Hier soir en fin d'après-midi, Lorenzo avait reçu un message de sa meilleure amie, lui proposant d'aller manger ensemble ce midi. Au début, il était resté perplexe : partager le repas de la soeur de celle qui malmenait actuellement son coeur était une très mauvaise idée. Mais, elle restait sa meilleure amie, quelle personne mieux placée pour l'écouter se lamenter sur ses problèmes existentiels et passionnels ? S'il ne pouvait rien lui dire, il ne pouvait le dire à personne, il était contraint au silence. Alors, il choisit d'accepter sa proposition, se laissant le temps de décider de la hauteur de ses révélations du lendemain. Cependant, il lui suggéra de venir plutôt déjeuner chez lui, plutôt que d'aller dans un lieu public. Les murs ont des oreilles, or Lorenzo avait des révélations plutôt gênantes à faire. Peut-être. En plus, Tiffany l'avait prévenu qu'elle mangeait au lycée aujourd'hui, c'était parfait.

Ainsi, après son cours de maths du matin, Lorenzo retourna chez lui pour préparer le repas. Au menu, des pâtes bien entendu. Mais avec une sauce Carbonara préparée par ses soins. Et pour le dessert, il avait préparé un tiramisu la veille. D'ailleurs, quand sa femme l'avait vu apprêté aux fourneaux, elle lui avait demandé qui il recevait. Elle était toujours un peu suspicieuse, elle lui posait des questions ... Et Lorenzo trouvait toujours cela déplacé. Ce n'était pas comme si, mais bon, il laissait passer. Il lui garderait une part de dessert, elle serait contente.

Juste au moment où l'eau commençait à bouillir, il entendit la sonnette de l'entrée retentir. Pile à l'heure, dis donc. Il ralentit le thermostat et alla accueillir son amie. Cependant, son pas ralentissait au fur et à mesure qu'il approchait de la porte. L'appréhension se nouait dans son ventre, il imaginait déjà Rose brandir une fourche pour l'embrocher et le faire cuire dans la cheminée. Elle n'allait vraiment pas apprécier la nouvelle. Au pire, Lorenzo pouvait légèrement modifier la réalité, en omettant par exemple, de lui dire le prénom de la fille en question. Ce n'était pas mentir, c'était ... tenter de rester en vie. Mais l'heure de l'affrontement venait de sonner, Lorenzo tourna la poignée et ouvrit la porte. Son amie était resplendissante et il ne put s'empêcher de sourire comme un benêt. Mais pourquoi devait-il lui infliger ça ?

Rose, tu es toute en beauté aujourd'hui !

D'abord, l'amadouer, être gentil et attentionné. Caresser dans le sens du poil avant de blesser et de vexer. Il s'écarta pour inviter Rose à entrer, puis referma la porte et lui indiqua la cuisine.

J'espère que tu as faim, des pâtes à la Carbonara et un dessert surprise sont au menu de ce midi !

Rose n'était pas idiote, l'idée qu'il lui cachait quelque chose traversa l'esprit de la jeune fille, il n'était pas très discret et au contraire, semblait tendre le bâton pour se faire battre. Cette réflexion vint peser dans la balance, du côté "ne lui dis pas qu'il s'agit de sa soeur, ne lui dit même pas qu'il s'agit d'une autre femme car tu es sensé être marié mon garçon, même si personne n'est dupe arrête de prendre les gens pour des pigeons". Enfin, il avait encore un laps de temps avant de prendre sa décision. Il pourrait toujours le faire après qu'ils aient débarrassé la table, ce serait même plus sécurisé : Rose n'aurait sous les mains aucun couteau ou aucune assiette à lui lancer dessus.

Tu préfères que je te dise que tu es moche peut-être ? C'est à cause de réflexions comme celle-ci que nous, les hommes, arrêtons de vous complimenter !

Est-ce qu'il faisait exprès d'aborder les hommes pour ensuite dévier sur celui de Rose plus précisément ? Oui, exactement. Il voulait connaître la vie sentimentale de son amie avant de lui conter la sienne. Stratégie, encore une fois. Parfois, Lorenzo se disait qu'il devait arrêter de toujours tout calculer, prévoir, planifier. Il laissait rarement de place au hasard, c'était trop risqué. C'était laisser la porte ouverte pour des éventualités non prévues et souvent problématiques. Il ne croyait pas en l'adage "le hasard fait bien les choses", le hasard est un connard, Lorenzo en faisait d'ailleurs les frais aujourd'hui. Après tout, s'il n'était pas parti à New York sur un coup de tête, sa situation serait toute autre. Peut-être ne serait-elle pas meilleure, c'est vrai, mais s'il s'était mieux organisé, s'il n'avait pas agi inconsciemment, sa vie aurait forcément emprunté un autre chemin.

Oui tout ça pour toi, tu pensais que j'allais inviter tout le quartier ? Il faut mériter pour goûter à ma cuisine voyons ! Il s'apprêtait à ajouter que Rose le méritait amplement, quand elle suggéra de critiquer ensuite. Critiquer ? Oui ... Tu peux aussi partager les croquettes du chien si tu veux ! Il montra son chien Fitz du doigt, alors affalé devant sa gamelle. Il leva les yeux au ciel puis retourna devant ses fourneaux pour mettre les tagliatelle dans l'eau. Critiquer ma cuisine, on aura tout vu !

Une fois les pâtes sur le feu, il refit face à son amie et afficha une petite moue déçue. Lolo était très susceptible, et il n'appréciait pas qu'on pointe le doigt sur ses défauts. Alors, critiquer les points faibles de sa cuisine pouvait être très difficile à vivre pour lui. Enfin, quoi que, sa cuisine était parfaite, non de non ! Il tenait ses recettes de sa grand mère, il était donc impossible de critiquer cqfd !

Au fait, en parlant d'hommes, comment ça va avec le tien ? Apprendre par facebook que sa meilleure amie est en couple, c'est très difficile à vivre tu sais, je me suis senti trahi et en ai pleuré pendant des nuits entières.

Foutage de gueule ON. Mais non bien sûr, il la taquinait. Enfin, presque. Il est vrai que, sur certains points, leur amitié était peu commune. Lorenzo arrivait rarement mi courant mi sautillant chez Rose en lui criant "tu sais pas quoiiiiii ? Faut que j'te dise un truuuuc !!!", il se confiait rarement à elle, d'ailleurs. Plus exactement, il se confiait rarement et gardait tout pour lui. Mais, au fil des jours, après qu'ils aient décidé de rester amis, le rital avait réalisé qu'un besoin incompréhensible de raconter toute sa vie à Rose le submergeait. Il avait confiance en elle, malgré leur passé mouvementé et, somme toute, pas vraiment basé sur de l'amitié.

