin de compte, ça l'aiderait peut-être à ne pas se rendormir sur son bol de céréales. « Alors mademoiselle, qu'est-ce que je vous sers ? » Gloria et les deux ainés de la famille étaient des férus de café, alors au niveau des capsules, ils avaient vraiment de quoi faire dans cette maison. Blaine se saisit de la boite contenant les multiples choix qui s'offraient à la jeune femme et la lui présenta. Quant à lui, il opta pour un Cappuccino et lança une première fois la machine en attendant la décision de son invitée. « T'as du courage, en tout cas, de te lever aussi tôt. Si je le pouvais, je continuerais de dormir toute la matinée. Toute la journée, même. Toute la semaine, je crois que j'en serais capable! » il sourit, un peu gêné. il évitait souvent de préciser cette partie de ses études, mais il était crevé. Littéralement. Il commençait tôt, finissait tard, tentait de réviser ses cours entre les deux, de garder un minimum de vie sociale, mais ce n'était pas simple et il avait parfois l'impression d'en perdre le fil. D'être totalement out et que seul un bon café noir pouvait le rebooster. S'il pouvait avoir une fonction veille, des fois, ça l'arrangerait bien.

Savannah se souvenait parfaitement du jour où elle avait annoncé la fin de leur jeu à Gabriel. La jolie blonde ressentait encore la peur lui nouer le ventre. Elle avait redouté de s’attacher à lui au fur et à mesure des mois qui s’avançaient. Dans leur pari de faux couple, elle avait tout fait sans qu’il ne s’en rendre compte pour le forcer à la quitter mais il s’était accroché à elle comme une moule à son rocher, indéfectible, acceptant chaque bêtise, chaque mauvais coup qu’elle faisait. Gabriel l’avait accepté dans sa totalité et n’avait pas été effrayé par sa personnalité complètement décalée. Au contraire, par cette détermination tacite qu’il avait eu de fermer les yeux sur tous ses écarts, il avait apaisé Savannah et l’avait sans le savoir ramené à la raison. Elle s’était rendu compte qu’elle avait besoin de quelqu’un de stable et de poser comme lui dans sa vie, assez mature dans l’âme sans être totalement coincé dans un moule. Il incarnait parfaitement cette image en tant que policier respecté qui n’hésitait à pas à commettre quelques impairs de temps en temps. Le problème était que Savannah ne voulait être dépendante de personne et quand elle s’en était rendu compte, elle avait préféré mettre un terme à leur « fausse » histoire qui n’en était plus tellement une, sauf qu’il avait été trop tard. Elle se rappelait de cet instant où il avait posé ses mains sur ses hanches et l’avait attirée contre lui, l’enfermant dans la prison de son corps musclé ; son souffle avait caressé sa nuque tandis qu’il s’était enivré de l’odeur de ses cheveux blonds comme les blés. Gabriel avait ensuite posé son front contre son épaule tandis que leurs respirations s’étaient accordé l’une à l’autre. Savannah avait fermé les yeux et s’était imprégnée de lui. Elle s’était droguée de sa simple présence dans ses bras à cet instant-là pour nier l’évidence d’une fin proche, une fin qu’elle avait ensuite elle-même annoncée. Il n’avait jamais cru qu’elle pourrait craquer la première et pourtant l’aveu de sa défaite n’avait jamais été aussi criant et révélateur. Ce garçon lui faisait tourner la tête et mieux valait le tenir loin d’elle pour qu’il n’ait plus à souffrir de ses frasques car Savannah était capable de l’entraîner dans sa chute au passage. Elle était entrée dans une mauvaise période, encore pire depuis qu’elle avait décidé de mettre un terme à cette histoire. La jolie blonde n’avait pas encore tout à fait remis de l’ordre dans sa vie, elle n’était pas vraiment libre et tant que ce ne serait pas le cas, elle ne pouvait pas ‘retenir’ Gabriel. Perdue dans ses pensées, elle réalisa alors qu’elle était assisse dans la cuisine et que Blaine lui proposait de choisir parmi les différentes capsules de café. « Un Brazil s’il te plaît. » Dit-elle en remarquant quelques saveurs plus « exotiques » dans les choix présents. Savannah avait même ajouté une once de politesse, que de progrès ! Elle écouta alors le jeune homme lui parler de ses réveils éreintants, il était plutôt grasse matinée que lève-tôt mais il n’avait malheureusement pas l’occasion d’en profiter souvent. « En fait, c’est plutôt l’heure à laquelle je vais dormir habituellement. » Avoua Savannah en guise de rectification. Miss fêtarde bonjour, enfin là c’était plutôt miss insomnies. Elle sourit du même coup amusée, un blanc risquait cependant de revenir rapidement. Peu du genre à s’épancher et comme elle se voyait encore moins parler de Gabriel devant son frère, la jeune femme tenta de chercher un autre sujet, plus quelconque, de ceux qui n’engageaient à rien. « Et donc… tu es toujours aux études ? » Elle se racla légèrement la gorge pour ne pas tousser. Ils étaient quasiment voisins et voilà qu’elle se rendait compte qu’elle ne connaissait pratiquement rien de lui si ce n’était peut-être vaguement qu’il avait une copine plutôt jolie qui vivait sous le même toit que lui. Alors oui, elle aurait pu mieux trouver comme sujet, elle n'avait cependant jamais prétendu être la reine de la conversation.

