"Ginnyyyy..."
"..."
"... Ginny!"
"..."
"GINERVAA!"

Sursaut de la principale intéressée. Elle qui était tranquillement en train d'écouter de la musique, écouteurs aux oreilles, venait de recevoir un oreiller sur la tête. La rouquine s'assied et entreprit de retourner l'oreiller à son destinataire lorsqu'elle cessa net son geste. Elle ne pouvait pas lancer un oreiller à sa mère. Surtout avec cet air aussi frustré. Ginny enleva ses écouteurs.

"Quoi?"
"Va faire les courses, je t'ai fait une liste."
"Mais Lucy..."
"Elle est malade. Remplace-la pour la journée."

Ginerva soupira bruyamment. Ça y est, ses projets du jour venaient de tomber à l'eau - elle n'en avait pas, mais le fait de ne rien faire était mieux que ça. Pour ne pas empirer l'air bête de sa mère, Ginny s'habilla rapidement, prit la liste et fila au Super Market. La liste semblait longue, mais si elle se dépêchait les tâches de Lucy seraient terminées avant la fin de la soirée, ce qui lui permettrait de prendre un bon bain chaud. Avec des bulles, tiens. Et un bon café. Cette pensée calma la rouquine qui en perdit sa liste. Merde! Elle venait à peine d'entrer avec son panier dans le coin des légumes et les gaffes commençaient à s'accumuler. Elle se pencha pour ramasser la précieuse feuille de papier lorsqu'une voix nasillarde aussi énervante que terrifiante se fit entendre dans son dos.

Non. Ginerva prit sa liste, se leva brusquement et se retourna. Non non non. La vision d'horreur qui se dressait devant elle était pire que le visage frustré de sa mère. Plus jeune et plus maquillé certes, mais qui puait de méchanceté. Mya Cleavers. La garce du quartier.

"Je te retourne le compliment."

Ginerva était une personne gentille, souriante, respectueuse, attachante. Sauf avec Mya Cleavers. Elle regarda son ennemie de haut en bas, l'air dédaigneux.

"Et je te rendrais un grand service, comme ça tu jetterais tes vêtements de pute et on arrêterait de te prendre pour une prostituée. Ou pas." Ginny regarda Mya dans les yeux. "Comme ta robe blanche, tu sais celle qu'on voyait tes seins à travers? Depuis notre dernière rencontre, tu ne l'a plus porté..."

Intérieurement, Ginerva rageait. Pourquoi, mais pourquoi avait-il fallu qu'elle croise cette... chose sur son chemin? Elle ne méritait pas son bain chaud? Et son café? C'était peut-être pour qu'en revenant chez elle, la rouquine ait encore plus besoin de se calmer et surtout de se laver. Elle se doutait très bien que le café de la dernière fois avait frustré la garce et que sa vengeance sera terrible. C'était presque effrayant, si Ginny était du genre à avoir peur des putes. Et puisque ce n'était pas le cas, elle se ferait un plaisir de lui rendre la pareille. Lorsque Mya évoqua la fin de leur bagarre au café, la rouquine émit un petit rire.

"Dans mes souvenirs, tu ne semblais pas en meilleur état que moi. À ton âge, tu devrais arrêter de te bagarrer autant, ça abîme la peau et te donne des rides."

Mya était tellement vantarde que tout le quartier savait qu'elle était mannequin. Et il était de notoriété publique qu'une mannequin prenait sa retraite tôt. Cleavers devait être près de cet âge. Et puis c'était tant mieux qu'elle prenne sa retraite, des rides entre ses sourcils commençaient à apparaître malgré la tonne de maquillage qu'elle se mettait dans le visage. Pathétique. En même temps, cette fille est tellement frustrée que ça n'étonnait pas Ginny que ce soit à cet endroit que les rides apparaissent en premier.

"N'empêche que j'aime mieux avoir l'air d'une poubelle qu'avoir un caractère aussi merdeux que le tien."

Ginny dévisagea la garce en face d'elle. Le simple fait de respirer le même air que Mya l'énervait. La rouquine avait besoin d'air, et vite. Elle fit demi-tour avec son panier et tourna le dos à l'aînée des Cleavers - évidemment, elle ne se dirigeait pas là où Mya pointait.

"Sur ce, j'ai des choses plus importantes à faire que t'adresser la parole. Adieu."

Elle entama donc sa marche vers le premier item indiqué sur sa liste. Du fromage. Il lui semblait avoir vu le fromage quelque part... ah, oui. À côté de la garce. La rouquine soupira et se retourna: elle était encore là, à côté des fromages. Hé merde. C'était quoi, le second sur la liste alors?

