L'Irlande, 12 heures d'avion d'ici. Et le billet d'avion, je vous raconte pas les frais. Ca faisait un mois environ que j'étais revenu de mon week-end dans ma famille, sur mon île. Le décalage horaire avait mit du temps à partir mais mon mal du pays pas trop. Parfois encore ce soir, il était présent comme un spectre qui plane au dessus de ma tête. Le spectre de mon amour pour cette terre mais le spectre aussi de ces souvenirs increvables qui continuent de me hanter. Son visage, son rire, ses mains et tout qui se brise. Mes doigts grattent la guitare que je tiens contre moi pendant que la voix de mon ami résonne contre les murs et s'accorde aux notes de ma guitare. Une jam-session improvisée entre les murs de cette chambre d'hôtel. Juste ma guitare et la voix de mon pote, le reste ça n'existe plus. Calhoun avait grandit avec moi, sa mère était une très bonne amie de la mienne et on avait grandit en oscillant entre nos deux maisons. Puis il y a eu ce drame et pendant un temps on s'est plus vus. Lui, à panser ses blessures et moi les miennes de cet tragédie qui avait, en fin de compte, touché notre ville entière pourtant si calme et pas que le petit garçon que j'étais. Non le fléau s'était beaucoup plus étendu et dans nos regards, on le voyait encore, silence complice et regards accablés. On savait pas à l'époque, maintenant on sait avec un arrière goût d'amertume. C'est comme une blessure transparente que nous seuls pouvons voir, parce que nous, on sait, on était là, on a vu et vécu. Parce que finalement, j'étais pas seul dans ce trou noir et béant. Peut-être que ça aurait été mieux d'être seul. Néanmoins, dans cette valse qui tournait trop vite, j'ai quitté l'Irlande, ses beaux paysages verdoyants et son cauchemar endormi. Je suis parti sans un regard, un simple bagage à la main, un peu de sous en poche.

J'ai erré beaucoup de temps avant d'arriver à Magnolia, avant de me poser de façon stable. Qui sait où je serais aujourd'hui si j'avais continuer mon voyage, mon périple ? Je cherchais quelque chose, quoi ? je ne sais pas trop. Et je ne sais toujours pas si j'ai trouvé ce que je cherchais à Magnolia Crescent. Peut-être que oui, peut-être que non. Je ne sais qu'une chose c'est que pour le moment je ne ressens pas l'envie de m'en aller, de la quitter cette ville. Calhoun était descendu pour deux semaines en Amérique afin de voir sa petite amie qui vivait sur le sol américain. Il avait choisi de se poser dans ma ville, sa petite amie habitant à quelque km de ma ville. Il pouvait ainsi voir sa chérie et son pote d'enfance. Depuis qu'il était arrivé, c'est à dire hier matin, j'avais déserté la maisonnée, préférant profiter de la présence de mon ami. Ils sauraient de toute évidence s'en sortir sans moi mes colocs. Depuis donc hier j'étais dans cette chambre d'hôtel à jouer avec Calhoun ou bien papoter du bon vieux temps en évitant cette partie sombre en particulier. On est pas dupe mais on veut pas y penser. Plus du tout. Même si lui comme moi, on sait très bien qu'oublier n'est pas au programme et que on l'emportera dans notre tombe ce truc. Il parle de sa chérie, de leur rencontre. Et moi, je me souviens de ma rencontre avec Alexandra et puis comme une logique, un chemin trop souvent emprunté, je me souviens aussi de notre rupture, brutale, abrupte et dénué de sens. Il y a des soirs où elle me manque, il y a des soirs où je regrette, il y a des soirs où à sa fenêtre j'ai envie de me rendre et parfois, je sais que c'était la meilleure chose à faire, que j'ai bien fait et tout est bien comme ça. La peur, ma crainte serait de faiblir et de retourner vers elle. Surtout dans ces moments, où, j'ai l'impression d'être perdu sans elle. Et puis, y'a Gaëlle, je sais pas si elle est là pour me perdre encore plus ou au contraire m'aider à me relever et ensoleiller ma vie. Je crois que j'essaie de ne plus me poser de question et juste de vivre. Parce que trouver des réponses, je commence à fatiguer.