Savannah semblait s'être perdue dans le fil de ses pensées, alors Blaine attendit, tout simplement, qu'elle s'en sorte d'elle-même. Ça lui arrivait assez souvent alors il comprenait ce qu'elle ressentait, quoiqu'il n'avait aucune idée de ce à quoi elle pensait. Alors il la fixa quelques secondes, le temps qu'il fallut à la jeune femme pour revenir au présent et demander un Brazil. L'espace d'une seconde, Blaine se demanda ce qui avait tant captivé Savannah, et si ça pouvait être son frère. Mais il préféra ne pas demander, ne voulant pas être trop indiscret. Et puis, même si la curiosité lui faisait se poser des questions, ça ne le concernait pas et il ne voulait pas brusquer Savannah. Alors il la laissa choisir en silence, gardant pour lui ses interrogations. Lorsque la jeune femme fit son choix, il s'empara de la capsule, lança la machine qui avait eu le temps de finir son Cappucino. Il fronça légèrement les sourcils lorsqu'elle lui annonça qu'elle ne s'était pas levée, pas même encore couchée. Il jeta un oeil à sa montre, et l'étudiant en médecine qui sommeillait en lui se réveilla. Il était tout juste six heures et demi du matin, et alors que lui n'avait qu'une envie, retourner se coucher et ne pas se lever avant des heures, la Richardson était toujours debout, depuis allez savoir combien de temps. Ça expliquait donc bien les cernes sous ses yeux, qui avaient poussé Blaine à lui servir un café. Loin d'être idiot malgré l'heure et le manque de sommeil, il devinait facilement qu'il se tramait quelque chose. Il ignorait si son frère y était lié, mais il voyait bien que Savannah en était très affectée et à vrai dire ça l'inquiétait un peu. Il se doutait qu'elle ne devait pas avoir très envie d'en parler, encore moins de raconter ce qui se passait, mais si ça avait un rapport avec son frère...il se sentait en quelque sorte obligé de s'en préoccuper, il avait vaguement eu vent de la relation que Gabriel et elle entretenait, ambigüe et pas très bien définie, et peu importe la façon dont ça avait fini, il sentait qu'il ne pouvait pas l'ignorer. Pas seulement à cause de son frère, mais aussi parce que Savannah était sa voisine et même s'ils ne se connaissaient pas très bien, cette fatigue qu'elle arborait, sa présence dans cette maison alors qu'on ne l'y avait plus vue depuis un moment, tant de facteurs qui faisaient que Blaine ne pouvait retenir ses questions.
Il s'apprêtait à se lancer, ne sachant pas comment amener le sujet sans blesser Savannah, quand celle-ci relança la discussion sur un tout autre thème ; ses études. Quelque part, Blaine sentait bien que c'était histoire de combler le silence qui s'était imposé, et peut-être même une façon de détourner l'attention et de ne pas évoquer les raisons de sa présence dans la chambre de Gabriel tôt dans la matinée. « Oui, et je suis pas prêt d'en avoir fini. » il sourit légèrement, plus sarcastique qu'amusé, en vérité ça n'avait rien de drôle. Et puis, d'ici une heure il allait devoir y retourner, à ses études, se remettre à bosser en essayant de mettre de côté cette histoire entre son frère et Savannah qui le tracassait, alors pour le moment il n'avait pas franchement envie d'en parler et d'exposer le pourquoi du comment il avait choisi médecine. Surtout qu'il y avait plus important et plus intéressant (et puis c'est pas comme si la moitié de mes rp parlent de ses études, hein) et qu'il doutait que Savannah prêtait réellement attention à sa réponse. Alors il se racla la gorge, décidé à ne pas se laisser abattre par ses pensées d'éthique, comme quoi ça ne le concernait pas et même si ça le concernait de loin, ça ne se faisait pas et blablabla. « Est-ce que...est-ce que mon frère a quelque chose à voir avec tes insomnies ? » Pour l'intro, on repassera. Alors Blaine se sentit obligé d'ajouter quelque chose, pour ne pas passer pour le mec trop curieux. « Si tu ne veux pas en parler, je comprendrais. Mais je connais Gabriel, quand même, alors... » Il s'arrêta. Alors, alors, et bien alors il ne savait pas, il n'était pas vraiment en mesure de faire quoique ce soit, puisque ça ne le concernait pas, mais malgré les années d'absence de son frère il avait réussi à en savoir un peu plus sur lui depuis son retour. Et il fallait dire que ça avait surpris Blaine, de voir Savannah devant la porte de la chambre de son frère, à six heures du matin, alors que le concerné ne s'était pas montré depuis la veille au soir et que toute la maisonnée le savait parfaitement. Tous sauf Savannah, de toute évidence.

