La tête posée sur son bureau, la jeune Katya Fitzgerald fixait son stylo qu’elle tenait en main, prête à écrire quelque chose. Mais rien ne sortait. Elle avait une dissertation à rendre pour le lendemain, et n’avait aucune inspiration. Elle avait tout tenté pourtant, elle avait lu et relu le sujet sur lequel elle devait traiter, avait analysé la phrase de fond en comble, était même allé jusqu’à utiliser internet pour trouver des idées ! Mais malheureusement, ce moyen de travail n’était absolument pas le meilleur : son chemin avait croisé hasardement celui de Facebook. Elle avait fini par démarrer une conversation avec son amie Montaine, une cheerleader elle aussi. Celle-ci n’était pas le meilleur moyen de trouver l’inspiration non plus, elle avait un QI d’est plus bas… Après avoir enchaîné les « Lol » quand Kat lui avait demandé de l’aide pour sa dissertation, la jeune fille avait finit par dire « C’est quoi déjà une dissertation ? Une espèce de papillons rares ? ». LOL. Katya s’était tapée une grosse barre devant son ordi avant, de dire au revoir à sa charmante copine et de se concentrer sur sa feuille et son stylo. Et… elle y était encore. Elle n’avait qu’écrit qu’un bout de phrase avant de se décourager.
L’adolescente soupira, elle se leva de sa chaise, attrapa ses affaires et sortit bientôt de sa chambre en direction du salon. Non, elle n’abandonnait pas, elle allait chercher de l’inspiration ailleurs. L’odeur enfumée qui régnait dans sa chambre dût à sa sœur Julia, qui dormait ici aussi, ne l’aidait par ailleurs pas.

Assise sur le canapé du salon, se trouvait Jaylann qui regardait la télévision. En débarquant dans la pièce, Katya ne lui dit absolument rien, ne faisant pas tellement attention à sa présence, et inversement pour l’aînée Fitzgerald. La petite blonde prit place par terre devant le canapé, et installa ses affaires sur sa table basse. Mordillant son stylo, elle regardait d’un air distrait le poste de télé. Le journal télévisé débutait, et à l’affiche comme le reste de la semaine : DSK. Le politicien français faisait la une des journaux depuis des semaines maintenant… Et, Katya suivait cette affaire de prêt. Non pas qu’elle s’intéressait aux actualités, ou à la politique française. Mais, cette histoire la touchait plus que d’autres, et elle ne pouvait s’empêcher de regarder chaque reportage la concernant, lire chaque article dessus. Jaylann semblait tout aussi absorbée par ce sujet.


« Cette histoire me fait de la peine… »


De la peine, c’était même peu dire, la jeune Fitzgerald était plutôt furieuse. Comment pouvait-on faire subir tel dommage à une pauvre femme de chambre ? Elle qui faisait seulement son métier, elle qui n’avait rien demandé ce matin-là quand le politicien s’était jetée sur elle. Quels dégâts psychologiques avaient dût causer cette agression… Katya était totalement révoltée. Et dans le fond, elle ne pouvait s’empêcher de penser que ça aurait pu très bien être… Quelque chose la coupa dans ses pensées : Ringo Starr, son sphinx, qui venait de se frotter à sa jambe. La jeune fille lui sourit, avant de se tourner vers Jaylann.
Les deux sœurs ne s’étaient pas réellement reparlé depuis… Christian. En effet, la grande blonde avait surpris sa petite sœur en plein premier baiser avec le jeune homme. Et elles ne s’étaient pas adressé la parole depuis, mais en même temps, ça ne changeait pas tellement de l’ordinaire. Pourtant, Kat avait pourtant cru, ou plutôt espéré, que Jaylann lui aurait touché quelques mots là-dessus, mais rien. C’était sa sœur quoi, toujours fidèle à elle-même.


« Tu en penses quoi, toi ? »


Elle voulait bien sûr parler de DSK, et de toute cette triste histoire.
Ce soir-là, la jeune Katya espérait démarrer une conversation avec son aînée, une vraie. Une qui durerait plus de cinq seconde, une qui pourrait au final rapprocher les deux frangines. Mais s’était sûrement trop demandé…

Au grand étonnement de Katya, sa sœur ne l’ignora pas. Elle n’évita pas la question que la cheerleader venait de poser, y répondit, et non pas en une demie phrase, mais en un vrai discours ! Et, il fallait bien avouer que c’était assez impressionnant, Jaylann n’avait pas parlé autant avec depuis bien longtemps maintenant. Katya était assez fière d’elle, ainsi qu’heureuse, elle allait profiter de cette ouverture d’esprit de la part de sa grande sœur et discuter un peu avec, ayant peut-être l’espoir de se rapprocher d’elle au final.


« Oui, tu as raison… »


Le nombre de viols, d’agressions sexuelles, qui avaient lieu sur des femmes de chambre ou autres métiers de ce genre, dans le monde, devait atteindre un nombre exorbitant. Katya s’était longuement renseignée sur le sujet, à l’époque. Mais au cours de cette précédente année, elle avait un peu oublié l’existence de ce genre de drames. Elle avait oublié combien, avant, elle en était effrayée. De ses angoisses, c’était sans doute celle qui revenait le plus souvent. Mais ces dernières semaines, à cause des dernières actualités, ça revenait. Ce drame mondial lui rappelait, d’une manière ou d’une autre, une de ses pires peurs.

