Mes yeux commencent à s'habituer petit à petit à la lueur du matin. Je relève un peu la tête et marche tranquillement, je cale mon pas au sien, les mains enfoncées dans les poches de mon jeans. Je suis étonné qu'elle soit dehors à cette heure-ci bien que normalement je ne devrais pas. Je veux dire, tout le monde n'a pas le même rythme de vie que j'ai. Je vis la nuit et dors le jour pour la plupart du temps. Entre les représentations et mes heures de boulot au bar, le soir est mon gagne pain et la journée, mon repos. Mais je n'ai jamais été quelqu'un de bien docile et sage à pouvoir rester entre quatre mur. Je ferme l'oeil quelque heures quand j'y arrive et j'attaque la journée. Si bien que j'ai souvent le visage cerné ou la tête fatiguée. De quoi effrayer les petits enfants mais on m'a souvent dit que c'est qui faisait mon charme. Ah bon ? bah d'accord. Donc faire une bonne nuit de sommeil me rendrait peut-être moins charmant ? Quelle ironie du sort. Le matin, j'ai toujours du mal à embrayer, à commencer ma journée, sans mon café. Je suis un peu renfrogné mais, elle, à mes côtés, ça me semble aller bien. Bien & mieux. Son air enthousiasme quand elle me répond est une douce caresse à mon oreille. J'ai presque la certitude que l'avoir rencontrer me laissera d'une bonne humeur toute la journée. Enfin. Ca dépend si les mecs se décident à m'embêter aujourd'hui.

« Ravi de l'entendre. Tout juste réveillé, un peu mal réveillé mais ca va aller mieux là. » Je lui répond en souriant. Je me tais un moment. La fin de sa phrase réveillant une certaine culpabilité. Oui. Je sais. Je pensais que je sais pas, ce serait mieux pour elle et pour moi de ne pas trop se voir. Tout le monde est au courant que le père McClair est sévère et n'aime pas voir des mecs rôder autour de ses filles, même amicalement. Puis moi, dans tout ça, je sais pas trop pourquoi quand elle est là, je me sens tout chose. Peut-être l'air frais. peut-être mais et les autres fois ? Hmm doit y avoir une bonne raison pour les autres fois. « Oui, j'avais du boulot, entre le bar et les répét' et toussa toussa » Je dis en regardant l'horizon. Ouais. Si on veut, j'évite son regard. Je vais tout de même pas lui dire que je voulais l'éviter. Ca serait con de ma part même si mentir n'est pas mieux je le conçois. Je l'écoute me raconter des bribes de sa vie. Moi j'aime bien l'écouter me parler d'elle. Même si ce ne sont que des détails insignifiants. J'aime bien. J'ai la sensation d'en connaître plus d'elle. Puis les amis, c'est ce qu'ils font parler de tout et de rien. Mais surtout de tout.

« Ca doit faire des siècles que je me suis pas couché tôt. Enfin. Façon de voir les choses, généralement je me couche vers 4 heure du matin. C'est tôt aussi. » Je rigole doucement et me masse la nuque. La basse c'est géniale mais resté courbé pour en jouer, ca donne mal au dos. « J'allais à l'épicerie acheter du café, y'en a plus. Oui, j'ai une vie trépignante. Et toi ? Je peux faire un bout de chemin avec toi si tu veux. En faite non, t'as pas le choix » Je lance mi-figue mi-raisin. Car bien-sûr si elle veut marcher seule, moi je m'imposerais pas. C'est pas mon genre. Elle semble détourner et éviter mon regard. Je laisse couler, je sais pas trop pourquoi ni comment mais bon j'ai le cerveau à peine réveillé, je lui ferais du tort à tenter de comprendre une fille à cette heure-ci. Puis tout vient à celui qui sait attendre alors à un moment, je le saurais non ? « Tu vas aller au bal de promo ? ... T'as un cavalier ? » Je demande d'une voix qui se veut neutre. Moi j'anime le bal avec le groupe ce soir là j'aurais aimé l'inviter et être son cavalier. Bien-sûr, en tout bien tout honneur. En toute amitié. Enfin. Je pense. Bref. Apparemment je serais coincé sur l'estrade à regarder les gens danser et si ca se trouve elle et son cavalier. Je soupire discrètement alors qu'on bifurque dans une rue. Je sais pas trop où on va, je me contente de suivre le mouvement. L'épicerie, je l'ai dépassé mais c'est pas grave. Pas grave du tout

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On me dit souvent que je m'efface. Ce que je trouve être vrai. Je le fais exprès car je ne sais pas, l'autre, la personne en face de moi, je m'en méfie. L'être humain dans son essence même je m'en méfie. Je le sais que très bien qu'il est capable des pires atrocités. Les pires. L'homme est égal à lui-même. Je m'efface donc volontairement pour me protéger et parce que je m'y sens en sécurité dans ce monde enveloppé de marbre dans lequel je me terre en silence. Je m'y sens bien. Le silence c'est bien parfois et m'effacer j'aime bien, ça me donne l'impression de ne pas faire parti de ce monde vraiment. Parfois les autres prennent ça pour de la timidité mais s'en est pas. Tout est volontaire. Tout est sous contrôle car je suis comme ça, j'aime avoir le contrôle sur mon corps et mes émotions, tout dominer, pour m'éviter de faire des erreurs, d'avoir de mauvaises surprise ou d'en commettre encore. Comme ce jour. Je soupire, je ne veux plus y penser, passons à autre chose. Quand je suis en présence de Gaëlle, parfois, j'ai la maudite sensation de ne rien contrôler, d'avoir des blancs et de ne pas trouver mes mots. C'est assez déstabilisant et désagréable, bien que bizarre. Sa voix me sort de mes pensées et je l'observe me parler avec un sourire sur les lèvres. Ouais. Elle m'avait manqué.