Savannah n’avait pas vraiment envie de s’éterniser dans les parages mais elle ne pouvait décemment pas décliner l’invitation de Blaine à rester après s’être fait surprendre comme la première des débutantes, pas qu’elle portait un quelconque intérêt aux convenances ni à ce qu’on pourrait bien penser d’elle, cependant elle appréciait bien son voisin et elle ne voyait aucune raison de se mettre le frère de Gabriel à dos sans aucune cause valable. La jeune femme n’avait pas vraiment su fermer les yeux de la nuit, sa fatigue nerveuse avait creusé des cernes peu flatteuses qui soulignaient son regard, affichant clairement les troubles de son sommeil. Savannah n’avait pas pris la peine de les cacher sous une couche de maquillage ou de crème savamment étalé ; elle ne s’attendait pas vraiment à s’attarder dans la maison de Gabriel si ce n’était pour le voir lui. Le policier n’avait pas vraiment donné signe de vie ces derniers temps. Malgré leurs rapports distendus, la jolie blonde nourrissait une inquiétude qui ne lui était pas familière. Depuis quand se préoccupait-elle d’une autre personne qu’elle ? Hakuna matata, aussi douteuse pouvait-être la référence de cette chanson, elle n’en illustrait pas moins parfaitement la philosophie de vie habituelle de la jeune femme. Alors quand même un « inconnu » de son entourage comme Blaine parvenait à deviner que « quelque chose n’allait pas », Savannah devait vraiment songer à se poser des questions. Elle tenta vainement de détourner le sujet en abordant les études de son hôte mais celui-ci déjoua ses intentions et balaya rapidement la conversation par une réponse très brève. C’est vrai que tout ce qui était études n’intéressaient généralement pas la jeune femme, son envie d’en apprendre davantage sur Blaine partait néanmoins d’une intention sincère. « Je ne sais pas comment tu fais, mais t’as bien du courage en tout cas. » Commenta-t-elle tout de même. Les gros livres théoriques et elle… Ce n’était vraiment pas son truc. Savannah avait bien décroché un diplôme vite fait pour travailler dans la vente mais elle ne s’était pas cassé la tête et avait terminé dès que possible. Elle ne supportait pas passer ses journées enfermée dans des classes de cours à écouter les âneries de quelqu’un qui croyait tout mieux savoir que tout le monde. Avec son esprit assez franc parler, il lui était souvent arrivé de se prendre la tête avec des professeurs et de se retrouver mise à la porte du cours, sauf qu’ils n’avaient jamais compris, tous autant qu’ils étaient, que c’était précisément là le but de ses journées. Être mise dehors pour pouvoir sécher et finir ses journées en extérieur, alors dès qu’elle avait eu l’occasion d’en finir totalement, elle ne s’était pas gênée. Blaine, au contraire, semblait être une personne bien plus sérieuse et posée que Savannah pour ce genre de choses. Comme Savannah s’y attendait, le frère de Gabriel ne prit pas vraiment de gants pour rentrer dans le vif du sujet qui l’intéressait. En un sens, la jolie blonde préférait cette attitude. Pourquoi tourner autour du pot pendant cinquante ans alors qu’ils savaient aussi bien l’un que l’autre les questions qu’il se posait ? Si elle avait accepté de rester, ce n’était pas simplement par pure politesse mais parce qu’elle acceptait d’en discuter, fait suffisamment rare chez elle pour que cela mérite d’être souligné. En attendant que la capsule de son  café termine de passer, Savannah plongea ses prunelles d’un bleue vif dans les yeux de Blaine. Elle était à peu près certaine qu’il la jaugeait intérieurement, sans juger forcément, mais elle voyait bien qu’il avait cette envie curieuse de comprendre, de savoir ce qui se passait entre Gabriel et elle. Forcément, s’il y avait bien quelqu’un d’encore plus « discret » qu’elle dans cette ville, c’était bien lui. Il était encore plus muet qu’une tombe quand il s’agissait de sa vie personnelle. Les insomnies de la jeune femme avaient-elles un rapport avec lui ? « C’est possible. » Réponse simple et plutôt claire. Savannah ne savait pas elle-même s’il s’agissait bien de ça. Par contre, la suite des propos de Blaine l’intrigua. Parler… Connaître Gabriel… Est-ce qu’il s’était passé quelque chose en rapport avec elle ou disait-il simplement ça pour que Savannah explique sa présence ce matin sans savoir que le frère aîné de la famille était absent ? « Je ne vois pas trop ce que tu voudrais que je dise… » Déjà, parce que si Gabriel n’en avait pas parlé à son confident de frère, c’est qu’il devait avoir ses raisons, alors elle ? Bonne question. « Mais tu n’as pas l’impression qu’il a changé dernièrement ? » Gagna-t-elle alors du temps en lui retournant finalement les questions. Blaine prétendait bien connaître son frangin... jusqu’où s’étendait cette complicité ? Les paroles du Farnsworth n’étaient pas tombées dans l’oreille d’une sourde, puisque Savannah avait soudainement inversé les rôles. « Ton frère et moi… on est légèrement en froid depuis quelques temps. » Admit-elle cependant pour ne pas le laisser dans le flou. Ce n’était pas pour se justifier, mais bizarrement, Savannah se sentait à « l’aise » avec Blaine. La jeune femme était une vraie furie, au caractère complètement déroutant. Elle avait quand même largement abusé à plusieurs reprises, en profitant du statut de chef de la police de Gabriel qui l’avait couverte à chaque fois. La jolie blonde avait tout fait pour le pousser dans ses derniers retranchements, personne n’aurait autant enduré ses sautes d’humeur aussi longtemps et surtout autant que lui. Et pour quoi au final ? Se faire « jeter » comme un malpropre parce que madame la névrosée émotionnelle refusait de s’attacher ? Parce qu’elle avait pris peur que le jeu n’en soit plus qu’un ? Bravo Savannah.

