"Mais merde Claire, tu l'as perdu où ? Fais le sonner !" Elle cherche partout son téléphone, au salon, dans la cuisine, dans sa chambre et dans tous les recoins de la maison mais aucune sonnerie retentit. Elle l'a perdu, c'est une évidence mais reste à savoir où. Bien entendu, son téléphone est en mode vibreur, comme elle vient de me l'annoncer. Ca ne nous aide pas beaucoup, au contraire. Elle la certainement perdu en route, ou à l'école. Tout dépend ce qu'elle a fait l'après-midi et les endroits qu'elle a fréquenté. Elle m'explique un peu son après-midi et essaye de se souvenir depuis quand date la disparition du cellulaire. On dirait une blonde, elle ne se souvient de rien. Si ça se trouve, il est dans son sac et elle ne le trouve pas. "Vide encore une fois ton sac, et fais le tri pendant qu'on y est, ça a l'air d'être le bordel." Je ne comprends pas tout ce que peuvent mettre les filles dans leur sac. On y trouve des choses qui n'ont aucune utilité. Par exemple, je vois ma soeur en sortir des pansements, des pinces pour cheveux, des écouteurs qui datent d'il y a au moins cinq ans etc. Et je suis sûr que la moitié des affaires qu'elle transporte tout au long de sa journée ne lui sert à rien.

Aucune trace du téléphone de ma soeur, je me demande ce qu'elle a foutu quand même. Tant pis, elle en rachètera un autre. Non, mademoiselle veut absolument le retrouver puisque tout ces contacts sont enregistrés dessus, toutes ses photos et vidéos y sont aussi. Bon, je décide de sortir chercher dehors, par terre, vers un buisson ou un croisement, un panneau, peu importe ! J'vais chercher partout, juste pour lui faire plaisirs et pour qu'elle retrouve le moral. Déjà qu'elle avait l'air de pas bien aller. Elle m'explique le chemin qu'elle a emprunté tout à l'heure, à pieds, pour que je fasse le chemin inverse. Si elle l'a fait tombé à ce moment là, je ne devrais pas avoir de mal à le retrouver puisqu'elle a emprunté que des raccourcis, des petits chemins de terre etc. Sauf que vu l'heure, je ne vais pas y voir grand chose. Je lui propose d'y aller demain matin à la première heure mais elle refuse et insiste pour que je sorte tout de suite. Il fait nuit dehors, je ne suis pas sûr de bien voir mais je vais quand même essayer de trouver ce fichu téléphone.

Cela fait environ quinze bonnes minutes que je cherche partout sur le chemin qu'elle a emprunté quand il faisait encore jour et je ne vois rien. J'suis quasi-sûr qu'elle ne la pas perdu ici mais il doit être soit à la maison, soit à l'école. Elle fait attention à ses affaire généralement, j'sais pas ce qui lui a pris. Il fait très sombre et vu que j'emprunte des ruelles, il n'y a personne sur mon chemin. Tant mieux, je n'ai pas envie de croiser les alcoolos du soir. C'est à ce moment là que j'entends une voix. J'aperçois une silhouette au loin, sans savoir de qui il s'agit. Je lui ai fais peur, je crois bien, sans le vouloir. J'étais tellement concentré dans mes recherches que je n'ai pas vu que je m'approchais d'elle. Elle a du flipper la pauvre, alors que je ne cherche ni embrouilles ni filles à draguer. Pour une fois. Je m'approche d'elle un peu plus et il se trouve que je connais cette personne. C'est Annie. Ca me fait rire d'un coup, de la voir ici la nuit, ayant vraiment peur de moi. " J'savais pas que t'avais peur des hommes, toi." Avec un caractère comme le sien, elle allait m'envoyer bouler, comme d'habitude. Sachant qu'elle ne veut pas m'adresser la parole depuis quelques mois déjà. On a eu une petite conversation lors de la fête de la musique mais rien de plus. Mais je compte bien me faire pardonner, je ne lâche pas l'affaire. "Tu vas où dans cette tenue ? C'est pas en boite qu'ils vont t'accepter."

Contente de me voir ici ? J'crois pas, non. McCormick était rentrée dans une colère noire quand elle a vu que ce n'était que moi. Je ne sais pas pourquoi elle a réagi comme ça d'ailleurs, ça m'a bien choqué sur le coup de s'en prendre à moi alors que j'ai - encore - rien dit de mal ni de méchant. J'ai à peine ouvert la bouche qu'elle me saute dessus avec ces mots tranchants. Franchement, je préfère qu'elle me parle comme ça plutôt qu'elle m'évite et ne m'adresse pas un mot. Sur le coup, je ne pensais pas qu'elle réagirait comme ça et ça me fait flipper. Elle est limité droguée, possédée ou un truc du genre. Je ne l'avais jamais vu comme ça auparavant. Peur du noir McCormick ? Je crois bien oui. Ou alors, elle vient de se prendre la tête avec quelqu'un et ose se défouler sur moi. Fais-donc, je ne dirais rien. Oui, j'avais décidé de garder mon calme et de ne pas rentrer dans son jeu. Donc les insultes, les méchancetés et moqueries, ce n'est pas pour moi ce soir. Sa phrase me fait comprendre qu'elle m'en veut encore et toujours de lui avoir fait ce coup et qu'elle n'est pas prête à pardonner. Je ne baisserai pas les bras, mais jusqu'à quand. J'avoue que cette fille me rend dingue, je ferai tout pour qu'elle me pardonne - dans la mesure du possible - mais à trop en faire, je commence à fatiguer moi. Trop rancunière ? Oui et je déteste ça.

