"Mais dis-moi, toi, comment ça se fait qu'après tout ce temps à rêver de te voir disparaître, t'es encore là ?"

Elle avait croisé un type qui lui avait refilé quelques grammes de drogue. À moins que ce ne soit une bouteille d'alcool fort. Ou peut-être bien les deux à la fois. Elle se souvenait juste avoir divagué un petit moment, vacillant sur les pavés de la rue, puis être tombée et avoir regardé le ciel changer de couleur. Orange, rose, rouge, vert ? Elle avait cligné des paupières et il était redevenu le bleu sombre qu'il devait être, avant de finir noir. Complètement noir, sans étoiles. Elle ne voyait pas la lune, cachée derrière un bâtiment, la seule source de lumière étaient les quelques poteaux allumés un peu plus loin. Elle avait pris peur, cette vision lui rappelant quelques souvenirs qu'elle essayait vainement d'oublier. Tentant de se relever, elle avait trébuché plusieurs fois et avait senti la panique monter. Elle avait cligné des yeux et quand elle les avait rouverts, elle était debout, avançant dans Cliffton Center. Elle entendait les bruits étouffés d'une fête un peu plus loin, et s'y rendit sans vraiment s'en rendre compte, comme une automate. Arrivée devant la boite de nuit, elle n'avait plus envie d'y entrer et continua son chemin. Un peu plus loin, elle s'était dit qu'il faudrait peut-être rentrer à la maison. Sa bonne vieille maison où elle retrouverait Leeda et Henry qui la regarderaient avec des yeux désapprobateurs. Et Jaylann, qui ne manquerait pas l'occasion si alléchante de la toiser d'un air hautain, elle et son piteux état. Jaylann, Jaylann. À condition qu'elle y soit, dans cette bonne vieille maison des Fitzgerald. Jaylann, Jaylann, où es-tu passée soeurette ? Des dizaines de Jaylann se mirent à danser devant ses yeux, des Jaylann sans expression, et d'autres prises d'un fou rire comme les sorcières dans les films Disney de son enfance. Pourquoi rigolait-elle, l'idiote ? Elle n'avait pas autre chose à faire, la miss en tutu, que de se préoccuper de Julia ? Qu'est-ce que ça pouvait lui faire, qu'elle s'injecte un truc étrange dans les veines, qu'elle voit des vaches dans le ciel, ou qu'elle traine avec le voisin louche du coin de la rue ? Jaylann, Jaylann, mêle-toi de tes affaires, occupe-toi de tes hommes à toi, laisse ceux des autres tranquilles.
Prise d'une quinte de toux, Julia se redressa avec une de ces envies qu'on ne pouvait repousser. Elle voulait dégommer toutes ces Jaylann au rire moqueur, et aussi celles à la face dénuée de réaction. Mais elle n'avait rien sous la main, et ce n'était que des hallucinations. Ca passerait, mais elle n'avait pas payé pour voir ce genre de visions.
... Et si elle dégommait la seule tête de Jaylann qui méritait d'être dégommée ? La vraie, celle qui ne disparaîtrait jamais, même bien après que la Fitz ait retrouvée sa lucidité ; celle qu'elle devrait voir encore longtemps si elle ne la dégommait pas un bon coup. Celle qui n'avait pas laissé tranquille le voisin louche du coin de la rue.
Elle chancela sur quelques mètres et se retrouva dans l'arrière-boutique de l'école de danse où le démon de ses pensées était sensée travailler. Le temps était passé vite entre Cliffton Center et Madison Avenue. Il n'y avait plus qu'à attendre que l'intéressée sorte pour assouvir sa colère.

