Les journées marathon, Harrison en avait l’habitude depuis qu’il avait emménagé à Magnolia. Reconstruire une société n’était pas chose facile. C’était pourtant le pari fou qu’ils s’étaient lancés ; sa femme et lui. Rien ne lui faisait plus plaisir que de contenter son épouse au quotidien. Quand celle-ci avait ordonné leur succès et leur réussite, Harrison s’était plié en quatre pour que cela fonctionne. Quitte à passer beaucoup de temps au boulot, quitte à chercher des nouveaux clients un peu partout, quitte à lancer de nouvelles activités pour dynamiser l’entreprise. Quitte à faire n’importe quoi. Heureusement, tout ce passait à merveilles depuis qu’ils avaient posé leurs valises dans la maison numéro cinquante-cinq. Bien que les journées de travail fussent harassantes, Harrison et Katarina étaient fiers d’eux. De leur réussite. Ils étaient aussi fiers de voir que bons nombres de couples qu’ils avaient formés nageaient aussi en plein bonheur.

Aujourd’hui, Harrison devait mettre en œuvre ses talents pour satisfaire une de ses clientes, un peu particulière. Un matin, il avait vu cette belle femme s’intéresser aux affiches de leur agence de rencontre. Ni une, ni deux, il avait sauté sur l’occasion pour aller lui parler, et finalement la convaincre de rejoindre leurs clients. Cependant, la jolie brune qui se prénommait Esperanza n’était pas très emballée par l’idée, même si sa curiosité lui disait de franchir le cap. Harrison avait su jouer là-dessus, il lui avait ensuite proposé un traitement particulier pour lui garantir un anonymat total, car elle n’avait apparemment pas envie de devenir un sujet de ragots à cause de son inscription. Aussi, son traitement particulier lui garantissait des rendez-vous à l’extérieur de l’agence. Harrison avait tout de suite proposé à Esperanza de se retrouver quelque part. S’il laissait le temps passer, à tous les coups la jolie maman allait se rétracter, et ne plus vouloir s’engager dans la recherche de l’amour. Il arriva au Gordon Coffee pile à l’heure. Sa cliente n’était pas encore arrivée, Harrison prit donc place à une table un peu à l’écart, histoire que des oreilles indiscrètes ne puissent pas entendre ce qu’ils se disaient. Il sortit ses papiers de travail et les posa sur la table, déjà prêt à questionner Esperanza. Il avait déjà quelques idées en tête pour elle. Il était persuadé qu’elle pouvait rencontrer quelqu’un. Soyons honnête, Esperanza était une très belle femme, gentille, douce, qui avait élevé seule sa fille. Les hommes allaient se bousculer au portillon ! Finalement, la jolie brune arriva, fraichement pomponnée. « Bonjour Esperanza, je suis ravi que vous soyez venue aujourd’hui. » dit-elle en lui serrant à la main à son tour. « Je vous offre quelque chose à boire ? » demanda-t-il ensuite poliment, pendant que sa cliente prenait place. Il voulait vraiment la mettre à l’aise. Pas besoin de lui mettre une pression sur les épaules. Aujourd’hui c’était une première approche, rien de plus. Une façon de mieux connaître sa cliente, pour mieux cibler ses attentes. « Surtout détendez-vous, nous ne ferons que discuter ! » il voyait bien qu’Esperanza était tendue, pas vraiment sûre d’elle.

Esperanza accepta avec plaisir l’invitation à boire d’Harrison. Il leva la main en direction de la serveuse pour qu’elle vienne prendre leur commande. « Un thé à la menthe et un Perrier s’il vous plait. » demanda-t-il précipitamment. Il avait surtout hâte de commencer à parler business. La clé du succès, avec les clients, c’était de ne jamais perdre de vue leurs objectifs. Avec Esperanza, il fallait y aller cash, Harrison avait en effet la crainte qu’elle prenne peur et qu’elle se rétracte. Plus il restait abstrait, moins il avait de chance de l’aider. Toutefois il ne fallait pas la brusquer non plus. Son plan était donc de lui parler un peu de leur entreprise, de répondre à toutes les éventuelles questions qu’elle pouvait avoir. Puis ils définiraient ensemble le type d’homme qui serait susceptible d’intéresser la jolie brune. Ensuite, ça serait au talent magique d’Harrison d’agir en lui sélectionnant quelques candidats.