Je n'ai même pas le temps de rétorquer quelque chose qu'elle décide de remettre ses écouteurs et continue sa route, en sans inverse. Je n'ai rien réussi à dire, apparemment, elle ne veut pas m'entendre. Et bien, qu'il en soit ainsi. Je reste sur place quelques secondes puis j'avance jusqu'à elle doucement sans qu'elle ne s'y attende et la prend par les pieds pour la porter sur les épaules. Elle commence à crier pour que je la descende mais je n'en ai aucunement envie. La tête à l'envers et les fesses en l'air, elle n'est surement pas dans une bonne position mais je m'en fiche. D'ailleurs, elle commence à me tapoter dans le dos et c'est pas de cette façon que je la lâcherais. " Le grand méchant loup te kidnappe." Un petit rire, limite sadique, et je continue mon chemin. Je ne sais pas où est ce qu'on va et jusqu'à quand je compte la porter comme ça sur mes épaules, bien qu'elle ne soit pas lourde. "Sers à quelque chose pour une fois dans ta vie, regarde par terre pour retrouver un téléphone." On marche encore et toujours et j'ai ce sourire au coin de la bouche quand elle me balance pleins de trucs à la gueule. Qu'elle peut être méchante, la McCormick ! Je l'ai mis dans tout ses états la pauvre. C'est à ce moment là que mon téléphone sonne et j'essaye tant bien que mal de le sortir de ma poche, tout en portant Annie. Le numéro de ma soeur s'affiche à l'écran et j'arque un sourcil en décrochant. "Il était où ?" J'entends la voix d'Emily, la meilleure amie de ma soeur et je comprends donc qu'elle l'avait laissé chez elle. Claire est vraiment tête en l'air, mais l'essentiel c'est qu'elle ait retrouvé son téléphone. Emily a du appelé la maison aussi pour prévenir ma soeur et elles me préviennent pour que j'arrête de chercher. D'ailleurs, Em' me demande ce que je fais et où je suis. "J'ai rencontré une hystérique sur la route, je l'emmène se faire soigner." On raccroche et je range mon téléphone dans ma poche. Non mais plus sérieusement, où est ce qu'on va ?

Elle a ses règles ou quoi aujourd'hui ? Qu'est ce qui lui prend ? Je suis le dernier à lâcher l'affaire, ça elle peut en être sûr. Je sais que je l'énerve, je l'agace, je la fais chier et tout ce qui va avec. Et alors ? Je m'en fiche, j'aime bien jouer à ça avec elle, puisqu'elle ne comprends pas et ne pardonne pas quand j'ai joué le mec super gentil alors autant faire le con. Mais qu'est ce qu'elle me raconte ? Elle me parle de boxer, de tête, de j'sais pas quoi. J'ai pas compris ce qu'elle voulait insinuer là. Elle va mal, c'est ça qu'elle veut me faire comprendre ? C'est pas le moment de rigoler ? J'en ai aucune idée et tant qu'elle n'ait pas claire avec moi, je ne la laisse pas et je continue d'avancer. Bien entendu, je ne prends pas la peine de répondre à sa question. D'ailleurs, je sais même pas ce que j'aurais répondu, elle m'a l'air bizarre aujourd'hui. Elle criait encore et toujours, voulant que je la lâche. Il est hors de question pour moi de la lâcher, du moins pour l'instant. "Dis moi que tu m'aimes, alors." Toujours cet air fier sur le visage, j'avais décidément envie de la faire chier ce soir. Qui aurait cru que j'allais la croiser en pleine nuit ? Si ça se trouve, si je n'avais pas été là, elle aurait croisé des alcoolos plus tard dans la nuit et ça aurait été sa fête. Alors qu'elle me remercie ! Pf.

On avance toujours, en prenant des routes complètement différente mais qui nous menait nul part au final. On tournait en rond, j'avais l'impression. Et j'commence à avoir mal à l'épaule, bien qu'elle ne soit pas lourde. Mais c'est que tout le poids de son corps se trouve sur une seule et même épaule alors oui, j'ai mal. Elle continue de crier en m'insultant encore et encore. Patiente O'Conell, elle va sûrement fatiguer et se la fermer très bientôt. Venant d'Annie, ça m'étonnerait un peu. Si elle m'explique pas quel est le problème, j'peux évidemment pas réagir correctement. Elle ne me parle jamais, et quand elle le fait, c'est pour mal me parler et me balancer des propos méchants à la gueule. Bien entendu, ça ne me touche pas, du moins, c'est ce que je laisse paraitre. Mais au fond, j'aimerais tellement qu'Annie me pardonne pour mon erreur. J'crois que c'est la première fois que j'continue de "courir" derrière une personne à ce point là. Mais ma patience a des limites et j'crois qu'on vient de la franchir. Je m'arrête un instant, l'écoutant marmonner des trucs qu'elle m'aime a certainement du mal à saisir, et au moment où j'allais la descendre pour régler mes comptes avec elle, j'entends un grand bruit : Ca m'a l'air d'une bouteille qu'on vient de jeter contre un mur pour qu'elle éclate. J'suis sûr qu'il y a deux cons - ou plus - dans le coin qui s'amusent avec des bouteilles en verre. En fait, on est arrivé près de la boite de nuit, et j'crois qu'il y a un fight pas très loin de nous parce que beaucoup de personnes commencent à crier, des hommes et des femmes. Encore une histoire de nana, ça. Je n'ai toujours pas déposé Annie, et j'sais pas ce que j'attends pour. Mais j'suis bien comme ça moi, avec elle.