Spoiler:

Blaine jeta un œil à l'heure qu'affichait sa montre, soucieux du temps qui passait. Une dizaine de minutes s'étaient écoulées, il avait encore du temps avant qu'il ne doive quitter Savannah pour attraper son bus. En attendant il comptait bien obtenir des réponses à ses questions, Savannah n'étant pas vraiment en position d'affirmer qu'il ne se passait « rien ». Blaine avait entendu parler de la relation ambigu qui liait Savannah à son frère, et s'il ne s'en était jamais mêlé il voyait bien aujourd'hui que les choses ne se passaient plus si bien que ça. S'il savait rester éloigné et objectif par rapport à cette histoire, maintenant que la Richardson se trouvait dans sa cuisine il ne pouvait pas franchement taire les questions qui naissaient dans son esprit. Et Gabriel n'étant pas vraiment du genre à lui confier quoique ce soit par rapport à ses relations avec les femmes, il ne pouvait pas vraiment se tourner vers lui. Alors, voyant un certain signe dans l'acceptation de la jeune femme à prendre un café, Blaine saisit l'occasion. Il voyait bien que Savannah n'était pas tout à fait contre cette discussion, mais pas tout à fait pour non plus. Alors qu'un silence s'installait, occasion idéale pour Blaine de se lancer, elle tenta d'engager la conversation vers un autre chemin. Chemin que Blaine détourna facilement, pour se lancer enfin et demander. Est-ce que son frère avait quelque chose à voir avec les insomnies apparentes de la jeune femme, qu'il pouvait facilement deviner vu la mine peu glorieuse qu'elle affichait ? Soucieux de ne pas passer pour un garçon trop curieux, il ajouta qu'ils n'étaient pas obligés d'en parler – il lui laissait carte blanche. Un petit moment passa, puis Savannah répondit sans réellement confirmer ni infirmer. Blaine n'était pas très avancé avec ça mais il savait que d'une certaine manière, une pointe de confirmation perçait dans ces trois mots. « C'est possible. » C'était affirmer la vérité sans réellement le faire. Peut-être que Savannah n'osait pas, n'avouait pas. D'une certaine façon Blaine ne se sentirait pas à sa place si son frère avait fait du mal à la jeune femme. Mais il ne voulait pas qu'elle pense qu'il cautionnait tous ses acte – ce n'était pas le cas.

