Il y a des jours comme ça. On ne sait jamais quand ça tombe. On ne sait jamais trop pourquoi, comment, ni d’où ça vient. Besoin de calme, de silence, de tranquillité. Et quoi de mieux que la bibliothèque pour ça ? Depuis qu’il était petit, Carl aimait les livres. C’était quelque chose qu’il ne montrait pas beaucoup, et dont il ne parlait pas, mais lire le calmait. Venir dans une bibliothèque, se promener dans les allées, caresser les livres du bout des doigts, choisir un livre, et se poser à une table, c’était quelque chose qui avait le don de le reposer.
Et aujourd’hui, c’était l'un de ces jours où Carl avait besoin de son moment à part, seul avec un bouquin. C’est pourquoi après déjeuner, vers 14h, il partit à la bibliothèque. Sa sœur Elisabeth avait bien essayé de l’embêter un peu pendant le repas de midi à la maison, mais il n’avait pas vraiment répondus. Elle avait compris qu’il était dans un jour off, et après avoir râlé un peu, elle l’avait laissé seul.
Une fois à la bibliothèque, Carl entra et monta directement au deuxième étage. L’étage réservé aux romans, et surtout aux romans classiques et connus à travers le monde, les romans des grands auteurs. Son étage préféré. Il y venait plus ou moins régulièrement. Même si depuis son entrée à l’université, il n’avait plus trop l’occasion de venir ici, allant directement à la bibliothèque de Philadelphie, qui était encore plus grande.
Il se promena dans les allées, effleura du bout des doigts plusieurs livres, et en choisit un, plus ou moins au hasard. Il aimait bien ça. Prendre un livre par hasard, ouvrir une page, et lire les premiers mots sur lesquels ses yeux se posaient. On ne sait jamais sur quoi on va tomber. Mais parfois, la phrase correspondait. Correspondait à quoi, me demanderez vous. A tout. A son humeur du moment. A un moment passé, présent ou futur. A une discussion qu’il avait eu. A un sentiment. A rien.
Il lut la phrase. « Et tu étais là, face à moi, à me regarder, après toutes ces années. » Il ne comprit pas trop sur le moment, il haussa les épaules, puis reposa le livre. D’habitude cela correspondait vraiment, mais apparemment, cela ne fonctionnait pas à tout les coups. Tant pis. Il continua sa promenade et alla se chercher un roman dans lequel se plonger. Il hésita un moment entre 1984 de Georges Orwell et Les Hauts de Hurle-Vent d’Emily Brontë. Il choisit finalement le deuxième, beaucoup plus doux à lire à son goût. Il s’installa sur un fauteuil, assez loin des quelques autres personnes présentes dans la salle, histoire d’être tranquille, puis il se plongea dans sa lecture, dévorant le livre en quelques heures. Il le connaissait déjà, pour l’avoir lus au moins deux fois. Mais comme tout bon livre bien écrit, il pourrait le relire et le relire encore sans s’en lasser. Une fois le livre finis, il se releva et alla le ranger soigneusement à sa place. Ceci fait, il regarda l’heure. Il était presque 18h. La bibliothèque fermait dans une heure. Il hésita, puis il se décida à rentrer. Carl n’était toujours pas d’humeur à faire la fête, mais les quelques heures passées ici à lire l’avait beaucoup reposé, et il se sentait maintenant un peu plus d’aplomb. Il passerait peut-être la soirée avec sa sœur Eli’, histoire de se rattraper. Il pourrait demander à Scarlett aussi, pour voir s’ils pouvaient se faire une soirée entre frère et sœurs. Sans attendre il attrapa son iPhone pour envoyer un sms à ses sœurs, mais il se résigna bien vite en voyant qu’il n’y avait pas de réseau. C’est vrai, il oubliait à chaque fois, il n’y avait jamais de réseau dans cette bibliothèque, à moins de se mettre au bord des fenêtres.. Bon, tant pis, il attendrait d’être dehors.

"n°8 : On dit que Jack a voulu revivre Noël 2011"

Carl arriva devant l’ascenseur. Il attendit un peu, puis l’ascenseur arriva, il entra, ne faisant pas attention à la personne qui était déjà là, puis il appuya sur le bouton du rez-de-chaussée. Les portes se fermèrent, l’ascenseur descendit, mais très vite, il s’arrêta brusquement. Le jeune brun sortit de ses pensées et leva les yeux vers les portes de l’ascenseur. Qu’est-ce qu’il se passait ? Il appuya de nouveau sur le bouton, mais rien ne se produisit. L’ascenseur était bloqué. Et merde. Soupirant, Carl sortit son iPhone avant de se rappeler qu’il n’y avait toujours pas de réseau, il grommela, le rangea, puis soupira une nouvelle fois. C’est alors qu’il passait la main dans ses cheveux qu’il remarqua enfin la présence de quelqu’un d’autre. Il se tourna vers cette personne, et resta les yeux fixés sur elle l’espace de quelques secondes. Dans sa tête résonnait la phrase qu’il avait lu quelques heures plus tôt.
Et tu étais là, face à moi, à me regarder, après toutes ces années.
Finalement, le livre ne s’était pas trompé, cela correspondait bien. Il eut un petit sourire amusé en repensant à la phrase, puis il haussa les épaules. Il aurait pus tomber sur une jolie fille, même sur une amie, mais non. Le destin l’avait bloqué dans un ascenseur avec Lou Huntington. Soit celle à laquelle il n’avait pas adressé un mot depuis l’époque du collège.
Gé-nial.