La sirène retentit et j'crois qu'on devrait se tirer d'ici pour ne pas s'attirer les ennuis. Bien que sur ce coup, j'y suis vraiment pour rien.

Lui dire que je l'aime ? C'est ça oui, et puis quoi encore ? Déjà, c'est moi qui ait demandé ça en premier alors c'est à elle de m'avouer tout ça. Mais je sais très bien qu'elle ne le fera pas, tout comme elle sait que jamais je n'avouerais quoi que ce soit à ce propos. Annie était vraiment de mauvaise humeur et c'était la première fois que je la vois dans cet état. Je n'ai pas compris si c'est moi qui l'a rend comme ça ou si elle allait déjà pas bien avant moi. Je n'avais aucune envie de la mettre par terre, par fierté avant tout. Parce qu'un O'Conell n'écoute pas les femmes, il se fait écouter plutôt. Sauf que là, McCormick était tellement à bout que j'ai senti que ça n'allait pas du tout. Elle insistait pour que je la descende et c'est ce que je fais lorsqu'elle me demande ce que j'attends d'elle. "Rien. J'attends rien de toi." J'en avais marre moi aussi, d'insister pour qu'on s'entende bien. J'en ai marre moi aussi de culpabiliser à fond quand je la vois. J'en ai tellement marre d'essayer de me faire pardonner et de vouloir faire régner la bonne ambiance pour rien parce qu'au final Annie ne veut rien entendre. Alors j'abandonne ce soir, oui je baisse les bras. Je la supporte déjà assez comme ça, si elle ne veut pas de moi, je ne la force pas. On ne peut pas aimer tout le monde et décidément, Annie a décidé de m'en vouloir jusqu'à la fin de sa vie et bien qu'il en soit ainsi. Pourtant, après notre discussion de la fête de la musique, j'pensais que j'avais encore toutes les chances de mon côté pour la "reconquérir" mais je me suis trompé.

Elle se recoiffe rapidement et on se regarde pendant quelques secondes, laissant un blanc entre nous. Je brise ce silence en disant "T'es contente ? T'es enfin sur Terre." J'regarde autour de moi et malgré tout le bruit qu'il y a, tous les cris, les sirènes et tout ce qui va avec, je n'ai nullement envie de me barrer d'ici. D'une part parce que j'suis pas un trouillard, j'ai déjà eu assez d'embrouilles dans ce genre donc je sais comment ça se fini, surtout que là j'suis innocent. Et aussi parce que je ne veux pas laisser Annie rentrer toute seule chez elle. Je la suivrais s'il le faut, discrètement pour pas qu'elle sache que je me préoccupe d'elle. "Pars, maintenant." Je la regarde droit dans les yeux pour lui faire comprendre que si elle part, je considèrerai ça comme son vrai départ, comme si elle sortait de ma vie, comme si je ne la calculerai plus à partir de ce soir. Non, ce n'est pas des menaces, c'est juste que je lui laisse maintenant le choix de décider, si elle veut me pardonner ou non, si elle veut passer à autre chose ou non. Et cette fois-ci, j'accepterai son choix, j'accepterai ses critiques et la relation future qu'on entretiendrait. J'suis à bout aussi, j'en ai marre de courir derrière quelqu'un alors que ce "quelqu'un" se préoccupe pas de moi, se fiche de savoir si je vais bien ou non. Et bien qu'il en soit ainsi. Mais avant qu'elle ne parte, je tiens à m'expliquer un peu, rangeant quelques secondes ma fierté de côté pour mettre les choses au clair. Je ne vais pas lui faire une déclaration d'amour ni un roman de mes sentiments amicaux, ni lui prouver que je tiens à elle et que je suis fortement attaché. Simplement quelques mots et j'estime qu'elle est dans le droit d'avoir ces paroles. Je ne demande désormais plus à ce qu'on fasse la paix ou bien qu'elle me pardonne. Son comportement de ce soir m'a fait comprendre qu'elle ne me supporte plus. Elle était au bord de la crise seulement parce que je l'ai porté. Si ça ce n'est pas de la haine, alors expliquez moi ce que c'est. "L'erreur est humaine. Mais certains savent se faire pardonner, d'autres non. Et certains savent pardonner, d'autres non." Je n'ai pas envie d'en dire plus, qu'elle comprenne toute seule ! "Prends soin de toi McCormick." Dernière parole et dernier regard, je viens de faire mon deuil et j'estime que ça ne s'est pas très mal passé pour l'instant. Oui, je le vis bien. Mais plus tard dans le temps, je vais regretter de ne plus avoir à parler à Annie. Qui ferais-je chier si elle n'est pas là ? Je tourne les talons et je m'en vais dans le chemin inverse, la laissant seule dans la rue.

