On pouvait bien décider de faire la gueule au monde entier, de n’avoir envie de rien, de vouloir à tout prix déménager dans une bouteille de whisky ou de vodka, de devenir un vampire en vivant la nuit et en dormant le jour (dans la mesure du possible), de ne plus fournir aucun effort autre que bailler et se rouler un joint et de demander en mariage son lit en prenant son oreiller pour témoin, il y avait certaines choses que Minnie ne pouvait pas se permettre. Et sortir en haillons était l’une de ses choses qui figurait dans cette liste des impératifs et qui restait ainsi donc essentiel même si la jeune McCormick était en profonde dépression et en conflit avec quasi-tout le monde. C’est pour ça que Minnie flânait depuis près d’une heure au centre commerciale, accourant de magasin en magasin et essayant toutes les fringues qui lui passait par la main.

Minnie avait, à la base, rendez-vous avec Julia pour faire les magasins. Mais cette dernière - et elle avait intérêt d’avoir une excuse en béton hain- lui avait posé un joli lapin blanc. Et mine de rien, le lapin était bien loin d’être l’animal le plus commode pour faire quoi que ce soit, encore moins s’acheter des habits neufs. Mais bon, elle irait prendre de ses nouvelles juste après et même lui montrer toutes les petites trouvailles et bonnes affaires qu’elle avait réussi à dénicher en débarquant chez elle de force.

Entre-temps, Minnie venait d’épuiser la totalité du budget qu’elle accordait à son plaisir personnel mensuellement. Ca lui manquait l’époque où elle pouvait se servir de la fortune paternelle pour régler toutes ses dépenses. Dépenses qui étaient alors illimités. *NON ! Je t’interdis de repenser à ton père. Je t’interdis de déprimer. Tu es bien là, alors profites en.*
Et la jeune femme tenta coûte que coûte de ne plus repenser à la mort de son père et de la manière peu orthodoxe dont il avait fini.

*Bon bon, viens j’achète un p’tit cadeau à Juju. Une écharpe tiens ! Comme ça au pire, si je vois qu’elle m’a posé un lapin pour rien, je l’égorge avec.*

Minnie McCormick ou comment rire comme une otarie –toute seule- à ses propres blagues qui ne faisait en manière générale rire qu’elle. Ainsi donc, si vous passiez par là en ce moment-même, ne vous inquiétez surtout pas pour elle, je certifie l’état mental de cette femme riant sans aucune compagnie. Enfin, plus ou moins quoi.

Après avoir gaspillé ces derniers dollars en s’appropriant une jolie écharpe vert-bouteille pour Fitzgerald, elle se dirigeait vers la porte de sortie du centre commercial. Elle avait retrouvé le sourire et pour l’instant tout allait bien. Mais en sachant que le Destin avait pour Dieu seul savait quelle raison bien plus qu’une dent contre elle, cet état provisoire fut de très courte durée.

« PUTAIN, MAIS TU PEUX REGARDER OU TU FOUS LES PIEDS TOI AUSSI ! »

Un type venait de bousculer méchamment Minnie et son légendaire sang-froid (ahem). Et ainsi, par la même occasion, il venait de réussir l’exploit de l’évaporation complète de sa bonne-humeur en mois de temps qu’il en fallait pour dire « péripatéticienne ». Comment ça, c’était elle qui avait préféré faire du lèche-vitrine tout en marchant au lieu de regarder droit devant elle ? Trop paaaaas o/

Et l’heureux élu qui venait de plomber l’ambiance d’extase en l’intérieur de Minnie n’était autre que Lucy Roberts. Génial !

When you see my face
Hope it gives you hell

Lucy était en congé ce jour là, elle en avait profité pour aller manger japonais en vitesse et se racheter une paire de bottes. Sa dernière en date était abimée par le mauvais temps de l'hiver dernier, et les jours devenaient de plus en plus froids. C'est alors qu'elle prenait le chemin de la sortie, le nez baissé sur un texto débile de Ginerva, qu'elle se prit quelqu'un de plein fouet. Elle n'eut même pas le temps de s'excuser que l'autre lui hurlait dessus.

PUTAIN, MAIS TU PEUX REGARDER OU TU FOUS LES PIEDS TOI AUSSI !

Le ton employé ne plut absolument pas à la jeune fille. Elle leva les yeux et découvrit qui s'adressait à elle ainsi: Minerva McCormick, cette garce. Bon, il est vrai que Lucy n'avait encore jamais eu l'occasion de la rencontrer, mais ce premier aperçu confirmait ce qu'elle pensait. En effet, la fausse blonde avait une sacrée réputation dans le quartier, et elle n'était pas très apprécié des Wainwright. Lucy s'était donc fait une mauvaise image de Minnie et avait tous sauf envie de lui rentrer dedans en plein centre commercial.

