En cette journée de fin d’été, Katya n’avait pas réellement prévu grand-chose. Elle s’était levée très tôt comme chaque matin, c’était l’une de ses marques de fabrique : elle n’était pas une dormeuse et ne l’avait jamais été. Pour elle, c’était une perte de temps. Chaque soir c’était le même rituel, elle se couchait à minuit et se réveillait à huit heures. Comme chaque matin, après s’être préparée, douchée et avoir englouti son petit-déjeuner, elle allait promener son chien Harrison. C’était la partie de la journée qu’elle préférait, excepté lorsqu’elle devait ramasser ses crottes. Profiter du petit vent frais matinal, du silence dans les rues, et du beau soleil qui pointait son nez ! A cette heure-ci, elle croisait rarement des jeunes de son âge, mais il n’était pas rare qu’elle fasse la rencontre des femmes au foyer qui arrosaient leur plante ou des pères de famille qui réparaient leur voiture. Elle leur disait bonjour avec son éternel grand sourire, mais on lui répondait d’un ton maussade qui vexait toujours la pauvre petite blonde… Les Fitzgerald n’étaient pas aimés dans le quartier, c’était un fait. Les adultes se montraient froids et distants avec eux, tout comme les fils à papa qui étaient trop fiers de prouver qu’eux aussi pouvaient s’avérer méchants en les repoussant. Dans ce genre de moment, Kat se sentait comme un chien bâtard parmi une meute de chiens de races. Comme si elle n’était pas assez chic ou assez bien éduquée pour ce quartier, et pourtant, elle avait toujours eu l’impression d’être comme eux elle, avec peut-être moins de moyens, mais bon on ne pouvait pas tout avoir ! Dans le fond, Kat ne s’était jamais réellement sentie à sa place dans son ancienne ville, Chicago, mais ici, elle avait cru trouver sa vraie maison, mais malheureusement, maintenant c’était le contraire, ses nouveaux voisins ne la considéraient pas à sa place. Mais franchement, c’était quoi le pire entre se sentir mal chez-soi en étant aimé ou se sentir bien mais se faire rejeter ? Elle préférait sérieusement le deuxième cas, au moins, elle avait le sourire même si elle ne le donnait pas toujours aux autres !

Arpentant Magnolia avec cette idée en tête, la petite blonde ne s’était même pas aperçue qu’elle était allée bien plus loin que prévu. En général elle allait au bout de la rue jusqu’à la dernière maison pour finalement faire demi-tour, mais là, elle était carrément allée bien plus loin. Alors elle se dit qu’elle allait continuer son chemin jusqu’au centre-ville. Ce n’était pas non plus la porte d’à côté, du moins, en voiture ça prenait quelques minutes mais à pied, elle allait sûrement mettre du temps avant d’arriver à destination, surtout à cette allure avec son chien qui n’avait apparemment pas envie de se fouler non plus.

Quelques temps et kilomètres plus tard, la voilà enfin arrivée en compagnie de son fidèle Harrison. Elle regarda sa bestiole se demandant bien ce qu’elle pourrait faire maintenant. C’est là que son regard fut attiré par le grand bâtiment devant elle, l’hôtel de Madison Avenue. Elle ressentit comme un frisson, mais attirée par l’endroit, elle décida d’y aller. Elle n’avait pas envie de prendre de chambre ni rien, mais il devait bien il y avoir un restaurant. C’était un endroit plutôt chic, Kat n’avait pas l’habitude de voir des hôtels aussi chics en fait, et si ça avait été le cas, ça lui aurait évité beaucoup de choses dans la vie. Elle ne savait même pas si son chien était autorisé ici, mais comme la fille de la réception n’avait rien dit, elle fit comme si de rien et se dirigea vers le restaurant. Un homme se dirigeait justement dans la salle du resto, il semblait être un employé…

« Hé M’sieur ! »

