Scarlett termina sa journée de cours assez tard et reprit le chemin de chez elle. Sa rentrée s’était plutôt bien passée, même si elle déprimait un peu de partir et rentrer chez elle quand le ciel était toujours noir. Elle n’avait qu’une envie, c’était de se poser et de profiter de la soirée. Elias travaillait au bar ce soir, mais la jeune femme ne le rejoignait pas toujours et préférait parfois rester au calme plutôt que d’aller dans le voir dans le brouhaha du pub. Elle arriva chez elle et entendit alors résonner ce qu’elle cherchait absolument à éviter depuis quelques temps. Des disputes, encore. Elle en avait assez. On aurait pu croire après tous ces mois qu’elle aurait réussi à en faire abstraction, mais elle n’arrivait pas à rester indifférente à ce qui se passait. Elisabeth et Carl n’étaient pas à la maison ce soir, eux aussi fuyaient l’ambiance tendue. Scarlett rentra alors à l’intérieur et constata que ses parents étaient à l’étage. Elle monta rapidement pour déposer ses affaires et redescendit aussitôt dans la cuisine. Elle ne voulait pas faire comme elle faisait avant, à s’enfermer dans sa chambre et à ne rien dire. Elle devait cesser de fuir ce qui se passait dans sa propre famille. Elle venait d’ailleurs de croiser brièvement ses parents et de les saluer, ce qui avait suspendu deux minutes leurs discussions. C’était un peu comme s’ils voulaient épargner leurs enfants de ce qui se passait, mais ils ne pouvaient pas s’en empêcher. La famille ne tenait plus debout, et eux seuls se voilaient encore la face. Pour se détendre et se changer les idées, Scarlett décida alors de faire un peu de cuisine et regarda ce qu’il y avait dans l’armoire. Elle réunit tous les ingrédients pour faire un cake au chocolat et commença alors à le préparer tandis que le four préchauffait. A force de se concentrer sur ce qu’elle faisait, Scarlett retrouva peu à peu son calme. Elle termina rapidement la préparation et mit le cake à cuire. Pendant ce temps, elle partit faire un devoir pour s’occuper, mais elle n’arriva pas vraiment à se mettre dedans. La jeune femme avait souvent la tête ailleurs ces derniers temps. Elle redescendit ensuite sortir le cake du four lorsque le temps fut écoulé et eut alors une petite idée. Pourquoi ne les laisserait-elle pas régler leurs comptes tous seuls ce soir ? Elle n’avait pas envie de rester dans une ambiance plombée et voulait d’ailleurs rendre une petite visite à l’un de ses voisins pour prendre de ses nouvelles. Scarlett attendit quelques minutes que le cake refroidisse pour le démouler et le mettre dans une boîte pour l’emporter avec elle. La jeune femme enfila de nouveau son manteau et traversa la rue jusqu’à la maison d’en face. Elle entendit le son lointain de la télévision, il était donc présent. Elle frappa à la porte et attendit qu’il vienne lui ouvrir. Elle découvrit alors le visage mi- surpris, mi- joyeux de John, celui qu’elle considérait comme un 2ème père depuis quelques temps. Parfois, elle venait lui rendre visite pour lui tenir compagnie, surtout lorsqu’elle en avait marre de rester chez elle, ou lorsqu’Amber partait plusieurs jours et laissait son père seul. « Salut ! » Dit-elle sur un ton enthousiaste. Elle ne voulait pas montrer qu’elle avait eu une journée ennuyeuse. « Je sais bien qu’on n’avait rien prévu, mais j’avais envie de te tenir compagnie et… puis j’ai apporté le dessert encore tout chaud. ». Dit-elle en souriant. Elle espérait qu’il ne soit pas mal tombée, auquel cas, elle rebrousserait chemin jusque chez elle. « Devant des match de foot ? » Demanda-t-elle alors en entendant le son de la télévision. Parfois, ils leur arrivaient de se faire des soirées foot devant les équipes préférées de John, comme « deux vieux potes », puisque Scarlett adorait passer du temps avec lui.