Si Lou se trouvait à la bibliothèque c’était pour une simple et bonne raison : elle devait bosser. En aucun cas, elle ne serait venue ici pour flâner au milieu de ces livres poussiéreux. Elle avait en effet du mal à se concentrer chez elle. Sa mère venait tout le temps l’interrompre, sa petite sœur faisait exprès de lui casser les pieds, Jérémy mettait sa musique trop forte. Seul Mike ne l’embêtait pas, et encore c’était parce que le jeune homme n’était pas présent. Si tel avait été le cas, Lou aurait eu l’envie d’aller papoter avec lui. Par nécessiter, elle avait migré à la bibliothèque ayant pour seule compagnie une bouteille de coca light et quelques bonbons. Elle devait bosser un devoir en droit constitutionnel. Elle avait repris les cours depuis quelques jours seulement, et pourtant elle avait déjà une tonne de devoir à rendre. Bien contente d’avoir passé tout son été à ne rien faire, elle devait maintenant se reconcentrer sur l’essentiel ; c’est-à-dire les cours. Non, Lou n’avait rien d’un rat de bibliothèque, mais elle prenait ses études très au sérieux. Depuis toujours elle se faisait un point d’honneur à avoir de bonnes notes. La seule année qui avait pêché c’était l’année ou son père était décédé. Elle avait tellement été secouée qu’elle avait dû recommencer son année scolaire et ainsi se retrouver dans la même classe que son frère cadet. Autant dire que cette expérience l’avait refroidie et l’avait poussée à devenir une bonne élève. Elle avait maintenant qu’un seul objectif en tête, devenir juge.

Elle avait passé toute la journée la tête dans ses bouquins, elle avait même éteint son téléphone pour éviter toute distraction. Elle avait tellement bien avancé, qu’elle n’avait même pas vu que l’horaire de fermeture approchait à grands pas. Vite, elle ramassa ses affaires n’en pouvant plus d’avoir été enfermée ici toute la journée. Elle se dirigea vers les ascenseurs, trop flemmarde pour prendre les escaliers. Après quelques secondes d’attente, il arriva. Il s’arrêta à l’étage d’en dessous et un garçon entra. Lou le reconnut immédiatement. Il s’agissait de Carl Spencer. A chaque fois qu’elle le voyait, Lou ne pouvait s’empêcher d’avoir un léger pincement au cœur. Un sentiment étrange ; entre nostalgie et agacement. Même s’ils ne se calculaient plus depuis des lustres, Lou n’avait jamais oublié qu’ils avaient été proches un jour. Et maintenant c’était avec Scarlett qu’elle s’entendait le mieux. La vie était quand même bizarre parfois. Le jeune homme ne l’avait même pas regardée, et Lou se demandait même s’il l’avait vue. Elle n’allait pas le saluer, ils faisaient comme s’ils ne se connaissaient plus depuis des années maintenant. Elle alluma son téléphone portable histoire de s’occuper en attendant que l’ascenseur entame sa descente. Un bruit bizarre puis l’arrêt de la machine indiquèrent à Lou l’impression qu’il y avait un problème. Elle voyait que Carl s’acharnait sur les boutons et qu’il n’y avait rien à faire, la satané machine ne voulait pas repartir. Lou soupira, et enfin Carl daigna se retourner pour la jauger. Typique ! C’était tellement digne de lui, et de son meilleur ami de se sentir supérieur que Lou sentit monter en elle une bouffée d’agacement. Et l’ascenseur qui ne voulait toujours pas repartir… Lou décida qu’elle ne pouvait pas rester les bras croisés. Elle allait faire comme si elle était toute seule étant donné que Carl se pensait trop bien pour lui adresser la parole. Elle s’approcha des boutons, et appuya sur tout et n’importe quoi. Ce genre d’appareils n’étaient pas censés avoir un système d’urgence ou autre ? Elle commençait à sérieusement perdre patiente. « Putain. » fit-elle vraiment agacée. Ça ne changeait rien, cet ascenseur ne voulait pas fonctionner. Lou fut subitement paniquée. Combien de temps ils allaient rester comme ça ? Le silence devenait pesant. Lou avait ce besoin de parler, de s’exprimer, mais elle savait que Carl n’était sans doute pas le meilleur interlocuteur qui soit. Attrapant son téléphone, elle vérifiait si par miracle elle n’avait pas une barre de réseau qui aurait pu les sauver. Malheureusement ce n’était pas si simple. Et si la bibliothèque fermait alors qu’ils restaient tous les deux coincés ici ? « C’est quoi ce bordel ? » à vrai dire elle ne s’adressait même pas à Carl, elle commençait juste à paniquer et à s’énerver en même temps. Elle ne voyait pas de solution immédiate et attendre la faisait clairement chier. Respirant un bon coup, Lou tenait de se calmer. Elle jeta un coup d’œil bref à sa montre, puis se laissa glisser sur le sol afin d’être assise. Elle regarda Carl qui semblait être dans son monde. Le silence commençait vraiment à lui taper sur les nerfs. Il fallait qu’elle le brise, à tout prix. « Tu n’as pas de réseau toi aussi ? » question con je vous l’accorde, et Lou l’avait bien vue sortir son téléphone quelques minutes auparavant, mais elle ne pouvait plus rester dans le silence comme ça, ou alors elle allait devenir folle ! Or Lou avait envie de se changer les idées, d’oublier que pour le moment il n’y avait rien à faire et qu’elle devait subir la situation. Si Calr l’envoyait chier, et bien tant pis, elle saurait qu’elle avait bien fait de mettre un terme à leur amitié quelques années plus tôt.