Chose qu'elle ne sait pas, c'est que je ne compte pas m'éloigner aussi rapidement. Oui, je peux être chiant au final, mais laisser une fille seule trainer en pleine nuit dans la rue, j'suis pas aussi con.

A vrai dire, je n'ai pas très bien compris sa réaction. Je me demande ce qui lui fait le plus peur ici. Nous sommes seulement en plein milieu de Magnolia, dans une des ruelles les plus sombres mais ce n'est pas un drame. Elle n'est pas toute seule, elle n'a pas à s'inquiéter, même si pas loin, certains se disputent et crient. Elle a l'air d'en avoir marre de moi, mais vraiment cette fois ci. Je ne l'ai jamais vu dans une telle situation. J'avais dit qu'avec Annie, je ne lâcherais jamais l'affaire parce que j'ai fait une faute et je tiens à m'excuser autant qu'il le faut, sans abuser. Mais là, voilà. Je trouve qu'elle joue un peu et profite de la situation. J'ai mis ma fierté de côté trop longtemps avec elle, et je me demande bien pourquoi d'ailleurs. Comment j'ai pu faire des efforts inestimable avec elle alors que je n'y arrive pas avec ma propre famille par exemple ? Aucune idée, en tout cas, une chose est sûre c'est que je ne souhaite pas la perdre. Je lui demande donc de partir, vu qu'elle en a marre, qu'elle voulait que je la laisse et bien elle est libre de faire ce qu'elle veut maintenant vu qu'elle a ses deux pieds sur terre. Elle ne bouge pas, alors je décide de prendre les choses en main et de m'en aller, pour la laisser seule, plantée ici comme une paumée.

Cette fois, c'est à elle de me retenir. Ça m'étonne, venant d'elle et surtout après tous les cris, les coups de tout à l'heure sur mon dos. D'ailleurs, j'aurais bien besoin d'un massage demain moi. Je m'arrête sans pour autant me retourner. Je ne sais pas à quoi elle joue ? Elle a peur de rester toute seule ? Si tel est le cas, alors fallait pas qu'elle sorte à cette heure ci. Je déteste qu'on me prenne pour un bouche-trou en plus de ça. Je me demande si je continue ma route, la laissant seule ici avec elle-même ou si je me retourne pour savoir ce qu'elle me veut. Pourtant, il y a quelques minutes, elle m'avait fait comprendre que je l'a mettais hors d'elle, que je l'énervais, que je la collais trop. Elle ne voulait pas de mes excuses et me l'avait bien fait comprendre. Je t'aime, moi non plus ? Elle me fait perdre la tête, cette fille ! Je me retourne finalement pour affronter son regard et j'attends qu'elle vienne à moi. Elle s'approche et se blottit dans mes bras. Sans un mot. Je ne sais pas à quoi elle joue mais faut qu'elle arrête, je n'ai pas le temps pour jouer moi. Bien entendu, je la sers fort dans mes bras, comme si j'attendais ça depuis un long moment, comme si ça me faisait un bien fou, comme si j'avais besoin de ressentir son corps contre le mien. Sans arrière pensée cette fois. On reste comme ça pendant quelques minutes, sans se dire un mot. En tout cas, elle me doit bien des explications, parce que je n'ai pas très bien saisi. J'suis même étonné de sa réaction, elle qui m'en voulait il y a quelques minutes.

Je n'ose même pas parler, rompre ce silence ne sert à rien. Surtout me connaissant, j'vais surement dire une connerie ou quelque chose qu'il ne fallait pas. Alors je préfère qu'elle se détache de moi, pour me dire ce que tout ça représente. Elle me doit bien une explication. Là, tout de suite.

Elle venait se blottir dans mes bras et pour être franc, je ne comprends pas trop à quoi elle joue. Certes, ce geste me plaît, je ne peux le nier. Sauf que je me pose de plus en plus de questions par rapport à notre relation et la situation dans laquelle on se trouve ce soir n'arrange en rien les choses. Je la sers dans mes bras parce que c'est ce qu'elle attend. Et parce que j'en ai envie. Je ne l'ai pas pris dans mes bras depuis bien longtemps. Depuis qu'on a couché ensemble l'autre soir, en fait. Depuis ce soir là, plus rien n'était comme avant de toute façon, je ne pouvais même pas l'approcher ni lui parler parce qu'elle refusait et qu'elle m'avait fait la tête pendant un très long moment. Et voilà où on en est aujourd'hui. Je me demande aussi si elle a bu ? Parce qu'elle a un comportement étrange donc c'est peut-être sous l'effet de l'alcool ? Je ne sens rien pourtant, et elle m'a pas l'air complètement alcoolisée. Mais j'avoue que son comportement était bien bizarre ce soir. Elle prend enfin la parole après quelques minutes de silence mais reste toujours dans les bras.