Finalement, je lâche ma guitare pendant que Calhoun répond à son portable. Sa dulcinée vient d'arriver à Magnolia et demande le numéro de la chambre. Je range ma guitare dans son étui et quitte la chambre en faisant un clin d'oeil à mon ami. Je lui laisse un peu d'intimité pour les retrouvailles, on se verra dans la soirée sûrement, après leurs retrouvailles. Je descend dans le hall et finalement, je me dirige vers la piscine, me poser sur les transats tranquillement, peut-être jouer un peu de la guitare, enfin si le vigile me fout pas dehors. Je pénètre la véranda, pas un chat ou presque, au bout de la piscine, une personne est assise, les pieds dans l'eau. Une femme, enfin je crois, la pénombre ne m'aide pas vraiment. Je continue de marcher, lentement pour ne pas gêner la personne. « Shawn? C'est bien toi? » Je sursaute. Qui c'est ? Je vois pas trop de là où je suis, je m'approche plus. Je crois deviner la silhouette de Cinzia « Tu es tout seul? [...] Viens, assieds-toi. » Oui, c'est bien elle, je reconnais le timbre de sa voix. J'hésite un instant et puis finalement, je m’assois à côté d'elle en tailleur, répondant à son invitation, je n'ai aucune raison ce soir de l'éviter vu que nous sommes seuls. C'est peut-être pire compte tenu du passé. « Ouaip. Je suis venu passer du temps avec un pote d'enfance qui est descendu d'Irlande. Et toi ? T'es avec Noah ? » Je demande en jetant un regard autour de nous, prêt à m'en aller si je vois mon colocataire débarquer. J'évite, dès que je peux de me retrouver dans la même pièce que lui et Cinzia. Ca me fout terriblement mal à l'aise. Le passé a ses habitudes coriaces

Quand j'entendis sa réponse, mon cœur se souleva. C'était bien Shawn. Ça me faisait peur de le savoir là, près de moi. A Magnolia dès que par malheur on se croisait tous les deux, on détournait le regard et puis on changeait de trottoir. Je ne le détestais pas vraiment, au contraire je l'aimais beaucoup Shawn. Mais voilà étant donné notre passé commun je préférais ne plus lui adresser la parole ni même croiser son regard en public. A la fête des voisins de l'an passé, les gens avaient quelque peu remarqué la tension invisible entre nous deux. Alix m'avait même demandé pourquoi je ne lui disais pas bonjour. J'avais prétendu ne pas le connaître. Noah serait furieux s'il apprenait que son ami et moi avions déjà passé une nuit ensemble. Même si c'était avant que Noah et moi nous rencontrions. Jamais il ne me le pardonnerait, et moi non plus je ne me le pardonnerais pas. Donc voilà j'avais décidé de tout mettre sur pause, ou plutôt entre parenthèses et d'oublier cette nuit du 19 janvier 2010. Moi et mes amies avions emménagé dans ce quartier début janvier, peu de temps après les colocataires de la maison n°7. En effet, nous habitions en face des musiciens. Ils étaient nouveaux, nous aussi. Nous ne nous connaissions pas et un soir j'étais allée à une fête dans la ville voisine avec Alix, on était défoncées pour ne pas changer, et j'avais couché avec le premier venu pour fêter le nouvel emménagement, et surtout pour oublier que je venais d'abandonner lâchement mon meilleur ami d'enfance qui me manquait déjà, et qui me manque toujours d'ailleurs. Le premier venu en question était Shawn. Je ne le connaissais ni d'Adam ni d’Ève et à vrai dire je ne me rappelais même plus de son visage le lendemain. Mais j'avais deviné que c'était un mec bien lorsqu'il m'avait dit qu'on ferait mieux d'oublier cet incident, par respect pour nous-mêmes et surtout pour Noah, que j'avais rencontré deux semaines plus tard.