Une question commença à germer dans l’esprit de Carl, alors que le silence pesait dans l’ascenseur. Pourquoi ? Mais pourquoi il n’avait pas pris les escaliers ? Le destin lui réservait parfois des tours qui ne lui plaisait qu’à moitié. Que quoi, même pas. Quelle moitié aurait-il pus apprécier là-dedans ? La moitié « je reste enfermé avec une belle fille » ? Oui, mais l’autre moitié « cette fille n’est autre que Lou Huntington » gâchait complètement tout. Revoir ce visage qui lui avait été si familier pendant des années, cela lui fit étrange. Oh, ce n’était pas la première fois qu’il la revoyait depuis le collège, non, mais jamais comme ça. Jamais seul à seul, enfermés. Là, c’n’était pas comme en pleine rue, ils ne pouvaient ni s’ignorer, ni passer leur chemin. Là, ils ne pouvaient pas faire comme si l’autre n’existait pas. Parce que oui, c’était ce qu’ils faisaient depuis un long moment. Depuis le collège. Depuis que madame avait décidé qu’ils n’étaient pas fait pour s’entendre, que leurs caractères ne collaient plus, que Carl avait trop changé, qu’il n’était pas un ami de confiance, et blablabla.

« Putain. »

La voix de Lou sortit Carl de ses pensées. Il posa son regard sur elle et se rendit compte qu’elle n‘allait pas bien. Cela se voyait à son visage qui se décomposait, à ses mimiques et ses gestes, à sa façon de marcher en rond et de se mordre les lèvres. Elle paniquait. Malgré les années, ses tics étaient toujours les mêmes, et Carl l’avait trop connu pour ne pas reconnaître ces mimiques. Cependant, il ne fit rien, égal à lui-même, restant de marbre, silencieux et immobile, appuyé contre l’une des parois de l’ascenseur, les bras croisés. Il la vit sortir son portable et avoir le même espoir qu’il avait eut quelques minutes plus tôt. Elle fit la grimace. Pas de réseau.

« C’est quoi ce bordel ? »

Là, elle s’énervait. Bientôt, elle finirait par craquer. Pour sur. Elle allait avoir besoin de parler. Pas de parler dans le vide comme elle venait de le faire, mais de lui parler à lui. Il le savait. C’était plus fort qu’elle, elle aurait besoin d’une voix pour la rassurer. Et même en sachant cela, Carl resta là, silencieux, à la regarder s’exciter et paniquer toute seule. Pourquoi ? Parce qu’il n’avait jamais digéré leur histoire. Lou avait été l’une de ses meilleures amies lorsqu’ils étaient enfants. Ils rigolaient toujours ensemble, déconnant comme jamais. Et d’un coup, pour on-ne-sait-quelle-raison, tout avait changé. Peut-être parce qu’il avait trop dragué ses copines. Peut-être parce qu’elle avait fait sa crise d’adolescence. Peut-être parce qu’il l’avait mis un peu trop à l’écart. Peut-être un peu de tout ça. Carl n’avait jamais vraiment compris. Il s’était contenté d’accepter, à contre cœur, sa décision d’arrêter tout. Et de deux supers amis, ils étaient passés à deux inconnus s’ignorant complètement. Carl ne l’avait jamais dis, il ne l’avait jamais montré non plus, mais ça l’avait blessé. Seulement ça, il comptait bien le garder pour lui-même. S’il était rancunier ? Peut-être un peu avec cette histoire-là.
Lou, désemparée, se laissa glisser sur le sol, s’asseyant enfin, histoire de se calmer un peu. Elle posa alors son regard sur lui. Il releva ses yeux vers elle et la regarda dans les yeux. Elle était étudiante en droit à Rowan University. Elle venait d’entrer en deuxième année. Et elle avait une histoire avec Andrew Davies. Non pas que Carl avait cherché à savoir tout ça, mais parfois Scarlett ne pouvait s’empêcher de parler de ses amis, et Lou en faisant partie, elle n’y avait pas échappé. Et malgré lui, Carl avait gardé ses informations en mémoire.

« Tu n’as pas de réseau toi aussi ? »

Et voilà. Elle avait craqué, elle lui avait parlé. Carl ne put s’empêcher de faire apparaître un fin sourire sur ses lèvres qu'il effaça assez rapidement. Tout comme Lou, il se laissa glisser contre la paroi, s’asseyant à terre, à peu près en face de la jeune femme. Il laissa un temps de silence, histoire de bien faire bouillir Lou en elle. Puis il se décida enfin à prendre la parole, ne la regardant plus.

« C’est vraiment parce que je sais que tu vas péter un câble si je réponds pas que j’prend la parole. »

Son ton n'était pas froid, mais il n'était pas agréable, et l'on comprenait facilement qu'il n'avait pas vraiment envie de lui parler. Elle n'apprécierait peut-être pas, mais il ne pouvait pas faire mieux à l'heure actuelle. Inutile également de répondre à sa question, elle l’avait très bien vus sortir son iPhone avant elle, elle se doutait donc que lui non plus n’avait pas de réseau, et qu’il était inutile d’espérer quoi que ce soit de ce côté-là. Il lui aurait bien dis d’arrêter de paniquer, mais ce serait stupide, cela ne lui ferait que rappeler la situation dans laquelle ils étaient. Le mieux, c’était d’attendre. Ils ne pouvaient pas faire grand-chose d’autre de toute façon.

Le destin s’amusait parfois à jouer des tours à Lou. Un peu comme aujourd’hui quand elle se retrouvait bloquée avec Carl dans un espace clôt. Sans aucune possibilité de s’enfuir Ou bien quand elle était tombée amoureuse d’un homme marié, puis du meilleur ami de son ex. A croire que le destin aimait bien mettre Lou dans des situations compliquées et tordues. En l’occurrence, elle trouvait que la situation actuelle était la pire de toute. Déjà, Lou avait tendance à ne pas pouvoir rester en place bien longtemps, elle pouvait être parfois un peu impatiente, surtout qu’elle ne se sentait pas à l’aise avec Carl. Il l’avait ignoré depuis le début. Elle n’en attendait pas moins de sa part, et il devait bien se marrer en voyant Lou dans tous ses états. La jeune femme se fichait néanmoins de paraître ridicule. Elle devait faire quelque chose, impossible de rester passive… Mais rien ne marchait. Alors elle avait bien dû se faire une raison et c’était assise sur le sol.