Et wow. Elle vient de me faire un discours que je n'attendais pas. Je n'ai même pas pu placer un mot, heureusement, parce que je ne saurai que dire. Je ne sais pas comment réagir pour ce genre de situation, je ne sais pas quoi lui répondre parce qu'évidemment, je ne peux pas être sérieux et clair avec elle, j'ai une fierté de merde et j'aurais l'impression de me rabaisser si j'avoue certains de mes sentiments. Ce n'est qu'une impression, je sais, mais ça ne risque pas de changer pour l'instant. Elle a besoin de moi ? Elle met sa rancune de côté ? Donc ça veut dire qu'elle passe à autre chose et ose me pardonner pour ce qu'il s'est passé ? Il était temps j'ai envie de dire, ça fait très longtemps que je lui courais après. Trop longtemps peut-être ? Je suis perdu, autant qu'elle et j'avoue franchement que cette situation ne me plaît pas beaucoup parce que je ne sais plus quoi faire. Oui j'ai demandé à ce qu'elle me pardonne, je lui ai couru après pendant des longues semaines, j'ai cherché à lui faire des surprises pour qu'elle comprenne que je ne suis pas celui qu'elle pense etc. Sauf que j'en ai tellement fait que je n'ai plus envie de continuer ce jeu. Elle ne me pardonnait pas jusqu'à ce soir, pourquoi tout a changé d'un coup ? Elle joue la comédie ? Tant de questions sans réponses. Je n'aurai sûrement pas mes réponses ce soir en plus parce que si ça se trouve elle est saoule et ne se rappellera pas de ce qu'elle dit demain matin. Elle avait besoin de me retrouver ? C'est tout ce qu'elle peut me dire ? Ca veut dire quoi aussi, "me retrouver" ? J'la comprends plus, ni elle ni son comportement. En plus de ça, elle me dit qu'elle réagit comme ça à cause du noir, de cette ruelle sombre. J'en déduis une seule chose. "T'as peur de la nuit alors c'est pour ça que tu es là, dans mes bras ? T'es fatiguée, tu ne sais même plus ce que tu dis. Viens, on rentre." Ca ne servait à rien de parler de tout ça, parce que je sais que demain matin, Annie ne tiendra pas le même discours. J'ai compris ce soir qu'elle avait besoin de moi parce qu'elle avait peur, elle ne supportait pas la nuit sombre alors pourquoi était-elle de sortie ? Aucune idée. J'avance vers elle jusqu'à lui prendre la main. Pendant quelques secondes, j'ai cru à ses paroles, j'ai cru qu'elle avait réellement besoin de moi. J'ai cru qu'elle me pardonnait complètement. Mais tout ce blabla, ce n'était seulement pour que je la raccompagne, vu qu'elle a peur et qu'elle est fatiguée. Alors je fais ce qu'elle me demande.

Je lui prend la main pour qu'on avance, je compte l'emmener chez elle et je pense qu'elle a besoin de dormir un peu, un peu de repos ne lui ferait pas de mal. Tout ce qu'elle venait de dire sonnait tellement faux que je n'y ai pas cru une seconde mais je ne voulais pas me prendre la tête ce soir avec elle, pas une prise de tête de plus alors je préfère lui dire d'aller se reposer. On verra si elle tient le même discours demain. Je ne crois pas, non. Saoule ? Elle ne l'est peut-être pas mais alors je ne sais pas ce qu'elle a. Le comportement qu'elle adoptait tout à l'heure n'arrange en rien les choses. Encore un long silence qu'Annie brise, pour continuer son discours. Je l'écoute attentivement. Elle a compris évidemment que son précédent discours sonnait faux et que je ne l'ai pas cru. Alors elle se justifie en expliquant qu'elle est sérieuse, qu'elle est ni saoule ni droguée. Qu'elle n'est pas une trouillarde, qu'elle n'a pas peur du noir etc. Donc quand elle disait avoir besoin de moi, c'était vrai ? Elle avait peur de me perdre ? Elle a besoin de me retrouver ? Je ne comprends plus rien. Mais quand est-ce qu'elle a eu besoin de moi ? Pourquoi aurait-elle besoin de moi maintenant alors que jusqu'à maintenant elle n'a fait que me détester. Je me pose tellement de questions, ça bouillonne dans ma tête et pourtant, aucun mot ne sort de ma bouche. J'ai peur de dire quelque chose qu'il ne faut pas. Je ne veux pas la blesser et je ne veux pas en dire plus en ouvrant mon coeur, alors je préfère me taire pour l'instant, l'écouter jusqu'au bout et réfléchir sur ce que je dois dire. Elle me demande de lui lâcher la main et de partir si je ne la croyais pas. Je ne sais pas quoi faire. Je ne la crois pas, mais je ne lâche pas non plus sa main. "Je vais te dire franchement Annie, je ne comprends pas où tu veux en venir. Je ne sais même pas si t'es sincère. Tu n'a su que me détester ces dernières semaines, alors pourquoi ce changement." A vrai dire, on a toujours joué avec Annie, on a toujours caché certains de nos sentiments, à cause de notre fierté respective. On a jamais été clair aussi, alors avoir une discussion plus que sérieuse ce soir, c'est difficile à gober.

