Relevant la tête légèrement, Anaïs observa le bordel qui l'entourait. Encore une fois, elle avait retourné sa chambre, vidé ses caisses pleines de jouets, étalé ses affaires autour d'elle. Pas dans le but d'embêter le monde, non. Mais elle voulait jouer et elle avait passé une bonne partie de la matinée dans sa chambre, sans embêter qui que ce soit. Mais là, elle en avait marre de jouer alors elle se releva, s'appuyant sur ses petites mains avant de dévaler les escaliers avec une moue amusée. « Mamaaaan, j'ai faim ! » Elle était certaine qu'il était bientôt l'heure de manger mais pourtant, elle ne trouva pas sa mère derrière les fourneaux. Fronçant les sourcils, elle partit en direction du salon dans l'espoir d'y trouver quelqu'un. Personne. De sa petite voix fluette, elle reprit de plus belle « Mamaaaaaaaan » Connaissant la fratrie qu'elle partageait, elle se doutait bien qu'elle allait en énerver au moins une à hurler comme un âne dans les couloirs. Mais c'était bien le dernier de ses soucis. « Dans la salle de bain ma puce ! » Ni une ni deux, la petite brunette remonta les escaliers, fonçant en direction de la salle de bain avant de s'arrêter nette, l'air suspect. « Tu t'en vas ? » Chaussures aux pieds, le manteau sur la poignet de la porte, tout portait à croire que sa mère allait partir d'ici quelques minutes. Mais cette dernière prit le temps de s’agenouiller devant sa dernière fille, de l'embrasser sur le front et de lui avouer « J'ai une urgence au boulot, je reviens ce soir. Tu seras sage, promis ? » Anaïs hocha la tête avant de soupirer, visiblement déçue « Mais t'avais dit on irait au parc.... » Ses petites lèvres pincées de déception, la fillette n'était pas loin de verser sa petite larme. Mais elle savait que sa sortie au parc ne ferait pas le poids face à une urgence. « Vois avec Lou, demande-lui gentiment...» Sourcils froncés, l'air désabusé, Anaïs jaugea sa mère du regard. Caméra cachée ? Le jour où Lou daignerait l'emmener au parc, ce serait pour faire tomber Anaïs du toboggan. Du moins, c'est ainsi que la petite fille voyait l'affaire. Quand soudain, elle comprit. « C'est Lou qui reste avec moi ?! » Super, ça allait être un moment inoubliable...Qu'Anaïs préférerait certainement oublier rapidement. L'embrassant de nouveau, Johan s'éclipsa tout en allant prévenir Lou. Prudente, la petite brunette fila à son tour dans la direction opposée. S'attirer les foudres de Lou, elle le faisait depuis sa naissance, elle savait à quel moment elle devait éviter d'être dans son chemin. Aujourd'hui en était un exemple percutant...

Elle avait été discrète. Du moins, jusqu'ici. Trente minutes plus tôt, sa mère avait claqué la porte. Elle avait très bien entendu Lou protester. Aux yeux d'Anaïs, c'était la seule chose dans laquelle Lou excellait. Gueuler, c'était son truc. Faire du bruit, envoyer tout bouler, personne ne le faisait aussi bien que la jeune femme. Mais là, Anaïs ne donnait pas cher de sa peau. Les mains barbouillées de Nutella, sa brioche écrasée sur la table, elle avait fait un carnage. Elle avait voulu faire comme une grande, elle avait l'habitude de se débrouiller seule. Mais un coup de coude avait fait glissé le pot, le laissant s'éclater sur le carrelage. Pas rassurée à l'idée de demander de l'aide à Lou, elle avait tenté de nettoyer le plus gros, essuyant ses petites mains sur son maillot. Jusqu'à ce qu'elle découvre les pieds de Lou, face à elle. Elle allait se faire tuer à coup de brioche, c'était certain. Mais dans le fond, elle trouvait ça drôle. Lou était obligée de rester avec elle, ça embêtait certainement plus la jeune femme que la petite brunette. Et Anaïs avait toujours su en profiter, et aujourd'hui ne serait certainement pas une exception.