Jaylann avait ouvert une école de danse. Petit oiseau prenait son envol, et avec ça, des responsabilités. Elle se trouvait une vocation, enfin. Et elle réjouissait Papa et Maman, elle faisait honneur à la famille, elle réussirait sa vie, et...blablabla. Au diable la danse classique, il n'y avait vraiment qu'une idiote pour choisir un sport d'idiots. Julia n'avait pas écouté les discussions incessantes de ses parents à ce sujet, qui ne lui avaient servies qu'à savoir à quoi était occupée sa soeur. Ainsi donc elle prenait l'excuse de la danse pour l'éviter. Entre nous, toutes les soeurs Fitzgerald étaient un jour passées par la danse classique et toutes avaient un jour fini par abandonner. Sauf Jaylann, évidemment, elle ne pouvait pas s'empêcher de faire les choses autrement pour attirer l'attention de Papa et Maman. Et est-ce que Papa et Maman savaient que leur fille adorée avait joué la putain du voisin du coin de la rue ? Non, évidemment que non. Ou alors ils auraient trouvé quelque chose pour embellir cette histoire, pour que la petite fille sage et modèle qui leur servait de fille ainée reste la petite fille exemplaire.
Sentant la colère monter de plus en plus, Julia sortit son paquet de cigarette et s'en alluma une. Elle regarda le filtre prendre feu, un feu couleur saumon, restait attentive à ce qu'il se passait autour d'elle – du moins autant qu'elle le pouvait avec de la drogue dans le sang. Une porte s'ouvrit, elle leva les yeux et put admirer les cheveux blonds attachés de celle qu'elle attendait. Celle-ci la remarqua rapidement, dommage, Julia aurait bien aimé lui sauter dessus sans prévenir. Est-ce qu'elle pouvait avoir peur, cette blonde-là ? Est-ce qu'elle avait déjà eu peur ? La question ne se posait même pas, mais la réponse était évidente : non, bien sûr que non. Pour avoir peur, il faut un cœur, une âme, ou une autre connerie du genre que l'ainée des Fitzgerald n'avait décidément pas.

« Jaylann, Jaylann... quel sens de la déduction... »

Un petit sourire dépourvu de gentillesse, plutôt du genre que les drogués arborent, s'ouvrit sur le mégot et Julia fit quelques pas en direction de la nouvelle directrice artistique de danse classique de je ne sais quel autre nom plus long encore.

Jaylann affichait un petit sourire. Pas le même que celui de Julia, non, le sien était plus du genre moqueur. Qu'est-ce qu'elle avait à rire ? Elle s'amusait de la réflexion, s'étonnait de son propre sens de déduction ? Aux yeux de Julia, cette réaction donnait un air d'arriérée à sa soeur. Quelle sotte. Et elle disait ne pas avoir de temps. Bien sûr que si, elle en avait. Et même si ce n'était pas le cas, elle en trouverait. Là, maintenant, tout de suite. C'était tout de suite que Julia voulait l'affronter, parler franchement, ou juste s'assurer une petite vengeance sur ce qu'elle lui avait fait. Elle ne savait pas encore ce qu'elle allait faire, ayant l'esprit trop embrumé, mais la discussion semblait bien ennuyeuse. Quoiqu'avec Jaylann, tout prenait des airs de Guerre Mondiale. Elle ne releva pas l'insulte, trop dans les vapes pour comprendre qu'un brin du sous-entendu parlait de Zach et de ce qui les avait poussés à se séparer en catastrophe. Cependant elle nota aussitôt que son ainée lui montrait son dos et était en train de partir. Non, elle ne s'enfuirait pas cette fois ; elles avaient à faire toutes les deux et Julia avait décidé que ce serait maintenant. Elle la rattrapa en quelques pas, la saisit par l'épaule et la retourna brusquemment. Profitant du fait qu'il y avait un mur à proximité – faute à l'école de danse –, elle la plaqua contre celui-ci.

« Tu-restes-là. »

La colère la rendait violente, et l'effet de la drogue ne faisait qu'empirer les choses ; elle ne se rendait même pas compte du degré de force qu'elle mettait dans sa poigne. Mais si Jaylann pouvait avoir mal, alors tant mieux. Ce serait une piètre vengeance comparé à ce qu'elle avait réussi à lui faire, mais ce serait une revanche quand même.

« Arrête de te cacher derrière ta danse à la con, je sais ce que t'as fait. Bitch. »

Elle s'était rapproché du visage de la blonde et avait susurré les derniers mots. Elle appuya plus fort sur le thorax de sa victime, sachant d'avance sa réaction. Elle allait payer, peu importe la manière, mais si l'une pouvait aller plus loin que de coutume, trop loin, alors l'autre en était capable aussi. Elles étaient comme deux jumelles d'âge différent, si contraires sur certains points et pourtant si semblables sur d'autres.

"Arrache-moi les yeux,
Que je ne puisse plus voir."