Depuis le 20 janvier 2010 donc, nous ne nous étions pas parlé tous les deux. Et ce soir il se retrouvait là, assis au bord de la piscine à côté de moi. Il me dit qu'il venait passer un peu de temps dans cet hôtel avec un ami d'enfance. Il n'était donc pas seul, contrairement à moi. « Noah n'est pas là. » , je réponds. Il allait me prendre pour une imbécile finie si je lui disais pourquoi je me trouvais là réellement : ouais je me fais un road trip toute seule dans l'hôtel de la ville où j'habite parce que je déprime et que j'ai envie de claquer mon fric pour une chambre alors que j'en ai une mille fois plus à mon goût chez moi. Mais sinon oui, tout va bien. J'avais envie de lui poser plein de questions, de savoir comment il allait, ce qu'il avait fait pendant l'année et demi où ne nous étions pas parlé. Enfin on avait du échangé quelques mots peut-être, mais des formalités seulement. J'avais envie de savoir s'il avait complètement oublié la nuit qu'on avait passé ensemble ou s'il repensait encore à moi de temps en temps. Après tout, s'il vivait dans la même maison que mon petit ami c'était qu'il ne se sentait pas si mal que ça vis-à-vis de lui, donc cela voulait dire qu'il s'en fichait royalement de moi et de ce qui s'était passé entre nous deux.. Peut-être que je me trompais, peut-être avais-je tord, mais c'était l'intime conviction qui se formait au fond de moi: il avait autre chose à penser que de ressasser le passé. Or moi c'était mon plus gros défaut. Au lieu d'avancer, je me retourne toujours en arrière et j'observe l'histoire. Je ne peux pas m'empêcher de regretter et de vouloir réinventer sans cesse ce qui n'est plus possible de modifier. Mais voilà c'était comme ça que je vivais, au contraire de ma meilleure amie Alix qui se foutait du passé, du présent, et encore plus du futur. Moi sous mes apparences de jeune femme dévergondée et fofolle, je réfléchissais beaucoup, et le passé me menait la vie dure.

Il était presque l'heure de dîner mais je n'avais plus trop faim. Mon estomac était noué. Le fait de savoir Shawn à moins de 15 centimètres de moi m'avait retourné le ventre. Je lui posais quand même la question, pour combler ce vide entre nous. « Tu as mangé ? » Le petit restaurant de l'hôtel venait d'ouvrir, en passant devant j'avais vu le maitre d'hôtel et les serveuses s'affairer à préparer les tables avant que les premiers clients n'arrivent. Les lumières étaient maintenant toutes allumées et de nombreuses personnes étaient attablées. J'aurais bien proposé à Shawn d'aller dîner avec moi, mais il aurait refusé à coup sûr. Et puis, il n'était pas seul, lui. C'était dommage j'aurais aimé partager plus de temps avec lui, qu'on parle un peu de nous, enfin de lui et moi séparément, enfin je me comprends.. En fait j'avais envie de partager tellement de trucs avec lui mais j'ignorais s'il était sur la même longueur d'ondes que moi. Ça faisait si longtemps qu'on avait pas échangé un mot. Pourtant ce n'était pas comme si j'avais l'impression de parler à un étranger. Je me sentais proche de lui mais loin à la fois. Comme si une barrière s'était installée entre nous deux naturellement et indéfiniment. Je ne prétendais pas le connaître par cœur, oh non, mais la réaction qu'il avait eue à mon égard en apprenant que je sortais avec son ami Noah Owens m'en avait appris beaucoup sur lui. Définitivement, c'était un type bien, et ça manquait à mon entourage. Il me manquait tout simplement.