Elle me demande de ranger ma fierté de côté et de comprendre un peu plus ce qu'elle venait de dire. C'est plus facile à dire qu'à faire. J'ai toujours eu cette fierté de merde que je n'ai réussi à mettre de côté que de rare fois. Avec Annie je suis différent, je l'avoue. Mais jamais je ne lui ai ouvert mon coeur, en lui disant réellement ce que je ressentais à son égard. Non, ce n'est pas de l'amour mais j'ai compris que McCormick n'était pas une fille comme les autres et n'occupait pas la même place que les autres filles occupent dans mon coeur. Je l'ai compris depuis qu'elle ne m'adresse plus un mot - depuis la partie de jambe en l'air. J'ai longtemps regretté d'avoir agi ainsi mais jamais d'avoir couché avec. Ca été plus que bien, et si c'était à refaire, ce serait sans réfléchir une seconde. Oui, Annie me plait beaucoup physiquement comme toutes les filles qui sont passées dans mon lit mais elle avait aussi ce truc en plus que d'autres n'ont pas. Et ça, jamais je ne lui dirais, je ne lui ferais même pas comprendre. Je le redis, ce n'est pas de l'amour. Mais si il y a ce petit jeu entre nous, c'est qu'entre nous, il y a certainement plus que de l'amitié. "Alors soit plus clair, parce que je ne sais pas de quoi tu parles. Sois vraiment clair, explique moi tout. Mais j'espère que demain, t'assumeras tout ce que tu me diras." Elle a dit qu'elle avait besoin de moi et qu'elle avait peur de me perdre. Venant d'elle, ça me surprend. Mais ca me fait plus que plaisirs, si elle savait. Si seulement je pouvais ranger ma fierté de côté pour lui dire que je tiens à elle plus qu'elle ne le croit.

Je ne voulais pas lui laisser la main et m'en aller. Je n'étais pas aussi lâche pour ne pas affronter ce qu'elle avait à me dire. J'avoue que je ne comprends pas tellement ses propos ni sa réaction, mais elle me doit bien des explications et je ne partirai pas sans en avoir. Je ne lui lâche pas la main, au contraire, je la serre un peu plus, pour qu'elle comprenne que je ne vais nulle part. Elle me dit qu'elle me pardonne enfin. Quand elle prononce cette phrase, je me sens soulagé. Parce que j'espérais qu'elle me pardonne un jour, j'espérais qu'elle passe à autre chose rapidement mais je ne pensais pas une seconde que ce soir, enfin, c'était la dernière fois qu'elle me reprochait ce que je lui ai fait. Enfin. Ca a pris des semaines, j'ai rangé ma fierté de côté pendant tout ce temps pour me faire pardonner et je ne regrette pas une seconde puisque ce soir, ça a payé. On avance doucement, main dans la main, et on se rapproche des maisons. Personne dehors, aucune lumière allumé, on était les deux seuls paumés dans la rue à cette heure ci. Personnellement, ça ne me dérange pas, la nuit, je connais ça et je sais où je peux trouver du monde pour m'amuser. En plus de ça, je suis avec Annie.

Je lui demande alors de s'expliquer, de me raconter clairement ce qu'elle voulait me dire, ce qu'elle espérait me faire comprendre. Elle me dit clairement qu'elle a compris, lorsqu'on était séparés pendant des semaines, que j'étais plus important pour elle que ce qu'elle pensait. Puis elle me parle de sa réaction à mon arrivée tout à l'heure. Ah oui. J'avais entendu cette histoire avec Jay. Bien que je n'avait pas compris la totalité de l'histoire, puisqu'il y a toujours différentes versions, j'ai compris l'essentiel. Et je comprends maintenant pourquoi Annie a réagi comme ça ce soir. J'étais content qu'elle se confie à moi, qu'elle m'explique tout en détails. Ca prouve qu'elle me fait confiance. Ou du moins, elle veut me faire confiance et elle peut. J'ai fait une gaffe avec elle et je ferai en sorte de ne plus en refaire parce que j'ai compris que je tenais beaucoup à elle et ça me ferait de la peine de revivre ce que j'ai vécu durant des semaines sans elle. Heureusement que j'étais là ce soir, le destin a voulu que l'on se croise, qu'on se parle et s'explique. Je n'ai pas envie de m'étaler sur ce sujet, je n'ai pas envie de parler de l'histoire avec Jay parce que c'était une épreuve difficile pour McCormick. Je n'ai pas envie de parler de notre relation, parce que même moi je ne peux mettre un mot sur cette relation. Il y a ce petit jeu entre nous, que je n'ai avec personne d'autres. Pourtant, je pense à Lily à cet instant, la soeur de mon meilleur ami. Avec elle aussi c'est différent, avec elle aussi je me sens plus que bien quand je suis avec elle, avec elle aussi ce n'est pas que de l'amitié. Mais c'est plus difficile de me rapprocher d'elle parce que son frère est mon meilleur ami, parce qu'elle ne croit plus en l'amour et aux relations sérieuses et en plus de ça, elle connait ma réputation. Je ne dis pas que je suis amoureux, je ne sais même pas ce que c'est. C'est malheureux à dire, j'avoue, mais je préfère ne pas tomber amoureux et vivre ma vie pleinement avec tout pleins de filles que de souffrir en amour. Je sais que quand je trouverai la fille qui me convient, je serai l'homme le plus amoureux du monde. Je mettrai ma fierté de côté à chaque fois pour elle, je lui offrirai tout ce qu'elle désire. Mais ça, ça n'arrivera certainement jamais. Je n'ai que 23 ans, je suis encore jeune et je ne parle donc pas trop vite, sait-on jamais. Et puis, une relation comme celle que j'ai avec Annie, je n'ai jamais connu ça non plus. Alors y-a t-il un lien ?