Elle se sentait capable de tout, de la pire des choses comme de la plus inimaginable. La drogue lui enlèverait ce sentiment de culpabilité pour un temps, et peut-être même qu'une fois ce moment d'hébétude passé elle ne regretterait toujours pas. Elle s'était imaginé la scène, cette garce qui lui servait de grande soeur contre celui qui lui avait arraché le coeur. Elle ignorait que c'était aussi le cas de Jaylann et la rage qu'elle lui montrait à l'instant même n'était rien comparé à ce qui allait demander de sortir d'un moment à l'autre. La drogue lui donnait le courage d'affronter plus sérieusement que toutes les autres fois celle qui ne méritait même pas son attention, pendant que sa tristesse lui criait de ne pas rester là. Que quelque chose arriverait et ne ferait qu'empirer la situation. L'un prit le dessus sur l'autre et elle resta là, appuyant de tout son poids contre celle qu'elle aurait voulu tuer si elle l'avait pu. Mais quelque chose finit toujours par désarmer l'arme.

« Oui, c'est même très tentant. »

Elle avait maintes et maintes fois essayé de s'empêcher d'imaginer ce qu'il s'était passé ce soir-là, à partir du moment où elle avait fait l'erreur de plaquer Zachary, mais ses pensées étaient revenues au galop, comme à chaque fois qu'elle s'interdisait de se souvenir du passé. Et chaque fois, cette même fureur qui l'animait envers deux êtres importants de sa vie : l'homme qu'elle aimait et la femme qu'elle détestait. Et même à ce jour, alors qu'elle faisait son possible pour les éviter, ils semblaient tous les trois lier pour un long moment encore.

« Hein ? »

Julia se recula et par la même occasion, relâcha sa prise. Je l'aime. Jamais elle ne s'était imaginé que sa soeur ait pu commettre ce péché dans un autre but que celui de lui faire mal. Ces gestes avaient été fait sans qu'elle y prête attention, c'était une manière comme une autre d'essayer de l'atteindre, sans distinction des autres coups bas qu'elle lui avait déjà fait jusque là, mais cependant plus destructeurs cette fois-ci. L'idée qu'elle ait pu faire ça naturellement, parce que c'était son corps qui en avait envie et non sa part d'elle-même qui voulait constamment faire mal à sa sœur, ne lui avait pas effleuré l'esprit. Et pourtant c'était cela que Jaylann voulait lui faire comprendre.

« Je ne te crois pas. »

Elle ne voulait plus entendre ces paroles qui n'auraient jamais dû être prononcées par sa sœur, du moins pas concernant le voisin du coin de la rue. Elle ne voulait pas croire qu'elle était sincère, mais seulement qu'elle voulait lui tendre un piège, encore une fois. Comme d'habitude.

Sa cigarette était depuis longtemps tombée à terre, abandonnée pour plus passionnant que du tabac en train de s'enflammer. Julia ne prit même pas la peine de l'écraser correctement pour en éteindre le feu, tout son être captivé par Jaylann, plus seulement sa rage et sa soif de vengeance, mais aussi sa curiosité. Qu'avait-elle dit ? Elle l'aimait ? Ce ne pouvait être qu'une blague, mauvaise et malsaine, cependant la dernière fois que la blonde avait pensé à une farce, il s'était en réalité agi de la vérité. Mais là était la différence, Jaylann restait Jaylann et pour rien au monde Julia ne lui ferait confiance. Elle avait déjà pensé l'aimer – aussi étonnant cela puisse paraître – une vingtaine d'années auparavant, mais ce n'était plus qu'un lointain souvenir, une erreur de jeunesse que Julia avait eu la naïveté de commettre. Elle avait cru pouvoir s'imaginer, en toute logique, que sa sœur l'aimait, comme toutes les sœurs. Mais elle avait vite compris que ce n'était pas le cas, et même si au début elle s'était acharnée à penser qu'elle ne faisait que l'embêter un peu avec ses coups par derrière, elle avait dû se rendre à l'évidence : Jaylann était pire que ces sœurs qui ne montraient pas leur amour, existant tout de même au fond de leur cœur. Chez elle il n'y avait jamais eu d'amour, pas même au fin fond du plus petit recoin de son cœur. Et ce ne serait certainement jamais le cas. L'ainée profita de la déconcentration de la cadette pour se dégager de son emprise, à nouveau libre de ses mouvements, avec une remarque à faire froid dans le dos. Mais après toutes ces années, cette réponse n'était qu'une banalité, il y avait plus important comme aveu. Cependant, le fait que Jaylann se fiche de ce qu'en pensait Julia ne pouvait vouloir dire qu'une chose : cette mise en scène n'avait pas pour but de lui faire du mal. Si c'était le cas tant mieux, sinon tant pis. Or la blonde traduisait cette conclusion en l'hypothèse suivante : Jaylann venait de dire une vérité. Une vérité impensable à ses yeux, certes, mais ce qui est impensable n'est pas forcément impossible.