Mya Cleavers n’aimait pas les taches de rousseurs de Ginny. Ce n’était pas étonnant : la rouquine était prête à parier que Mya n’aimait pas ça seulement parce que Ginny en avait. Même chose pour ses vêtements. Ils n’étaient pas si moches, mais Mya considérait qu’ils étaient hideux parce que c’était Ginerva qui les avait sur le dos, et non une de ses amies – elle pourrait faire le test un jour, prêter un de ses chandails à Annie McCormick, une bonne amie du mannequin. Et puis Ginny avait une peau parfaite : elle n’avait jamais mis de fond de teint de sa vie, alors niveau peau la rouquine n’avait rien à se reprocher.

« Pourtant, ce n’est pas moi qui cache mon visage avec une tonne de maquillage tous les jours! »

Imaginer Mya Cleavers sans maquillage la faisait frissonner. Pour se mettre autant de maquillage, elle devait cacher un visage de démon, obligé. Et dire qu’Andrew Davies craignait que ce soit Ginny la démone, il s’était trompé de cible! Si elle faisait en sorte de teindre Mya en rousse, Andrew risquerait de voir son vrai visage et de vouloir la brûler sur un bûcher. Excellente idée, tiens. On verra plus tard pour la réalisation de ce projet, pour l’instant la démone ne s’était pas étonnée qu’on lui dise qu’elle avait un sale caractère – au moins elle le savait. Ginny en avait assez de son visage hautain et dégoûté. Elle s’était donc éloignée de la future scène de crime – parce que c’était exactement ce qui les attendait si elles étaient restées ensemble trop longtemps – et s’était attardée au second article de sa liste – parce qu’aller chercher le fromage était suicidaire. Appuyée contre son carrosse, Ginerva se remémorait l’endroit où était situé la section boulangerie lorsqu’elle sentit un choc sur son dos et un liquide froid s’étaler et couler sur elle.

Si elles en étaient restées là, chacune ignorant l’autre durant leur commission, ça aurait été très bien. On aurait pu dire que l’histoire s’était terminée en mauvais termes, mais sans effusion de sang comme la dernière fois. Mais non. Il fallait que Mya en rajoute. Il fallait qu’elle fasse du drama. Comme d’habitude. Cette fille n’avait décidément aucune classe. Imaginant sans difficulté ce que cette garce venait de lui lancer dans le dos, Ginerva poussa un cri – c’était froid et ça entrait dans son chandail, quand même – et se tourna rapidement vers la fautive.

« On te reconnaît bien là, Mya! Tu attaques les gens de dos, tu n’oses pas les affronter de face comme je le fais, tu attends leur moment de faiblesse. Vipère! »

La rouquine tenta d’essuyer son doc avec sa main, mais sans succès. Elle avait terriblement envie d’enlever son chandail pour ne plus avoir cette crasse sur le dos, mais ça équivalait à s’humilier devant cette conne, et ça il en était hors de question. Instinctivement, Ginny prit la première chose qui était sur le présentoir à ses côtés – du steak haché -, l’ouvrit, prit une partie de la viande pour en faire une boulette et la lança au visage de la garce.

« Tu voulais la guerre, alors la voilà! »

Ginerva lui lança une seconde boulette. La guerre venait officiellement de commencer.

La crème que Ginerva venait de recevoir dans le dos venait d'officialiser une guerre. On était plus au stade des méchancetés verbales, maintenant les deux jeunes femmes en étaient venues aux mains. À distance, certes, mais l'attaque était devenue physique. Ginny s'était violemment retournée vers Mya en lui balançant des méchancetés et en essayant d'enlever cette fichue crème de son dos. À la réponse de la garce, Ginny haussa les sourcils. Chandail moche, vraiment? La rouquine ne trouvait pas. En même temps, elles n'avaient pas le même goût vestimentaire et c'était évident: la rouquine ne porterait jamais une robe digne d'une prostituée pour aller chercher un café ou faire les courses. Ginny s'habillait décontracté, mais c'était à croire que Mya n'était décontractée que nue, avec ses vêtements qui semblait aussi serrés qu'incorfortables.

"Je peux te remercier en gâchant tes vêtements aussi, si tu savais à quel point ça me ferait plaisir!"