La dernière phrase qu’ajouta Jaylann ne plut pas réellement à Katya. La vie serait certes plus paisible, mais ce genre d’horreurs n’étaient certainement pas faite pour l’animer, ce n’était pas distrayant mais tout bonnement infâme.


« La vie serait beaucoup mieux sans… Tu t’imagines à la place de ces pauvres gens ? De cette malheureuse femme de chambre ? Et ne fais pas comme si tu n’avais jamais songé à cela, comme si, ça ne t’avais jamais effleuré l’esprit que tu aurais très bien pu être à sa place. »


Parler de cette histoire foutait réellement la frousse à la jeune Katya. Durant toutes ces dernières semaines, elle avait évité toute conversation à ce sujet, dès que quelqu’un prononçait le nom du politicien français, elle fuyait. Mais elle se disait qu’en parler à un membre de sa famille la rassurerait. Ils la comprenaient, eux.
Elle ne voulait tout de même pas continuer sur ce sujet. Mais ne voulait pas non plus arrêter cette conversation avec sa grande sœur, elle voulait faire plus amplement connaissance. C’était ridicule n’est ce pas ? De ce dire que l’on ne connaissait finalement pas sa propre sœur, avec qui l’on vivait pourtant depuis bientôt dix-huit ans. Mais, au cours de ses nombreuses années, les deux blondes n’avaient pas échangé beaucoup. Ou, du moins, Jaylann s’était bloquée d’accès à ses sœurs et son frère, ne facilitant donc pas la communication.


« Tu en as parlé aux parents pour la dernière fois ? »


Elle voulait bien sûr parler de la scène que Jaylann avait interrompue. Katya se demandait si sa grande sœur avait mis leurs parents au courant. Il fallait avouer que c’était gênant, de ce dire que Jay’ avait assisté à cela… Kat était toujours restée secrète au sujet de ses relations amoureuses. A Chicago, ses parents n’avaient jamais eut feu de Tom, son petit ami de l’époque. Seul James avait été au courant, et puis Julia aussi. Mais c’était plus compliqué avec cette dernière, Katya avait toujours peur du jugement du vilain canard des Fitzgerald. Pourtant, elle devrait sans doute apprécier Christian… Et Jaylann, qu’en pensait-elle, elle ? Elle devait s’en doute s’en moquer éperdument.

Fidèle à elle-même, Jaylann fit d’abord comme si elle n’avait pas compris de quoi voulait parler Katya. Celle-ci se sentit alors complètement idiote. Enfin, elle commençait à s’habituer. Elle ouvrit la bouche, comptant reprendre la parole afin d’expliquer le fond de sa pensée, mais sa grande sœur fut plus rapide.
Elle avait apparemment très bien comprit de quoi parlait Katya. Elle lui dit alors que c’était sa vie, et qu’elle n’avait pas à s’en mêler.

« Oui, je sais… »

La réaction de sa sœur ne l’étonnait pas. Mais, elle aurait pourtant cru que, pour une fois, Jaylann aurait réellement pris son rôle de grande sœur en main. Pourtant non, elle s’en foutait toujours autant de Katya.
La gorge de la petite blonde se noua, elle baissa la tête vers sa feuille où elle fit mine d’écrire quelques mots. Sa propre sœur ne s’intéressait même pas à elle. Elle avait l’habitude de passer inaperçu aux yeux de tout le monde. Mais, s’avouer que c’était aussi le cas avec sa famille, était plus compliqué. Car, il était vrai que cela lui faisait beaucoup de peine à la jeune Katya.
Chez les Fitzgerald, seul deux personnes semblaient la remarquer : James et Julia – si on excluait bien sûr leurs quelques animaux. Tandis que sa mère ne semblait ne jamais avoir remarqué son existence, le père était bien trop occuper à se plaindre de sa vie à Magnolia et Jaylann… Elle, elle semblait totalement se ficher de sa petite sœur. Ou du moins, c’était l’impression qu’elle lui donnait.
Relevant, la tête, l’adolescente posa son regard sur sa sœur avant de reprendre :

« C’est ma vie, mais nous sommes sœurs. Quoique, parfois je n’en ai pas tellement l’impression… »

A peine eut-elle fait cette réflexion, que Katya culpabilisa. Bien que vrai, ce n’était pas tellement gentil… Pour se rattraper, elle reprit :

« Je veux dire, je trouve cela dommage que nous ne soyons pas si proche que ça. Tu t’en doutes bien… »

Ce n’était pas la première fois qu’elle faisait cette remarque. Pourtant, elle avait beau parler, rien ne changeait, la distance qui la séparait de son aînée était toujours là. Et cette distance commençait à l’agacer, avoir cette impression de ne pas connaître sa propre sœur la chagrinait d’avantage.
Depuis le temps que Kat attendait que Jaylann sorte de sa coquille, elle pouvait bien lui faire cette faveur, non ?