D'un hochement de tête il lui fit signe qu'il comprenait ce qu'elle voulait dire. Elle n'avait pas besoin de préciser – il se doutait bien qu'elle n'en avait pas très envie. Sa réponse était claire : elle ne semblait pas avoir grand chose à lui dire. Ce n'était pourtant pas lui qui voulait qu'elle parle. Il voyait simplement qu'elle en avait besoin. Il haussa les épaules, expliqua. « Ça n'a rien à voir avec moi, Savannah. Je vois juste qu'il se passe des choses. Entre vous. » Des choses pas cools, de toute évidence. Il n'avait pas besoin de préciser plus, il était certain qu'elle comprenait ce qu'il voulait dire. Et il espérait qu'elle voyait aussi qu'il essayait simplement de l'aider. Ou, à défaut, de soulager ces tracas qu'elle semblait se faire. Ce n'était pas Gabriel qu'il risquait d'aider, sur ce point-là il n'avait pas changé, il n'avait pas touché un mot de cette histoire à son frère. « Changé? En quoi aurait-il changé ? » Blaine ne voyait pas où elle voulait en venir. Il n'avait observé aucun changement chez son frère, et même s'il ne pouvait pas prétendre le voir très souvent ou le connaître comme le fond de sa poche, il ne voyait rien qu'il puisse qualifier de « changé ».

Savannah ajouta alors qu'elle et Gabriel étaient en froid, depuis quelques temps. Blaine ne put s'empêcher de sourire, tournant ses mains autour de la tasse de café brûlante qui l'attendait toujours. « Oui, j'avais remarqué. » Ce n'était pas comme s'il essayait de diriger la conversation vers ce sujet depuis dix bonnes minutes. « Mais ne crois pas qu'il t'évite, si c'est ce que tu penses. Je ne crois pas que ce soit le cas. » Il faisait bien sûr référence au lit vide de Gabriel qu'elle avait trouvé quelques heures plus tôt ou Dieu sait depuis combien de temps elle était là. Au vu de ses réflexions il la voyait sans mal s'imaginer que Gabriel refusait de la voir, ce qui expliquerait la chambre inhabitée de l'étage du dessus. La véritable raison était surtout que Gabriel avait l'habitude d'alterner entre cette maison et son appartement en ville, ce qui rendaient incertaines ses allées et venues. Mais Blaine voyait bien que, malgré le voile dont elle se protégeait, Savannah se posait des questions, peut-être même se torturait-elle l'esprit. Et si Blaine n'était pas le mieux placé, au moins pouvait-il l'aider un peu à trouver des réponses.