L'erreur est humaine dit-on. Ouais c'est pas faux. Des erreurs on en fait tous. TOUS. autant que nous sommes. Celui qui dit qu'il n'a jamais fait d'erreur est un menteur et un hypocrite ! Pourtant les erreurs, on aimerait les effacer, pouvoir faire comme si elles n'existaient pas ou encore retourner dans le passé pour les corriger ou les empêcher de se dérouler. On aimerait mais on ne peut pas. Foutre des œillères, j'ai appris avec le temps comment faire. S'aveugler en quelque sorte. Par pour soi, car pour soi, nos erreurs du passés viendront toujours nous hanter, nous ronger mais les cacher aux autres, ça c'est autres choses. J'ai toujours eu l'habitude de le faire, montrer un tout autre visage aux gens, un visage impassible, froid, fermé tout en restant chaleureux, juste ne jamais montrer ce que je ressens. Il faut dire que j'ai eu un apprentissage de feu et ce, très jeune. Ca a commencé avec mon père et sa faculté à être froid en tout circonstance, à être stoïque, j'ai pris de lui, faut le croire. En même temps pas étonnant, j'ai eu un bon exemple depuis tout petit. Je sais bien garder les choses pour moi sauf quand ça me dépasse, comme par exemple, ces nuits où je cauchemarde et que c'est Adam qui vient me réveiller, me calmer. Là, je ne contrôle plus rien et ça m'agace fortement. J'aime tout contrôler, que ce soit mon corps, mes émotions, mes sentiments, j'aime avoir la main partout ainsi je ne suis pas surpris, ainsi je ne suis pas étonné à faire telle ou telle chose non pas du tout vu que j'ai le contrôle.

Si j'avais eu cet attribut plutôt j'aurais pu éviter de faire des erreurs, des erreurs colossale. Et combien même, mon attitude à réussir à cacher mes émotions m'aident, comme pour Cinzia. En soi, nous n'avons rien fait de mal, pas vraiment. Nous étions juste des adultes consentants, les veines gorgées d'alcool et de fête qui avaient passé une nuit ensemble sans rien de plus. Une bête erreur certes. Ca arrive à tout le monde de déraper non ? J'étais nouveau, je venais de débarquer dans cette ville, je ne connais personne si ce n'est mes colocataires. J'avais juste envie de faire la fête et ne pas penser aux lendemains, ne penser à rien, juste oublier. Chose faite, j'ai passé la nuit avec Cinzia et le lendemain, pouf ! plus rien. Elle avait pris ses affaires, moi de même et on est passé à autre chose.

Sans se douter que quelque semaine plus tard, nous allions nous revoir et dans de drôle de situation. On s'est revu, ouais. Elle avec Noah et moi avec Alexandra. Quelle fut pas notre surprise. J'ai tout de suite souhaiter que rien ne se sache. Nous n'avions rien fait de mal car nous étions célibataire à ce moment là c'est vrai mais je sais pas, je trouvais que c'était mieux que l'on ne dise rien, encore plus aujourd'hui que je suis encore plus proche de Noah qu'avant et même si je ne suis plus avec Alexandra, je n'ai pas très envie que cela se sache. Ce sont des trames du passé qui m'appartienne. Alors ici, être avec Cinzia, ça me fait bizarre alors que tout ce temps, on s'est évité,on a pris la précaution de ne pas se parler, de ne pas être ensemble dans la même pièce. « Oh ... D'accord. Je vois ... Tu vas bien ? » Je demande, un peu inquiet. C'est vrai quoi, qu'est ce qu'elle viendrait faire ici toute seule ? L'option de l'infidélité est mise de côté vu que si elle était venue avec quelqu'un, elle ne m'aurait pas proposer de m'asseoir avec elle. Alors pourquoi ? Va-t-elle bien ? Bien-sûr que ça me préoccuperait, c'est la copine de mon meilleur pote et pas non plus une inconnue, j'ai passé une nuit avec elle, ça compte, pas autant qu'une vie de couple mais ça compte. Je suis pas un salaud non plus. Dans le silence pesant, je ne sais pas quoi dire alors je reste silencieusement en jouant un peu avec les cordes de la guitare. Je ne sais pas trop quoi dire, comment aborder un sujet puis enfin, à mon plus grand soulagement, elle brise ce silence, je secoue la tête à la négative pour répondre à sa question.