Lorenzo ne pût s'empecher de sourire quand Rose lui dit à son tour qu'il était beau. Les deux jeunes gens se taquinaient beaucoup, ce qui pouvait sembler bizarre quand on connaissait leur passé commun. Pour être honnête, au début, lorenzo ne pensait pas que cette amitié fonctionnerait. Rester amis après que du sexe ou des sentiments (ou pire, les deux !) soit intervenu dans ladite relation relevait du miracle. Seulement, il appréciait vraiment la jeune fille, sa présence le rendait différent et il aimait beaucoup. Alors, il avait voulu y croire. En plus, il était un warrior, cela aida énormément. C'est ainsi Qu'ils se retrouvaient ici, pour manger tous les deux des pâtes comme le feraient deux amis (des pâtes meilleures que celle de Mezzo car faites maison, soit dit en passant).

Rose Van Valkenburg me complimente, je vais le noter dans mon calendrier dis donc !

Parfois, Lorenzo avait peur d'aller trop loin, même s'ils étaient en paix avec eux même, il avait toujours un peu peur qu'une remarque déplacée installé une gêne dans leur conversation. Mais pour le moment, ils n'avaient pas encore rencontré ce genre de tempête.

Tu ne vas pas le regretter tu verras ! C'est ici que tu manges les meilleures pâtes du quartier, sans me vanter bien sûr !

Il lui fit un grand sourire puis se tourna de nouveau vers sa casserole, pour mélanger les pâtes et éviter ainsi qu'elles ne collent. Il surveilla ensuite sa sauce, celle ci était parfaite. Oui, Rose allait adorer sa cuisine, serait tellement heureuse d'avoir un meilleur ami comme lui qu'elle ne lui en voudrait presque pas pour sa trahison. Et puis, il ne faisait qu'avoir des sentiments pour sa sœur, ce n'était pas un drame. Enfin, pour le moment ...

Mais oui j'aurais voulu que tu me racontes tout en détail, ce qu'il a dit, s'il t'a embrassé après, s'il t'avait ramené un cadeau aussi ... Tout tout tout ! Il marqua une pause et afficha une mine perplexe. Oui bon en fait tu as raison, ça sonne très très bizarre. Si tu me dis que tout va bien en ce moment, c'est l'essentiel ! Et surtout, si un jour ça va moins bien, tu sais que tu peux venir m'en parler ... J'ai une batte de baseball dans un placard s'il faut lui régler son compte !

Un nouveau sourire amusé pointa son nez ... Mais prit aussitôt la poudre d'escampette quand Rose évoqua sa femme. Raaaah, elle aurait dû parler de Tiffany après le déjeuner, cela eut été moins risqué. Là, ils se dirigeaient vers un sujet dangereux. Alors, pour ne pas faire face au danger, Lolo se tourna vers ses fourneaux et gouta une nouvelle fois sa sauce, mélangea une nouvelle fois ses pâtes, pour gagner du temps. Malheureusement, il ne pouvait pas répéter ces opérations éternellement, mais préféra néanmoins tourner le dos à son amie pour lui répondre. Lolo un lâche ? Un tout petit peu.

Oh, à moi aussi tu sais, ça fait bizarre. Mais tout va bien ... Il hésitait à continuer sur le sujet, mais il avait tant besoin de se confier. Il ne pouvait en parler à personne, il devait toujours afficher une tête "je suis marié et tout va bien dans notre couple", et cela commençait à lui taper sur les nerfs. Enfin ... Je ne sais pas trop, j'ai du mal à m'y faire. Tu me connais, comment j'étais avant, ce me manque aussi parfois ...

Rose venait en effet de complimenter Lorenzo, et celui-ci semblait surpris. Il est vrai qu'en temps normal, elle s'amusait plutôt à le taquiner, mais il fallait aussi parfois se montrer sérieuse et gentille. Si elle l'embêtait tout le temps le pauvre risquait de croire qu'elle pensait vraiment toute ces petites piques qu'elle aimait lui lancer. Or, elle était rarement sérieuse. Elle avait une très bonne image de Lorenzo, quoi que les mégères du quartier puissent en penser. Les adolescents l'aiment beaucoup, faisant de lui le meilleur prof de Sterling. Certes il avait une réputation de coureur de jupon, mais par définition il avait changé depuis son mariage avec Tiffany. Rose lui fit alors un clin d'œil amusé par sa réponse. Qu'il le note dans son calendrier, il s'apercevrait ainsi que Rose est très souvent gentille avec lui. Le jeune homme lui annonça ensuite qu'elle ne regretterait pas de goûter sa cuisine car il faisait les meilleures pâtes du quartier. N'oubliait-il pas que Rose avait aussi des racines italiennes ? Je ne sais plus d'où parce que c'est le bordel dans les origines des VV, mais voilà la demoiselle s'y connaissait un peu, quand même. Pourrait-il battre sa mère ?

« Je ne demande qu'à goûter mon cher ! »

Elle se montrait enthousiaste, car ravie d'être avec lui. Aussi bizarre que cela puisse paraître aux yeux des gens ordinaires, devenir amie avec Lorenzo, en dépit de leur passé chargé, était une des meilleures décisions que Rose avaient pu faire. Elle le regardait s'occuper de la nourriture pour elle, posant sur lui un regard bienveillant. Et puis voilà qu'il parlait de quelque chose d'un peu plus bizarre : sa relation avec Bryan. Ça ne la gênait pas de parler de lui, mais voilà avec Lorenzo le sujet restait quand même délicat. Alors, de façon peu sérieuse, elle essaya de lui faire comprendre les raisons qui l'avait poussée à ne pas lui faire part de son nouvel amoureux. Il avait compris, et ne lui en voulait pas. Ouf. Il répondit même sur le même ton qu'elle, avec ironie. Néanmoins la fin de sa phrase toucha beaucoup Rose, il s'inquiétait quand même pour elle. Elle lâcha un petit rire à l'évocation de la batte de baseball (qui me rappelle un de mes voisins). Elle ne pensait pas qu'elle en aurait un jour besoin, mais elle reconnaissait tout de même l'attention.