Le silence régnait toujours, et une petite voix dans la tête de Lou lui demandait de le briser. Elle avait hésité cinq secondes, avant de poser à Carl la première question qui lui était passée par la tête. Malheureusement pour elle ce n’était pas la question la plus intelligente qu’elle ait posée ; une remarque sur son téléphone portable, c’était bien parler pour ne rien dire. Ne sachant pas trop comment Carl allait gérer sa subite envie de renouer le dialogue, elle attendait une réponse. Et celle que lui donna Carl la laissa perplexe. Il lui avait répondu uniquement pour qu’elle puisse profiter du son de sa voix et qu’elle ne pète pas un câble comme il disait si bien. Tout comme Lou, il avait apparemment la rancune tenace. Il n’avait jamais mis de côté la façon dont l’avait traitée plus jeune. D’ailleurs, Lou avait souvent regretté de l’avoir mis de côté. A l’époque cependant, elle croyait bien faire. Carl se changeait en dragueur et Lou ne pouvait plus supporter son attitude de plus en plus arrogante. Surtout vexée qu’il puisse, un jour, préférer draguer les filles plutôt que de passer du temps avec elle Lou avait décidé de mettre de la distance entre eux. Résultat, ils ne se parlaient plus. « Je vais prendre ça pour un non. » fit-elle sarcastique. Son attitude l’avait clairement refroidie. Elle ne lui demandait pas de faire comme s’ils avaient été les meilleurs amis du monde, mais il aurait pu simplement la traiter comme une de ses voisines et agir normalement.

Cette attitude venait de déstabiliser Lou. Elle en voulait à Carl de se conduire comme un enfoiré avec elle, et surtout dans cette situation. En même temps si elle avait été à sa place elle aurait agi de la même façon. Elle lui jeta un coup d’œil, elle était incapable de savoir à quoi il pouvait bien penser. « Tu dois regretter de ne pas avoir pris les escaliers. » finit-elle par ajouter avec un rire sans joie et appréciant l’ironie de la situation. Elle imaginait bien l’attitude totalement différente que Carl aurait eu si elle avait été une autre personne. Disons une jolie fille totalement en panique. Le connaissant il aurait été le garçon le plus charmant du monde et aurait su rassurer la fille histoire de pouvoir profiter de la situation ensuite. Avec un autre garçon il aurait été le mec drôle, blaguant tout le temps histoire de passer le temps. Avec Lou… Il était froid et indifférent. Elle en avait de la chance dis donc. Seulement Lou n’avait jamais pu ravaler sa fierté, et n’avait donc jamais pu dire à Carl qu’elle avait réagi excessivement quand ils étaient ados et qu’aujourd’hui elle regrettait de plus le compter dans ses amis. Elle n’allait sûrement pas faire le premier pas maintenant qu’il venait de la casser en beauté. Elle était tentée de relancer la conversation. De lui demander ce qu’il fichait ici de toute façon, de savoir comment allait sa famille, s’ils pensaient qu’ils allaient mourir ici, bref, elle avait un tas de possibilité, mais elle préférait s’abstenir. Le ton qu’il avait employé pour lui parler ne lui avait pas plu. Or s’ils devaient être coincés ici pendant des heures, Lou préférait ne pas se disputer avec Carl. Aucun des deux ne pouvaient tourner des talons pour se calmer, et vu les caractères respectifs, Lou ne voulait pas prendre de risques. Mais alors le silence se réinstalla, et Lou crut devenir folle. Elle n’avait même pas d’iPod pour chasser le silence et le calme. Machinalement elle commença à taper du pied, signe d’agacement et de nervosité extrême. Elle espérait bien embêter Carl par la même occasion et qu’il finisse par lui dire quelque chose. N’importe quoi. Elle ne pouvait simplement pas lui donner une nouvelle fois le bâton pour se faire battre, autrement dit se faire rembarrer comme une merde lorsqu’elle daignerait lui adresser une nouvelle fois la parole. Si c’était lui qui parlait en premier, peut-être qu’elle aurait une chance d’avoir une discussion avec lui. Même si c’était uniquement que le fonctionnement foireux des ascenseurs de la ville.

Combien y’avait-il de chance pour que ce genre de choses arrivent ? Surement peu. Mais assez pour que ça tombe sur Carl et Lou ce jour-là. Pourtant, Carl l’avait pris des centaines de fois cet ascenseur, et il n’avait jamais eu de problème. Jamais. Alors le jeune Spencer ne prenait pas ça pour une coïncidence. Il était persuadé que c’était voulu.
Soupirant quelque peu, il laissait mijoter Lou avec la réponse qu’il lui avait donné. Surement pas ce a quoi elle s’était attendue. Elle croyait quoi aussi ? Allez, on est coincé dans un ascenseur, faisons comme si les dernières années ne s’étaient pas passés et parlons-nous normalement comme deux êtres humains normaux ! Et non. Raté. Carl était bien trop rancunier quant à ce qu’il s’était passé pour jouer l’hypocrite. Il ne l’avait pas rayé de sa vie pour rien. Il l’avait fait parce qu’il n’avait pas eu le choix. Alors la traiter comme si elle n’était qu’une voisine comme une autre ? Jamais. Carl n’oubliait pas. Surtout ce genre de déception.