« Non. Pas encore. Je devrais parce que je meurs de faim. Et toi ? t'as mangé ? » Je tourne la tête vers l'intérieur de l'hôtel, y'a quelque personnes, c'est pas foule mais y'a des gens. Je me retourne vers elle et du menton, montre l'intérieur de l'hôtel « Tu veux aller manger au petit restau' de l'hôtel ? » Après tout, c'est mieux que d'être tout seul dans la pénombre, je trouve ça bizarre. Quitte à se parler, autant que ce soit en pleine lumière et avec des gens autour de nous, on se sentirait peut-être moins gênés ainsi.

Ça me foutait terriblement mal à l'aise de me retrouver avec lui ce soir, pourtant ça me soulageait à la fois. Je savais maintenant qu'il ne m'en voulait pas. J'étais consciente au fond de moi des raisons pour lesquelles nous ne nous parlions plus depuis bien longtemps, depuis une longue année, pourtant quelque chose persistait et un petit démon dans ma tête me persuadait que Shawn m'en voulait pour cette nuit-là car ça avait foutu un malaise ce jour où on s'était retrouvés cons, lui et Alexandra, en face de Noah et moi. Nos conjoints du moment bien sûr n'étaient au courant de rien, mais nous deux on s'était lancé des regards gênés et j'avais aussitôt compris qu'il était mieux pour nous de ne plus s'adresser la parole du tout. Peut-être était-ce une erreur mais j'avais le sentiment au fond de moi que quelque chose était resté en travers de la gorge de Shawn ce jour-là. Malgré moi je ne lui en voulais pas pour ça. C'était normal. Il avait sûrement du avoir peur que je balance tout à Alexandra entre deux verres de Martini blanc.

Plusieurs fois après ça Noah m'avait proposé de refaire des soirées avec ses potes et leurs copines respectives, et j'avais systématiquement refusé, à la grande incompréhension de mon copain. Et lorsqu'il m'avait demandé des explications, j'avais toujours prétexté me sentir mal et avoir besoin de rester vautrée à la maison dans le canapé du salon à mater la télé pour faire passer le mal. Noah à chaque fois avait haussé les épaules avant de claquer la porte et de rejoindre ses potes. Aussi, lorsque je lui rendais visite dans sa maison qui était juste en face de la mienne, il m'arrivait évidemment de tomber sur Shawn, étant donné qu'il étaient amis et colocs. Nous ne manquions pas de nous lancer des regards embarrassés avant de baisser la tête et de tourner les talons. C'était bête, Shawn était un garçon charmant.

Il venait maintenant de me demander si j'allais bien. Si j'allais bien, si j'allais bien.. Difficile question. Valait mieux répondre que oui, je n'avais pas envie d'étaler ma vie privée ce soir-là, bien que je sache pertinemment que Shawn malgré quoiqu'on ait pu vivre ensemble serait une oreille à l'écoute de mes soucis. Je hochai la tête en affichant un petit sourire discret. « Ça va plutôt bien, oui. » Mon ventre se mit alors à gargouiller. Je me sentis terriblement gênée, il venait de me proposer d'aller dîner au petit restaurant et moi je m'apprêtais à prétexter ne pas avoir faim. Trop tard. Je hochai la tête de nouveau. « Bonne idée. » Acquiesçai-je en me levant. Cela ferait un peu d'animation dans ces retrouvailles quelque peu tendues.