« Merci, c'est gentil. Mais tu sais Bryan est un garçon gentil. Un vrai gentil. Je doute qu'il réussisse à me faire un jour du mal. »

Après tout Rose avait bien enchaîné les connards à un moment torturé de sa vie. Bryan était le contraste même de tout ceux qu'elle avait pu fréquenter. Même Lorenzo. Donc même si leur relation s'avouait être un échec -ce qu'elle ne voulait pas- elle ne pensait pas souffrir autant que par le passé. En tout cas savoir que Lorenzo était à ses côtés si tel était le cas, lui faisait chaud au cœur. Puis elle avait décidé de lui parler de son couple à lui. Monsieur s'intéressait à sa vie sentimentale, pourquoi n'aurait-elle pas le droit de lui poser quelques petites questions elle aussi ? Il semblait un peu mal à l'aise, en même temps Rose ne voyait pas Lorenzo comme quelqu'un qui aimait déballer ses sentiments. Or, il était marié, ce qui supposait un amour fou et inconditionnel pour sa rousse ! Chose que Rose ne comprenait pas, elle avait toujours pensé que Lorenzo était du genre à rester célibataire, tel un loup solitaire. Il fallait croire qu'il avait changé. Ses propos étaient néanmoins un peu louches, il n'osait pas affronter le regard de Rose, elle avait bien fini par le comprendre. Pire, il venait de lui signifier que sa vie de célibataire lui manquait. Son mariage avait Tiffany avait-il été trop précipité ?

« C'est normal que ça te manque je pense... » Rose avait aussi du mal à se détacher de certains de ses démons cf sa bio. « Mais tu es heureux ? Tu l'aimes ta Tiffany non ? » elle n'attendit même pas la réponse, convaincue de déjà la connaître. « Alors tout va bien ! »

Au moment où Rose lui précisa qu'elle ne demandait qu'à goûter, ses pâtes furent fin prêtes. Il prit un spaghetti avec la spatule et le goûta, c'était parfait ! Il était fier de lui, jamais encore il n'avait dû rater des pâtes, et c'était un record en 28 ans d'existence. (oui, Lolo fait des pâtes depuis qu'il est né et il a appris avant de savoir marcher, et alors ?)

Ça tombe bien, c'est prêt !

Il égoutta les pâtes puis sortit deux assiettes creuses afin de préparer les plats. Tête en l'air, il faillit oublier de mettre la sauce, quel étourdi ! Ensuite, il servit leurs deux assiettes, sortit du frigidaire le parmesan et de l'armoire la râpe à fromage pour les poser sur la table. Voilà, tout était prêt, il pouvait s'asseoir et déguster !

Bon appétit !

Il commença à manger, à l'aide d'une fourchette et d'une cuillère car il était un vrai italien. Ses pâtes étaient parfaites, sa sauce aussi. Vraiment, il était fier de lui ... Et il espérait d'ailleurs que Rose le complimenterait à ce sujet. Pas qu'il ne soit pas sûr de lui, mais on lui faisait si peu d'eloges. Tiffany n'était pas habituée à le complimenter, ses amis non plus ... Et Lorenzo avait peu d'amies, du reste. Il évitait de fréquenter des filles, ces derniers temps, notamment à cause de sa fâcheuse tendance à les aimer jeunes. En parlant de fréquentations, Rose resta sur le sujet Bryan. Que la jeune fille le définisse comme gentil et incapable de lui faire du mal laissait un goût amer dans la bouche de Lorenzo. Pas qu'il était jaloux, enfin ... C'était surtout que, comme tout italien, il avait sa fierté, et ne pouvait apprécier pleinement un homme sans nul doute meilleur que lui. Mais qu'importe, il dit l'effort surhumain de ravaler sa fierté, pour sa meilleure amie. Elle méritait d'être heureuse.

Je suis ravi que tu sois tombée sur l'un des seuls hommes respectables du quartier alors !

Lorenzo hésita à ajouter qu'il lui tardait de le connaitre mieux. En effet, Bryan restait un Mayfield, le frère de l'ex de sa femme qui soit disant lui tournait parfois autour. Il se retint également de lui proposer son aide en cas de mariage, certes il devait s'y connaître désormais, mais la réalité était tout autre en réalité. Mais Rose ne semblait pas enchantée d'en parler. Elle était gênée, Lorenzo le ressentait. Pour preuve, elle lui posa une magnifique question oratoire à laquelle elle se permit même de répondre. Souhaitait-elle clore le sujet ? Alors que lui voulait révéler son lourd secret, le voilà bien tourmenté.

Euh oui ... Il inspira un grand coup, prêt à instaurer un blanc et une gêne légendaires. Mais tu me connais, je suis aussi doué pour en aimer plusieurs en même temps.

Il afficha une moue honteuse, mal en point. Bien sûr, il n'etzit pas fier. Mais lutter contre ses sentiments, c'était tellement difficile ...

Lorenzo était un homme qui avait besoin de compliments, et celui de Rose lui allait droit au cœur. Non, le professeur ne doutait pas de ses capacités, c'est un italien voyons, sûr de lui en toute circonstance. Néanmoins, il ne crachait pas sur la reconnaissance d'autrui. Il était connu pour son art de la drague, mais pas pour ses atouts en mariage. Alors, que son amie le complimente sur sa cuisine le rassurait quelque peu, somme toute.

Je suis ravi que cela te plaise, il est rare que l'on me complimente sur ma cuisine

Il lui fit un sourire qui voulait dire merci, et se retint de faire une remarque. Pourtant, cela le démangeait : Rose ne mangeait pas ses spaghettis à l'italienne, pourtant, Nina lui avait déjà parlé de leurs origines du Bel Paese. S'il se retint de dire quelque chose à ce sujet, au passage, c'était pour ne pas expliquer pourquoi Nina lui avait confié cela ... Lorenzo hésitait toujours à lui en parler. Au fur et à mesure de leur conversation, sa décision oscillait. Quand Rose évoquait Tiffany, il choisissait de ne pas évoquer ses sentiments pour sa petite sœur. Quand sa meilleure amie affichait un air inquiet à son sujet, il hésitait à lui en toucher mot ... Il n'arrivait pas à prendre une décision finale, nette et précise. Mais Rose la prit à sa place : elle mît délibérément fin au sujet Bryan, pour se concentrer de nouveau sur Les histoires de cœur de Lorenzo. Dit ainsi, on se serait cru dans une mauvaise sitcom. Il ne manquait que les rires, pour ponctuer leurs vannes. Sauf que Lorenzo n'était pas d'humeur à rire. Il était peut-être sur le point de perdre sa meilleure amie, cette idée l'attristait et lui coupait même l'appétit. C'était du suicide, il devait garder ça pour lui ... Malheureusement, Rose ne l'entendait pas de cette oreille et se fit curieuse. Cash, elle lui demanda s'il avait rencontré quelqu'un. Aie.