« Tu l'aimes ? Toi ? »

La Fitzgerald essayait d'en rire, de prendre ça à la légère, même s'il y avait des risques pour que ce soit du sérieux. Mais elle avait du mal, mauvaise actrice qu'elle était, trop occupée à réfléchir à cette possibilité. Maintenant que le sujet avait été soulevé, elle commençait à douter de ce qu'elle avait toujours pensé jusque là. Zachary et Jaylann avaient fait ça pour s'amuser, parce qu'ils étaient pires que des idiots, des traitres l'un comme l'autre, mais il n'y avait rien de plus qu'une manipulation de la part de Dekker, il les avait utilisé toutes les deux et comme tout ce qui se jette Jaylann n'avait pas servi bien longtemps. Et maintenant, Jaylann était en train de lui dire qu'elle n'avait pas fait ça simplement pour rire, mais pour le plaisir ? Par amour ? Mais quel amour ?

« Oui, bien sûr ! C'est tellement évident ! Tu n'es pas capable de savoir qui aimer, tu n'es même pas capable d'aimer tout court, alors tu copies ce qui t'entoure ! »

Elle haussait un peu plus le ton à chaque mots, énervée que Jaylann ne soit pas plus claire. L'esprit embrumé, Julia avait du mal à discerner le vrai du faux et n'arrivait pas à donner de réponses à ses questions, plongée dans un monde plus doux et plus lent que la réalité, elle qui en temps normal adorait cette sensation, finissait par vouloir la repousser. Dans cet état elle ne faisait pas le poids face à Jaylann, elle devait être lucide et malgré ses efforts pour se concentrer elle restait dans le brouillard. Or sa rage commençait à déborder et elle avait du mal à la contenir. S'empêchant de sauter sur sa propre sœur, elle ne faisait que se questionner inutilement ; les réponses elle les connaissait déjà, depuis toujours. Ce n'était pas Zachary qui allait changer sa sœur. Il n'était un pion, un pion qui avait pris le pouvoir pendant un moment, qui avait réussi à détruire tout ce qui avait été érigé en ce court laps de temps, mais si un roi peut être détrôné, un pion reste un pion, quoiqu'il arrive.

Les mots résonnaient dans l'esprit de Julia, comme si Jaylann les lui avait criés dans les oreilles. Le vent soufflait, toujours plus fort, comme en bord de mer et les cheveux de Julia volaient mais elle s'en fichait. Elle apprenait trop de choses en ce moment, elle en avait marre, de ces choses qui l'énervaient, la blessaient, l'agaçaient, elle n'aurait su dire quoi exactement mais quelque chose avait changé depuis quelques temps et ce quelque chose avait entrainé tout un tas d'autres choses à lui rendre la vie plus difficile. En venant ici ce soir elle ne pensait qu'à régler son compte à Jaylann, venir, s'exprimer un coup, repartir. Mais ses plans avaient été reportés par la fabuleuse idée de sa sœur de lui avouer qu'elle l'aimait. Lui, précisément lui, la ville avait beau être remplie d'autres hommes, de femmes, de transsexuels peut-être, il fallait qu'elle le choisisse lui ; elle l'avait fait exprès, Julia en était sûre. Mais Jaylann lui dit clairement qu'elle ne faisait rien pour lui ressembler, que ce sentiment, aussi incroyable soit-il venant d'elle, lui appartenait bel et bien. Figée sur place Julia ne savait pas quoi répondre, la colère était soudainement retombée mais ce n'était que le début, elle n'était pas complètement partie ; elle disparaissait pour revenir plus forte. Subitement il suffit d'un mot, disparait, pour qu'elle se ranime et que Julia la laisse s'échapper, non pas par manque d'attention mais par sa propre volonté. Après avoir passé des jours à pleurer et renifler, déchirée, et à s'énerver toute seule, furieuse, elle avait enfin une victime sur qui se défouler. Jackpot, la victime était justement la cause de tous ses malheurs.