Savannah fixa un instant son café, silencieuse. Elle ne voyait pas trop ce qu’il voulait qu’elle lui dise sur la ‘fausse’ relation qu’elle avait partagée avec son grand frère, à moins qu’il ignore tout du côté non vrai de cette histoire. Il est vrai que Gabriel et elle avaient parfois franchi le pas de s’embrasser à quelques soirées, devant les gens du quartier, simplement pour donner le change, à la fin plus part envie peut-être. Cela faisait plus de six mois que Savannah lui avait demandé qu’ils mettent un terme à leur ‘couple’, il était temps pour lui comme pour elle de tourner la page. Que pouvait-elle bien dire à Blaine sur une histoire qui était officiellement terminée ? Elle ne pouvait se plaindre de rien, car il s’agissait là de son choix à elle, et ensuite tout avait été faux. Pas si faux du côté de Savannah qui avait commencé à ressentir vraiment quelque chose pour Gabriel, mais le résultat était le même : elle les avait fui comme la peste en le quittant tant qu’il en était encore temps. Le policier n’était pas non plus fait pour les relations sérieuses, ces histoires d’amour niaises comme on en voyait légion à la télévision. Elle leur avait donc rendu un fier service en arrêtant cette comédie avant qu’il ne soit trop tard. Alors que dire au jeune frère de Gabriel ? Qu’elle avait été rongée par la peur ? Qu’elle avait pris ses jambes à son cou pour ne rien assumer ? Qu’elle regrettait ? Savannah ne vivait pas dans le regret, et se voyait d’autant plus mal confier les élans étranges de son cœur à un jeune étudiant, éperdument convaincu par l’amour et toutes ses conneries, vu depuis le temps qu’elle le voyait avec la même fille. La jeune femme avait accepté de rester plutôt par politesse, puisqu’il l’avait surprise chez lui sans qu’elle y ait été invitée et qu’il aurait pu avoir une réaction beaucoup plus colérique, ensuite parce qu’elle avait saisi l’occasion pour apprendre éventuellement à mieux le connaître, sauf qu’il avait clairement dirigé la conversation vers elle, et aussi sur son frère, une situation gênante pour Savannah qui ne savait pas vraiment si elle devait en dire un peu pour le « remercier » de ne pas s’être énervé ou non. Elle n’aimait pas du tout parler de sa relation ambiguë et étrange avec Gabriel. Heureusement, Blaine était beaucoup plus calme que son grand frère, beaucoup plus… serein d’apparence aussi. Il ne l’obligeait à rien. La discussion ne risquait de toute façon pas de s’éterniser longtemps, puisque la jolie blonde avait presque terminé son café et que l’étudiant devrait sans doute partir à ses cours matinaux. Par gentillesse sans doute, Blaine essaya de la rassurer dans un premier temps avant de lui demander non sans une certaine surprise, en quoi son frère avait bien pu changer. Gabriel n’était plus le même, plus extrême dans son comportement, dans ses colères. Savannah n’avait pu manquer de relever cette différence. Elle avait simplement posé la question pour voir si Blaine l’avait constaté aussi, mais ce n’était visiblement pas le cas. « Je le trouve différent, d’une manière générale. » Éluda-t-elle la question, pour ne pas trop rentrer dans les détails. Elle aurait surtout aimé savoir s’il avait changé depuis qu’elle n’était plus « avec lui » aussi. La jeune vendeuse mentionna alors plus clairement qu’ils étaient en froid – euphémisme, ils avaient pratiquement coupé les ponts, ce à quoi Blaine rétorqua qu’il l’avait déjà remarqué. Il tenta ensuite une nouvelle fois de la rassurer en lui affirmant que Gabriel ne l’évitait pas, encore un point où il se trompait, puisque Savannah savait déjà qu’il le faisait très clairement. « C’est là où tu te trompes, il filtre mes appels depuis quelques temps déjà. Je suis juste passée pour lui rendre ses clefs. » Et aussi pour avoir une conversation face à face… Il fallait croire qu’ils n’avaient plus rien à se dire. Triste constat que de l’admettre à son frère, Savannah détestait s’ouvrir ainsi, mais n’irait pas plus loin quant aux raisons de leur froid. Gabriel cherchait clairement à l’éviter, alors elle n’avait plus insisté et lui avait simplement apporté ce qu’elle devait lui restituer. Elle ne voulait pas passer pour une harceleuse, ce n’était pas du tout le cas, disons juste qu’elle avait eu le prétexte des clefs. Puisqu’il n’avait rien voulu savoir, elle était donc venue d’elle-même. Ce n’était pas quelque chose que l’on pouvait rendre en le cachant sous le paillasson de la porte sans aucun risque. Le policier pèterait sûrement les plombs en apprenant qu’elle s’était introduite chez lui à son insu mais il ne pourrait vraiment lui en vouloir pour cette raison, et même s’il le faisait, ce n’est pas ce qui changerait beaucoup à une situation déjà tendue et aux couteaux tirés. À moins qu’elle n’ait pas compris le message et qu’il aurait préféré, dans une envie tacite, qu’elle les garde ces fichues clefs… mais dans quel but alors ?

Si Blaine n'avait pas la prétention de dire qu'il connaissait son frère comme sa poche, ne le connaissant pas exactement depuis toujours, il avait néanmoins eu l'occasion de se rapprocher de lui au cours de ces dernières années, depuis que Gabriel était revenu à Magnolia Crescent. Il pensait donc pouvoir affirmer, peut-être pas avec certitude cela dit, qu'il n'était pas homme à éviter les problèmes dès que ceux ci devenaient un peu trop embêtants. Enfin ça, c'est ce qu'il avait pu observer au cours de ces quatre dernières années, mais Savannah ne semblait pas de cet avis-là. Elle commença par soupçonner Gabriel d'avoir changé. Blaine ne voyait pas en quoi – mais après tout ce n'était pas lui qui était en froid avec son frère. Peut-être qu'en effet, celui-ci changeait de comportement selon ses affinités avec les gens. Savannah l'avait connu alors qu'ils s'appréciaient et maintenant qu'ils étaient en froid, bien sûr qu'un changement se produisait entre les deux. Elle était peut-être là, la raison de leur avis différent. Blaine, connaissant le caractère lunatique et colérique de son frère, avait toujours fait en sorte de rester en bons termes. Ils n'avaient déjà pas beaucoup de contacts, même aucun avant que Gabriel ne revienne dans le quartier, aucun intérêt donc à ce qu'ils s'opposent.

Blaine décida donc d'exposer sa théorie à Savannah. « Oui, parce que vous vous êtes disputés. Il ne se comporte plus avec toi comme il se comportait avant, c'est normal vous êtes en froid. » Sous entendu elle se prenait surtout la tête. Pour autant qu'il sache, Gabriel n'avait pas changé de mode de vie, ou de philosophie. Il n'était pas devenu hippie du jour au lendemain – il n'avait pas changé. Mais leurs différents avaient fait que Savannah ne le voyait plus de la même façon, et c'était tout à fait normal. Combien de fois Blaine s'était-il demandé si Jenna le voyait toujours de la même manière, simplement parce qu'une petite querelle les avait opposés.