« Je vais prendre ça pour un non. »

Carl haussa les épaules pour simple réponse. Il avait assez parlé pour les dix minutes à venir au moins, alors elle devrait s’y faire. En y réfléchissant bien, cette situation le faisait bien chier. De son côté aussi il allait devenir rapidement fou s’il restait enfermé avec elle. Il se rendait maintenant compte qu’il lui en voulait vraiment, même après toutes ces années.

« Tu dois regretter de ne pas avoir pris les escaliers. »

Oh, ça, elle n’imaginait même pas à quel point. Mais il ne répondit rien, gardant le silence encore une fois. Il se contenta d’ignorer sa remarque, passant sa main dans ses cheveux, et relevant sa tête vers le plafond, regardant le haut de l’ascenseur. Allez, il fallait se dire que ça aurait pus être pire.
Car ça aurait vraiment pus être pire.
Il aurait pus se retrouver coincé avec Lou ET Andrew. Là, il aurait très rapidement pété un câble.
Il aurait pus se retrouver coincé avec une claustrophobe moche et idiote, qui aurait déjà paniqué depuis le début, et qu’il aurait finis par frapper pour qu’elle se taise.
…
Bref, il n’y avait que Lou, et même s’il lui en voulait, elle n’était pas une plaie idiote qui allait le faire chier tout le long de la panne. Du moins, il espérait. C’est a peu près au moment où Carl en était là dans ses pensées qu’un bruit répétitif parvint aux oreilles du jeune brun. Lou tapait maintenant du pied, telle une stressée de la vie qui n’avait rien d’autre à foutre. Génial. Si son but était de l’agacer jusqu’à ce qu’il lui parle, c’était puéril. Tellement puéril que Carl ne put s’empêcher de la regarder un instant avant de lever les yeux vers le ciel. Oh, le ciel, comme il aurait aimé le voir en cet instant. Sa soirée allait être fichus. Pas de Scarlett ou d’Elisabeth. Pas de Cameron. Juste Lou et lui dans l’ascenseur de la bibliothèque.
Il soupira une nouvelle fois, se passant la main sur le visage, avant de poser son regard sur elle. Elle continuait à tapoter du pied, agacée et énervée, sans doute de la situation et de Carl qui osait la snober et ne pas s’intéresser à elle. Il se décida finalement à prendre la parole, cette fois sur un ton un peu froid et direct.

« Si t’as un truc à me dire, dis-le, au lieu de ruminer dans ton coin. »

Si le comportement de Carl lui déplaisait, elle pouvait bien lui dire clairement au lieu de faire la fille agacée à taper du pied. D’ailleurs il allait finir par devenir aussi agacé qu’elle si elle continuait avec ce foutu pied. Il fallait qu’elle arrête sinon il n’hésiterait pas à péter son câble et à lui sortir ses 4 vérités. Et ça, elle n’aimerait surement pas non plus.

Lou se demandait toujours qui pouvaient bien se retrouver coincé dans un ascenseur. En général cela se produisait toujours dans des les séries télé. La situation était rarement désagréable pour les personnages, alors que là, Lou avait limite envie de passer ses nerfs sur la porte. Même si cela ne servait à rien, même si cela rendrait encore plus insupportable aux yeux de Carl, qui fidèle à lui–même était impassible. On n’aurait pas dit qu’il se retrouvait dans une situation qui le gênait. Il était le maître de la cool attitude et cela agaçait encore plus la jeune femme. Elle avait tenté de capter son attention, mais il se refusait à communiquer, ou du moins agréablement. Il répondit en haussant les épaules en premier, et ensuite ne bougea même pas quand elle lui fit remarquer qu’il aurait mille fois préféré prendre les escaliers plutôt que l’ascenseur. Tant pis, Lou allait se concentrer sur des choses positives. Au pire ils n’allaient pas être coincés ici jusqu’à Noël. Du moins elle l’espérait, car sinon l’un d’entre eux finirait pas étriper l’autre. Alors elle avait commencé à taper du pied, d’abord pour briser ce silence qui était en train de la tuer petit à petit, et ensuite pour énerver Carl. Qu’il ne la traite plus en fantôme. Lou voulait voir s’il avait vraiment des nerfs d’acier ou bien ce n’était qu’un genre qu’il voulait se donner. Avec lui, ça le l’aurait pas étonné tant que ça.

Miracle, ça avait fonctionné. Certes il avait pris ce ton méprisant pour lui adresser la parole, mais il n’était pas fait de marbre. Il avait craqué lui aussi, et Lou pouvait être fière d’elle. Cessant de taper du pied, elle posa son regard sur lui. « C’est toi qui a un problème je crois. » lui répondit-elle sèchement. Après tout, c’était lui qui lui parlait comme à un chien depuis tout à l’heure. « Et puisque tu fais comme si je n’existais pas, j’ai bien le droit de faire ce que je veux. » fit-elle d’un ton plus calme. Elle n’allait quand même se laisser faire par Carl Spencer. Monsieur se prenait peut-être pour the it mec car il étudiait la médecine à Philadelphie, mais il restait toujours celui avec qui Lou allait sonner chez tous les voisins avant de s’enfuir en courant avec de grands éclats de rire. Elle avait gâché leur relation et le regrettait parfois, mais elle n’avait pas vraiment réfléchi aux conséquences. Qui réfléchi vraiment à l’adolescence ? Personne. Mais que pouvait-elle faire aujourd’hui ? Ils avaient tous les deux grandi différemment, et étaient maintenant comme deux étrangers qui ne pouvaient même plus se retrouver dans la même pièce. « Pourquoi tu agis comme un con avec moi Carl ? » elle se doutait évidemment de la réponse, il ne lui avait jamais pardonné, mais il pouvait toujours être courtois avec elle. Une nouvelle fois elle se rendit compte qu’elle allait sûrement s’en prendre plein la gueule parce qu’il aurait des choses à lui reprocher, de toute évidence il était n’était jamais passé au dessus. S’il voulait que Lou s’excuse, il pouvait toujours attendre. Ce n’était pas dans ses habitudes. Elle regrettait de l’avoir laissé tombé, mais elle avait joué franc jeu avec lui, elle l’avait fait à la loyal. Il aurait peut-être aimé qu’elle l’ignore du jour au lendemain ?