John ouvrit à Scarlett et la laissa entrer en lui annonçant qu’il était seul ce soir. « Amber est de sortie ? » S’enquit-elle alors. La jeune femme était bien contente à l’idée de passer la soirée avec celui qu’elle considérait comme son « deuxième père ». Elle s’introduit à l’intérieur et se défit de son manteau qu’elle accrocha à la penderie à gauche de l’entrée. Elle était déjà venue ici à plusieurs reprises et connaissait donc bien la maison. Elle suivit ensuite John dans la cuisine et sentit une bonne odeur. Scarlett déposa le dessert sur la table et le regarda mettre chauffer les pâtes. Elle se tourna alors vers la télévision et aperçut un match de foot qui commençait. Elle esquissa un petit sourire lorsqu’il lui parla de son avis d’experte en matière de football américain ; la jeune femme regardait bien quelques matchs avec lui, mais elle était loin d’être une professionnelle. Elle appréciait juste d’observer le beau jeu d’une partie, mais ne s’y intéressait pas outre mesure. « Je me demande bien qui va remporter la partie. Tu mises sur qui aujourd’hui ? » Dit-elle alors en désignant le petit écran. Elle aimait bien faire des pronostics et essayer de deviner les résultats, tout en restant bon enfant bien entendu, il n’y avait rien à la clef de leurs prédictions correctes ou incorrectes. John avait souvent de la chance et devinait souvent quelle équipe était la plus forte du moment. Il lui demanda alors de prendre de la sauce dans le frigo pour en ajouter. Scarlett se dirigea vers le frigidaire et l’ouvrit pour chercher ce qu’il lui avait demandé. Elle luit tendit la sauce et prit ensuite la bouteille de soda pour s’en servir un verre. Si elle regardait les matchs de foot avec John sans problème, en revanche, elle n’était pas vraiment fan de bière comme tous ces vrais supporters. La jeune femme partit ensuite s’installer devant le petit écran pour ne pas rater le début du match pendant que les pâtes cuisaient. Il vint d’ailleurs la rejoindre quelques minutes pendant que le tout chauffait. « T’as passé de bonnes fêtes ? » Lui demanda-t-elle alors pour prendre des nouvelles. Ils ne s’étaient pas vus depuis plusieurs jours, puisque la jeune femme avait passé le réveillon de Noël en famille, puis celui de Nouvel An entre amis. D’ailleurs, il avait peut-être participé à la fête organisée par et pour les adultes du quartier. Elle se demanda alors s’il avait passé du temps avec sa voisine. Ce n’était plus un secret pour personne qu’il y avait anguille sous roche entre Suzzie et lui. Scarlett souhaitait tellement qu’il finisse par se mettre avec elle et le voir heureux… Elle voyait bien qu’il avait retrouvé le sourire depuis qu’il la fréquentait. Depuis qu’elle le connaissait, elle ne l’avait jamais vu avec quelqu’un, alors pourquoi pas ? D’ailleurs, Amber était également de cet avis… Avec la bénédiction de sa fille, elle se demandait ce qui le retenait encore. Soudain, elle sortit de ses pensées lorsqu’elle entendit quelqu’un frapper à la porte. « C’est bon, j’y vais ! ». Lança-t-elle aussitôt, puisque le mécanicien était déjà retourné s’occuper de la cuisine. Elle se releva et se dirigea vers la porte. Cependant, elle ne s’attendit pas du tout à la surprise qu’il y avait de l’autre côté… une voiture de police venait de débarquer devant chez lui… et deux agents se tenaient justement devant elle. « Bonsoir. Sommes-nous bien chez Mr Seyfield ? ». Demanda l’un deux en constatant qu’elle n’était pas celui qu’ils cherchaient. « Oui… » Répondit-elle avec une légère hésitation dans la voix, encore un peu dépassée par ce qui se passait. « John ! C’est pour toi… » Appela-t-elle en essayant de paraître plus assurée. Elle essayait de se convaincre qu’il ne s’agissait de rien d’important, mais alors pour quelle raison la police débarquerait-elle à une heure pareille chez lui.