Alors Blaine préféra la rassurer ; de son point de vue, c'est à dire un point de vue plutôt extérieur parce qu'il assistait à la scène en temps que spectateur assez éloigné, Gabriel ne l'évitait pas. Certes, elle avait trouvé son lit vide. Mais Gabriel n'avait pas cessé de fréquenter cette maison sous prétexte que celle de Savannah se situait de l'autre côté de la rue ou parce que le risque était trop important qu'ils se croisent en allant chercher le pain. Non Gabriel avait plutôt gardé pour lui tous ses ressentis par rapport à cette histoire, n'en avait parlé ni à Blaine ni à aucun autre membre de la famille. S'il avait réellement voulu l'éviter comme la peste, il aurait sûrement fait en sorte que Savannah n'entre jamais dans cette maison. Or il pouvait à tout moment débarquer, pour une raison futile telle que des affaires oubliées, et se retrouver face à face avec la Richardson. « Peut-être qu'il ne voulait pas que tu lui rendes ses clefs. Crois moi, s'il voulait réellement te sortir de sa vie, tu ne serais même pas entrée dans cette maison. » Il but une gorgée de son café devenu tiède entre temps. Puis il jeta un coup d'œil par la fenêtre, regardant le temps maussade qui s'agitait au dehors. Savannah semblait tellement persuadée que Gabriel ne voulait plus d'elle. Mais Blaine faisait-il réellement ce qui convenait ? En lui disant ce genre de choses, n'entretenait-il pas une forme d'espérance qui, peut-être, n'était pas aussi réelle qu'il l'aurait pensé ? Il ne voulait pas faire de faux espoirs à Savannah, mais il ne voulait pas non plus qu'elle se torture à se questionner sans recevoir de réponses. Le seul capable d'apporter la vérité était Gabriel, dont le liste restait indéniablement vide.

Savannah écouta attentivement Blaine commenter le comportement de Gabriel. Pourquoi lui parlait-elle de tout ça dans le fond ? Elle ne se sentait nullement obligée de le faire après s’être fait prendre en douce dans la maison, pourtant la jolie blonde ne se braquait pas contre son jeune voisin, sans doute parce qu’il lui permettait à la fois d’avoir un avis plus objectif sur la situation, tout en connaissant suffisamment Gabriel pour ce faire, puisqu’il était son frère. La jeune femme n’ignorait pas que le policier gardait tout pour lui. Ils avaient formé un « faux » couple plusieurs mois durant, sans qu’elle ne parvienne à briser totalement la carapace. Elle en savait certainement un peu plus que la plupart des gens qui l’entourait, cependant la fin précipitée de cette mascarade les avait bien éloignés depuis lors. Savannah ne l’avouerait jamais par fierté mais elle se mordait les doigts d’avoir pris cette décision. D’un autre côté, elle ne le regrettait pas, parce qu’elle savait aussi qu’ils se seraient détruits l’un l’autre s’ils avaient laissé parler leur cœur plutôt que leur raison… enfin disons leur fierté surtout. La jeune femme le considérait certainement comme changé, puisque comme le commentait si bien Blaine, ce qui les liait avait changé. Elle ne revenait néanmoins pas sur la certitude que Gabriel filtrait quelques-uns de ses appels, peut-être ne voulait-il effectivement pas qu’elle lui rende ses clefs, sauf que Savannah préférait ne pas croire à ces chimères et ne pas se faire de faux espoirs. Elle considérait surtout qu’il ne voulait plus rien avoir avec elle. Selon la Richardson, pour que ce soit définitivement le cas, elle se devait de lui rapporter ses clefs. C’était maintenant chose faite, il était donc inutile d’épiloguer sur cette histoire… qui n’en avait jamais vraiment été une. S’avisant de l’horloge qui sonnait la demi-heure, Savannah termina son café et décida de prendre congé de son hôte. Elle avait accepté de rester par envie d’en savoir un peu plus sur lui aussi, mais s’était finalement laissé aller à des confidences qu’elle ferait désormais mieux d’oublier. Fatigue, bonjour. « Peut-être. Mais ça, je ne le saurai que lorsqu’il se décidera à donner signe de vie. Enfin, je ferais mieux d’y aller, c’est bientôt l’heure des cours. » Dit-elle, en indiquant le cadran à Blaine, qui levé de si bonne heure, ne devrait sûrement pas tarder à se rendre à l’université. Il avait l’air d’un brillant étudiant, sérieux et consciencieux, tout ce que n’avait jamais été Savannah. La jeune femme se leva et lui adressa un signe de tête en guise de ‘remerciements’. Elle n’avait jamais été douée pour les usages et compagnie et préférait faire au plus simple que de se prendre la tête. « Merci pour le café… et la discussion. » Écourter l’échange lui apparaissait comme la meilleure idée qu’elle avait eue ce matin. Savannah aurait certainement l’occasion de recroiser Blaine, mais ce serait dans d’’autres circonstances, des circonstances où elle ne serait pas morte de fatigue, shootée à la caféine, et en plein milieu de son salon. La jolie blonde lui adressa un nouveau salut avant de se diriger vers le hall menant à la porte d’entrée, en attendant qu’il la raccompagne éventuellement. « À très vite sans doute. » Conclut-elle avant de sortir. Non, non, elle n’utilisait aucun prétexte pour fuir un sujet devenant trop sérieux à son goût… ou totalement. Cet échange avec le jeune frère de Gabriel lui avait amené de nouvelles questions et bien peu de réponses.

