Savannah se réveilla en sursaut ce matin-là. Elle ne travaillait pas aujourd’hui, n’était pas sortie la veille pour rentrer tard et ouvrit les yeux avec une cuite au réveil, non. La jeune femme avait simplement des sueurs froides et venait de sortir d’un cauchemar des plus étranges où elle se retrouvait coincée dans une pièce dont les murs s’avançaient pour… l’écraser. Heureusement, la jolie blonde s’était réveillée avant le moment fatidique, ce qui lui avait épargné une image assez sanglante. Oppressée. Voilà comment elle se sentait. L’image de la pièce qui se rétrécissait dans son rêve reflétait la façon dont elle se sentait dans la réalité. Savannah avait l’impression de ne plus savoir qui elle était vraiment, où elle en était et surtout quelle était sa place. Estimant qu’elle ne se rendormirait pas de sitôt, la jeune femme repoussa le drap blanc et sortit les jambes de son lit. Enfilant des pantoufles soyeuses et son peignoir de satin, elle quitta sa chambre à cette heure matinale et descendit sans bruit dans la cuisine pour se préparer un café et éventuellement avaler quelque chose avant de commencer quoique ce soit. Après avoir lancé le percolateur, elle attendit que la boisson chaude soit prête tout en se préparant une tartine au Nutella, déjeuner léger mais bien suffisant pour elle. Songeuse, Savannah s’installa ensuite à la table de la cuisine, son café et sa tartine en main. La jolie blonde alluma la petite radio portable à quelques dizaines de centimètres d’elle et écouta alors la musique en bruit de fond, dans le silence de cette maison. Ce n’était pas si désagréable de se réveiller seule le matin, sans avoir personne autour pour vous siffler dans les oreilles de si bonne heure. Mais le bon dieu ne lui réserva pas cette chance bien longtemps. Au bout de quelques minutes, alors qu’elle venait de terminer sa tartine, elle entendit des pas dans l’escalier. Loin d’avoir l’envie d’être « dérangée » de si bonne heure, et sans chercher à savoir par qui, Savannah sortit quelques minutes dans le jardin pour aller finir son café sur le porche de la maison tandis que la personne qui descendait entrait dans la cuisine. Au pas rapide et précis, elle reconnut le rythme de son père. Plus proche de sa mère que de lui, la jeune femme ne lui parlait pas vraiment beaucoup. Menant sa vie de son côté, elle ne faisait que le croiser de temps à autre dans la maison et leurs conversations se résumaient généralement à un échange de quelques mots. Quand elle l’entendit avoir fini son petit-déjeuner et remonter pour se changer, Savannah rentra à nouveau de la cuisine, posant sa tasse de café désormais vide dans le lave-vaisselle. Son père allait sûrement se changer pour partir faire son sport matinal quotidien. Elle l’entendit alors redescendre et, lorsqu’il la croisa dans le couloir, il lui fit une étrange proposition qui la surprit. Lui qui ne passait jamais vraiment de temps avec elle, Lawrence venait de lui demander de l’accompagner dans son sport. Euh… Bien que la perspective de passer quelques minutes supplémentaires en compagnie de son père n’était pas dérangeante, était-il vraiment sérieux en imaginant Savannah faire de la course ? Connaissait-il si peu sa fille en prenant le risque de lui poser une question aussi… ridicule à ses yeux ? N’est pas sportif qui veut. « Tu me vois, moi, aller courir tôt le matin, un week-end en plus ? T’es encore endormi dans ton rêve papa ou bien tu t’es levé dans un autre monde ? » Répondit-elle d’un air nonchalant. Fallait pas pousser mémé dans les orties non plus.

Spoiler:

Savannah n’en croyait pas ses yeux. Son père s’était vraiment levé dans un autre monde pour croire qu’elle l’accompagnerait faire du sport en cette heure matinale. Il était hors de question pour la jeune femme de sortir de chez elle, avec cette température qui plus est. Et puis, ce n’était pas comme si elle avait vraiment besoin du sport, elle qui était déjà aussi élancée qu’une girafe. Il voulait la tuer en lui enlevant les quelques derniers grammes qu’elle avait ou quoi ? Lawrence pouvait toujours attendre longtemps avant que sa fille accepte une telle proposition. « Papa, tu te fous de moi ou quoi ? Dis-moi où tu vois un seul bourrelet chez moi ? Je suis déjà la fille qu’on fait souvent passer pour anorexique – ce que je ne suis pas soyons clairs – alors l’argument selon lequel je dois perdre du poids ne marche pas vraiment chez moi. Si tu veux tellement aller courir, pourquoi ne demandes-tu pas à Zain ou Sean ? Ils seront certainement ravis de t’accompagner, surtout Sean, puisque c’est ton fils préféré, n’est-ce-pas ? » Puisque son père avait décidé de l’embêter de si bon matin et que Savannah n’était vraiment pas d’humeur, elle avait décidé de lui tendre des piques pour qu’il le comprenne. Dans le fond, la jeune femme était contente qu’il veuille passer du temps avec elle. Toutefois, s’il connaissait si bien sa fille, il lui aurait proposé une autre activité. « Tu sais bien que le sport ce n’est pas mon truc, alors si tu voulais vraiment passer du temps avec moi, tu me proposerais autre chose ! » Sa remarque ne tomba pas dans l’oreille d’un sourd, puisque son père ne tarda pas à lui proposer une journée… shopping. Il faisait un effort mais il était quand même désespérant. Savannah n’avait certainement pas besoin de son père pour faire les magasins, elle avait déjà tout ce qui lui fallait et quand elle avait besoin de quelque chose, elle ne lui demanderait probablement pas conseil à lui, elle avait ses amies pour ça. « Je ne fonctionne pas au chantage, je t’ai dit que je ne viendrai pas faire du sport, point. Et de toute façon, je n’ai besoin de rien dans les magasins, je te rappelle que je travaille dans une boutique de chaussures qui se trouve dans le centre commercial, alors quand j’ai besoin de quelque chose, j’y vais directement, je n’ai pas besoin que toi ou même que quelqu’un d’autre m’y accompagne. » Lawrence devait probablement avoir oublié que sa fille n’était pas une adolescente de quinze ans mais une femme de dix ans de plus. Savannah n’était plus une enfant, mais une personne indépendante et capable de se gérer toute seule, avec toutefois un caractère particulièrement compliqué.

Ma petite fille qui grandit tellement vite

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Lawrence s’énerva à propos du fait que Savannah refusait les activités qu’il lui proposait. En fait, la jeune femme lui reprochait surtout tout ce qu’elle avait gardé sur le cœur depuis de longs mois. Elle était bien sûr contente que son père fasse attention à elle, mais elle avait l’impression qu’il ne la connaissait pas vraiment. Par exemple, elle détestait faire du sport. Pourquoi lui proposait-il d’aller courir en sachant pertinemment qu’elle n’aimerait pas ça ? La connaissait-il donc si peu ? Quant à faire du shopping avec lui, Savannah ne voyait pas vraiment en quoi il pourrait l’aider, hormis porter ses sacs et s’ennuyer à l’attendre. Ce n’était pas ce qu’elle appelait passer un réel moment père-fille. Ce qu’elle voulait, c’est qu’ils passent du temps ensemble, qu’ils prennent le temps de discuter, de faire quelque chose qu’ils aiment tous les deux. Le problème, c’est que son propre père ne la connaissait pas vraiment. Voilà ce qu’elle lui reprochait en réalité. « Papa, arrête, on dirait que c’est toi qui fais l’enfant là. Je ne t’empêche jamais de passer ton temps avec qui bon te semble à ce que je sache. J’aimerai juste passer du temps avec toi aussi, mais pas comme ça, pas en allant courir ou en allant faire une journée shopping, ce que je fais déjà avec mes amies. Non, ce que je voudrai c’est qu’on fasse quelque chose qu’on aime tous les deux, où on pourrait discuter, rire ensemble, comme on faisait avant. Mais visiblement, tu ne me connais pas tant que ça. » Rétorqua-t-elle du tac au tac face à son père. Savannah poussa un soupir pour garder son calme. Son père se plaignait au lieu d’assumer ; il la faisait limite passer pour une fille ingrate qui ne voyait pas les efforts qu’il faisait. Lawrence marquait un point sur le fait que la jolie blonde n’était pas déjà très bien prédisposée à son égard, dans le sens qu’elle avait souvent été déçue vis-à-vis de lui et qu’elle lui reprochait de ne pas bien la connaître, justement parce qu’ils ne passaient jamais du temps ensemble. Savannah devait néanmoins admettre qu’il avait fait un premier pas aujourd’hui. Alors que son père ouvrait son journal, sans doute pour détourner l’attention d’elle et se calmer, la jolie blonde reprit d’une voix plus douce. « Je vois bien que t’essaies de faire des efforts, c’est pour ça que j’ai quand même envie qu’on passe la journée ensemble aujourd’hui. Et si on allait plutôt se faire un bowling ? Je crois que ça ouvre début d’après-midi. » Proposa-t-elle. La matinée était déjà bien avancée donc ils n’auraient plus longtemps à attendre. Le temps qu’ils mangent et que son père se change de sa tenue sportive, l’heure aurait déjà tourné. Ce n’était pas le genre d’activité que Savannah pratiquait en temps normal, mais pour passer du temps avec lui, c’était une bonne alternative. Ils pourraient s’amuser à faire tomber les quilles, renouer leur complicité tout en pouvant discuter de tout et de rien, ainsi que boire un verre ou deux pour se détendre. Pourquoi pas après tout ? Savannah espérait que son père accepterait cette proposition.

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