Comme il l’avait prédit, Esperanza avait envie de réponses concrètes. Elle lui posa une première question, elle semblait un peu gênée, trouvant le moyen de se justifier. « Je comprends tout à fait. La plupart de nos clients sont des néophytes vous savez. » dit-il pour la rassurer. Leur agence avait pour vocation de former des couples ayant de l’avenir. Ce n’était pas un site de rencontre comme adopte un mec. Hors de question de proposer des personnes incompatibles, Harrison et Katarina s’assuraient toujours des intentions sincères de leurs clients. « Dans un premier temps j’aimerai apprendre à vous connaître un peu mieux. Parlez moi de vous, de vos relations passées. Inutile de rentrer dans tous les détails, bien évidemment. » Harrison savait que c’était la partie délicate du processus. Les gens étaient toujours un peu gênées de parler de leur vie. Malgré tout, ils devaient bien garder en tête qu’il ne jugeait rien, et que cette question l’intéressait d’un point de vue purement professionnel. « Ne vous en faite pas, tout ce que vous me direz est confidentiel. Secret professionnel. » fit-il sur un ton plus léger. « En général on apprend à connaître nos clients pour cibler au mieux leurs attentes. Ensuite nous vous proposons quelques candidats et c’est à vous de prendre un premier contact ; en ayant boire un café par exemple. Mais ça peut être des échanges d’email, si vous ne vous sentez pas prête. » il lui fit un sourire rassurant. En fait, c’était comme si des amis essayaient de caser un autre de leur ami. Ce n’était pas une rencontre due au hasard, mais l’intérêt des deux parties était pris en compte. Harrison aimait bien voir la rencontre de deux hypothétiques âmes sœurs comme une de ses créations. Ça le rendait fier de pouvoir rependre un peu de bonheur autour de lui. On vint alors leur apporter leur boisson, et Harrison remercia la jeune serveuse d’un sourire. Il attendait maintenant les réactions de sa cliente. Il espérait vraiment l’avoir mis en confiance.

Harrison appréhendait qu’Esperanza ne joue pas le jeu. Les premières paroles de la brune n’étaient d’ailleurs pas très rassurantes. Les gens considéraient en général leur vie amoureuse de deux façons : calme ou chaotique. Ils en avaient donc souvent honte. Mais au final, et après avoir travaillé dans le business de l’amour pendant de longues années, Harrison avait découvert que tout le monde était pareil. Pas de quoi avoir honte. Il écoutait donc attentivement Esperanza qui commençait timidement à lui raconter son histoire. Il s’arma d’un stylo pour prendre quelques notes. Il écrivit d’abord qu’Esperanza était une femme qui aimait bouger. Il pouvait donc considérer qu’elle aimait voyager, découvrir de nouveaux horizons. Il n’avait même pas besoin de lui poser des questions, Esperanza se dévoilait d’elle-même et lui facilitait donc grandement la tâche. Il hocha donc la tête pour lui montrer qu’il l’écoutait attentivement. Ensuite, elle se lança dans le récit de ses aventures amoureuses. Elle donnait l’impression d’être une femme passionnée, ayant beaucoup de caractère. Il nota aussi qu’elle n’avait jamais eu une vraie relation marquante. Puis se stoppa, quand elle évoqua ensuite le père de sa fille. Malgré tout, elle ne s’épancha pas sur le sujet. Harrison n’avait pas envie d’entrer dans l’intimité de sa cliente et ne posa donc aucune autre question. Il ajouta simplement à sa feuille la notion ‘’histoire d’amour marquante qui a donné naissance à une enfant’’. Ça sonnait un peu barbare, mais il fallait bien mettre des noms aux choses ! Harrison, qui jusque là avait été très professionnel, se déconcentra une seconde lorsque Esperanza mis en avant l’importance de sa fille. Sa femme et lui tentaient de concevoir un enfant depuis quelques mois, et il se demandait bien ce que ça pouvait être d’être parent. Il se reprit de suite, et ajouta à son papier la priorité qu’était Evane aux yeux de sa mère. Il sentit un pincement au cœur, mais laissa couler.

« Ne vous excusez pas, je préfère largement que vous vous sentiez libre de parler plutôt que devoir vous tirer les vers du nez. » il lui fit un sourire rassurant. « C’est une très bonne base, pour commencer. » il relisait en diagonal ses notes, au cas où il aurait quelques précisions à demander à la jeune femme. « Juste une chose ; vous avez mis en avant le fait que vos relations n’ont jamais été stables. Qu’est-ce que vous recherchez aujourd’hui ? » la question pouvait paraître effrayante, mais il voulait être fixé. « Je sais qu’avec Evane c’est assez délicat, mais est-ce que vous envisagez vraiment une nouvelle vie de couple ? Qui pourrait conduire à un mariage par exemple ? » parfois il avait le sentiment que demander tout ça par écrit serait beaucoup moins gênant pour ses clients. Faire ça sous forme de lettres ou de petits coupons. Toutefois, Katarina et lui privilégiaient le contact humain. Et oui, ils n’étaient ni fermière ni fermier, et ne travaillaient pas en compagnie de bêtes. Ils devaient donc gérer des états d’âme, et des sentiments. C’était compliqué, mais le jeu en valait la chandelle ; voir un nouveau bonheur crée n’avait pas de prix. Du moins, juste le prix d’un abonnement à leur agence (a).