« Mais c'est quoi ton fucking problème ? J'ai jamais voulu être avec toi, et lui non plus, tout allait bien jusqu'à ce que tu l'tringles, je gâche ta vie alors tu gâches la mienne ? Très bien alors je gâcherais aussi ta mort, et ta tombe et tout ce que tu voudras, Jaylann Fucking Fitzgerald ! »

Tout en criant Julia avançait vers Jaylann, ou plutôt vacilla jusqu'à elle, qui restait immobile ; tant mieux ainsi elle n'aurait pas besoin de lui courir après. La tête lui tournait, elle avait envie de dégueuler, peut-être bien sur sa sœur tiens, mais avant elle avait autre chose à faire. Sa rage ne lui donnait plus seulement envie de crier et de se droguer pour penser à autre chose, mais aussi de frapper, balancer tout ce qui bougeait. Elle voyait Jaylann se dupliquer sous ses yeux, et sa haine aussi, deux fois plus forte, deux fois plus désireuse de sortir. Toute proche de Jaylann elle balança son poing au hasard et sut à la douleur dans ses doigts qu'elle l'avait touchée. Elle sourit, voulut recommencer une deuxième fois mais Jaylann n'était plus à porter de mains et son second besoin prit la place du premier. Elle se détourna et alla s'appuyer contre un mur pour se vider l'estomac, pourtant peu rempli, lui brulant la gorge au passage. Fucking drogue, fucking mal-être, fucking Jaylann, fucking Zachary, fucking tout et fucking tout le monde.

Elle tachait le mur, elle tachait le sol, elle se faisait mal aux mains en frappant, elle se faisait mal à la gorge en gerbant. Mais elle avait eu ce qu'elle voulait. Son désir reviendrait, bien sûr, comme toujours, mais elle était contente d'avoir mis Jaylann à terre. Chacune son tour d'être sonnée, pétasse. Dommage qu'elle n'ait pas pu la voir se mettre à saigner, mais la seule idée qu'elle ait pu être touchée était déjà réjouissante. Et quand miss tepu reviendra à la maison, Julia pourra savourer la vue de son bleu. Et peu importe si Papa et Maman étaient choqués de l'attitude de leur fille envers son ainée, celle-ci n'avait pas honte, elle ne regrettait rien. S'ils savaient ce que leur petite chérie avait fait...Mais ils ne risquaient pas de le croire, ainsi Julia n'irait pas les voir pour régler cette histoire, elle le faisait d'elle-même, comme toujours. Pas besoin d'aide quand elle est au cœur du problème.
Quand elle cessa de vomir et que sa toux se fut calmée, elle se redressa, prête à faire à nouveau face à Jaylann. Elle avait envie de la pousser, frapper, rejeter, encore et encore, vers un puit ou un gouffre, pour qu'elle tombe et que jamais elle ne se relève, que sa bouche se ferme une bonne fois pour toute, que ses jambes ne s'ouvrent plus et que sa tête blonde n'apparaisse plus au coin de la rue. Mais Jaylann fut plus rapide et n'attendit pas sa sœur pour lui cracher à la face. Elle voulait sa revanche ? Julia ne souhaitait que ça. Prise d'une grosse quinte de toux, elle entendit à peine ce que son aînée lui dit, de toute manière elle s'en moquait royalement, mais quand elle se redressa pour lui renvoyer un coup, Jaylann n'était plus là. Elle regarda à droite, à gauche, il aurait été stupide qu'elle se cache dans sa propre école pour échapper à sa propre sœur, elle avait donc fui, tout simplement. Julia fit quelques pas, mais s'arrêta. Elle ne lui courrait pas après. Si sa sœur était une lâche, alors tant pis pour elle, qu'elle disparaisse, comme elle n'arrêtait pas de le lui demander, eh bien qu'elle le fasse, elle.
Lassée, fatiguée de cette soirée mouvementée qui avait à peine apaisé sa rage mais qui lui avait plutôt révélé des choses qu'elle aurait mieux aimé ne pas savoir, Julia déserta la rue, sans un regard pour l'école de danse classique de cette maudite Jaylann Fucking F...