« Ca se passe bien. On a crée une page fan sur Facebook avec les derniers shootings du groupe. C'est vraiment pas mal.... Ah...Je suppose qu'avec l'habitude, je me suis fait à ce rythme de vie. Parfois j'ai l'impression d'user mon corps avec ce type de vie. J'imagine que plus tard, je mènerai une vie plus calme et reposante. » Ce qui exactement était dans mes plans. Bien que j'étais vachement déchiré. Je ne rêve que de musique et j'aimerai en vivre mais à côté de cela, je rêve d'un jour pouvoir me poser quelque part, trouver une fille avec qui je me sentirais comme chez moi, un jour quand je serais moins fêlé et que vivre me ferait moins mal. Trouver cette personne et être heureux, se marier ouais. Habiter dans une petite maison coloniale et écouler des jours heureux et tranquilles. Ouais, une vie plus calme et posée, je voudrais bien. En attendant, j'en suis loin et je sais me contenter de ce que j'ai. Il faut le dire que ma vie rythmée et essoufflée me permet de rester debout et de penser à autre chose, à braver les fêlures de mon âme. Sans ça, j'imagine que je me serais effondré depuis longtemps. A ça, s'ajoute mes petits joints juste histoire de voler, m'échapper par moment, même éphémère.

« Oui, j'y tiens. Puis me croiser sur tôt dans la rue, c'est une chance inestimable, faut en profiter, Gaëlle » Je dis en rigolant bien que ce ne soit pas complètement faux. Me rencontrer aussi tôt veut dire que je rentre du boulot et généralement je ne suis pas d'humeur joviale car tout ce dont je rêve sont mes draps et mon coussin. Je souris face à sa réponse. C'est ce que j'aime chez Gaëlle, son grand coeur et je trouve que c'est une occupation qui est tout à son honneur. Parfois je comprend pas pourquoi les gens se moquent. Je trouve plus digne d'une vraie occupation de s'occuper des orphelins que de se rouler des pelles en ville ou encore de se faire un cinéma entre pote. De toute façon, chacun ses loisirs. « Tu me surprendras toujours, mademoiselle McClair » Je lui dit en souriant, faisant une petite courbette comme on fait au princesse. Parce que parfois, moi, c'est ce que j'ai l'impression. D'être avec une princesse. J'hausse les épaules et me gratte le crâne « Non je sais bien mais hm...Je...En faite, je pensais que... » Elle me coupe la parole et relève une tête avec une mimique adorable partagé entre la rêverie et la curiosité. Je me racle la gorge et tente de faire ça rapidement, l'orphelinat est à quelque mètres maintenant. « Je disais que euh...On anime le bal de promo avec le groupe et que eh bien on a le droit d'inviter quelqu'un même si elle n'est pas du lycée. Je sais que ton père est du genre sévère mais bon je me disais que peut-être qu'il dirait oui vu que ça sera super surveillé avec des adultes etc... Puis ça te permettrait de nous voir jouer en live pour une fois. Enfin c'est comme tu veux, c'est toi qui voit. Tu me dis. » Nous étions arrivé à l'orphelinat et j'avais pas envie de m'en aller de suite et j'avais envie de savoir sa réponse surtout, si ça lui disait de m'accompagner. Je craignais son père aussi mais j'étais prêt à aller lui demander la permission en personne et à aller la récupérer le soir du bal, vous savez, dans les règles de bienséances. J'ai jamais été doué pour parler aux filles et les inviter mais ça au moins je savais le faire avec mon père qui m'avait éduqué sévèrement. Être galant et avenant. Au moins, mon père m'avait légué quelque chose de bien. Alors je me tais et j'attends.

Oh ça oui ! Leur style de vies étaient complètement différents. Mais en même temps pour adopter celui de Gaëlle -et plus communément celui des McClair-, il fallait avoir du courage, beaucoup de temps et une générosité sans concession. Parfois la jeune blondinette se sentait complètement hors sujet quand elle écoutait ses voisins parler. Toutes leur péripéties les plus folles... Par moment tout lui semblait exacerbé alors que c'était juste... la vie; normale. Gaëlle se sentait un peu dans un monde à part et pour le coup, cela la rendait que plus paumée une fois le pied "à l'extérieur". Écoutant Shawn attentivement, la jeune McClair ne semblait pas décidée à effacer son petit sourire en coin. Elle aurait bien aimé voir le résultat du shooting, mais elle n'avait pas Facebook. Et n'en avait pas besoin d'ailleurs. Il avait enchainé sur son fameux rythme de vie, se projetant déjà dans le futur. Une vie plus came et reposante ? C'était prématurément la vie de Gaëlle. Au contraire, elle s'imaginait pouvoir profiter de la vie et des choses qu'elle aurait certainement raté... Sa vie, elle l'imaginait plus mouvementée. Il y avait déjà tellement de choses qu'elle aurait désiré faire ! Malheureusement, sa famille, ses principes l'en empêchait. Et c'était peut être pas plus mal, finalement.