Je ne dis pas un seul mot jusqu'à ce qu'on rentre chez elle, vu qu'il n'y avait personne. Ça faisait des semaines que je n'avais pas mis les pieds chez elle et ça n'a pas changé. Elle me tend un verre d'eau que je bois rapidement. Je me demande si je dois la laisser se reposer, bien que j'ai envie de rester avec elle. Évidemment, il y a cette fierté qui revient à chaque foi, qui fait que je ne peux pas lui dire que j'ai envie de passer ma nuit avec elle, pas pour s'envoyer en l'air - bien que ça me plairait - mais pour être dans les bras l'un de l'autre, pour discuter et mettre les choses à plat, pour enfin se retrouver. Des fois j'ai l'impression d'être con, et j'crois que je le suis. Surtout quand les seuls mots qui sortent de ma bouche sont "J'vais te laisser si tu veux, repose toi, va dormir. On se voit demain." Alors que je ne veux pas la laisser. Mais je ne peux pas lui dire clairement ce que je veux, ce que je ressens, ni ce dont j'ai envie. C'est comme ça.

Ca n'avait jamais été simple entre nous deux et ça ne le sera pas jusqu'à ce qu'on mette notre fierté de côté pendant un petit temps. Si je mets ma fierté de côté, elle va m'envoyer chier. Si c'est l'inverse, si elle met sa fierté de côté comme ce soir, je ne m'ouvrirai pas à mon tour. C'est pour ça que j'ai gardé mon silence depuis tout à l'heure. Je ne sais pas ce que je dois dire en fait. J'ai peur de trop en dire, de lui faire comprendre certaines choses qu'elle ne doit pas savoir. De trop m'attacher à elle - si ce n'est déjà fait - et de ne plus pouvoir vivre correctement sans l'avoir à mes côtés. J'ai peur de beaucoup de chose si je m'ouvre à elle. Je sais pourtant que je dois être sincère et franc, mais pour ce soir, c'était trop m'en demander. Annie en a beaucoup dit et je ne dois rien rajouter, tout sonnerait faux. Alors je me contente de garder le silence jusqu'à ce qu'on rentre chez elle. J'ai l'impression qu'elle est plus rassurée, elle retrouve enfin le sourire et ça me fait plaisirs. On n'est plus dans une ruelle sombre, personne peut lui faire du mal à présent, donc elle se sent en sécurité. Et puis, c'est chez elle donc c'est normal. En plus de ça, je suis là pour la rassurer un peu plus, qu'est ce qu'elle demande de plus ? 8D

Je ne compte pas rester très longtemps, elle avait l'air très fatiguée, épuisée depuis tout à l'heure, surtout après la nuit agitée qu'elle vient de vivre alors je n'ai pas d'autre choix que de la laisser se reposer, je l'accompagnerai bien dans sa chambre et je rentrerai chez moi. Et Dieu sait que je n'en ai pas envie. Aucune envie de rentrer chez moi, j'ai plutôt envie de passer du temps avec Annie. J'ai comme l'impression que je dois rattraper le temps perdu avec elle, je dois profiter de chaque instant avec elle. Comme si j'avais peur que demain, tout change ! Demain est un autre jour et si ça se trouve, ça ne sera plus pareil. Annie s'était ouverte à moi ce soir, en mettant sa fierté de côté, elle ne le fera certainement plus jamais. Du moins, pas pendant un long moment. Alors j'avais envie de profiter de cette nuit avec elle. En plus, le destin a fait que les parents McCormick était de sortie. La soeur aussi. D'ailleurs, si Annie apprenait la relation que j'avais avec sa soeur, elle tomberait bien de haut et retour à la case départ ! Je dois mettre un terme à ma relation avec la jeune McCormick avant qu'Annie l'apprenne et me refasse la tête pendant des semaines et des semaines. Je ne supporterai pas ça une deuxième fois. "Tu dois te reposer, t'as l'air tellement fatiguée. Et que diront tes parents s'il me voit ici à cette heure ci ?" Bon, ce n'est plus une enfant, c'est sûre. Mais ils ne s'attendent surement pas à me voir ici - oui ils me connaissent, bien entendu - à leur retour. Je sens comme si elle me reprochait de ne pas avoir beaucoup parlé ce soir. Oui, j'assume je n'ai pas dit grand chose mais je crois en avoir beaucoup dit pendant des semaines alors qu'elle gardait le silence. Elle me foutait des vents à chaque conversations, alors que je mettais ma fierté de côté pour que notre conversation ressemble à quelque chose, pour la reconquérir, pour qu'on soit comme avant. Enfin, ça a payé. "J'dis ça pour toi. Partir d'ici est la dernière chose que je souhaite, crois moi. Si je pouvais rester, je le ferai. Mais t'as vu l'état dans lequel tu es. Tu tiens plus de bout, on dirait." La fatigue, la peur de tout à l'heure, le stress des réponses que je donnerai, et tout pleins de trucs qui font qu'elle avait l'air plus fatiguée que jamais.