Sur le coup, elle hésita à faire profil bas et déguerpir vite fait. Mais la façon dont elle lui avait parlé, et le regard méprisant qu'elle lui jetait l'avait fortement énervée. Lucy n'était pourtant pas du genre à crier à tout va et insulter les gens mais il ne fallait pas exagérer non plus.

Baisse d'un ton s'il te plaît, la politesse on ne te l'a jamais apprise ?! grogna-t-elle tout en remettant ses cheveux en place.

Elle se massa l'épaule, cette greluche l'avait percuté assez violemment tout de même.

Pardonne-moi x)

Les mille et une façons de saper le moral de Minnie McCormick, par Lucy Roberts en vente dans votre magasin de journaux habituel.

Il n’y avait que certaines personnes qui possédaient le pouvoir de mettre notre jeune McCormick en rogne rien que par leur simple présence. Et il ne fallait pas nécessairement être un génie pour comprendre que Lucy en faisait partie. Et cette Lucy venait de réussir cet exploit en même pas trente secondes chrono.

*Super, rien de mieux qu’une moins que rien pour venir gâcher ma journée. C’est quoi cette vie de merde à la fin ?*

Et puis, elle n’aurait pas pu choisir un autre moment pour lui rentrer dedans celle-là ? Elle avait fallu, bien évidement, que sa « bonne étoile » place cette Lucy sur son chemin pile au moment où elle reprenait un minimum goût à la vie. Vous aussi vous pensez que Minnie devrait se mettre au Loto, tellement elle débordait de chance yekyek ? o/

Ainsi donc, si Minnie était sorti de ses gongs et était légèrement (ahem) sur les nerfs, ce n’était pas véritablement de sa faute à elle, mais bien celle du Destin et de Lucy. Alors, c’était complètement justifié d’abord. Qu’on ne vienne pas lui demander des restes plus tard !
Et selon la logique de notre jeune femme, si elle se donnait tous les droits de gueuler sur qui elle voulait et ce quand bon lui semblait, aucun individu sur cette planète n’avait, lui, la possibilité de lui rendre la pareille en haussant la voix contre elle. Après, c’était soit en tenait à la vie, soit pas hain …

Et cette Lucy, soit la connaissait pas assez bien, soit avait des nouvelles tendances suicidaires. Mais vue la vie de bonniche qu’elle avait, Minnie opterait plutôt pour la seconde option. (Ouioui, Minnie avait une super bonne opinion des gens du quartier (humhum) ! )

*Non mais elle se prend pour qui cette nana pour remettre en cause mon éducation même ? Y’a de ses têtes à claques dans ce monde !*

« Oh la politesse ? T’inquiètes pas pour moi, ça je connais. Mais je ne pensais pas que ça comprenait aussi les cafards et autres insectes du genre. Tu m'excuseras hain si j'ai encore des doutes sur ton identité exacte ! »

*Et dans les dents la Lucy.*

When you see my face
Hope it gives you hell

La jeune fille en face d'elle avait mauvaise mine, et semblait particulièrement énervée. Lucy avait eut vent de ses fréquentes crises d'hystérie. Elle n'eut pas de mal à comprendre qu'elle en subissait une, là, maintenant. En effet, quelques personnes les regardaient d'un mauvais oeil. Il faut dire qu'elles étaient en plein passage, et qu'elles s'exprimaient fort.

Lucy n'en revint pas de sa façon de s'adresser à elle. La comparer à un cafard, SERIEUSEMENT ?! Lucy avait passé une sale semaine, elle était vraiment fatiguée, c'est pour cela qu'elle avait demandé un jour de congé. Alors elle avait tout sauf besoin de se prendre la tête avec une pétasse pareil. Elle méritait trois claques, mais ça, Lucy ne s'y risquerait pas. Déjà parce que la blonde faisait presque une tête de plus qu'elle, mais aussi parce que ça déboucherait nécessairement sur une bagarre. Or, Lucy souhait vivement garder une bonne réputation, sinon elle pouvait dire adieu à son travail chez les Wainwright.

Mais cette Minnie, quelle garce ! Elle était vraiment méchante avec Lucy, sans même la connaître. Elle la rabaissait, la traitait comme une moins que rien, avec mépris. Si la brune n'était pas si énervée, elle se serait facilement vexée face à a de telles insultes. Ni une, ni deux, elle lui répondit sur le même ton.

Non mais pour qui tu te prends toi ?! C'est quoi ton problème ? C'est pas parce que t'es de mauvais poil qu'il faut te venger sur la première personne venue. Tu ne me connais même pas je te signale, alors tes réflexions sur mon identité tu te les gardes tu seras gentille.

Lucy avait très chaud soudainement, c'était la colère qui lui montait aux joues.

