Pour une fois, l’emploi du temps de Jersey était vide. Elle en avait donc profité pour se faire une grasse matinée, digne de son frère Christian. Seulement, elle aurait du se douter avant qu’il y aurait bien au moins une personne pour lui casser les pieds ce matin-là. Oui car, une seule personne était capable de venir dans sa chambre la déranger durant son sommeil. Une seule, et il s’agissait bien évidemment de Judith Livingstone, sa mère.

En plein dans un rêve, la jeune femme avait été réveillée en sursaut par l’abominable maîtresse de maison qui criait son prénom, au pied de son lit. Putain. Réveil de merde. Après s’être engueulée avec sa mère qui voulait absolument que Jersey aille faire des courses, la belle lui obéit finalement. Elle quitta la demeure familial furax, en ne manquant pas de se disputer une dernière fois avec sa mère, à en réveillé le pauvre Christian. Elle ne prit même pas la peine de dire bonjour à ce dernier qui se tenait dans l’entrée, totalement sonné. La vue de celui-ci l’agaça. Pourquoi Judith n’était pas venu le déranger, lui ?

La brune s’empara bientôt du volant de sa voiture qu’elle fit démarrer en direction du supermarché. Elle ne mit pas beaucoup de temps avant d’y arriver et de pénétrer dans le bâtiment. Elle s’empara d’un caddie et commença la tâche monotone et ennuyeuse qu’était de faire les courses.
Un œil sur la liste que lui avait donné sa mère, elle ne se pressait pas du tout. Si sa mère voulait ses courses, il lui faudra être patiente.

Alors Jersey était au rayon laitier, en train de choisir entre deux sortes de yaourts nature, son regard se posa sur un homme qui se tenait un peu plus loin, dans l’allée. Elle déposa ses yaourts dans son caddie, et d’un pas déterminé s’avança vers lui, abandonnant son charriot.
Il s’agissait de Mark Smith, un ex ainsi que le mari de Kennedy, une très bonne amie. Quand ils étaient plus jeunes, ils étaient sortis ensemble. Malgré l’écart d’âge assez important, Jersey l’aimait réellement. Seulement, la jeune femme n’avait pas vraiment digéré son départ de Magnolia Cresent. Il avait été sa première grande histoire d’amour, et elle n’avait jamais réussi à lui pardonné d’être partit comme ça. En même temps, Jersey était une femme rancunière.

Elle s’était approchée de lui s’en réfléchir, et alors que quelques pas les séparait, elle se ravisa se détournant pour revenir à son caddie et filer. Mais avant qu’elle en ait eu le temps, Mark l’aperçu et l’appela.
Jersey se retourna, puis lui dit d’un ton froid et distant :


« Mark… »


On aurait pu traduire ça par un « oh non pas toi », et c’était le cas. Ils ne s’étaient pas réellement parlé depuis tellement longtemps. Quand il était revenu à Magnolia Cresent, avec à son bras la jeune Kennedy, Jersey n’avait même pas prit la peine de venir le saluer, lui souhaiter un bon retour. Cependant, elle s’était très vite liée d’amitié avec sa femme. Et d’ailleurs, elle avait du mal à comprendre, qu’est ce qu’il foutait avec une fille comme elle ? Elle était si différente de Jersey pourtant, elle était déprimante, mal à l’aise, réservée… Le mannequin avait beau l’apprécier, elle ne comprenait pas l’intérêt que trouvait Mark en cette fille.

Un sourire crispée s’affichait sur les jolies lèvres de la brune, et d’une voix froide, elle dit finalement :


« Que me veux-tu ? »


On dit que l'on pardonne tout à son premier amour, mais Jersey n'était pas de ce genre là.

Jersey s’était imaginée pleins de fois ses retrouvailles avec Mark Smith, et jamais elle n’aurait cru que ça se passerait dans un supermarché, devant le rayon laitier. D’ailleurs, elle n’aurait pas cru retrouver un Mark à la fois si beau mais totalement débraillé. On aurait dit qu’il venait de sortir de d’une hibernation.
Elle avait plusieurs fois imaginé la scène. Dans le meilleur des cas, ils se sautaient dans les bras l’un de l’autre, et s’embrassaient dans un long et doux baiser digne de ceux qu’échangent un prince charmant et l’héroïne d’un conte de fée. Dans le pire des cas, elle lui foutait une baffe après lui avoir dit combien elle le détestait de l’avoir abandonné comme ça.
Mais, maintenant que leur retrouvaille avait enfin lieu, plus qu’à savoir laquelle des deux versions se dérouleraient. Une baffe ou un baiser ?

Contrairement à Jersey, le jeune homme, lui, était apparemment content de revoir la jeune femme après tant d’années. Dire qu’elle n’avait que treize ans quand il avait quitté Magnolia Cresent, c’était donc il y a dix ans. Le temps passe vite, sérieux.


« Comment veux-tu que je sois contente ? »


Elle s’approcha de lui peu à peu, le regard froid et distant.


« Tu m’as lâchement abandonné il y a dix ans… Je ne croyais plus jamais te revoir »


D’un côté, elle était heureuse de le retrouver, mais ça, jamais elle ne l’avouerait. Elle était bien trop rancunière, et même si elle mourrait d’envie de le serrer dans ses bras comme elle l’avait tant de fois rêvé depuis ses dix dernières années, elle ne le ferait pas. Et cette rancœur ne se dissipera pas de si tôt, croyez-moi.


« Je t’en veux tellement… »


Lâcha-t-elle, pour finir.