Scarlett entra chez Jonathan qui était seul pour la soirée, puisqu’Amber était sortie avec des amis. La jeune femme le suivit jusque dans la cuisine où il mit cuire des pâtes pendant qu’elle observa le petit écran. Il regardait encore un de ces fameux matchs de foot et pensait que l’équipe texane allait gagner. Scarlett acquiesça d’un petit signe de tête et se servit un soda avant d’aller suivre la partie. Elle prit alors quelques nouvelles du mécanicien lorsqu’il vint s’installer à côté d’elle. Il lui raconta comment s’était passé ses fêtes ; Noël en famille avec Amber et Nouvel An avec quelques vieux amis à lui. Scarlett sourit légèrement quand il se surnomma vieux crouton, il était loin de la vérité là. « Ne te mets pas un pied trop vite dans la tombe. ». Rétorqua-t-elle en plaisantant. Remarque qui était d’autant plus ironique dans la bouche de la jeune femme puisque sa famille s’occupait de la morgue dans la ville. Elle se rappelait quand elle était plus jeune, lorsque ses parents avaient dû prendre soin du corps d’Alicia, une de leurs amies les plus proches… Sa mère en avait été particulièrement touchée. Soudain, un bruit se fit entendre à la porte. Scarlett se proposa d’aller ouvrir, puisque Jonathan devait vérifier la cuisson des pâtes. La jeune femme se retrouva alors nez à nez avec deux policiers et une troisième personne derrière qui se tenait en retrait. Elle appela le mécanicien aussitôt et espérait qu’il n’y avait pas de gros problèmes… même si la présence des deux agents n’annonçait rien de bon. Jonathan s’inquiéta tout d’abord pour sa fille, question de logique. Les policiers le rassurèrent immédiatement sur ce point, mais s’engagèrent sur un autre sujet. Ils avaient plusieurs questions à lui poser. Scarlett s’écarta légèrement pour les laisser discuter, mais ne ratait pas une miette de la conversation. Au regard surpris de John, elle comprit qu’il ne savait pas non plus de quoi il s’agissait. La gravité de l’expression sur le visage des deux agents laissait pourtant entendre de sérieux ennuis, surtout qu’ils mentionnèrent la possibilité de l’emmener au poste de police. Il se proposa alors de répondre à toutes leurs questions ici. Un de deux policiers lui demanda alors où il était entre 18h30 et 19H30. Scarlett devina le problème qui allait se poser. Il était seul chez lui, personne pour confirmer ses dires, et allait devoir trouver une façon ou une autre de se justifier autrement. L’agent enchaîna donc avec la question fatale. Au visage déconfit de John, Scarlett prit les devants et anticipa les événements pour le sortir d’une situation épineuse. « Oui, j’étais ici avec lui ». Répondit-elle avec assurance pour ne laisser entendre aucun doute dans sa voix. Peu importe ce que les policiers allaient reprocher au mécanicien, Scarlett était prête à prendre le risque de mentir pour lui et à se porter garante de ses actes. Elle était certaine qu’il n’avait rien fait de mal qui lui valait la visite de deux agents. Il devait y avoir un malentendu, et en attendant de l’éclaircir, elle s’en tiendrait à cette version-là. De toute façon, ses parents l’avaient à peine vu rentrer et ne l’avaient certainement pas entendue partir, alors personne ne pourrait contredire ce qu’elle venait d’affirmer.

Scarlett s’était rendue chez Jonathan pour passer une bonne soirée en sa compagnie. Elle ne l’avait plus vu depuis plusieurs jours à cause de la période des fêtes, et préférait dépenser son temps avec quelqu’un qui ne lui prenait pas la tête. L’ambiance chez elle l’oppressait tellement qu’elle ne supportait plus y rester et partait toujours chez son petit ami ou sa meilleure amie, et parfois chez celui qui remplaçait un peu son véritable père en ce moment. Mais qui aurait pu prévoir que la soirée tournerait rapidement court avec l’arrivée de policiers ? Scarlett regrettait déjà d’avoir ouvert la porte, mais elle ne pouvait plus revenir en arrière. Le mécanicien semblait avoir de sérieux ennuis ; problèmes que les deux agents n’avaient toujours pas expliqué. Ils continuaient avec leurs questions sur l’emploi du temps de Jonathan, et même s’il n’avait rien à se reprocher, Scarlett intervint pour l’aider à sortir d’une situation épineuse. C’était justement parce qu’elle était absolument sûre qu’il n’avait rien fait qu’elle avait osé le faire… encore fallait-il savoir ce dont on l’accusait. Un des policiers regarda de nouveau John et attendit encore une fois sa confirmation. Il doutait visiblement de leur version des faits et demanda ce que le portefeuille du mécanicien faisait sur les lieux du crime. Crime ? Le mot ne fit qu’un tour dans la tête de Scarlett qui s’imaginait déjà les pires scénarios, pendant qu’il expliquait qu’il avait oublié ses affaires dans son garage. Les policiers expliquèrent alors enfin le motif de leur venue : la voiture de l’ex-employé de John avait été incendiée, et son portefeuille avait été retrouvé sur place. Pour la jeune femme, c’était tellement évident, ça sonnait comme un coup monté… une vengeance quelconque de la part de l’ex-employé frustré. Elle porta son regard derrière les deux policiers et observa Mr Hausting pour le sonder. Elle avait l’impression inébranlable qu’il était en train de ricaner sous cape en son for intérieur. Elle se reconcentra ensuite sur la conversation lorsque John la présenta comme sa fille… Aïe. Les deux agents pourraient facilement se rendre compte que ce n’était pas le cas… et s’ils découvraient qu’ils avaient menti pour ça, ils pourraient penser qu’ils cachaient quelque chose de bien pire. Ses craintes furent immédiatement confirmées. « Votre fille ? » S’exclama l’un deux. Il sortit alors le portefeuille de John et montra la photo d’Amber à l’intérieur. Grillés. Scarlett s’empressa pourtant de rectifier le tir. « Ce n’est pas ce qu’il a voulu dire, c’est juste qu’il me considère comme sa fille. ». Expliqua-t-elle brièvement, ce qui était vrai. Les policiers paraissaient toujours aussi sceptiques. Que comptaient-ils donc faire maintenant ?