« C'est génial ça ! C'est un moyen comme un autre d'appâter du monde j'imagine. Je n'ai pas de Facebook mais je suis sure que le résultat doit être bien ! »

Son petit air enthousiaste témoignait du soutien qu'elle avait envers le groupe. Car c'était vraiment pas quelque chose de facile de vivre de leur passion. Cela devait demandé beaucoup d'énergie, et aussi de foi. La foi d'y croire. De ne jamais baisser les bras. Elle les trouvait vraiment très courageux, mais aussi très talentueux. Même si elle ne connaissait pas grand chose à la musique, elle savait reconnaitre la médiocrité. Elle n'écoutait jamais la radio, car ce qui en ressortait était vraiment dégueulasse -pour la plupart du temps-. Gaëlle jouait du piano depuis l'âge de sept ans. C'est le seul instrument qu'elle maitrise parfaitement. Elle a donc une certaine oreille musicale qui ne désirait en aucun cas être souillée par les daubes commerciales. Bien sûr, elle n'avait pas écouté toutes leur covers mais les titres qu'elle avait pu entendre ne lui donnait pas envie de vomir au moins, même si leur style musical n'était pas celui qu'elle préférait.

Il avait déjà fait un certain bout de chemin avec elle et désirait l'accompagner. A sa remarque Gaëlle sourit. En profiter ? Oh oui, elle le faisait. Surtout que ces derniers temps elle n'avait pas eu l'occasion de le croiser tout court.

« Je sais, j'ai de la chance... j'aurai aimé en avoir plus cependant... »

Petit sous-entendu qui voulait tout dire. Il lui avait manqué aussi. Plus qu'elle ne l'aurait imaginé, et partager ce court instant avec lui la rendait euphorique et triste à la fois. Mais bon, pour le moment elle était contente qu'il eu envie de l'accompagner. La jeune femme lui avait donné le lieu de leur destination et celui ci lui fit une courbette en lançant sa réplique. Elle se mit à rire, et posa sa main contre ses lèvres en un mouvement instinctif. Elle, le surprendre ? Hum, d'accord. Elle prit ceci comme un compliment et n'osa pas le commenter car en soit elle n'avait rien de surprenante. Enfin, la notion de normalité prenait encore une fois un sens différent selon les personnes. Son geste l'avait quelques peu surprise, et toujours aussi souriant il lui avait demandé si elle allait au bal. Gaga lui avait répondu et s'était par la suite perdue dans ses rêveries de princesse. Il avait gentillement répété sa phrase et haussant les sourcils, elle resta un instant bouche bée. Shawn Crawford l'invitait au bal ? Elle ? Ouais elle ne rêvait pas cette fois ci. Pourquoi le prenait-elle aussi à cœur ? A près tout ils étaient amis... Mais il en avait des amies, alors le fait qu'il lui demande à elle en particulier la paralysa un court instant.

« Je... euh. J'aimerai beaucoup, vraiment !...Je demanderai à mon père, mais je te promet rien. Il aime pas trop ce genre d'évènements, mais comme tu dis ce sera encadré alors peut être que... Ouais okay je te tiendrai au courant. C'est gentil de penser à moi... »

Sur le pas de la porte, elle ne voulait pas le quitter. Ses yeux bleus confrontés aux siens étaient si troublants. La bouche entre ouverte elle conclue leur arrêt :

« Merci de m'avoir accompagnée. »

Son Oui résonne et ne m'attend pas à une réaction aussi vive, je sursaute malgré moi, avant de sourire, réprimant un fou rire. Sa bouille était trop mignonne. Elle réagit naturellement Gaëlle, elle fait pas semblant, elle jouait pas un rôle, elle n'était pas superficielle, rien de tout cela. Elle était tout simplement elle-même, sans artifice, naturelle. Et j'apprécie beaucoup ce côté d'elle, vraiment. Je suis fatigué de ses filles fausses et insipides, Gaëlle, c'est comme un bol d'air frais qui me surprend à chaque fois et à vrai dire, j'aime ça. J'aime le faite qu'elle me surprenne, que je ne sache jamais à quoi m'attendre avec elle. Ouais. J'aime bien. J'hoche la tête à l'affirmatif en réponse à sa question.

« Je pars demain après-midi mais je reviens dimanche soir. Ensuite je reprend le boulot et je n'aurais plus de jour de repos, donc pas de temps libre » Je dis avec un petit rictus sur le visage, conscient de la tonne de travail que ce petit séjour me coûtera. Il faut bien combler mes jours de congés. Malgré moi je soupire bien que je ressens une certaine hâte de retourner dans mon île d'origine. Je sais d'ailleurs que le retour sera dur, que la séparation, encore une fois, sera éprouvante. Je passe une main dans ma nuque écoutant sa proposition. Proposition qui me va très bien.