Je, euh ...

Ce furent les seuls bruits qu'il pût prononcer. Mais il connaissait son amie, il lui faudrait plus pour la satisfaire. Comment lui dire, à quel point lui révéler la vérité. Et dans quel but, surtout. Il n'était pas dupe : même s'il taisait le nom de Nina, Rose ne manquerait pas de lui faire la morale. Leur relation était ainsi, Rose critiquait parfois les coups d'un soir que Lorenzo pouvait avoir, avant. Elle lui passa notamment un savon quand il coucha avec Charly car cela entacha énormément son amitié avec Jennifer. Rose était un peu sa conscience, par conséquent sa jolie voix n'était pas toujours agréable à entendre.

Je n'ai pas rencontré quelqu'un, pas exactement. C'était une personne avec qui je, enfin que je ... Il marqua une pause pour trouver comment expliquer. Une fille que je voyais avant de partir à New York, que je pensais avoir oubliée, mais qui, en fait, s'avère ne pas être oubliable.

Il hésita à qualifier Nina d'inoubliable, mais ne voulait pas aggraver la situation. Il avait mesuré le poids de chacun de ses mots. Maintenant, il attendait que Rose lui sorte la solution miracle de dessous son chapeau. Par exemple, n'y avait-il pas une loi à Magnolia autorisant la polygamie ?

Lorenzo rit quand Rose exigea qu'il cuisine pour elle plus souvent. Son esprit s'égara alors dans de vieux souvenirs, à ce temps où il usait de ses talents culinaires pour faire succomber quelques conquêtes. Désormais, il cuisinait pour sa femme, cette dernière trouvait ça normal, il était un simple mari. Or, Lorenzo Di Mascio etait tout sauf simple. Mais la vie vous pousse parfois à faire des concessions. Et il ne devait pas se plaindre, la situation aurait pu être pire. Par exemple, il aurait pu perdre son talent culinaire, ou oublier la recette de la pizza de sa grand mère. Oui, tout allait relativement bien. Ou presque. Enfin .... Ça, c'était avant. Maintenant qu'il avait révélé son secret à Rose, la situation allait s'empirer.

La première chose qu'elle répondit fut une interjection qui ne présageait rien de bon. Il scrutait son visage, dans l'espoir d'y lire son avis sur les présentes révélations. Malheureusement, Rose faisait partie de ces filles au visage indéchiffrable. Et pourtant, Lorenzo, en bon italien, possédait le gêne de la lecture sur le visage des filles. Mais Rose était trop énigmatique. Il était incapable de dire si elle serait compatissante ou si elle le renierait. Si elle lui ferait un câlin réconfortant ou si elle prendrait un des couteaux à viande pour le punir de sa trahison envers la gent féminine. Impossible de le savoir. Alors, il attendit, trop stressé pour manger une autre bouchée de ses délicieuses pâtes. Tant pis, il se rattraperait sur le dessert. Enfin, s'il survivait jusque là. Mais cela semblait mal parti, car Rose était encore silencieuse. Peut-être avait-elle fait, tout à coup, vœu de silence, devant l'atrocité du genre masculin, incarnée en la personne de Lorenzo.

Enfin, elle ouvrit la bouche, pour formuler les questions qui la taraudaient. Malheureusement, c'était une question qu'il s'était déjà posée, et à laquelle il répondait finalement joker, sans hésiter. Non pas parce qu'il ne voulait pas y réfléchir. Mais plutôt parce qu'il connaissait la réponse. Enfin ... Il pensait la connaitre. Mais aimer plusieurs femmes, était-ce possible ? Était-ce permis ? Après tout, il y avait bien des personnes qui aimaient des animaux, et même des personnes qui aimaient d'autres personnes du même sexe. Alors pourquoi ne pas aimer plusieurs personnes en même temps ? Ce n'était pas une tare. Enfin, c'était juste difficile à gérer, et à solutionner. Mais pouvait-il avouer ça à Rose ? D'un côté, ce serait idiot de ne rien dire : il avait déjà parcouru du chemin, il voulait qu'elle l'aide ... Alors ne rien dire serait la pire des idioties. Et, pour une fois, Lorenzo avait envie d'être intelligent.

Elle me manque, énormément, surtout parce que je ne peux pas la voir. Tu crois que c'est possible, d'aimer plusieurs personnes à la fois ? il marqua une pause, la dernière question ne voulait pas sortir, mais il avait besoin de lui demander. Rose, dis moi, je dois faire quoi ?

Non, vous n'avez pas rêvé. Lorenzo venait bien de demander de l'aide à sa meilleure amie. Il était paumé et avait besoin que Rose lui indique le chemin. Elle etait la seule digne de confiance, celle à qui il pouvait tout confier, enfin presque.