La bourde sur la fille de Jonathan avait plus ou moins était évitée. Malgré leur scepticisme, les agents se concentrèrent sur un point plus important de l’histoire. Pourquoi son portefeuille était-il sur les lieux du crime ? Heureusement, Scarlett ne doutait absolument pas de son ‘père’ et restait certaine qu’il devait y avoir une explication logique à toute cette histoire. Si Jonathan n’avait pas quitté la maison, alors qui avait pu se procurer ses affaires ? Une idée sembla germer dans la tête du mécanicien qui expliqua qu’il était le propriétaire d’un garage dont il avait fait renvoyer Mr Hausting quelques jours plus tôt. Aussi vite que lui, Scarlett comprit ce qui s’était passé. Elle ne connaissait pas les relations entre les deux hommes, mais l’autre portait une drôle d’expression sur le visage. Il n’avait peut-être pas supporté l’idée de se faire licencier et avait voulu trouvé une façon extrême de le faire savoir ? L’idée sembla se confirmer quand Jonathan précisa que son ex-employé ne lui avait toujours pas rendu la clef du garage. Le scénario de l’histoire commençait à se dessiner… Les policiers n’avaient plus beaucoup d’options. La première version à admette serait de dire que Jonathan était un grand malade qui mentait avec beaucoup d’aplomb, et avait laissé un indice trop évident sur les lieux du ‘crime’ pour qu’on s’imagine que ce n’était justement pas lui, avant de se trouver un alibi pour un mobile aux raisons ‘floues’. La deuxième était d’envisager la possibilité que Mr Hausting se soit vengé pour lui jouer un mauvais tour, à moins qu’une tierce personne n’ait profité de cette histoire pour s’en mêler. La moins absurde de toutes ces versions était aussi la plus logique. Un des deux policiers se retourna vers l’ex-employé du garage et lui attrapa le bras en constatant qu’il avait déjà reculé d’un pas. Scarlett observa l’homme qu’elle devina prêt à piquer une crise de s’être fait ainsi grillé. C’était tellement évident que même l’agent le plus sceptique des deux commençait à douter. Mr Hausting s’indigna alors d’être ainsi accusé à ‘tort’ et se fâcha aussitôt en les accusant de mentir sur leur présence dans la maison au moment de l’incendie. Après quelques minutes de discussion, les policiers préférèrent tirer cette histoire au clair avant de prendre des décisions. « C’est bon ». Indiqua le premier confirmant ainsi que le doute était suffisamment permis pour ne pas l’emmener au poste. En même temps quelles preuves avaient-ils pour lier Jonathan à cette histoire à part quelque chose d’aussi évident qu’un portefeuille ? C’était ridicule. Heureusement, le témoignage de Scarlett avait peut-être aidé à les convaincre. La jeune femme ne comprenait pas que l’autre n’ait pas pensé à vérifier que son ancien patron allait avoir un alibi ou non pour le contredire sur ce point. « Merci pour votre temps. Nous pourrions tout de même avoir besoin de vous recontacter sous peu. ». Ajouta le second policier. L’histoire n’était pas encore tout à fait terminée, mais elle n’était au moins plus en la défaveur de Jonathan. Une fois les agents partis et la porte refermée, la jeune femme soupira de soulagement. Elle avait quand même eu peur pour son ‘père’. « C’est fou quand même cette histoire ! Ton ex-employé a été beaucoup trop loin, tu devrais te retourner contre lui. ». Lâcha-t-elle sur le coup. Introduire une plainte contre lui serait la meilleure façon de montrer qu’il n’avait absolument rien avoir avec cette histoire, et peut-être aussi pour passer l’envie à Mr Hausting de recommencer.