Elle ne le quittait plus du regard, elle ne voulait pas qu’il pense qu’elle était intimidée, parce qu’elle ne l’était pas, mais pas du tout. Elle ne lui montrerait aucun signe de faiblesse, il allait voir que la Lou d’antan était toujours la même. Pétillante, le sang chaud qui pouvait parfois partir au quart de tour. Puisqu’ils n’avaient rien d’autre à faire autant qu’ils s’expliquent. Si Carl avait des reproche à lui faire il était peut-être temps de mettre leur rancune de côté et de s’expliquer clairement. Lou doutait qu’ils ne soient best friends en sortant de l’ascenseur, mais si au moins dès aujourd’hui ils se disaient bonjour en se croisant dans la rue, cela pourrait être une amélioration. Malgré tout, Lou ne se voyait plus être amie avec Carl. Ils étaient vraiment devenus trop différents. Il était le genre dragueur, hautain, et méprisant, meilleur ami de Cameron Cooper ou le garçon au melon surdéveloppé. Alors que Lou aimait les gens simples et qui ne se prenait pas autant au sérieux… Mais pourquoi pas faire un effort.

Lou ne saurait dire pourquoi elle avait ce besoin pressant de taper du pied. De faire entendre à Carl qu’elle existait, qu’il pouvait faire comme si elle n’existait pas, ça ne changerait rien au fait qu’ils devaient partager le même oxygène. La jeune femme ne demandait pas à Carl de faire comme si de rien n’était entre eux, mais il pouvait au moins la regarder. Ou bien même lui répondre quand elle lui adressait la parole. C’était sur estimer le jeune homme qui préférait largement laisser Lou s’énerver toute seule. La patiente n’était pas sa qualité première, loin de là. Elle avait l’impression d’être un rat en cage. Sans issue. Alors elle avait besoin de parler, d’extérioriser. Même si elle s’était retrouvée seule dans l’ascenseur elle aurait fait la conversation. A elle-même certes, mais elle ne supportait pas le silence ; ça faisait trop de bruit pour elle. En l’occurrence son seul interlocuteur ici était Carl. Alors tant pis, elle aurait une conversation avec lui. Qu’il le veuille ou non. Elle ne lui laissait pas vraiment le choix, même si ça allait forcément partir en dispute. Au moins ils auraient enfin une conversation après toutes ces années.

Elle le blâmait, parce que c’était bien facile de tout remettre sur son dos. Et puis aussi parce qu’au fond elle avait été vexée de son attitude enfant. Elle avait mal interprété son bisou, comme s’il la traitait comme toutes les autres filles qu’il draguait. Lou les pensait proches, elle méritait donc un traitement différent. Jamais il n’aurait embrassé un de ses copains. Il avait agi avec Lou de cette façon parce qu’elle était une fille et ça Lou ne l’avait pas digéré. Finalement sa question se voulait plus profonde qu’elle n’en avait l’air. Carl l’avait sans doute décelé. Certainement, vu de sa réponse. Mais au moins Lou avait au moins eu la chance d’enfin faire parler Carl plus de cinq secondes. Ils se regardèrent un instant dans les yeux avant que Carl ne baisse à nouveau le regard, mettant encore une barrière invisible entre eux. « Remonter en arrière ? Quand tu m’as prise pour une conne et que tu t’es permis d’agir de façon déplacée avec moi ? » répondit-elle ensuite, consciente de le provoquer. « Quand on se fout de ma gueule, désolée, mais je n’en redemande pas. » fit-elle d’un ton froid. Carl savait bien quel caractère Lou avait. Rancunière, un peu susceptible. Une vraie petite boule de nerf, surtout à cette époque si difficile pour elle. En effet, son père venait de mourir depuis quelques années seulement, et Lou n’avait jamais vraiment pu aller de l’avant. Encore aujourd’hui, elle portait cette marque au fond d’elle. Elle n’aimait pas reparler, ou même revivre cette époque-là de sa vie. Alors oui, peut-être que le stress qui l’animait était aussi du au fait que c’était Carl qui se tenait devant lui et qui lui rappelait une période de sa vie qu’elle était fervemment résolue à dépasser.

Peut-être que Lou s’était emportée un peu vite contre Carl, toutefois maintenant qu’il daignait lui adresser la parole, Lou n’allait pas se priver pour lui dire ce qu’elle pensait vraiment. Ils allaient sans doute pouvoir arrondir les angles après toutes ses années. Ou pas. Au vu de leurs caractères respectifs, la Troisième Guerre Mondiale était proche. Elle ne savait plus quoi faire pour s’occuper l’esprit, pour oublier qu’elle était enfermée dans l’ascenseur et qu’elle n’avait aucune idée de quand le cauchemar prendrait fin. Et s’ils restaient moisir ici toute la vie ? Sa dernière conversation serait un règlement de compte avec Carl, yahou, génial la fin de vie ! Elle se sentit subitement ridicule de penser à ça, elle exagérait et sa peur animait de plus son mauvais caractère et sa rancune envers le jeune Spencer. Elle était dure avec Carl, mais ce n’était qu’un juste retour des choses. Elle avait été sincèrement vexée de son attitude. Comme elle venait de le faire comprendre au jeune homme elle avait eu l’impression d’être prise pour une andouille. Après sa tirade elle fixait toujours Carl qui lui baissait les yeux. Il ne voulait pas lui parler, ni même la regarder, quel gamin.