Nous nous rendîmes donc au restaurant de l'hôtel où le restaurateur nous accueillit stoïquement. Je demandis une table pour deux, et faillis préciser que nous n'étions pas en couple, mais cela n'aurait pas eu lieu d'être, le restaurateur s'en contre-fichait éperdument. Une fois assis à table, je fis mine d'être passionnée par la carte des menus que je tenais dans mes mains, à défaut de savoir quoi dire. Malgré moi, une tension était toujours palpable entre nous. Je guettai de temps à autre les tables voisines et surveillait qu'il n'y ait que des inconnus autour de nous. Si un ami de Noah me voyait en compagnie de Shawn, surtout au restaurant, dans un hôtel de surcroît, et puis en tête à tête comme ça - ! - cela porterait à confusion, alors que bien sûr il n'y avait plus rien d'ambigu entre nous. Noah serait surpris, croyant que Shawn et moi n'étions que purs inconnus l'un pour l'autre. Enfin, je levai la tête vers lui. « Tu dois te demander pourquoi je suis dans cet hôtel toute seule, pas vrai ? », je demande.

Alors qu'on se dirige vers le petit restaurant de l'hôtel, mon sentiment de malaise ne me quitte pas. Extérieurement, ça pourrait être un dîner tranquille entre deux amis qui ont une connaissance en commun, bien entendu. Mais seulement, c'est bien plus complexe que cela et nous sceller sous silence une bonne soirée qui s'est déroulée il y a longtemps. Pourtant ce malaise n'avait plus tellement lieu d'être vu que je ne sortais plus avec Alexandra mais je ne sais pour quelle raison, elle persistait encore et encore. Peut-être c'est l'habitude ? Faut dire qu'on agit ainsi l'un et l'autre depuis pas mal de temps, sûrement qu'on a pris le pli, l'habitude. Faut dire que je ne suis pas non plus très fier d'avoir eu la copine d'un de mes meilleurs potes, même si c'était y'a un bon moment, ça le fait tout bonnement pas. Il faudra bien un jour qu'il le sache Noah mais pas maintenant, en même temps aucun moment ne sera le bon pour annoncer ce genre de chose. Je me souviens des soirées quand elle passait à la maison avec Alexandra, je faisais profil bas, les moments de blanc quand on se croisait dans les couloirs avec nos partenaires respectifs.

Alexandra a toujours pensé que je n'aimais pas son amie alors que ce n'était pas du tout cela le problème, je voulais protéger mon couple ainsi que celui de Noah et Cinzia. Je suis certain que c'est une fille sympa et bourrée d'humour, de ce que je me souviens de notre soirée, on s'était bien marré même si j'évite de m'en souvenir. Les choses ont tellement changé depuis ce jour-là. Tellement. On entre dans le petit restaurant, on nous place, sourire de bienséance et je m'assois. On regarde chacun avec attention le menu, je pense plutôt qu'on se cache derrière nos menu plutôt. Puis finalement, elle brise le silence, je baisse la carte pour pouvoir la voir. « J'avoue, c'est vrai, je me demande bien pourquoi mais bon je veux pas te mettre mal à l'aise. Si tu n'as envie de donner d'explication, tu sais je comprend tout aussi bien. T'as pas de compte à me rendre » je dis avec un petit sourire pour ne pas la mettre mal à l'aise. J'ai bien conscience que chacun a sa vie. Ca n'a jamais été mon genre de forcer quelqu'un à parler ou bien de lui tirer les vers du nez, je suis pour ainsi dire conciliant et respectueux de la vie privée des autres. Le serveur arrive, je passe ma commande, ça sera un plat de spaghettis carbonara, je laisse Cinzia passer la sienne de commande puis je reprend son visage en ligne de mire, elle a une petite mine, je me demande bien ce qui ne va pas, j'espère qu'ils ne se sont pas disputés avec Noah. Je bois une gorgée de mon verre d'eau servi par le serveur pendant notre prise de commande. « Alexandra elle va comment ? » Je demande, l'air de rien, en prenant un morceau de pain dans la corbeille. Ca fait un moment que je n'ai pas eu de nouvelle d'elle et ça me manque d'ailleurs. Puis ça fait un sujet de conversation ainsi. Une pierre deux coup comme ça.