Le piège que l’ex-employé de Jonathan avait voulu tendre à son ancien patron était finalement en train de se retourner contre lui. L’expression d’incertitude sur son visage montrait qu’il craquait devant la théorie que venait d’avancer le mécanicien. Le doute s’éveilla parmi les policiers qui le retinrent de prendre la poudre d’escampette. Scarlett ne disait plus rien et l’écouta prendre la mouche et s’enfoncer dans ses explications. Les deux agents décidèrent alors d’approfondir cette histoire et demandèrent à Jonathan de rester disponible. Il demanda ensuite la restitution de son portefeuille avant que les policiers ne repartent enfin. Lorsqu’ils refermèrent la porte, Scarlett poussa un soupir de soulagement. « J’ai bien cru qu’ils ne partiraient jamais ! » S’exclama-t-elle, avant de l’encourager à porter plainte contre son ex-employé qui n’en resterait sûrement pas là. Jonathan acquiesça d’un signe de tête en lui expliquant pourquoi cet homme avait une dent contre lui. Il l’avait renvoyé parce qu’il travaillait mal au garage et avait fait perdre de l’argent au mécanicien auprès de quelques clients mécontents. « Donc son mobile n’est que de la vengeance pure et dure pour te créer des ennuis. » Jonathan s’interrompit alors soudainement… Ils avaient oublié les pâtes ! Scarlett le suivit dans la cuisine où l’eau bouillonnait et débordait déjà de la casserole. Son ‘père’ vida le tout dans la passoire, mais elles étaient déjà bien collantes. « Pas grave ! Au pire, on a qu’à passer par la case dessert directement. ». Dit-elle pour plaisanter. Il retrouva alors son sérieux et s’approcha d’elle pour le remercier d’avoir eu confiance en lui. Il semblait surpris qu’elle ait fait ce geste en sa faveur, alors que rien n’avait été plus naturel pour elle. Elle n’aurait pas voulu qu’il ait des ennuis pour un malentendu… et pire pour un coup monté. Heureusement, les policiers avaient accepté de l’écouter à partir du moment où il avait eu un alibi à fournir pour l’heure du méfait, ce qui avait rapidement éclairci le vrai du faux ensuite. « C’est normal, j’étais certaine que tu n’avais rien avoir avec cette histoire. » Répondit Scarlett sans sourciller. Si c’était à refaire, elle n’hésiterait pas à recommencer pour n’importe lequel de ses proches… du moment qu’elle était à peu près certaine de leur innocence.

Après un petit interrogatoire sur le devant de la porte, les deux policiers étaient enfin partis en compagnie de l’ancien employé de Jonathan. Scarlett était venue chez le mécanicien pour passer une soirée tranquille avec lui et fuir l’ambiance tendue de chez elle, mais elle n’avait pas imaginé la surprise qui les attendait. Elle rentra soulagée à l’intérieur de la maison, tandis que Jonathan tentait de sauver ce qu’il restait des pâtes. Le plus important était qu’il soit encore chez lui en train de pouvoir le faire et que son ex-employé avait été confondu dans son coup monté. Il se tourna alors vers elle et lui fit remarquer qu’elle aurait eu de sérieux ennuis si les agents avaient découvert qu’elle mentait, ou pire s’il était vraiment coupable. « Je n’en ai pas douté une seconde. » Répondit d’elle d’une voix inflexible. Jonathan, coupable ? Impossible. « Par contre, si ça pouvait rester entre nous… ». Elle ne voulait pas que ses parents apprennent ce qui venait de se passer et lui fasse une morale inutile. Elle savait très bien qu’elle n’aurait pas dû le faire, mais elle l’avait fait pour protéger une personne proche. Mais aider Jonathan était une chose, subir d’autres tensions chez elle, en était une autre qu’elle n’avait pas envie d’affronter. N’était-il pas paradoxal de savoir tenir tête à la police sans sourciller lorsqu’elle n’osait pas dire ce qu’elle pensait chez elle ? Jonathan confirma alors qu’il ne laisserait pas l’autre s’en tirer aussi facilement et lui proposa d’aller manger les pâtes au salon. « Oui, profitons un peu de la soirée, qui sait ce qui pourrait encore arriver. » Acquiesça-t-elle en souriant. Une aventure comme celle-ci était déjà suffisamment riche en émotions pour combler tout le reste de la soirée. Scarlett s’installa confortablement à côté de Jonathan dans le divan en face du téléviseur pour regarder le match de football américain et commencer à manger. « Tu avais raison encore une fois, ce sont les Texans qui mènent. ». Constata-t-elle alors en attrapant son assiette et en se concentrant sur la partie. Il devrait vraiment songer à jouer dans les paris, ses pronostics étaient souvent les bons. Quoique… valait mieux éviter les jeux d’argent qui pouvaient être une source d’ennuis continus si on s’y cassait les dents.