« Ca me va. Disons qu'à 12 hr, je viens t'attendre ici. On décidera ensemble de l'endroit où on ira déjeuner » Sur ces mots, le rendez-vous est booké et je lui fais un signe de main avant de tourner les talons me dirigeant cette fois-ci vers l'épicerie acheter mon café. Sur le chemin, je tente quand même de me retourner, je vois sa silhouette, au loin, dans les profondeur des couloirs, qui disparaît bientôt de ma vie. Un sourire se perd sur mon visage et je ne sais pas pourquoi. Le café acheté, je retourne dans ma tanière, le pas léger, le pas joyeux, je ne sais pas trop pourquoi. Soudainement une bonne humeur qui est revenue ou bien la rencontre/futur déjeuner avec Gaëlle ? Je ne sais pas trop. Peut-être les deux. Je m'occupe de la maisonnée et prépare mes valises. Le temps par moment passe si lentement, je zieute toute les 10 minutes ma pendule ou ma montre si bien qu'Adam intrigué par mon comporte me demande si j'ai un rencard. Je lui répond que non. Après tout, c'est pas un date non ? C'est juste un déjeuner entre amis. Alors pourquoi j'ai des papillons dans le bide ? La jambe qui tremblotte toute seule ? Non parce que généralement moi, quand je déjeune avec des amies, ça me fait pas ça. C'est peut-être le stress du départ. Ouais ça doit être ça. Je vois pas autrement. 11 heure 30. Je saute presque de joie. Presque. Je m’éclipse rapidement de la maison sous le regard méfiant d'Adam. Baaah qu'importe. Je marche d'un pas tranquille ( tant bien que mal j'essaie ) vers l'Orphelinat. Assez enthousiasme. Bien entendu, je n'ai pas réussi à dompter mes pas si bien que j'arrive en avance au point de rendez-vous. Je m'adosse au muret qui clôture l'orphelinat et attend patiemment. Un boule au ventre, sûrement mon départ. Oui ça doit être ça. A chaque fois que la porte s'ouvre, je me retourne vers celle-ci mais n'y voit jamais la personne que je désire voir apparaître. Si bien que je ne me retourne plus quand celle-ci s'ouvre. Je m'amuse à donner des petits coups de pied dans des cailloux, gamin certes mais ça m'occupe. Puis, sans bruit, un paire de pieds se tiennent devant moi, je relève la tête. Elle est là. Un sourire instinctivement orne mon visage rien qu'à la voir. Je sais pas pourquoi. La voir me fait sourire.

« Re-bonjour. Alors t'as passé un bon moment ? » Je demande, intéressé à ce qu'elle a bien pu faire. Puis je me redresse et quitte le muret pour ouvrir la marche. On décidera sur le chemin où on ira manger.

Dans un sens, Gaëlle était contente que Shawn aille rejoindre son île natale, même si pour le moment la durée de son trip lui restait encore inconnue. Dans un autre côté une petite inquiétude commençait à faire surface, quand aura t-elle la chance de le revoir ? De toute évidence il reviendrai, car à son humble avis le groupe faisait autant partie de sa famille que celle logeant en Irlande. Il n'allait tout de même pas les lâcher comme ça, alors l'idée qu'il parte définitivement pouvait être rayée de la liste. Au lieu de se faire tout un scénario, pourquoi ne pas tout simplement attendre plus d'explications de sa part ?

Et c'est ce qu'il fit quelques secondes après... c'était dit : il partait tout juste une semaine. Et la raison de son manque de temps par la suite était son travail. Elle aurait dû s'en douter. Grimaçant malgré elle, la jeune femme resta bloquer sur son "donc pas de temps libre". Elle qui se disait que peut-être ils passeraient un peu de temps ensemble, pour "rattraper" le temps perdu. Elle vivait vraiment dans le monde de bisounours, Shawn avait assurément mieux à faire que de passer du temps avec cette fille ennuyeuse qu'elle était... Idiote ! Et puis c'était assez compréhensif en soit, le boulot avant tout. Il fallait bien qu'il gagne sa vie et puis soudainement elle se persuada que s'il le pouvait... cela ne le dérangerait aucunement de passer du temps avec elle. D'après les paroles qui suivirent; il devait apprécier sa présence... pour oser l'inviter. C'était probablement la première fois que Gaëlle faisait face à une telle invitation.C'est pourquoi sa réponse sortit de sa bouche sans hésitation. C'était maintenant ou jamais, non ? Et puis, pour lui elle se sentait prête à faire des concessions... comme mentir sur son programme à ses parents. Enfin, pour lui... pour elle aussi ? Ces temps ci elle se sentait poussée des ailes, comme une envie d'en faire qu'à sa tête et de penser par elle même, pour une fois. Ce n'était qu'un petit mensonge de rien du tout après tout, elle se fera pardonner auprès de Dieu à la messe de demain. Rien n'était encore perdue pour elle ! Elle s'en sortira. Avec brio même. Du moins, espérons le.