L’interpella Kat, tout en se dirigeant vers lui. C’est lorsqu’elle fut proche de lui qu’elle le reconnu, il habitait le quartier avec sa petite femme, ils formaient un couple adorable d’ailleurs ! Alors, sans vraiment réfléchir, elle reprit :

« Ah mais vous habitez près de chez moi ! Je trouve que votre femme et vous, vous êtes trop mignons d’ailleurs. Enfin bref, vous allez bien ? »

Kat, un peu trop amicale ? Absolument, mais elle ne s’en cachait pas. Elle aimait être sympa et spontanée avec les gens, même quand elle ne les connaissait pas. Dans le fond, ce n’était pas vraiment bizarre, au contraire, c’était normal mais rare était les gens de son avis. A croire que la bonne humeur n’était plus appréciée de nos jours !

Emportée par un élan, Katya avait marché jusqu’à l’hôtel de Magnolia et se retrouvait maintenant à l’intérieur en compagnie d’Harrison. Elle ne savait pas trop ce qu’elle faisait en vérité, mais il lui était soudainement venu à l’idée d’aller se rendre au restaurant de l’hôtel pour y prendre son déjeuner. Il était encore tôt, midi n’avait même pas pointé le bout de son nez… Mais Kat était un estomac sur patte qui pourrait manger à toute heure de la journée ! Elle faisait de la cuisine l’une de ses plus grandes passions, et pourtant était aussi légère qu’une plume. Lorsqu’elle traversa le hall de l’hôtel en direction de la salle du resto, elle accosta l’un des employés. Ce n’est qu’après qu’elle se rendit compte qu’il était l’un de ses voisins, et qu’elle oublia ce qu’elle comptait au début lui demander pour lui dire combien elle le trouvait adorable avec sa petite femme. L’homme restait assez distant, il travaillait en même temps, elle le comprenait. Se montrer agréable tout en imposant une distance de sécurité avec le client, c’était ce qu’il y avait de plus difficile dans ce genre de métier ! Il venait de lui demander le plus poliment du monde si elle avait besoin de quelque chose. A vrai dire, Kat resta d’abord silencieuse face à cette question… Elle était venue ici sur un coup de tête et n’avait pas du tout songé à ce qu’elle voulait réellement y faire ! Lançant finalement un sourire à l’employé, elle répondit enfin :

« Eh bien, en réalité je pensais peut-être déjeuner au restaurant de l’hôtel… Vous avez un plat du jour, quelque chose comme ça ? »

Autant se renseigner, Katya ne savait pas du tout ce que proposait le menu de l’hôtel et se demandait d’ailleurs si ça n’était pas au-dessus de ses moyens. Sûrement en fait, Austin, le fils du gérant de l’hôtel, était son colocataire en semaine et d’après ce qu’elle connaissait de lui, sa famille avait l’air assez aisé… C’était un gamin pourri gâté. Kat aurait étonné d’apprendre que l’hôtel avait un petit budget en ce qui concernait leur chambre ou leur restaurant !
Elle avait posé sa dernière question en reprenant sa marche vers la salle à manger de l’hôtel, Harrison la suivant toujours. La petite blonde avait complètement oublié son existante, et se demanda soudainement si elle avait bien le droit de l’emmener par ici… L’employé n’avait pas eu l’air d’être gêné par sa présence.

« Harrison à le droit de venir aussi ? Je croyais pourtant que la plupart des hôtels chicos comme celui-ci n’acceptait pas la présence des toutous… Vous me direz, ce serait perdre de la clientèle, en général les bonnes femmes pleins aux as aiment bien avoir trente milles chihuahua ou ce genre d’espèce de chien-rats. »

Son débit de paroles allait bien vite, c’était à se demander combien de temps l’employé allait mettre avant de la remballer. Mais Kat ne se doutait pas un instant qu’elle pouvait être lourde ! Elle était de bonne humeur, et lorsqu’elle avait la patate, elle se transformait toujours en véritable moulin à parole sur pattes. Au moins, ça lui donnait un côté sympathique, non ?