Au fond, sans le savoir, Rose était au coeur de la réponse : Tiffany ne devait pas être la femme de sa vie. Seulement, les choses n'étaient pas si simples. Cette conclusion ne suffisait pas pour pouvoir arranger la situation en un claquement de doigt. Au contraire. Alors, Lorenzo aurait plutôt espéré que Rose le convainque que Tiffany était la bonne, celle qui lui fallait ... Malheureusement, il ne pouvait pas en dire plus à son amie, il devait se dépatouiller seul de cette conversation gênante dans laquelle il s'était délibérément embarqué. A croire que l'italien s'adonnait à de nouvelles pratiques masochistes. Comment dire à Rose qu'il était contraint d'aimer les deux, ou de n'aimer que Tiffany ? Elle le prendrait pour un fou. Seulement, les choses étaient ainsi. Quand Rose supposa qu'elle était niaise, Lorenzo se surprit à sourire, amusé. Pourtant, cette discussion était tout sauf plaisante. Il cherchait comment lui dire et, avant même de prononcer ses mots, il savait déjà que ses excuses seraient vaseuses.Mais Rose le devança et reprit la parole ... pour ajouter une précision dont il se serait bien passé. Oui, inconsciemment, il espérait une autorisation tacite de tromper sa femme. Mais, dès le début, il n'était pas utopique : il savait bien que Rose ne l'autoriserait pas à flirter avec sa petite soeur. Certes, elle ne connaissait toujours pas l'identité de l'heureuse élue secrète, mais sa curiosité finirait par la rattraper. Et puis, le professeur en avait trop dit pour s'arrêter là. En tout cas, il en avait fini avec le masochisme pour aujourd'hui : ce n'était pas lui qui évoquerait le prénom de l'inconnue le premier, non mais. Déjà que, à peine aurait-il prononcé le prénom de Nina, il risquait de recevoir un verre d'eau, une fourchette ou même un couteau, à la figure. Il n'allait pas rapprocher l'heure de sa mort. Parano le garçon ? A peine ... Il avait bien vu comment Rose s'était jetée sur Naya, telle une lionne sur sa proie. Or, comme son amie n'avait même pas fini son plat de pâtes, et il se doutait qu'elle devait encore être en appétit, et ne voulait surtout pas passer à la casserole. Pourtant, il sentait que sa fin était proche, et était aussi à l'aise qu'un sado maso dans un magasin cuir center (sur ce, j'arrête d'utiliser le mot sadomaso dans ce rp, ça commence à devenir suspect).

Ça ne fait même pas un an que je suis marié, je ne peux pas dire si ... Si je ne sais pas ! Si c'est la femme de ma vie, si je suis heureux ou non ... Ce que je sais, c'est que je ne pense pas à elle chaque seconde, ce n'est pas une tare, si ?

Penser n'est pas tromper. Malheureusement Lorenzo aurait bien voulu passer cette étape. En tout cas, Lynet Scavo avait avoué dans un récent épisode avoir déjà pensé à un autre homme durant son mariage avec Tom. Lorenzo n'était donc pas vraiment coupable. Certes, avoir fêté la saint Valentin avec Nina était une autre histoire, mais ça, il préférait le garder pour lui et ne pas en faire part à son amie.

Pfff, j'aimais bien cette solution de facilité. Là, je suis bloqué et n'arrive pas à trouver la solution à ce problème. Tu sais comment on oublie quelqu'un, par hasard ?

Si elle lui répondait "en se concentrant sur ta femme", Lorenzo risquait de pleurer. Vive la consolation. Être prof de maths et rester perplexe devant cette équation, c'était un comble ...

Question à 100 milliards : pourquoi s'était-il marié avec elle s'il n'était pas sûr ? Il ne pouvait pas lui expliquer, et pouvait encore moins lui expliquer pOurquoi il devait garder le silence. Mentir ? Il n'en avait vraiment pas envie et s'en voulait déjà. Mais aucune autre alternative ne lui venait à l'esprit.

Je n'en sais rien. En fait, Je pense que j'ai deux femmes de ma vie, mais ce n'est pas possible. Au début, j'etais sûr qu'elle était la bonne, tu sais.

Tiffany. Il réalisa soudainement que, depuis le Début de la conversation, ils avaient mis son épouse de côté. Ils n'avaient pas évoqué la jeune femme dans l'equation et Lorenzo se sentit sur le coup fort égoïste. Mais ... Ne l'était-il pas avant ? C'est fou comme ce mariage avait influé sur son comportement, alors qu'il s'était promis le contraire, au début de sa relation. Après tout, elle s'en sortirait sans lui. Malheureusement, il ne pouvait plus penser ainsi. Il sentit soudainement un sentiment de culpabiliser l'envahir, même si honnêtement il n'avait pas tort : sentimentalement, une éventuelle séparation ne l'aneantirait pas. Mais tout n'était pas si simple, il fallait qu'ils soient bloqués néanmoins. En y réfléchissant, s'ils n'avaient pas été bloqués, ils ne seraient probablement pas ensemble. D'un autre côté, il n'aurait jamais réalisé les sentiments qu'il avait pour Nina. C'est quand on ne peut plus avoir quelque chose qu'on réalise sa valeur.

Beaucoup trop pour un homme marié.

Lorenzo n'aimait pas parler de ses sentiments. Alors c'était tout ce qu'il pouvait concéder à Rose sur ce sujet. Malheureusement, son amie joua la carte de la curiosité. Après une jolie tirade qui disait sans le dire qu'il était fichu, Rose demanda sur un ton innocent si elle connaissait l'inconnue. En décodé cela donnait : balance moi le nom de ta poule vite fait bien fait. Il pouvait bien lui cacher, de toute façon il risquait de rester dans cette impasse toute sa vie, et oublierait la fille avec le temps. Mais et si ce secret venait à se savoir ? Si une oreille curieuse ou un oeil indiscret était mis au courant, que la rumeur se répandait ... Lorenzo ne préférait pas imaginer la réaction de Rose, si elle apprenait par un "on dit" que ladite fille était sa soeur. En fait, il n'imaginait pas non plus sa réaction, s'il lui avouait la maintenant. Il n'arrivait pas à se décider. Et, cette fois-ci, impossible de demander l'avis de Rose. Il devait gagner du temps, faire diversion. Il aurait apprécié l'assistance de Fitz dans cette situation (je précise que Fitz est le chien de Lolo, qui mérite autant de popularité que celle dont jouit Milou), malheureusement il s'était encore échappé Dieu sait où.

Tu ne finis pas ton assiette ? Je parie que tu te réserves pour le dessert ! Allez, je ne te fais pas attendre plus longtemps alors !

Il ramassa leurs assiettes et se dirigea vers son plan de travail. Oui, il aurait pu trouver mieux, mais le stress et la perspective possible d'une mort imminente l'empêcher de réfléchir. Lui qui était d'habitude si posé, si calme et si intelligent. Il avait honte de son état.

Mais j'ai l'impression que la revoir, c'est déjà être infidèle non ? J'ai l'impression qu'évoquer ça de vive voix avec elle, c'est franchir un cap que je ne peux pas franchir. Bon ok, te l'avouer en était un aussi en fait. Mais ce n'est pas pareil parce que tu es différente et je voulais juste un avis externe donc par conséquent je n'ai franchi qu'un mini cap et ne suis pas encore un connard fini tandis que si je choisis ton option alors je ...