« Ici ? C'est parfait ! A tout à l'heure, alors »

Fit-elle en lui adressant un dernier sourire avant de pénétrer l'enceinte du bâtiment. Voilà, c'était fait. Elle venait d'accepter un rendrez vous avec Shawn Crawford ! God, que venait-elle de faire ? Immobile, elle secoua légèrement la tête afin de remettre ses idées bien en place. Pas de quoi culpabiliser.. si ? Reprenant la marche, elle longea le couloir et sursauta presque quand Alizée, la petite tête brune s'était élancée vers elle, la sortant ainsi définitivement de ses rêveries. Gaëlle se baissa pour attraper la gamine de 6 ans et la prendre dans ses bras. La câlinant jovialement et à mesure qu'elle avançait dans la pièce principale, d'autres enfants s'approchèrent de celle qu'ils considéraient tous comme leur "grande sœur". Ces moments là, elle les remplaceraient pour rien au monde. Elle vivait des moments vraiment magiques en compagnie de ces enfants, délaissés à la naissance mais avec tout plein d'amour à faire partager. Des créatures de Dieu, avec tous autant qu'ils étaient, un grand cœur. Et même si elle n'était pas capable de mettre un prénom sur toutes ces charmantes petites têtes, elle leur donnait l'amour auquel ils aspiraient tous, et cela sans limitation. Passer du temps avec eux, c'était comme si vous mettiez votre vie sur pause un cours instant, juste pour profiter d'un cliché auquel vous vous rappellerez toute votre vie. Il y en avait de tout âge, de toutes origines, mais aussi de tout état de santé différents... Ça c'était le plus dur à supporter, car encore tout jeune ils étaient amenés à faire face aux aléas de la vie. Mattéo par exemple, couleur chocolat atteint du SIDA, ou Brenda paraplégique. Autant de choses qui ne les différenciait en rien aux yeux de Gaëlle, elle les considérai au même titre que les autres, même si elle ne pouvait s'empêcher d'avoir mal et de prier un peu plus pour eux.

Durant toute la matinée elle resta en compagnie d'enfants, partageant des jeux avec eux, leur lisant quelques bonne histoire ou des passages de la Bible. Oui, elle avait passer toute sa matinée à l'orphelinat hospitalier, et elle aimait ça. Jetant quelques coup d'oeil à sa montre pour ne pas rater l'heure du rendez vous, elle se rendit compte qu'il était tant pour elle d'y aller. C'était toujours un déchirement au cœur que de faire ses adieux, mais cela ne faisait qu'accroitre l'envie de les revoir au plus vite. Saluant les responsables du bâtiment, Gaëlle s'en alla jusqu'à la porte d'entrée et fut heureuse de constater la présence de Shawn, pile à l'heure. Le sourire de celui ci lui fournit une drôle de sensation et toute contente aussi elle le rejoignit, sourire indélébile sur son visage enthousiaste. A son agréable (re)accueil, Gaëlle répondit :

« Oui, super ! C'est toujours un plaisir de leur rendre visite. Et ils me le rendent bien. »

Dit-elle d'un air amusée, repensant à l'accueil qu'ils lui adressait à chaque fois.

« Ça me donne envie d'être encore plus présente pour eux, tu vois ? Si je pouvais je le ferai. Je les aime tellement, ces petits bouts. Tu devrai passer un de ces quatre, quand t'aura le temps... Ils te donne cette énergie, comment te dire... c'est incomparable. Faut vraiment le vivre pour le comprendre, j'imagine. »

Ses yeux brillaient de joie, et son sourire ne voulait pas s'effacer. Elle espérait que Shawn ne la prendrai pas pour folle car après tout, il n'y avait pas de quoi. La jeune McClair avait tenté de lui faire partager ce qu'elle ressentait, et même si c'était un peu maladroit elle semblait possédée d'une vague euphorisante. Ils marchèrent en direction du centre ville, et curieuse Gaëlle demanda à son tour :

« Et sinon toi, qu'as tu fait ? Et d'ailleurs, as tu une idée de l'endroit où nous allons ? »

Depuis jeune, j'ai toujours eu l'impression d'être constamment en hiver. Que ma vie était un froid hivernale composé uniquement de stalactite qui pouvait à tout moment se rompre et me tomber dessus. J'ai rencontré Alexandra qui était mon manteau de soleil dans mon hiver rude et puis ce manteau, j'ai dû le laisser et l'éloigner de moi car à me réchauffer, il me brûlait aussi et elle avec moi. A la fin, si je m'étais entêté, si j'étais resté avec elle, nous nous serions sûrement consumés sur place, embrasés tout les deux pour finir en cendres, encore plus écorchés qu'on ne l'est aujourd'hui. Alors j'ai mis fin à cette relation car je savais que je n'étais pas pour elle, l'hiver de ma vie la rongerait. Avec son absence, la nuit est retombée sur ma destinée, ma vie, mon parcours, j'ai sombré lentement, tentant désespérément de continuer ma route, mon chemin, de continuer à vivre ou alors tenter, donner l'impression mais au fond, j'étais gelé et j'étais déchiré parce que la vie, non, elle n'a pas été que joyeuse pour moi. Et le pays que je m'apprête à retrouver avec la joie au coeur est aussi le théâtre de toute cette douleur. Là-bas c'est l'enfer et le paradis. Quelque chose me dit que les dieux ne sont pas tous contre moi, car ici, à Magnolia, il y a peu de temps, j'ai fait la rencontre d'une fille, une simple rencontre. Un rien de tout et pourtant, qui a tout changé. Sans que je me l'explique, je me suis mis à respirer, quand elle est là, je respire mieux, quand elle est là, je me sens mieux d'un coup et quand je m'endors le soir, elle est la dernière chose que j'ai en tête avant d'aller dormir ou la première chose quand je me lève. Dans la journée, je me demande parfois comment elle va, je me demande ce qu'elle fait.