La jeune McCormick se demandait sincèrement où allait le monde. *Mais en plein dans le mur, pardi.*
Pour commencer, ce n’était pas comme si c’était elle qui allait chercher les problèmes. Ni elle qui avait demandé à ce qu’on lui rentre dedans juste pour qu’elle puisse avoir le loisir de faire une scène en public en plein dans le hall du centre commercial d’ailleurs. Tout ce qu’elle avait demandé, c’était … rien. Justement rien. Elle voulait juste avoir la paix. Mais non, une fois de plus, c’étaient les problèmes qui s’étaient décidés de venir à elle. Alors c’était normal, qu’une fois de plus, elle pète son câble. Et puis ce n’était pas comme l’identité de son interlocutrice arrangeait quoi que ce soit à l’affaire ; Lucy Roberts quoi ! Et surtout pas lorsque cette dernière se décidait de remettre en cause son éducation et tout ce qui allait avec. Minnie avait pris très personnellement sa remarque sur la politesse. Peut-être oui, ce n’était peut-être pas gentil de traiter un individu de cafard, quoi qu’il ait fait. Mais … personne non plus n’avait le droit de critiquer l’implication de ses parents dans sa vie et ici, la manière de lui inculquer la notion de politesse. Et puis, à la base, elle avait été vachement polie (a). Alors OUI, toutes ses insultes étaient parfaitement justifiés.

Ainsi donc, en ce moment même, la jeune McCormick ne regrettait aucunement d’avoir remis en question l’appartenance de Roberts au genre humain. Il en fallait très peu pour se mettre à dos Minnie et Lucy, en moins d’un quart d’heure avait largement atteint le seuil de tolérance de notre jeune femme. Elle n'avait plus qu'à en assumer les conséquences, maintenant.

Et pendant que Lucy tentait tant bien que mal de se sauver la face et d’insulter à son tour Minnie, cette dernière avait croisé les bras et se faisait un plaisir malin de la scruter de bas en haut sans aucune gêne. Objectif ? La mettre la plus mal à l’aise possible.
*C’est quand qu’elle finit de parler celle-là, franchement, elle commence sérieusement à me gonfler là.*

« Laisse-moi rire. TU me rentres dedans. TU viens m’insulter. Et après, TU te plains. Et en plus de cela, tu penses que je puisse ressentir l’envie de te connaître plus. Mais ma pauvre, tu es vraiment désespérée. Tu sais, je peux toujours te filer le numéro de SOS Amitié. »

Et que je te fais un sourire en coin pour accentuer mes paroles. Minnie était peut-être bien cruelle, mais il ne fallait pas la chercher non plus. Parce qu’une fois qu’on la trouvait, il était très difficile de l'arrêter ou de s’en débarasser. Et là, ça pouvait faire très mal, par la suite.

« En attendant, tu risques d’être en retard. Tu devrais y aller là, avant que les Wainwright sonnent la cloche pour te ramener à l’ordre. »

Pour sa défense, elle n’avait pas une vie très facile, il fallait bien qu’elle se défoule sur les autres. o/

When you see my face
Hope it gives you hell

Il fallait admettre que, face à elle, la blonde ne se démontait pas, et ne semblait même pas touchée par les propos de Lucy. Celle ci était profondément agacée. Elle avait juste envie de rentrer chez elle, de se faire un thé, et de s'enrouler dans une couette pour lire, tranquillement. Elle n'avait vraiment pas besoin que la peste caractérielle du voisinage vienne l'enguirlander. En plus de cela, Lucy se laissait facilement déstabiliser. Et il était clair que la technique mise en place par Minnie pour la rendre mal à l'aise fonctionnait. Lucy n'était pas du genre à tenir tête et remporter les batailles. Elle était plutôt du genre à essayer de calmer le jeu et en rester là. Elle comprit vite qu'elle ne ferait pas plier son adversaire, et décida de changer de tactique.

Tu sais quoi, j'ai autre chose à faire que perdre mon temps avec toi. Je te remercie de t'inquiéter pour mes employeurs, et pour mon cercle d'amis, c'est très altruiste de ta part. Mais je n'ai pas besoin de ton aide, alors restons en là.

Elle afficha un sourire froid et hypocrite, remit son écharpe en place et passa à côté d'elle. Intérieurement, elle bouillonnait, mais elle savait très bien qu'il valait mieux calmer le jeu et s'en aller. Après tout, cette Minnie McCormick ne l'intéressait pas le moins du monde, et elle se refusait de passer une mauvaise journée à cause de ses sautes d'humeur. Cette nana, elle ne savait rien d'elle, si elle avait envie de la mépriser, qu'elle le fasse. D'elles deux, Lucy n'était pas la plus méprisable, et savoir cela lui suffisait amplement.