Depuis que Scarlett avait rencontré Jonathan à cause d’un problème avec sa voiture, elle ne regrettait absolument pas le jour où c’était arrivé. Elle s’était rendu compte qu’il avait un caractère qu’elle appréciait beaucoup et ils s’étaient tout de suite entendus. La jeune Spencer avait rapidement trouvé une oreille attentive en lui… S’était alors créé un attachement où leur relation ressemblait fortement à celle d’un père envers sa fille. Scarlett l’avait rapidement compris en retrouvant dans sa complicité avec Jonathan ce qu’elle avait perdu avec son propre père depuis quelques temps. Les prises de tête entre ses parents avaient gangréné la famille et détruit petit à petit leur proximité alors que tous tentaient encore tant bien que mal de sauver la face. Amber et Jonathan étaient bien plus proches et bien plus unis que les Spencer ne l’étaient en ce moment. Scarlett mentirait en disant ne pas envier un peu leur très forte relation père-fille, mais elle n’avait pas non plus à se plaindre de sa famille, car si ses parents tentaient de garder ce qu’il restait de la famille Spencer, c’était avant tout pour leurs enfants… parce qu’ils les avaient toujours fait passer avant. La jeune femme avait eu la chance d’avoir deux parents présents dans sa vie, et malgré des hauts et des bas, elle n’échangerait pour rien au monde sa situation, même pas avec Amber qui n’avait pas eu l’occasion de grandir avec sa mère. Jonathan ne parlait d’ailleurs pas très souvent de son ex-femme. La séparation avait sûrement dû être douloureuse ; il affirmait toujours qu’elle était partie en abandonnant sa fille et lui. Rien qu’à penser à ces deux histoires, la jeune femme songeait que le mariage n’était vraiment pas une bonne idée. Entre ses parents qui se déchiraient, la femme du mécanicien qui s’envolait dans la nature... Deux exemples qui la renforçaient dans ses positions de ne pas s’attacher de cette façon-là à une personne. Elle avait l’impression que rien n’était fait pour durer éternellement alors à quoi bon ? Scarlett se rendit alors compte qu’elle venait de penser à du 100 mille à l’heure à plein de choses. Elle tenta alors de se reconcentrer sur le fil du match et constata que les Texans menaient largement la partie, ce qu’elle fit remarquer à Jonathan qui lui rappela que cette équipe était une des meilleures de la saison et qu’il n’était donc pas difficile de deviner l’issue du match. « C’est même pas drôle alors, il n’y a plus de suspens ! » S’exclama la jeune Spencer en secouant la tête d’un air dépité. « Je me souviens quand mon père disait que… ». Scarlett s’interrompit aussitôt. Ce que Thomas aurait dit en regardant le match avec sa fille était qu’il ne fallait jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, et voulait donc dire par là qu’une équipe qui n’avait rien à perdre pouvait toujours créer la surprise et faire rebondir le match. Mais il était loin le temps où elle pouvait s’installer tranquillement dans le canapé à côté de lui et passer deux heures géniales sans que ses parents ne se prennent la tête à la moindre broutille. Tous les soirs, ça dérapait. « Non, oublie… » Souffla alors la jeune femme qui n’avait pas envie de reparler de bons moments qui n’étaient plus légion chez les Spencer. Elle n’aimait pas parler des tensions chez elle et ne faisait souvent que l’évoquer rapidement. A quoi bon ennuyer les autres personnes ? Bien des gens étaient dans des situations pire que celle-là alors elle n’allait certainement pas se plaindre. Elle garda donc un visage impassible et planta sa fourchette dans son assiette. En relevant les yeux vers le match, elle constata alors que les concurrents des Texans se défendaient comme des lions et étaient en train de remonter dangereusement la pente. Un léger sourire apparut sur le visage de la jeune femme en se rappelant la phrase de son propre père. « Tu as été quaterback à l’université ? » Rebondit-elle alors sur ce que son « deuxième père » avait dit un peu plus tôt. Elle était assez surprise par cette révélation, car même si elle respectait beaucoup le métier qu’il pratiquait, elle savait aussi qu’il ne fallait pas faire des études universitaires pour ça, alors avait-il des études sportives poussées ? Et si oui pourquoi avait-il changé de voix surtout ?