Il se stoppa, net. Il s'embrouillait, délibérément, ne sachant s'il cherchait encore à gagner du temps, ou plutôt à embrouiller l'esprit de sa meilleure amie. Calmement, il vida le reste des assiettes dans la poubelle puis les posa dans l'évier. Ensuite, il sortit le tiramisu du frigidaire, en servit deux parts et retourna à table.

Vas-y, goûte-le. Il parait que mon tiramisu pourrait régler le conflit israëlo palestinien.

Bon, certes, ce compliment venait de son élève préféré, Andrew Davies, et n'était peut-être pas des plus sincères. Mais au moins, Lorenzo voulait que Rose ait un orgasme culinaire, avant qu'elle ne soit pris d'envies de meurtre. Il allait lui dire. Pour la première fois de sa vie, il avait l'occasion d'être honnête et allait relever le défi. Pour la première fois, il ne se défilait pas et affronter à la fois ses actes, ses erreurs et les conséquences. Malheureusement, Rose risquait d'en souffrir. Alors qu'elle portait la cuillère à sa bouche, il pria pour qu'elle transforme sa souffrance en haine contre lui, qu'elle ne soit pas attristée par la perte d'un meilleur ami aussi bancale, mais également qu'elle n'en veuille pas à sa petite soeur.

La fille dont je te parle depuis tout à l'heure comme d'un secret d'état, Rose, c'est ta soeur, Nina.

Automatiquement, il baissa les yeux vers son tiramisu. Ce dernier était d'ailleurs très joli, comme toute personne qui porterait éventuellement le même nom que ce merveilleux dessert. Sauf que cet acte marquait le retour de sa lâcheté, cette lâcheté dont il voulait se débarrasser. Alors, il leva de nouveau les yeux, et scruta Rose, guettant la moindre expression, la moindre réaction.

Lorenzo n'arrivait pas à trancher : Rose était-elle si compatissante parce qu'elle le comprenait, ou parce qu'elle avait pitié pour lui ? Bizarrement, il penchait pour la seconde option, mais se garda bien de poser la question à son amie. Pour une fois, il ne voulait pas en avoir le cœur net, trop risqué de faire face à la réalité. C'est bien simple, à chaque fois qu'il prenait la parole, son ton était hésitant, car il vaut peur de retourner la situation à la moindre réflexion, avec la plus petite des révélations. Et ce qui devait arriver arriva. En même temps, ce n'etait pas une petite révélation, que Lorenzo venait de faire. C'était une révélation maxi best of blessante et dramatique, c'était un raz de marée, c'était la signature de son arrêt de mort. C'était avouer haut et fort "oui je suis un beau connard et j'aime tromper tout le monde, même les personnes à qui je tiens, je suis donc en réalité juste un gros idiot, et j'aime ça". Quand Rose lui demanda s'il était sérieux, le professeur prit peur, il venait de réaliser sa bêtise. L'importance de ses actes. Et si, par cet aveu, il avait réveillé le diable qui sommeillait en Rose. Et s'il venait de déclencher une de ses crises démentes où la jeune fille entre dans une sorte de transe bizarre, crise dont Naya Freeman fit les frais à Noël ? Lorenzo commença à s'en vouloir, d'avoir été si égoïste. Il détestait cette sensation, le jeune homme se reprochait rarement quelque chose, Préférant trouver une raison externe à ses problèmes. Mais la, il s'agissait de Rose, sa meilleure amie. Qu'avait-il cru ? Qu'elle lui donnerait sa bénédiction ? Belle utopie ... Pire, elle le somma de ne plus approcher Nina. Ça c'était direct, et clair. Rose lui faisait tellement peur, qu'il n'osait la contredire. La, tout de suite, il voulait qu'elle se calme, même si cela devait passer par des gifles ou tout autre défoulement physique.

Je suis désolé Rose, c'était pas prévu que ça se passe comme ça, pardonne moi s'il te plaît.

Dans un effort surhumain, il leva les yeux pour affronter son regard. C'était comme si Rose lui jetait des rayons laser qui le foudroyaient sur place, elle avait le regard aussi noir que Anakin, avant qu'il ne se batte avec Obiwan et devienne Dark Vador (oui je sais que tu comprendras parfaitement cette référence car tu adores Star Wars). Il voulait lui demander d'oublier ce qu'il venait de dire, de faire comme si de rien était, comme s'il n'était pas un salaud. Mais, Rose ne serait sûrement pas d'accord.

Tu as raison, avant j'agissais comme un con je sais. Encore maintenant oui aussi, mais s'il te plaît pardonne moi.

Jamais Lorenzo ne s'était imaginé se repeindre un jour en excuses, mais il était en train de le faire pourtant. Acte ultime et désespéré pour tenter de sauver son amitié qu'il venait de malmener égoïstement. Il ne savait pas comment Rose se sentait trahi à ce moment même, jamais il n'avait ressenti un tel affront. Mais il pouvait aisément l'imaginer et, si cela pouvait apaiser sa colère, il était prêt à tous les sacrifices. Même les plus difficiles.

Je ... D'accord, je vais arrêter de la voir.

Rose comprendrait-elle combien cela lui fendait le cœur d'accepter son ordre ? Comprendrait-elle qu'il n'était pas en prise à une simple amourette passagère ? Réaliserait-elle que son meilleur ami volage semblait pris au piège de ce sentiment donc il s'était moqué si souvent auparavant ? Il l'espérait. Enfin, pour le moments tout ce qu'il voulait, c'était le moindre signe de sa part, la moindre promesses qui signifierait "oui, un jour je craquerai mon slip et je te pardonnerai d'être un tel connard"