Anaïs avait mordu sa lèvre en voyant Lou arriver. Aussi loin que ses souvenirs remontaient, Lou était toujours la première à la rejeter et à lui faire des coups tordus. Mais Anaïs avait grandi et trouvait terriblement amusant d'énerver Lou. Mais contrairement à sa grande sœur, la fillette préférait jouer ses coups en douce. Chaussures disparues, dessins sur les oreillers, eau salée... La petite brunette avait toujours eu plus d'un tour dans son sac pour pourrir la vie de sa sœur. Elle avait toujours eu une relation conflictuelle avec l'aînée mais Anaïs oscillait. Certains jours, elle était toujours partante pour ennuyer sa sœur, d'autres, elle essayait vainement de s'approcher d'elle. Parce qu'au fond, elle avait toujours souffert de ce rejet dont elle ne comprenait pas l'origine. Alors oui, elle aurait préféré quelqu'un d'autre pour la garder, quelqu'un qui aurait été content de le faire. Et ce n'était visiblement pas le cas de Lou. Lou avait toujours d'autres choses à faire, surtout quand ça concernait la petite dernière.

Affamée, la petite Anaïs avait voulu se débrouiller toute seule. Elle se voyait très mal entrer dans l'antre du monstre pour demander à manger. Alors armée de ses brioches, du chocolat et d'un couteau, elle avait essayé. Jusqu'à tout faire exploser dans un boucan fabuleux. Lou allait passer une après-midi fabuleuse, c'était certain. Très loin de l'après-midi shopping qu'elle avait prévu. Anaïs était au courant, elle adorait écouter aux portes, c'était son truc du moment. Alors elle prenait deux-trois jouets, s'installait dans le couloir en faisant mine de jouer avec puis écoutait aux portes. Et dans un grand esprit de collaboration familiale, elle caftait tout ce qu'elle entendait à qui veut bien l'entendre. Mais là... Elle était toute seule avec Lou. Elle voulait bien lui faire un bisou au nutella mais elle n'était pas certaine que ce soit au goût de sa grande sœur.

« J'avais faim... Et t'as pas voulu m'aider ! » Voilà. Anaïs, l'art de retourner les situations à son avantage. Au delà de son petit visage d'ange, elle manipulait les gens très facilement. Elle savait très bien qu'elle pouvait tout raconter à sa mère ce soir, qu'elle n'hésiterait probablement pas à enjoliver légèrement en sa faveur. Quand sa sœur lui ordonna de tout nettoyer, la fillette releva le regard, étonnée. Ses yeux bleu firent la navette entre le visage désespéré de sa sœur et le carrelage qui faisait la gueule. Elle hésitait, balançant entre ses sentiments. Anaïs avait toujours été comme ça, naviguant entre divers sentiments qu'elle ne savait pas choisir. Pour finir, elle hocha la tête vaguement. Nettoyer. Elle en était bien incapable, elle avait éclaté le pot en verre et le chocolat semblait être partout. Mais déjà vexée d'avoir tout casser, elle ne se sentait pas de taille à affronter Lou. Elle se contenta donc de lui lancer un regard à moitié perdu et noir quand sa sœur lui demanda si elle avait voulu mettre le pot sur sa tête. « T'es nulle d'toute façon... » avait-elle marmonné en direction de sa grande sœur. Parce que pour une grande sœur, Lou était loin de ressembler à un modèle pour Anaïs. Observant le sol, elle se résigna presque à nettoyer. Elle avait prévu de jeter du sopalin sur le sol et de frotter avec ses pieds... Heureusement pour le carrelage, Lou changea d'avis et la traîna jusqu'à la salle de bain. « J'sais l'faire toute seuuuule ! » Elle détestait qu'on la prenne pour un bébé, encore plus quand ça venait de Lou. Entrant dans la salle de bain, la petite brunette avait tenté de refermer la porte contre Lou pour la laisser dehors, en vain, la jeune fille avait prévu le coup. S'installant devant le lavabo, les mains couvertes de chocolat, elle fila un coup de coude dans le ventre de sa sœur, mauvaise. « Arrêteeee ! T'es trop débile ! » C'était parti tout seul mais Lou l'avait cherché. La petite brunette n'était pas du genre à déballer des gros mots, même si elle en connaissait un rayon avec ses copines d'école. Mais elle n'aimait pas le regard de ses parents quand elle en laissait échapper un.

Passant ses mains sous l'eau, elle frotta longuement jusqu'à nettoyer totalement ses petites mains. Le lavabo n'était pas aussi propre que ses mains mais elle s'en fichait bien quand elle remarqua quelque chose le long de son pouce. Du sang. Immédiatement et sans prévenir, elle se mit à pleurer à chaudes larmes. Elle détestait le sang, elle n'avait pas vraiment mal à son pouce mais forcément, après l'avoir vu, elle trouvait la douleur atroce. « Louuuuuu... » Le visage encore barbouillé de nutella et de larmes, elle se tourna vers sa grande sœur avec la terrible envie d'être réconfortée. Tendant son pouce à peine coupé, probablement par un bout de verre, la fillette attendait que sa sœur réagisse.