Si quelqu'un pouvait m'analyser, il dirait certainement que je suis en plein dans un béguin, que je suis entrain de développer des sentiments pour Gaëlle. Seulement, moi, je le sais que ce n'est pas cela non. Je ne sais pas ce que c'est, peut-être une forte amitié ? Ca existe ça entre deux personnes. Ca peut pas être de l'amour. Je viens de sortir d'une douloureuse rupture, je ne suis pas prêt pour cela, c'est pas possible. Et puis contre tout attente, c'est un mur que j'ai en face de moi car Gaëlle, c'est pas le genre qui s'arrêterait sur un garçon comme moi. Gaëlle c'est le genre de fille qui mérite tellement mieux, un chrétien qui aurait une bonne situation et pas un musicien qui tente de percer et qui sert des cocktails le soir pour se faire de l'argent. Nous sommes tous les deux dans deux univers différents et puis c'est une McClair. Tout le monde sait dans la ville que les McClair sont inaccessibles, intouchables, comme des nappes blanches et nous des mains recouvertes de boues, on pourrait les salir alors on les évite ou on le traite avec respect tout en gardant une distance.

Et à chaque fois que je la vois, je sais que je prend un risque de me faire prendre par M. McClair qui me dira de laisser tranquille sa fille, que je risque de lui attirer des ennuis mais c'est plus fort que moi, quand je l'aperçois en ville, je ne peux m'empêcher d'aller vers elle. Ces deux jours où j'ai tenté de l'éviter fut vraiment dur. Je ne savais pas qu'elle avait pris tant d'ampleur dans ma vie et j'avoue que c'est effrayant, oui, ça me fait peur car chaque personne qu'on s'autoriser à apprécier fortement, ont le pouvoir de nous détruire et nous faire du mal. Et moi, je crois que j'ai assez essuyé de déception ou de douleur, je suis fatigué. J'ai toutes les raisons du monde d'arrêter de voir Gaëlle car je m'attache à elle mais chaque fois je me heurte à un échec, j'y arrive tout bonnement pas. Peut-être parce qu'avec la force des choses, elle est devenu le soleil qui réchauffe l'hiver de ma vie, un peu comme la lumière qui s'échappe de la noirceur de ma vie, comme un espoir. Oui, c'est exactement ça, un soleil, c'est Gaëlle.

Je l'écoute me parler de sa matinée, j'aime l'écouter parler de cette voix si enthousiasme, avec ce regard qui déborde d'émotion, son visage qui rayonnait. Un sourire se forme sur mes lèvres pendant que je l'écoute. Je pourrais rester comme ça des heures, j'aime sa voix et à cet instant précis, elle ne pourrait être plus magnifique avec son sourire, le flot de parole qui sort un peu dans tous les sens de sa bouche mais qui exprime avec perfection ce qu'elle ressent.

« Je crois que je saisis ce que tu veux dire. Ca a l'air effectivement chouette à t'entendre parler alors oui je viendrais volontiers avec toi un jour comme ça je saurais ce que tu ressens, ça a l'air vachement tentant » Je réponds avant de reprendre le trottoir en ligne de mire, les mains enfoncés dans les poches, la bonne humeur de Gaëlle était visiblement contagieuse et je me sentais moi-même euphorique, peut-être était-ce juste sa présence ? Ou le faite de partir ? Ou son sourire ? Ou le faite de savoir que je passerai l'après-midi avec elle. Peut-être un tout

« Orf moi, ce que j'ai fait n'est pas aussi super que ce que tu as fait. J'ai fait ma valise, traîner un peu à la maison. Rien de bien merveilleux. » Dis-je en me souvenant qu'effectivement, j'avais pratiquement rien fait si ce n'est compter les minutes et fixer ma montre sans arrêt. Adam pourrait le témoigner. Je jette un regard vers le ciel qui est dégagé et tout à coup, j'ai envie de faire un truc que je ne fais pas d'habitude car je n'ai pas le temps ou que je suis trop pressé. Peu importe, j'ai envie de changer un peu et puis de passer un moment un peu je sais pas particulier avec Gaëlle. C'est banale un déjeuner au bistrot du coin. Je me tourne donc vers elle pour lui exposer mon idée

« Et si plutôt d'aller manger en centre-ville, on allait pas profiter du beau temps ? On s'arrêterait à l'épicerie prendre du pain et du saucisson ou tout ce qu'on veut manger et qu'on aille manger au parc. Tu sais l'endroit un peu ombragé par les arbres avec le petit étang et les canards. Ca serait super sympa, non ? Ca te dit ? » Proposais-je d'une voix enthousiaste. Ca faisait longtemps que je m'étais pas laissé à des envies qui sortent du quotidien et surtout longtemps que je n'avais pas pique-niqué. Je m'arrête de marcher au croisement des rues. Gauche vers le centre-ville, droit vers le parc, on fera une boucle vers l'épicerie. Je la regarde et attend qu'elle me donne son verdict.