Bien que dix ans avait maintenant coulés sous les ponts, Jersey n’avait jamais totalement oublié la souffrance que lui avait commise le départ de son petit ami de l’époque. Il avait été sa première fois, tout de même, son premier grand amour. Elle ne pensait plus jamais le revoir, et le voilà, au rayon laitier du supermarché de Magnolia après dix ans sans le voir. Elle aurait très bien pu se jeter à son cou, en lui répétant combien il lui avait manqué, mais Jersey était bien trop rancunière pour cela… Quand même, il fallait bien avouer qu’il était devenu très bel homme. Ensemble, ils auraient formé l’un des plus beaux couples du quartier… Si seulement il ne s’était pas enfui.
Quand il lui demanda si les choses avaient changé, la jeune Livingstone eut presque envie de le baffer. Non, rien avait changé, même si dix ans étaient passés, même si elle aussi avait fini par déserter le quartier avant de revenir, rien avait changé. Elle restait la même jeune fille de quatorze ans à qui il avait brisé le cœur.


« Non. Même si dix ans se sont écoulés depuis, les choses restent les mêmes. Tu m’as brisé le cœur, tu sais ça ? »


La jeune femme ne comptait pas lui pardonner de si tôt, c’était certain. Mais, tout de même, elle espérait trouver un jour la force d’oublier, bien qu’en bonne Livingstone qu’elle était ce ne serait pas facile.
Mark s’approchait lui aussi de Jersey, bientôt il était assez proche d’elle pour lui toucher les cheveux, il attrapa délicatement une mèche brune, avant de lui dire qu’elle était devenue une belle jeune femme.


« Merci… Je dois bien avouer que tu es plutôt pas mal aussi… »


Face à ces paroles, elle aurait presque pu craquer. Mais il fallait bien avouer, depuis le départ de Mark, la jeune femme avait beaucoup changé. Elle n’avait que quatorze ans à l’époque, et maintenant voilà qu’elle était une vraie jeune femme. Depuis l’absence du jeune Smith, Jersey avait réalisé son rêve d’enfance : devenir mannequin. Et elle avait plutôt bien réussit même, devenant l’une des plus demandées du pays.
Et Mark ? Qu’avait-il fait pendant cette longue absence ?


« Tu étais où pendant tout ce temps ? »


Elle avait bien droit à des explications, non ? Quand même, qu’elle sache pourquoi on lui avait brisé le cœur il y a dix ans de cela.

Alors, il était parti vivre sa vie, loin de Magnolia Cresent, de sa famille, et de… Jersey. Cette dernière se doutait qu’il y avait autre chose, on ne quittait pas tout du jour au lendemain pour aller « vivre sa vie », comme il disait. Il y avait certainement une autre raison, qui lui était encore inconnue, pour le moment. La jeune femme essayait de garder son sérieux, pour ne pas craquer devant cet homme qui lui avait tant manqué pendant toutes ces années, mais quand celui-ci ajouta, en riant, qu’elle lui faisait peur, elle ne put s’empêcher de sourire.
Mark avait apparemment lui aussi envie de savoir ce qui s’était passé dans la vie de Jersey, durant ces dix dernières années, et finit par l’inviter à diner. La jeune femme ne put que paraître surprise au début, n’était-ce pas un peu déplacé ? Il avait une femme, Kennedy, et celle-ci ne serait sûrement pas pour… Puis, elle était son ex, c’était un peu risqué, non ? Alors que Jersey allait répondre à la proposition du jeune homme, celui-ci reprit qu’ils pouvaient tout simplement manger un hot dog en ville.
Hot dog ? Nan sérieusement, et pourquoi ne pas manger des chicken chika au kebab du coin, aussi ? Ces trucs-là c’étaient des mines de calories, vraiment pas le genre de chose que Jersey mangeait d’habitude, avec son régime draconien de mannequin. La jeune femme, le sourire crispé, répondit :

« T’as pas mieux que des hot dog ? »

Cette phrase donnait l’impression qu’elle ne voulait pas de ce diner en compagnie du jeune homme, alors qu’au contraire, cela lui ferait plaisir, dans le fond. Mais, têtue, elle ne voulait pas qu’il croit qu’elle lui pardonnerait aussi facilement. Il avait tout de même l’air d’avoir très envie de ce petit diner, et Jersey reprit aussitôt, ne voulant pas le décevoir :

« Dinons au restaurant plutôt. Même si l’on prend le risque d’avoir l’air de deux jeunes gens ayant leur premier rencart ensemble ! »

Elle ajouta à cela un léger rire. La voilà déjà plus joviales qu’au début, Mark pouvait s’estimer heureux.

Regardant l’heure sur son téléphone, elle comprit qu’elle ferait mieux de continuer ses courses au plus vite, si elle ne voulait pas se faire engueuler par sa chère mère à son retour chez elle.

« Je pense qu’il vaudrait mieux que je finisse mes courses… Tu viens me chercher chez moi, vers vingt heures, ok ? »

Au moins elle avait quelque chose à faire de sa soirée, et n’allait pas la passer en compagnie de sa famille de tarés.
Elle lança un coup d’œil à sa liste de courses, mon dieu, elle était encore longue ! Elle n’avait même pas fait le quart. A ce stade là, elle sentait que l’engueulade avec sa mère allait s’imposer dès son retour dans le foyer familial. Sa mère n’avait qu’à demander à William de faire les courses la prochaine fois, ou bien même Chirstian, tiens ! Quoique, celui-là valait mieux ne pas lui confier pareils tâches, ces capacités dans l’art de faire les courses devaient être minimes.