Demander de l'aide à quelqu'un, Anaïs avait horreur de ça. Et elle avait toujours été comme ça. La petite brunette adorait essayer par elle-même, elle n'aimait pas dépendre de quelqu'un. Pour autant, le coup du Nutella, elle ne l'avait pas vu venir. Et elle aurait largement préféré passer son temps à embêter Lou plutôt qu'à nettoyer sa connerie. Le pire dans tout ça étant que la petite Anaïs n'hésiterai pas à réessayer quand elle en aurait l'occasion. Les gamins, c'est désespérant.

Lou... Ou l'art de rabaisser Anaïs à la première occasion. Et autant dire que la benjamine détestait ça. Elle ne s'était jamais sentie acceptée par Lou et Mike. Sa relation avec Mike était pourtant différente de celle qu'elle essayait d'avoir avec Lou. Sans cesse, la petite brunette tentait de percer ce mur dressé entre les deux filles. Parce que Lou était sa seule sœur et qu'au fond, elle était aussi un modèle pour Anaïs. Il suffisait de voir la tête de la petite quand Lou était d'accord avec elle ou quand elles partageaient un moment ensemble sans que ça finisse mal. Mais tout de suite, une seule chose préoccupait Anaïs, son pouce. A peine s'il saignait, elle avait tout de même bien vu la petite coupure. Chochotte. Elle pleurait pour un rien du haut de ses quelques années de vie, la moindre contrariété lui faisait monter les larmes aux yeux. Et elle l'avait très rapidement compris. Pleurer sur commande, elle savait le faire mieux que personne pour que ça tourne à son avantage. Pourtant, là, elle pleurait vraiment et Lou l'avait très bien remarqué. La petite renifla légèrement quand sa sœur lui fit remarquer qu'elle était à peine coupée. Elle s'en fichait bien, elle voulait juste que ça disparaisse de sa vue. « Mais j'ai maaal... » Son pouce toujours en l'air, elle frotta ses yeux avec son autre main tout en observant Lou du coin de l’œil. Bisou magique... Elle acquiesça légèrement, ça marchait toujours avec elle puisqu'elle hurlait à la mort alors qu'elle n'avait pas mal. Un petit sourire se dessina sur les lèvres de la petite Anaïs alors que sa sœur lui fit le fameux bisou magique. Trop occupée à regarder son pansement, elle ne pensa plus réellement à sa quasi-coupure. Jusqu'à ce qu'elle relève sa tête vers sa sœur, perplexe. « Pourquoi... ? J'suis pas belle sinon ? » Désespérante. Elle prenait toujours tout au pied de la lettre. On pouvait lui faire croire n'importe quoi, elle ne cherchait pas à réfuter. Tournant son pouce, elle l'observa avec un petit sourire en coin. Finalement, l'après-midi allait peut-être bien se dérouler... Jusqu'à ce qu'Anaïs dépasse le seuil de Lou. Le moment où elle irait trop loin, demanderait quelque chose en trop. C'était souvent comme ça, ça ne durait jamais longtemps. Dans un élan de sympathie, la petite Anaïs frotta les quelques traces de Nutella dans le lavabo et rinça ses petits doigts, faisant bien attention de ne pas remettre son pansement dans l'eau. « Tadaaam ! »

Au bout de quelques minutes, après avoir troqué son maillot au nutella par un propre, les deux filles étaient retournées dans la cuisine. « Moi j'nettoie pas, j'sais pas faire. » Ca l'arrangeait bien. D'ordinaire, elle était toujours la première à essayer de nouvelles choses mais nettoyer, ça lui plaisait qu'à moitié. Heureusement pour Lou, Anaïs avait eu plus de Nutella sur elle que sur le sol. Le pot n'avait pas trop explosé, au grand bonheur de la petite brunette qui pensait qu'on pourrait encore manger dedans... Mais elle était prête à aider Lou, un peu. Parce qu'elle n'avait pas envie de passer une heure à nettoyer, elle préférait se dépêcher pour trouver autre chose à faire avec Lou. Au fond, elle se demandait si Lou préférait nettoyer en paix ou passer du temps avec Anaïs. Mais pour l'instant, elle ne semblait pas vraiment énervée. Pas encore. « Après... on fait quoi hein ? » Parce que la petite brunette n'avait pas envie de retourner jouer sagement dans sa chambre mais elle savait très bien que si elle imposait une idée à Lou, elle allait se faire envoyer bouler. Tout en subtilité.