Et puis Bam! Steak haché dans les cheveux. Bam! Steak haché sur les vêtements. Rira bien qui rira le dernier, n'est-ce pas Mya Cleavers? Cette dernière la traita de salope et lui lança de la crème dans les cheveux - savait-elle à quel point c'était difficile à enlever après!? salope - puis, une fois à court de munitions, lui lança des oeufs. Un des premiers oeufs termina sa trajectoire également sur ses cheveux - à croire que le roux attirait la nourriture - et la rouquine cria lorsqu'elle le reçut. Un oeuf qui éclate sur la tête, ce n'est pas amusant. Mais lancé à vive allure, ça faisait mal. Il était donc temps de contre-attaquer. Rapidement, Ginny regarda dans les environs, cherchant quel type de nourriture lancer à cette folle furieuse. Les viandes étaient toujours disponibles - les côtelettes de porc lui faisaient d'ailleurs de l'oeil pour qu'elle les utilise -, mais un produit l'attira particulièrement, même s'il était plus loin. Ginerva ne put résister aux côtelettes de porc et en lança sur cette garce - en prenant soin de viser le visage, cette guerre doit bien laisser des marques - tout en évitant les oeufs et en atteignant le produit idéal. La farine. Avec la viande que Mya venait de recevoir, la farine allait coller et elle allait avoir bien du plaisir à l'enlever. Sauf qu'avant d'atteindre la fameuse farine, un des oeufs de cette garce passa près du visage de Ginny. Elle réussit de justesse à l'éviter, mais l'oeuf continua sa trajectoire et atteignit le corps d'une vieille dame qui les regardait, indignée. Cet oeuf n'allait certainement pas améliorer la vision qu'elle avait des jeunes femmes d'aujourd'hui qui n'avaient aucun respect pour la bouffe! N'écoutant que son coeur - parce que Ginny avait un coeur, elle -, la rouquine s'élança vers cette pauvre vieille dame.

"Oh! Madame, je suis désolée, vous allez bien? Vous allez vous en sortir?"

Et alors que la rouquine aidait la vieille dame à reprendre ses esprits après ce coup, elle ne fit plus du tout attention à ce que Mya faisait derrière elle - en même temps, Ginny était une novice question guerre, elle devait bien apprendre de ses erreurs.

Se diriger vers la farine n'était finalement pas une bonne idée: Mya, dont les lancers laissaient à désirer, avait atteint une tierce personne. Cet évènement avait en quelque sorte mis fin à leur guerre, ce qui avait rendu le déplacement de Ginny vers la farine complètement inutile. En même temps, ce petit jeu entre les deux jeunes femmes était assez inutile en soi. Si ce n'était de sa rencontre avec Cleavers, Ginny serait déjà chez elle à faire autre chose de sa vie. Ça serait d'ailleurs une libération que Mya disparaisse du quartier. De la ville, tiens. Et puis de la Terre, pourquoi pas? Avec les nombreux concerts de Satine à travers le monde, les risques que Ginny croise Cleavers quelque part sur la planète était un peu trop grand à son goût. Et parlant de la principale intéressée - qui malheureusement n'avait pas pris la première fusée en direction de la Lune -, Mya poussa légèrement la rouquine pour s'occuper de la vieille dame. Ginerva en resta un moment bouche bée. Non, impossible. Cette garce qui semblait prendre soin de quelqu'un? Improbable. Elle jouait la fille sympathique, c'était évident. Et la vieille dame qui souriait tout bonnement à cette démone en regardant Ginny avec des couteaux dans les yeux! Comme si c'était elle qui avait lancé les oeufs, c'était n'importe quoi, cette dame était idiote et aveugle, voilà.

"Quoi!?"

Trop tard, Mya lui avait déjà tourné le dos et se dirigeait vers les toilettes en compagnie de la vieille femme. Ginerva la suivit aussitôt; ça n'allait certainement pas se terminer ainsi! La rouquine se trouvait juste derrière la brune, prête à la retourner pour lui asséner ses quatre vérités. Mais un léger problème l'empêcha de le faire: la sécurité. Merde merde merde. Fidèle à son habitude, Mya blâma Ginny qui roula des yeux, excédée par son comportement.

"Évidemment, je me lance de la bouffe et tu n'es que la cible de ma maladresse! Si tu n'avais pas commencé à-"

La rouquine fut interrompue par un des gardiens qui somma les deux femmes de payer pour leurs dégâts. Hé merde. Comme si elle avait les moyens de rembourser tout ça! Ses parents oui, mais elle n'avait pas leur carte de crédit en poche - en même temps, elle ne l'avait jamais eu en sa possession. Ginny lança un regard noir à sa rivale en réponse au regard de cette dernière et réfléchit un peu. Deux solutions s'offraient à elle: être honnête et rembourser la moitié du dégât ou faire comme toute Cleavers qui se respecte et fuir. Car c'était exactement ce à quoi Ginerva s'attendait de la brune à ses côtés. Et elle n'était pas comme ça. Mais en même temps, la rouquine n'avait pas les moyens de payer tout ça.
Alors elle opta pour la seconde option.
Ginny tourna les talons et courut aussi rapidement qu'elle put en direction de la sortie, contournant les paniers et les clients du supermarché. Un commis tenta de la bloquer, mais un rapide coup de coude désarçonna l'adolescent boutonneux qui la laissa passer. Elle finit par atteindre les portes de sortie et courut encore un peu avant de se cacher dans la première ruelle qu'elle croisait. Wainwright profita de sa cachette temporaire pour tenter d'enlever le mélange de crème et d'oeufs de ses cheveux. Ça avait collé à sa chevelure, c'était atroce. Mais ça avait eu comme avantage de cacher un peu sa couleur naturelle; les gardes auront de la difficulté à la reconnaître lors de sa prochaine visite au supermarché. Ou pas.