Il ne voulait pas s'immiscer dans la vie privée de son frère ni dans celle de Savannah, et encore moins dans leur vie amoureuse. Il savait que son frère ne le permettrait pas. Et pourtant, en voyant Savannah, le visage fatigué et cerné, l'air perdu devant le lit vide de Gabriel, il ne put s'empêcher d'essayer de la rassurer. C'était tout ce qu'il pouvait faire après tout, il ne connaissait pas toute leur histoire mais du peu qu'il en savait, c'était tout ce qu'il pouvait lui dire. Il était bien conscient que Gabriel devait être approximativement l'homme le moins bavard et le plus compliqué à comprendre de la Terre, alors il s'essayait du mieux qu'il pouvait à une analyse de ce que son frère lui laissait entrevoir de lui. Et il se rendait bien compte que ce n'était pas suffisant, que ce n'était pas ce que Savannah attendait. Il était presque tenté d'appeler son frère, là, maintenant, et de lui dire de rentrer illico presto pour régler ses problèmes avec la Ridcharson. Mais Blaine n'était pas homme à prendre parti et il risquait juste d'empirer la situation en s'immisçant trop dans leurs histoires, chose qu'il ne voulait définitivement pas.

Finissant son café d'une traite, il jeta un coup d'oeil à l'heure sur la pendule. Il allait bientôt devoir laisser Savannah pour aller choper son bus. De toute manière, une minute de plus ou une minute de moins, il était à peu près sûr de devoir courir pour monter dedans, comme tous les matins. Jetant un coup d'oeil à la jeune femme, il vit que ses paroles ne l'avaient pas convaincue. Le « Peut-être » qu'elle prononça l'air de rien, en était témoin. Se refusant à dire d'autres choses pour tenter de lui faire entendre raison, il se promit néanmoins de garder un œil sur cette relation. De loin, évidemment, parce qu'il ne voulait pas les déranger. Il n'aurait pas aimé que quiconque se mêle de l'avancée de sa relation avec Jenna, alors il n'avait pas de raison de le faire pour Gabriel et Savannah.
Et puis, surtout, il voyait bien que la Ridcharson n'était pas tout à son aise et ne devait pas avoir très envie de continuer à parler de ça. Ne cherchant pas à insister, il prit les deux tasses et les posa dans l'évier, pour quiconque aurait envie de les laver. Puis il se tourna vers la jeune fille qui se dirigeait déjà vers le couloir. « Pas de soucis. » il avait envie de dire qu'elle pouvait lui en parler quand elle le souhaitait, qu'il était peut-être le plus à même de comprendre ce qu'elle ressentait vis à vis de Gabriel, étant son frère, mais il se doutait qu'elle ne le ferait jamais. Savannah semblait être une de ces filles qui avaient leur fierté et ne se plaignait pas de leur vie dès que l'occasion se présentait. Il comprit alors pourquoi c'était cette fille là et pas une autre au coeur des pensées de Gabriel, trouvant une ressemblance frappante entre les deux êtres.

Il la raccompagna alors dans l'entrée, ajoutant un petit « A plus. » qui n'obligeait à rien, simple formule de politesse. Il lui tint la porte et referma derrière elle, lui laissant quelques mètres d'avance, se doutant bien que marcher avec elle jusqu'à l'arrêt de bus ne ferait que la mettre encore plus dans l'embarras. Attrapant sa veste et son sac de cours, il ferma la porte à clé derrière lui et passa à autre chose, se mettant en mode étudiant en médecine et mettant de côté les histoires de son frère.