J'étais presque sure d'une chose, Shawn n'était pas comme les autres garçons. Il était unique en son genre, et jamais je ne m'étais autant attaché à une personne du sexe masculin. En fait, j'évitais le plus possible pour ne pas m'attirer d'ennuis. Et puis c'est ce que Angélique me conseillais souvent de faire. Alors je l'écoutais car les conseils de ma grande sœur étaient toujours justes à mes yeux. Je prenais beaucoup exemple sur elle, et même quand cette voix malsaine vient à me pervertir, je repense aux mots doux de Angélique. Elle a totalement raison concernant les garçons, mais je ne sais pas... je me dis que en même elle s'est tellement mise une barrière que elle ne peux comprendre ce que cela fait. Ce que l'on ressent. Elle ne l'a jamais vécu, alors pourquoi porter des jugements aussi hâtifs ? Surement parce que tout ce que les parents disaient, on le prenait comme exemple. Mais j'en ai marre de tout le temps devoir me restreindre à quelque chose dont je n'ai jamais vu la couleur. C'est cette incompréhension qui fait que... je ressens le besoin de le vivre je suppose. Vivre de choses interdites. Parce que pour moi, il n'y avait rien de mal en cela. Si ? Était-ce mal d'accepter de déjeuner avec un garçon ? Qui, qui plus est un garçon que j'affectionne particulièrement... ?

« Vraiment ? Ça serait trop génial que tu viennes, qu'ils puissent voir de nouvelles têtes. Et si tu as des habits que tu n'utilises plus, n'hésites pas à les ramener surtout. »

J'avais l'impression qu'il me comprenait. C'était rare de voir des personnes autant à mon écoute. Il semblait vraiment intéressé parce que je disais et ça ne pouvait me faire que plaisir. J'étais heureuse d'être avec lui. Je me sentais, moi même. Et je savais que je pouvais m'ouvrir à lui sans avoir le risque qu'il me ferme la porte au nez. Oui, j'en étais certaine à cet instant : je pouvais compter sur lui. Alors que nous marchâmes en divaguant, je lui demandais ce qu'il avait fait de sa matinée puis si il avait une idée d'où nous allions nous poser. A la première question il me répondit qu'il avait fait sa valise et trainer à la maison.

« Ah, et ben c'est déjà une bonne chose de faite ! »

Ajoutais-je en souriant, avant que celui ci ne me fasse part d'un programme tout à fait alléchant.

« Oui oui je sais ce que c'est que le parc, même si je n'y met que très rarement les pieds, c'est vrai. Ça me plait bien tout ça. »

Concluais-je en ayant toujours ce petit sourire en coin.
Alors que nous nous étions arrêté, nous reprîmes la route en tournant vers la droite. J'aimais bien ces petits moments là, ça me changeait un peu de mes habitudes. Et puis les pique-niques, j'aimais tellement ça. Dès qu'on en avait l'occasion on en faisait avec mes sœurs ou en famille mais un pique nique comme celui c'était bien la première fois. Ce petit "tête à tête" me faisait quelque peu stressée. Pourquoi ? Je n'en avais aucune idée. Il pouvait y avoir tellement de raisons, mais c'était surement la plus évidente que je ne voulais pas m'avouer. Nous ne tardâmes pas à arriver à l'épicerie puis devant les rayonnages je demandais :

« Euhm, tu aimes quoi ? Je ne suis pas compliquée alors prends ce que tu veux... Tiens il y a du saucisson par là ! »

Fis-je en lui montrant le long saucisson. Je me disais qu'il devait surement aimer cela en l'ayant mentionné plus tôt. Et j'avais envie qu'il se fasse plaisir, moi je ne passais qu'en second plan. J'avais la manie de penser aux autres avant moi, c'était tout moi. Mais c'est parce que quand j'aimais des personnes, j'étais capable de presque tout pour les rendre heureux. Bon ici, on ne parlait que d'un repas mais c'était presque pareil. Et puis vu que c'était lui qui payait, je n'allai surement pas imposer mes choix comme cela. Et même si ça aurait été moi, j'aurai agi pareil. Je le regardai et sans plus attendre je pris la charcuterie et le pain sous les bras. J’attendais qu'il choisisse ce qu'il désirait car honnêtement moi cela m'aurai suffi. Mais peut-être voulait il un dessert ou alors un apéritif ? Je guettais ses moindres gestes, ça me permettrai de connaitre un peu ses goûts et même s'il me répétait de prendre tout ce que je voulais je n'osai pas trop. Et puis à force de me le répéter je venais à céder. J'avais bien des péchés mignons tel que le chocolat et les fraises mais le choix était bien trop compliqué. Je me savais indécise c'est pourquoi je n'osais jamais de peur de ne faire le bon choix.

« Et bien, tu aimes les fraises ? »

Je voulais être sure de prendre quelque chose qu'il aimait lui aussi, ça serait vraiment pas drôle de devoir les manger seule.