Lorenzo sentait que Rose n'était pas sincère. Son ton était presque ironique, il était incapable de lire sur son visage. A croire qu'elle avait revêtu son masque - celui dont parle la maman de Bree - pour cacher ses émotions à son ami. Il n'arrivait pas à dire si elle le détestait, ou si elle était seulement profondément déçue. Il la connaissait depuis longtemps maintenant, mais n'arrivait toujours pas à prévoir ses réactions, à deviner ses sentiments. Elle restait un mystère ... Et peut-être pensait-elle présentement la même chose à son propos. Le silence pensant entre eux sous entendait que jamais elle n'avait imaginé ça, en même temps qui le ferait ? C'était impensable, c'était une idée saugrenue, de celles qu'on range dans la case des idées saugrenues, avec "et si ma fille aimait une fille ?" et "et si je crachais de l'eau sur une des amies de ma soeur ?". Et, comme Lorenzo était plutôt du genre à penser à lui plutôt qu'aux autres, il avait bien du mal à se mettre à la place de son amie, à déchiffrer son expression indescriptible. Alors que faire dans un tel moment ? Il ne savait pas quoi lui répondre. Lui devenir raisonnable ? Il avait tenté, un moment. Le pire, dans tout ça, c'est qu'officiellement, il passait toujours pour un professeur posé, mature, intelligent, réfléchi. Ses batifolages avec des étudiantes étaient toujours restés au stade de rumeurs, destinées à alimenter les commérages et servir le mythe qu'était ce beau jeune homme célibataire. Aux yeux de tous, il était raisonnable. Rose, elle, avait toujours su, qu'il était libertin. Jamais explicitement, il ne lui avait parlé de ses conquêtes. Mais elle savait, qu'elle n'était pas l'only one, l'unique. Enfin, Lorenzo comprenait : accepter que Lorenzo soit frivole était une chose, accepter qu'il le soit avec sa soeur en était une autre. A sa place, Lorenzo n'aurait pas accepté. Seulement il n'avait pas de soeur, il lui était donc difficile d'imaginer la situation. Alors, par prudence, il ne répondit rien au sarcasme apparent que lui lança Rose. La situation était déjà assez envenimée, loin de lui l'envie de l'aggraver. D'ailleurs, son amie - si tant est qu'il puisse encore l'appeler ainsi - s'en sortait bien toute seule et l'aggrava d'elle même.

Mais non jamais je n'aurais fait ça !

Enfin si, il l'avait envisagé. Mais Nina avait coupé court à cette idée en haussant le ton lors de leur soirée de saint Valentin. Quelques baisers échangés ne suffisaient pas pour faire une relation interdite, si ? Lorenzo décida que non et garda cette soirée au silence. Evoquer quelques discussions gênantes au lycée serait amplement suffisant. Mais d'abord, il fallait que Rose oublie sa supposition saugrenue. Le pire, c'est qu'elle se trompait, Nina n'était pas sa maîtresse. Mais c'était si crédible ...

Ce ... Nina n'est pas ma maîtresse, nous ne nous voyons qu'au lycée, il n'y a rien entre elle et moi depuis que je suis revenu. Jamais je ne lui aurais infligé ça, tu me prends pour quoi ? Il marqua une pause, remarquant la stupidité de sa question. Ne réponds pas à ça s'il te plaît. Il s'embrouillait et cela l'agaçait. Je suis marié, si cette relation avait été découverte ... Et puis bon sang Rose j'ai quand même une morale !

Ses propos étaient illogiques, il passait du coq à l'âne, tentative desespéré pour prouver par tous les moyens à Rose qu'il n'était qu'un frustré qui se retrouvait avec ses sentiments insupportable dans sa tête et sa queue entre ses jambes.

Tu crois que si nous étions ensemble, elle et moi, ça me prendrait autant la tête ? Si j'y pense autant c'est justement parce que je ne peux rien faire ! Je n'aurais jamais dû te dire qu'il s'agissait de ta soeur ...

Jamais il n'avait voulu la faire souffrir, mais bien sûr l'idée que cela affecte Rose lui avait traversé l'esprit. Il voulait mettre un terme à cette situation, la balayer d'un coup d'éponges et envoyer les restes à la poubelle, comme pour les pâtes. Il voulait passer à autre chose, retrouver sa Rose. Pourtant, cette dernière sortit la carte du sadomasochisme, et lui demanda depuis combien de temps ça durait. De quoi parlait-elle ? Pour répondre, encore eut-il fallu qu'il y en eu un, de manège.

Je t'ai dit que nous n'entretenions pas de relation, tu vas me croire ? Il lui lança un regard implorant, conscient pourtant qu'elle le considérerait avec indifférence. Quand je suis revenu, ça fait un an maintenant, elle est venue me voir. Elle m'en voulait d'être parti comme un voleur, c'était ... tendu. Depuis, on s'évite, parfois on s'engueule, on ... okay on s'est peut-être embrassés une ou deux f... Mais non je ne veux plus te parler de ça, je suis vraiment désolé Rose.

Elle ne méritait pas un tel affront, elle qui souffrait déjà tellement pour on ne savait quel raison. Il ne voulait pas lui ajouter des cauchemars supplémentaires. Lui qui l'avait toujours aidé à aller mieux, voilà qu'il devenait la cause de ses tourments.

L'opinion de Rose venait de vivre un retournement de situation. Elle, qui auparavant le conseillait de suivre son cœur, le sommait d'oublier désormais l'appel de ses sentiments sous prétexte d'être marié. Elle ne se préoccupait pas de Tiffany pourtant, tout à l'heure. Que ce soit Nina changeait la donne, naturellement. Lorenzo osa imaginer la réaction de son amie si l'élue de son cœur avait été toute autre. Jennifer, Jersey, Charly ... Des noms qui auraient laissé Rose indifférente. Sur le coup, il regretta que son dévolu n'ait pas choisi une autre cible, une cible de son âge. Tout aurait été si facile, ou presque. Mais Nina ... Sauf qu'il ne pouvait pas laisser son cerveau s'évader ainsi à penser à la jolie jeune fille, en présence de sa grande sœur. Surtout que, même s'il vaut choisi d'acquiescer en silence à la solution de Rose, il ne pouvait pas laisser son reproche sans réponse. Lui en parler dès le début, elle était sérieuse ? Cela n'aurait rien changé, cela aurait même été pire puisque, à l'époque, Nina était encore plus jeune. De 2 ans. Dire qu'à cette époque, il était encore libre comme l'air. Et dire qu'il avait choisi d'essayer de nouvelles expériences. Attention, son mariage lui plaisait, en soi. Mais tout ce dont il était privé désormais provoquait un manque insupportable.

T'en parler dès le début ? Mais pour quoi faire ?