Scarlett regardait toujours le match avec Jonathan, lorsqu’il lui parla de la période où il avait été quaterback à l’université. La jeune femme se déconcentra du petit écran pour se focaliser sur ce que le mécanicien venait de lui dire. De toute façon, ils savaient déjà que les Texans allaient gagner. Avoir une très bonne équipe était une bonne chose, mais c’était lassant de manquer de suspens pendant un match et de savoir qui allait gagner d’avance. Scarlett préférait davantage les rebondissements… comme celui que venait de lui avouer Jonathan. Elle le questionna alors un peu plus sur sa passion pour le football américain, lui qui ne lui en avait jamais parlé auparavant. Il lui expliqua alors qu’il avait fait partie de l’équipe de l’université pendant quelques années dont une en tant que quaterback une fois que le précédent avait laissé sa place. Il n’avait jamais vraiment quitté le milieu de ce sport puisqu’il entrainait de temps à autre une des équipes actuelles dans le coin. « Tu es coach ? » S’étonna-t-elle agréablement surprise. « Je sais maintenant d’où tu tiens toutes tes bonnes prédictions pour les matchs ! » Enchaîna-t-elle en souriant. En plus de regarder toute la saison de football, il devait avoir de bonnes infos parmi tous ces jeunes. La jeune femme éclata alors d’un petit rire lorsqu’il lui demanda s’il n’avait pas trop perdu au niveau physique. Pas du tout déstabilisée par sa question, elle répondit d’une façon légèrement sous-entendue. « Ce n’est pas à moi que tu dois demander ça. ». Dit-elle en lui faisant un clin d'oeil et en pensant à une de ses chères voisines avec qui il passait de plus en plus de temps. Oui, oui. Amber lui parlait parfois. Suzzie avait déjà été mentionnée dans une conversation, et même s’il n’y avait rien de tangible pour le moment, Scarlett était contente que son ‘deuxième père’ sorte enfin un peu plus avec une femme. Enfin, elle l’avait plutôt laissé entendre gentiment. Elle n’agissait pas avec Jonathan comme l’aurait fait avec ses potes en leur posant un millier de questions. S’il voulait lui parler de ses histoires d’adulte il le ferait, sinon ça ne la regardait pas plus que ça. Scarlett se leva alors et prit leurs deux assiettes vides pour débarrasser. La jeune femme connaissait le chemin. Elle déposa le tout dans la cuisine et prit ensuite un couteau pour découper le cake au chocolat. Elle en déposa une part dans deux assiettes et les rapporta dans le salon. C’était l’heure du dessert !

Scarlett n’était plus vraiment concentrée sur le match dont les résultats étaient pratiquement joués. Elle écouta donc attentivement Jonathan lui raconter sa période à l’université où il avait été quaterback. Il lui expliqua qu’il entraînait toujours une équipe de jeunes à ses heures perdues. La jeune femme ouvrit de grands yeux surpris… Elle savait que le mécanicien était un sportif de nature, mais elle ignorait son goût si prononcé pour le football américain. Il se passionnait bien sûr pour les matchs devant la télé et bière à la main, mais Scarlett n’avait pas pensé qu’il était carrément coach d’une équipe. Une aubaine pour ses jeunes, Jonathan avait une façon très psychologue d’aborder les gens. Peut-être était-ce l’habitude qu’il avait prise de devoir jouer le rôle des deux parents pour Amber ? En l’absence de la mère de la jeune femme, il avait dû s’occuper de tout lui-même. Scarlett était étonnée que son ‘père’ n’ait pas retrouvé chaussure à son pied depuis tout ce temps. Jonathan était plutôt un bon parti, il était charmant, avait un travail et une vie stable et bien rangée. Que demander de plus pour les femmes célibataires du quartier ? A moins que le problème soit tout autre… Il n’avait peut-être plus envie de s’engager dans une nouvelle relation après la déception de son histoire avec la mère d’Amber. Scarlett n’en connaissait pas vraiment tous les détails, mais elle savait qu’il en avait souffert. Il ne faisait peut-être plus autant confiance… Les relations d’adulte étaient loin d’être aussi simples que des amourettes d’adolescents. Il devait aussi penser à sa fille avant tout. La jeune Spencer sortit alors de ses pensées et esquissa un petit sourire lorsqu’il lui demanda si elle le trouvait toujours en bonne forme physique. Ce n’était pas vraiment à elle de le lui dire. Elle ne s’étala pas sur le sujet et se leva pour débarrasser les assiettes et servir le dessert. Scarlett retourna ensuite près du mécanicien et lui tendit sa part avant de retourner s’asseoir pour regarder la fin du match. Son petit sous-entendu avait dû travailler dans la tête de Jonathan car son ‘père’ lui demanda ce qu’elle avait voulu dire et si elle visait plus précisément Suzzie. « Oui, elle aurait certainement bien plus à dire. » Répondit-elle en souriant de nouveau. Ce n’était un secret pour personne qu’une attirance existait entre les deux adultes, mais ils se montraient hésitants l’un envers l’autre. Chacun avait sa propre vie de famille, son vécu… Pourtant, la vie défilait à une vitesse folle et il ne fallait pas trop perdre son temps à réfléchir parfois. Scarlett attaqua le cake à son tour sans poser d’autres questions. Si Jonathan avait envie de lui parler de son histoire avec Suzzie, elle l’écouterait sans problème, mais sinon elle laissait sa curiosité au placard et attendait simplement de voir comment évoluerait cette relation. Elle espérait qu’Amber encouragerait son père à sauter le pas des doutes pour recommencer à toucher au bonheur d'aimer.