Finalement les paroles qu’elle venait de prononcer avaient touchées le jeune étudiant en médecine puisqu’il avait subitement relevé la tête pour regarder Lou droit dans les yeux. Selon lui tout ça n’était qu’une histoire débile et il se déchargeait de toute responsabilité. C’était bien les hommes ça, de toujours rejeter la faute sur les autres c’est-à-dire et comprenez les femmes. « Ce que tu n’arrives pas à comprendre c’est que en faisant ça tu m’as rangée dans le même panier que toutes les autres filles avec qui tu… joues ou je ne sais pas. » répondit-elle du tac au tac. Elle ne se laisserait pas démonter par Carl, perdre le dessus sur lui, elle ne pouvait pas le concevoir, elle voyait cette conversation comme une petite revanche. « Admet le, si ça avait été un des copains à ma place tu n’aurais jamais agi comme ça. » lui lança-t-elle d’un ton rempli d’assurance. Au fond, l’amitié de Carl avait été très importante aux yeux de la brunette. Se détacher de lui aussi brutalement n’avait pas été une chose facile. Carl devait assurément penser le contraire étant donné que c’était elle qui avait coupé les ponts. Et pourtant. A l’époque elle n’avait pas cherché à s’expliquer avec lui, sans doute un peu trop fière de faire le premier pas. Carl n’avait pas non plus cherché à lui reparler, alors elle s’était tout simplement dit que c’était le destin qui avait prévu de mettre un terme à leur amitié. Ils avaient grandis, avaient pris des routes totalement différentes. C’était sans compté le destin, qui leur joua une nouvelle fois un tour ; les bloquant dans cet ascenseur forcé à avoir une conversation pour que le silence gênant qui régnait entre eux ne finisse pas par les asphyxier.

••• Carl & Lou •••

Finalement, être enfermé dans un ascenseur c'est peut-être pas si mal que ça. Certes, ils pourraient sortir et se détester encore plus, mais l'inverse était aussi possible. Son amitié avec Lou avait beaucoup compté pour lui, et il avait tout envoyé valser lorsqu'il il avait laissé le moment prendre le dessus. Faut dire que Carl ne contrôlait pas vraiment ses émotions à l'époque, et le moment qu'ils passaient semblaient propice à un baiser. Ils étaient partis en vacances ensembles, une semaine à la mer dans la maison de vacances des Spencers. Les trois-quatre premiers jours avaient été géniaux, ils avaient passé énormément de bon temps à rigoler et se baigner. Mais le soir du quatrième jour, ils avaient prit un petit apéro et avaient ensuite décidé d'aller se baigner. La nuit tombait et alors qu'ils étaient dans l'eau à se chamailler, il y eut un magnifique coucher de soleil, et alors qu'ils l'observaient, bras dessus-bras-dessous, Carl avait penché la tête pour embrasser Lou. C'était quelque chose à laquelle lui ne s'était pas attendu, car jamais il n'avait eu de pensées comme ça envers elle, mais le moment l'avait rattrapé, écourtant pas la même occasion leurs belles vacances. Lou lui avait limite foutu une gifle, et était partie en courant faire sa valise. Carl n'avait pas essayé de la retenir, trop choqué par ce qui venait de se passer. Plus tard, il avait voulu la recontacter, mais il se disait que si elle ne l'avait pas fait c'est qu'elle lui en voulait toujours.

Et aujourd'hui, alors qui ne lui avait pas parlé depuis il ne savait combien d'années, il réalisait que même s'ils étaient tous les deux en faute, il devait trouver le moyen de s'excuser. Il trouvait ça débile de s'excuser pour un baiser, mais dans ces conditions, il ne voyait pas d'autres issues à part celle de s'éloigner encore plus de Lou -si c'était possible-. Ses paroles paraissaient accuser Lou de toute la faute, mais Carl avait un mal fou à pardonner, depuis tout petit. Lou, au taquet, répondit à Carl. « Ce que tu n’arrives pas à comprendre c’est que en faisant ça tu m’as rangée dans le même panier que toutes les autres filles avec qui tu… joues ou je ne sais pas. » Carl se redressa alors d'un bond. « Mais n'importe quoi, t'es folle ! Je ne t'ai jamais considérée comme ça, ça va pas ? T'as toujours été plus que ça pour moi Lou, tu le sais très bien. » Il marqua une pause et reprit, un peu plus calmé. « On a passé tellement de beaux moments ensembles, comment t'as pu effacer tout ça en l'espace d'une seconde ? »

Puis Lou reprit. « Admet le, si ça avait été un des copains à ma place tu n’aurais jamais agi comme ça. » Carl resta interdit une seconde, puis manqua d'exploser de rire. « Euh, Lou, évidemment que je ne l'aurais pas fait, j'suis pas gay ! » Il eut un petit rire puis se reprit. « Mais nan, mais écoutes.. j'sais pas quoi dire. Faudrait qu'on dépasse tout ça quoi, on est plus des gamins. » Oui, il n'arrivait pas à s'excuser.