Son ton était interrogateur, étonné ... Mais il l'exigerait. Pour tout dire, il s'était retenu d'ajouter "pour te proposer un plan à trois, peut-être" car Rose se serait jetée sur lui et lui aurait dévoré le visage telle une femme sous l'emprise des sels de bain qui font fureur à Miami actuellement. Mais ce que venait de dire Rose était tellement saugrenu pour Lolo, qu'il risqua de lui demander. Par contre, quand elle souleva un point plus dangereux - à savoir est-ce que Nina savait qu'il se tapait les 2 VV - Lorenzo resta silencieux un premier temps. Il pouvait être naïf, et lui répondre que si, Nina savait très bien qu'ils étaient meilleurs amis. Mais il ne fallait pas tenter le diable, Lorenzo ne voulait pas se retrouver dans le même état que Naya. Rose allait le flanquer à terre puis le rouer de coups. Il allait s'en sortir avec des séquelles physiques, perdrait son emploi et ses amis, se retrouverait seul et sans perspective d'avenir, puisque tel était désormais le nouveau quotidien de la jeune métisse. Et Lorenzo ne voulait surtout pas vivre ça. Alors, il choisit la carte de l'honnêteté. Décidément, cela faisait beaucoup en un repas. Lorenzo accomplissait là un effort surhumain, dommage qu'il consiste à blesser Rose, et que celle-ci ne remarque pas la beauté du geste.

Non, elle n'est pas au courant. Et non je ne la verrai plus, je suppose que tu l'informeras aussi ...

Il ne finit pas sa phrase, et imagina soudainement Rose en train de sermonner Nina, par sa faute. Quel con, mais quel con ! Il venait de donner un sale coup dans leur relation fraternelle si fragile. Il s'en voulait, il n'avait pas voulu infliger ça à Nina. Il s'en voulut également parce qu'il imaginait déjà son élève débarquer chez lui en trombe pour l'engueuler et lui dire qu'il avait été le dernier des idiots. Sauf que Nina ne pourrait sûrement pas, venir chez lui. Rose allait le lui interdire formellement, c'était évident. Il s'en voulait, d'enterrer ainsi leur relation. Pourtant, il y a deux ans, il n'avait pas rechigné à partir sans laisser de mot d'adieu sur l'oreiller. Probablement fut-il découragé d'avance, à l'idée,de tous les oreillers sur lesquels il devrait laisser un mot (cette dernière phrase est un test pour vérifier si Nina lit ce rp ou non, et si elle va venir me trucider en apprenant que Lolo fut aussi frivole que Andrew durant sa période londonienne). Après tout, il pouvait toujours affirmer une chose et exécuter son contraire. Il pouvait très bien revoir Nina sans en informer Rose. Après tout, elle voulait surtout ne plus en entendre parler, c'était dans ses cordes ... Mais si elle l'apprenait une seconde fois ... Et puis même, mentir à rose lui semblait désormais impossible. Il avait réalisé l'horreur de son geste, trop tard bien sur. Il d... Que venait-elle de dire ? Le visage du jeune homme se figea net. Il passa du rose au blanc, blêmit en un instant. Mettait-elle un terme à leur amitié si difficilement créée ? Allait-elle se barrer illico perso et ne plus jamais franchir le pas de cette porte ? Tous les sens de cette phrase défilèrent dans la tête du jeune homme à la vitesse de l'éclair. Il ne savait pas quoi lui répondre, était incapable de se jeter à ses pieds pour la retenir, mais ne voulait pas la perdre. Il la regardait dans les yeux, elle portait toujours son masque. Que voulait-elle dire ? Il lui lança un appel au secours, mais Rose n'oscilla pas, ne bougea pas d'un cil. Alors, il tenta une tentative (ça c'est logique) pathétique et désespérée.

Tu ne finis même pas ton dessert ?

Il affichait une moue toute triste. En plus, il avait gâché le repas de Rose, il était vraiment impardonnable.

Bam, prends ça dans ta gueule ! C'est ce que sous-entendait Rose, avec sa dernière phrase, c'est ce que Lorenzo lisait entre les lignes. Cette affirmation lui fit l'effet d'une claque, un bon coup dans la gueule. Que répondre à ça ? Affirmer le contraire aurait été mélodramatique, mais il ne pouvait pas non plus la laisser entendre raison sur ce point. Lorenzo avait toujours placé l'amitié au premier plan, ses mais comptaient énormément pour lui, il était trop extraverti pour vivre seul et retiré. Alors, qu'on le critique sur ses valeurs, sur sa façon de considérer son amitié, c'était l'un des pires coups que Rose pouvait lui porter.

Ne dis pas ça Rose ...

Réponse ô combien inutile, Lorenzo ne se sentait même pas un peu mieux après l'avoir dite. Il voyait Rose s'envoler, partir loin, et il restait les bras ballants, comme un enfant trop petit pour rattraper le joli ballon qu'il vient de lâcher. Il était impuissant, récoltait les conséquences de ses erreurs. Quand on lâche un ballon, on le regarde s'envoler, on sait qu'on ne pourra jamais plus le rattraper. Lorenzo avait cette même impression, avec Rose : il ne savait pas si un jour il la retrouverait, il l'avait bien trop blessée. Honnêtement, il ne savait pas trop à quoi il s'était attendu. Avait-il vraiment espéré que Rose soit compréhensive et accepte cette révélation ? Il n'osait plus répondre à cette question, témoin de sa naïveté. Ce n'était pas son genre, pourtant. Peut-être était-ce ça, être "niais et amoureux". Il avait voulu que Rose partage son bonheur, mais quel bonheur ! Il se retrouvait sans meilleure amie, sans ... sans Nina aussi. Il ne savait même plus comment la qualifier, de toute façon il l'aurait plus l'occasion de la côtoyer, jamais. A ce moment-là, il regretta amèrement d'avoir accepté la proposition de Tiffany. Comme les choses auraient pu être différentes. Encore une fois, Lorenzo récoltait le fruit de ses mauvaises décisions.

Euh oui, je lui parlerai ...

C'était sa façon à lui de mentir par omission : dire qu'il lui parlerait, sans préciser de quoi. Comme s'il allait lui raconter la vérité. De toute façon, Tiffany n'avait pas besoin de connaître son passé, elle était son futur. Elle et elle seule. Futur dont Rose avait décidé de ne pas faire partie. Il la regarda se lever et se diriger vers la porte. S'il n'avait pas été italien, sûrement aurait-il eu les larmes aux yeux. Mais sa fierté dépassait son émotivité. Pourtant, quand Rose ajouta qu'elle était triste elle aussi, que leur relation se termine ainsi, il fut obligé de fermer les yeux, pour réprimer les larmes qui menaçaient de sortir. C'était donc bel et bien terminé. En plus, elle n'avait même pas apprécié le repas. Afin d'oublier ce déjeuner mélodramatique, il se leva prestement, et débarrassa leurs assiettes, jetant à la poubelle les restes de gâteau, comme Rose avait fait pour les restes de leur amitié.