Avec Minnie, ils ont l'habitude. Oui, ça j'en doute pas. Ses parents doivent la voir avec tellement de mecs différents qu'ils ne comprennent surement plus grand chose. Mais est-ce le cas pour Annie ? Peu importe, de quoi je me mêle après tout, elle emmène qui elle veut chez elle, je ne suis pas son copain, à ce que je sache. Elle n'a pas de compte à me rendre. Et puis, sa remarque qui suit me fait comprendre qu'elle est peut-être passée à autre chose mais elle ne vas pas s'arrêter de faire des remarques. Comme tout de suite. Elle va sans cesse me faire des petites remarques, pour rigoler certes, pour que je comprenne vraiment mon erreur. En état second ? C'est le cas de le dire oui. "Ne t'inquiètes pas, je me retiendrai." Elle me fixe pendant quelques secondes comme pour que je continue de parler et je reprend en disant "C'est bon, je rigole. Je ne saute sur cette personne ces temps ci d'façon." Oui, mensonge. C'était juste pour la rassurer, parce que même si elle veut me refaire confiance, elle veut passer à autre chose etc, je sais très bien qu'au fond, elle y pense un peu. Elle ne peut pas être passée à autre chose du jour au lendemain. Donc je lui apprendrai à me refaire confiance.

Annie McCormick. Qu'est ce que je vais faire de toi ? Elle me demande de rester et je ne compte pas me faire supplié. Évidemment que je reste, c'est ce dont j'ai envie ce soir. Pas parce que j'ai des chances de lui sauter dessus - j'sais qu'en plus j'en ai surement pas - mais parce que j'ai envie de parler avec elle, terminer ma nuit avec. Alors je lui adresse un simple sourire, terminant mon verre d'eau, en la regardant monter à l'étage. Elle allait dans sa chambre pour se coucher, et je m'empresse de la suivre, après avoir poser mon verre sur la grande table. J'entre dans sa chambre et je la vois couchée dans son lit. Je m'assis à ses côtés sur le lit, la regardant dans les yeux sans dire un mot. Elle était tellement fatiguée, ça se voyait énormément. "Je reste ici jusqu'à ce que tu t'endormes. Ça te va ?" Je ne sais pas si dormir ici avec elle est une bonne idée. D'une part parce qu'elle est très fatiguée et qu'elle a besoin de se reposer, de se réveiller seule pour pouvoir repenser à tout ce qui s'est passé la veille et se poser les bonnes questions. Et d'une autre part, parce que je me soucis toujours de ce que pourraient bien dire ses parents. Je lui prends la main et dépose un bisous sur la paume de sa main, avant de lui dire "Dors maintenant."

"Si tu n'es pas là à mon réveil..." Cette phrase me fait sourire et je comprends rapidement que je n'ai pas intérêt à partir. Elle ne souhaite pas mon départ, alors que hier seulement elle ne pouvait pas se trouver dans la même pièce que moi. Elle ne supportait pas que je sois à ses côtés, elle ne voulait même pas m'adresser la parole. Et aujourd'hui, ce soir, ou plutôt cette nuit, les choses ont beaucoup changé. Mais je pense que c'est seulement pour cette nuit. Demain est un autre jour et elle ne tiendra certainement pas le même discours. Je me demande même si elle oserait me dégager de sa maison à son réveil, ne sachant pas ce que je fous ici. Bien entendu, je tâcherai de lui rappeler que c'est elle qui m'a demander de rester, et de lui rappeler le discours qu'elle a tenu à mon égard. Ou pas. Par fierté, il y a beaucoup de chose que je ne fais pas, même si j'en ai beaucoup envie. Comme ce soir. J'aurais tellement voulu lui dire aussi ce que je ressens, lui ouvrir un peu mon cœur, lui parler de sentiments - pas amoureux, mais plus qu'amical - mais cette foutu fierté m'empêche de faire tout ça, et d'un côté j'en suis plutôt content. Ca m'évite de trop m'attacher, de souffrir alors que moi, O'Connel, je n'ai jamais souffert de ma vie - sauf quand ça concerne la famille - et l'amour, je sais que ça peut faire mal. Surtout avec une fille comme Annie, puisqu'elle n'est pas ordinaire, simple et sans caractère comme sont d'autres filles. Et c'est peut-être ce qui m'attire chez elle.

Elle s'endort sans pouvoir terminer sa phrase mais je sais bien ce qu'elle voulait me dire. Bon, je suis coincé ici, je ne peux pas partir et ça ne me dérange pas plus que ça. Je me lève du lit et je regarde Annie s'endormir. Même en dormant elle parait sublime. Je me ressaisis et je regarde autour de moi pour trouver une deuxième couverture et un oreiller. Pourquoi pas un matelas aussi, peut-être que ça gênera Annie que je dorme à ses côtés. Je ne sais pas comment me comporter avec elle, j'ai peur de trop prendre la confiance et de m'approcher d'elle. J'ai peur aussi de ne pas en faire assez. Je ne trouve rien autour de moi, et je ne me vois pas sortir de sa chambre pour fouiller dans les autres pièces. Ca se fait pas et en plus de ça, je n'ai pas envie de tomber nez à nez avec Minnie ni avec les parents McCormick. Alors je me contente de me coucher dans le lit d'Annie, assez grand pour deux personnes. De toute façon, elle ne prend pas tellement de place - comparé à moi - et la couverture suffit pour deux personnes. Quant à l'oreiller, je me contente de la peluche qui se trouve par terre à côté de la table de chevet. J'espère qu'Annie ne va pas m'en vouloir. Je n'arrive pas à dormir aussi rapidement qu'Annie parce que j'ai trop de choses en tête, et tellement de questions sans réponses. Mais je ferme les yeux doucement, pour aller à mon tour dans les bras de Morphée.