© POLLO

Spoiler:

Finalement ils l’avaient, cette fameuse discussion. Ce que les adultes supposés normaux font pour arranger une situation. Le plus débile dans tout ça, c’était qu’ils leur avaient fallu attendre d’être coincés dans un ascenseur pour mettre les choses à plat. Lou prenait enfin la peine de s’expliquer, de lui dire clairement ce qu’elle n’avait pas apprécié dans son comportement. L’amitié fille garçon a toujours été un sujet tendu, et à la vue de sa relation avec Carl, Lou avait sérieusement remis en question ses autres relations avec les mecs. Il l’avait bel et bien embrassée, alors qu’elle n’avait jamais considéré Carl sous cet angle là. Sans doute Lou agissait-elle un peu trop naïvement avec la gente masculine à cette époque. Après tout, elle avait deux frères, et puis Julian qu’elle considérait aussi comme un membre de sa famille, peut-être envoyait-elle de mauvais signaux à tous les garçons parce qu’elle croyait pouvoir entretenir une relation platonique avec eux. Toutefois, elle avait extrêmement mal pris la chose, se mettant en colère elle avait même écourté leurs petites vacances. Ni une, ni deux avait fait sa valise, et avait repris le chemin de Magnolia sans même un dernier regard pour Carl.

Aujourd’hui, elle lui avouait la raison pour laquelle elle avait si violemment réagi. Elle n’avait pas envie d’être aux yeux de Carl une simple fille de plus. Cette confession fit réagir assez vivement l’étudiant en médecine, pour lui évidemment ça n’avait pas été le cas. Lou soupira, elle ne s’était pas attendue à autre chose comme réponse de sa part. Quand il lui rappela tous les bons moments qu’ils avaient passé tous les deux, elle se sentit bien sûr coupable. C’était le but recherché, elle s’en voulait d’avoir d’abord gâché leur relation. « Je suis comme ça, tu le sais aussi très bien. » répondit-elle légèrement de mauvaise foi. Lou s’emportait souvent, disait des choses qu’elle ne devrait pas dire, mais au fond elle n’était pas méchante, simplement un peu trop impulsive parfois. Alors elle lui fit comprendre que son changement d’attitude vis-à-vis d’elle tout ça parce qu’elle n’était qu’une fille lui avait fait du mal. Il étouffa un rire et lui répondit que c’était normal, parce qu’il n’était pas gay. Mon dieu, il ne comprenait rien en fait. Heureusement il ne s’arrêta pas là, et poursuivit sa pensée. Il voulait qu’ils avancent, mais ne présentait pas ses excuses pour autant. Il pensait peut-être que Lou serait la première à le faire. C’était bien mal la connaître, Lou avait parfois un caractère de merde qui faisait d’elle une rageuse, et une rancunière de première. Hors de question de s’abaisser à faire le premier pas. « Je ne sais pas non plus, je crois pas qu’on est capable d’aller de l’avant. Ça fait trop longtemps. » elle lui jeta un regard en coin, consciente que sa réplique ne ferait pas avancer les choses entre eux. « Ecoute Carl, rien ne sera plus comme avant, et tu le sais aussi bien que moi. » elle baissa les yeux, elle était quand même attristée de lui dire tout ça.

Lou pouvait parfois paraître un peu dure. Elle était entière, un peu trop franche parfois. Pas assez diplomate. Etre confrontée à Carl faisait partie de ces situations que Lou n’arrivait pas à gérer. Alors elle avait tendance à se refermer, à ne pas vouloir faire d’effort pour arranger les choses. Comme si avouer à Carl que pendant ses si longues années, elle avait pensé à lui allait faire d’elle quelqu’un de trop sensible, quelqu’un de trop fragile. Elle détestait avoir cette image d’elle. Pourtant elle n’était pas une dure à cuire. Loin de là. Elle voulait se la jouer dure, mais elle était une véritable guimauve. Elle avait les larmes faciles. Peut-être qu’elle essayait de se protéger en se montrant dure avec les gens. En tout cas elle agissait naturellement, pas besoin de se forcer. Pardonner à Carl tout simplement parce qu’ils se retrouvaient coincé dans un ascenseur et que régler leur compte était la seule activité qu’ils pouvaient avoir. Malgré tout, la jeune femme espérait une issue favorable à leur échange. Carl semblait faire des efforts pour calmer le jeu, mais Lou n’était pas décidée. Au final, elle avait préféré lui dire que le temps avait trop passé et qu’une réconciliation n’était pas possible. Ou alors elle sonnerait fausse aux oreille de la jeune étudiante. Il posa un regard sur elle qui la dérouta. Il y avait un regard plutôt tendre, comme si, d’une certaine manière il s’était attendu à ce qu’elle dise ça. Elle ne savait pas quoi répondre, quoi ajouter, et Carl avait jugé bon de ne pas reprendre la parole. Toutefois le destin avait un nouveau tour dans son sac. C’est à ce moment là que l’ascenseur se remit en marche pour terminer sa descente. Tous les deux surpris, Lou manqua de tomber. Cinq secondes plus tard, les portes s’ouvraient enfin, leur rendant leur liberté. Et pourtant la jeune femme avait un sentiment amer en bouche. Comme si en fait, ils n’avaient pas fini cette discussion. Consciente d’en être pour quelque chose car elle restait la plus butée des deux, Lou était un peu déçue. Il était donc temps de se dire au revoir. Ou pas en fait. Elle attendit que Carl se relève et quitte enfin l’espace clôt, mais au lieu de se diriger vers la sortie, il annonça qu’elle lui manquait, et il vint vers elle pour l’enlacer. Son geste était spontané, il ne semblait pas douter. Elle resserra finalement l’étreinte, baissant la garde pour la première fois. « Tu me manques aussi. » finit-elle par répondre faiblement. Il se détacha rapidement d’elle, et tourna des talons sans même un regard pour Lou. Elle était un peu perdue. Elle resta un moment sans bouger, et alors que les portes de l’ascenseur voulaient une nouvelle fois se refermer, Lou s’avança pour les en empêcher. Un peu secouée, elle prit la direction de la sortie ayant encore en tête, sa discussion avec le jeune Spencer…