Scarlett avait passé un bon moment avec Jonathan. Elle ne l’avait plus vu depuis quelques temps déjà, et malgré le petit incident en début de soirée, elle s’était plutôt bien amusée. Elle espérait que le mécanicien ferait le nécessaire pour que son ancien employé ne revienne plus l’embêter. Si besoin, la jeune femme se sentait prête à faire une déposition pour l’alibi qu’elle avait fourni à son ‘père’ quitte à ce que cette histoire soit réglée une bonne fois pour toutes. Elle croisait juste les doigts pour que sa mère n’apprenne pas ce qu’elle venait de faire, même si les parents Spencers étaient plutôt cool dans l’éducation de leurs enfants, il y avait quand même des limites. Mais Scarlett commençait à avoir l’habitude de couvrir les gens comme lorsque sa sœur avait fini par passer une nuit au poste de police et qu’elle était allée la chercher en douce sans rien dire aux parents. Quand il s’agissait de protéger ceux de qui elle était proche, la jeune femme était prête à faire beaucoup. Elle sortit alors de ses pensées et écouta la question de Jonathan. Depuis quelques minutes déjà, la conversation portait sur le physique qu’il entretenait grâce au sport avant de dériver sur l’intérêt que Suzzie pouvait avoir envers lui. Le mécanicien doutait que la jeune mère ne voit en lui plus qu’un ami, il était pourtant évident aux yeux de tous qu’il y avait bien plus entre eux. Amber avait été plutôt clair à ce sujet la dernière fois qu’elles en avaient parlé ; Scarlett n’allait pas le dire à Jonathan mais sa fille complotait discrètement pour essayer qu’ils se mettent enfin ensemble. Mais ce n’était pas une mince affaire, car les histoires d’adulte étaient beaucoup plus compliquées que les amourettes d’adolescents. Plusieurs facteurs rentraient en jeu, notamment leurs enfants et leurs relations passées qui s’étaient plutôt mal terminées. La jeune femme pouvait comprendre la réticence de Jonathan à se lancer de nouveau, mais il ne fallait pas qu’il s’arrête à une déception amoureuse. Toutes les femmes n’étaient pas comme la mère d’Amber. La preuve… Suzzie assumait seule le rôle de parent dans sa famille. Elle ressemblait bien au mécanicien en bien des points. « Tu sais, elle pense peut-être la même chose que ce que toi tu penses en ce moment. » Avança prudemment Scarlett sans vouloir trop se mêler de cette histoire ou parler à la place de Mme Dekker. Elle ne connaissait pas très bien Suzzie et ne pouvait pas penser à sa place, mais peut-être que la jeune maman célibataire se disait la même chose au sujet de Jonathan… qu’il ne la considérait que comme une amie et rien de plus. Si aucun des deux ne faisait le premier pas, ils ne sauraient jamais démêler le vrai du faux. Scarlett ne pouvait cependant pas en dire davantage, puisqu’elle ne connaissait pas très bien ce qu’ils ressentaient l’un pour l’autre exactement. Elle trouverait juste bien pour Jonathan qu’il puisse retrouver le bonheur auprès d’une autre personne, et Suzzie était une femme parfaite pour le lui donner. Son ‘père’ la complimenta ensuite sur le fameux cake. Scarlett s’était mise derrière les fourneaux depuis toute petite et était fière de détenir au moins une chose de sa mère… Elle n’était plus certaine de bien reconnaître ses parents ces derniers temps. « Merci. Le reste est pour toi. ». Répondit-elle en souriant. Elle venait de terminer sa part et ne comptait plus trop tarder. Elle avait passé une bonne soirée en compagnie de Jonathan, mais ses cours du lendemain eux ne s’envoleraient pas.