Les pique-niques, j'aime bien. J'ai toujours aimé. Quand mon père était ailleurs, partout sauf avec nous, sa famille, à faire la guerre je ne sais où, tous les dimanches, après la messe, on allait dans le pré pas loin de la maison. Ma mère, mes deux soeurs et moi. Ma mère nous préparait des sandwichs, des crêpes, des pâtisseries, toute sorte de choses aussi bonnes les unes que les autres. On s'amusait bien. Maman restait sur la nappe posée sur l'herbe épaisse et moi, je courais avec mes soeurs dans les hautes herbes en prenant soin de se pas s'approcher des falaises. C'était la bonne époque. Et quand mon père revenait de la guerre, cette habitude s'envolait comme de la fumée. Mon père il aimait pas trop les trucs de ce genre. Pour lui, un dimanche, c'était messe, , maison directement, déjeuner en famille et lecture de la bible dans le salon puis chacun dans sa chambre dans le silence le plus parfait. C'est tout. Mon père avait tendance je pense à oublier qu'on était des enfants, à oublier que nous n'étions pas ses soldats. Maman nous regardait souvent avec un regard peiné mais elle ne disait rien. Rien du tout. Elle disait jamais rien qui allait à l'encontre de mon paternel, il était la figure autoritaire de la maison et tout le monde devait obéir, au doigt et à l'oeil, sans riposter. A vos ordres commandants. Puis il y a eu ce drame. Celui qui a bouleversé le village et ma famille de surcroît. Alors les pique-niques, mon père y a cédé mais ce n'était plus la même chose pour moi. Au lieu de courir dans les herbes hautes, je m'y allongeais jusqu'à que mes parents m'appellent pour rentrer à la maison. Mon père, je voyais bien qu'il faisait des efforts, il faisait entorse à ses règles, peut-être uniquement pour moi ou pour sauver les apparences je ne sais pas. Quoiqu'il en soit, bien que touché par cette intention, je n'arrivais pas, je n'arrivais plus. Et de toute façon, sur son visage fermé et de marbre, je sentais bien que c'était de la comédie, enfin je pense, je crois. Puis un jour, nous n'avons plus vraiment pique-niqué. Quand j'ai grandis oui, j'emportais mes soeurs pour manger sur le pouce entre deux rochers de falaise. Ca les faisait sortir et puis finalement, 18 ans, je suis parti et les dimanches, c'était messe et maison pour tout le monde.

Son sourire, il éblouit. On y ressent de la joie, pas fausse, pas partielle, mais pure et entière. Il est contagieux parce que à mon tour je souris aussi.

« Je voulais pas dire dans ce sens là *Je rigole franchement* En faite je voulais parler du coin en particulier près de la mare aux canards » Je rigole encore un peu de ce mini quiproquo et avance vers l'épicerie. Je regarde autour de nous et je vois que certain nous regardent. A vrai dire, ça me gêne pas, c'est plus pour Gaëlle que ça m'embête. Le pasteur Mc Clair n'apprécie pas trop de voir ses filles traîner avec des garçons, surtout que bon, le groupe n'a pas forcément une bonne réputation aux yeux du pasteur. On est qu'un groupe de garçon pas très droit qui fait du bruit dans un bar rempli d'alcool, lieu de perdition. Je me dis parfois ce que je fais, moi à traîner avec une Mc Clair. J'ai pas peur pour ma vie. Je peux voir à tout moment Mr Mc Clair apparaître et me tirer les oreilles. Enfin façon de causer. Je sais que d'un côté, je ne devrais pas tant traîner avec elle, je veux dire vous m'avez vu ? Vous l'avez vu ? Voilà quoi. Je suis pas vraiment ce qu'on peut appeler de bonne fréquentation, enfin de mon humble avis. Mais si elle accepte ma présence, je me dit que ça doit aller, enfin je crois. Dans l'épicerie, on zieute les rayons, le panier à bout de bras. Je lui dit de prendre ce qu'elle veut mais je la vois bien hésiter, n'osant pas alors j'insiste gentiment. Je me plais à penser, à mon plus grand étonnement, qu'on ressemble à un couple qui fait ses emplettes et je ne peux m'empêcher de sourire intérieurement. Va comprendre. Breeeef.

« Arf ! Moi je suis pas bien compliqué, j'aime de tout aussi ! Sauf les céleris et le lapin. Pauvre bête. » Je dis en prenant le saucisson qu'elle me tend pour le foutre dans la panier, j'attrape une baguette de pain puis plus loin deux cannettes de soda. « Moi ? Je surkiffe les fraises ! » Je dis avec un sourire, penchant le panier vers elle pour qu'elle puisse y glisser la barquette de fraises. « Hoho ! J'ai une super idée. Y'a un truc qui passe super bien avec les fraises. » J'arpente les rayons avant de trouver celui voulu. Je saisis une tablette de chocolat au lait et le montre à Gaëlle, l'air triomphant « Tadaaaam » Claironnais-je avant de mettre la tablette dans le panier. Du pain, du saucisson, du soda, des fraises, du chocolat. Je pense qu'on a tout bon. Alors, je me dirige vers la caisse tranquillement, règle le tout en insistant pour que Gaëlle débourse rien du tout. Je gagne pas énormément de fric mais tout de même, je peux bien payer ses mini-courses. J'attrape le sachet de courses et sort de l'épicerie. « Je meurs de faim. J'imagine que toi aussi avec tout ce que tu as vécu à l'orphelinat. On va se régaler » J'ajoute avec un clin d'oeil complice. C'est dingue comme avec elle, j'arrive à me laisser aller comme j'arrive à garder une certaine distance. C'est comme si en moi, il y avait un combat mais pour quel but ? Je ne sais pas. Je sais pas trop. Je comprend pas vraiment. Pour le moment, j'étais certain qu'on allait passer un bon moment. C'était sûr.