retour à la réalité | Aaron

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Dimanche matin, 9H. N'étant pas du genre à faire la grasse matinée, Renata avait décidé qu'elle passerait sa mâtinée à la piscine, histoire de faire quelques longueurs. A son réveil, les deux autres kékés étaient encore au lit, ce qui ne la surprenait guère. Elle se prépara quelques gaufres en guise de petit déjeuner et en laissa quelques unes à ses "colocataires". Elle rassembla ses affaires, laissa un post-it à Dyne afin qu'elle sache où elle allait et qu'elle lui foute la paix, et quitta la maison.

Quand elle arriva sur place, il y avait déjà pas mal de monde à la caisse. Pas décidée à attendre, elle dépassa discrètement quelques personnes qui, malgré leurs regards noir n'ont rien trouver à y redire, ce qui la fit ricaner intérieurement. Elle passa à la caisse, paya son entrée puis pénétra dans les vestiaires. Elle y enfila rapidement un maillot de bain de sport, s'attacha les cheveux en queue de cheval, puis se précipita sous la douche. Elle finit par se diriger vers le grand bassin, non sans être passée devant les maître nageurs en leur souriant. Elle mit ses lunettes de nage sur les yeux puis plongea dans l'eau. Elle entama sa séance de nage par des longueurs de crawl. Elle adorait l'eau: elle s'y sentait étrangère au monde qui l'entourait et aimait pouvoir faire du sport sans se sentir dégoulinante de transpiration. Après une dizaine de longueurs, elle s'arrêta pour faire une petite pause. Elle enleva ses lunettes pour en retirer l'eau qui s'y était glissée et regarda autour d'elle. La piscine s'était encore remplie, et beaucoup de monde circulait autour de la piscine, mais son regard s'arrêta sur une seule et unique personne: Aaron. Elle ne l'avait pas revu depuis Nouvel An et n'en avait pas grand chose à faire. Bien qu'ils entretenaient une relation plus qu'amicale à cette période là, Renata, peu fidèle, était déjà allée voir ailleurs et avait, par conséquent, complétement coupé les ponts avec le jeune homme.

Ne voulant pas qu'il lui tape la conversation façon: "Oh mon Dieu Ren', ça fait un baiiiiiiille", elle eût le réflexe de plonger sa tête sous l'eau. Elle nagea jusqu'à l'extrémité de la piscine la plus proche des vestiaires et sortit furtivement de l'eau, non sans avoir au préalable vérifié qu'elle était bien hors du champs de vision de son "ex". Elle courut jusqu'à la douche, bousculant un bambin sur le passage. Elle ne prit pas la peine de s'excuser et finit sa course dans une cabine de douche verrouillable de l'intérieur. Elle attendit quelques minutes, pour être sûre qu'il ne risquerait pas de la trouver, puis sortit de la cabine pour rejoindre son casier. Elle eût à peine le temps de faire quelques pas qu'elle entendit un râclement de gorge dans son dos. Elle resta immobile un instant, puis se tourna vers Aaron, son plus beau sourire sur les lèvres: « Aaaaaaaaron, c'est marrant de se croiser ici.. » Le mot était plutôt désespérant. Elle savait bien que c'était un grand sportif, notamment un nageur, mais quelles étaient les chances de le croiser en ce jour là durant la courte petite heure qu'elle passait à la piscine où elle venait à peine une fois par mois? S'il y a une entité supérieur qui veille sur l'humanité, elle a décidé qu'aujourd'hui, Ren' devrait payer..

Je fais des commérages à propos des voisins

Niccola Machiavelle a dit : ❝ Quand il s'agit d’offenser un homme, il faut le faire de telle manière qu'on ne puisse redouter sa vengeance. ❞

La natation, ou comment bouger sans en avoir l'air. Aaron préférait sentir ses efforts, les muscles le déchirer et surtout, agir dans un but bien précis. Enfin quoi, la natation, c'était comme le footing. Ca n'avait qu'un effet sur le long terme. En soi, il n'y avait aucun bénéfice immédiat, aucune victoire, aucun trophée. Et s'il existait une chose qu'Aaron adorait, c'était bien la compétition. Or, comme il ne faisait plus partie du club de natation, comme c'était le cas au lycée, et bien, il n'allait nager que pour détendre un peu ses muscles endoloris, ou éviter un jogging dans le froid cinglant.
Après s'être agité dans la piscine pendant une demie-heure, Aaron s'obligea à quitter l'eau. Il y reviendrait pour une nouvelle session mais il savait que ses jambes avaient besoin de retrouver le sol. Il se hissa alors sur la margelle sans difficulté et se dirigea vers ses affaires. Il extirpa une bouteille d'eau et but d'un trait quelques gorgées. Puis, il rangea ses affaires dans son sac tout en se gargarisant le palais et se permit quelques étirements du dos. C'est alors qu'il remarqua la sorcière. Son corps se raidit aussitôt, réponse instantanée au stimuli visuel dont il avait été la victime. Il faut dire que le dernier souvenir qu'il avait de Renata n'était certainement pas le meilleur qu'elle lui ait laissé.
En effet, après s'être intéressés l'un à l'autre lors de la soirée du Nouvel An, les deux jeunes gens avaient trouvé un moyen de se revoir. La disparition de Naya Freeman avait quelque peu retourné le quartier, et c'est pour cela que Renata et Aaron ne s'était vus qu'au surlendemain de cette Saint-Sylvestre. Ils avaient cependant réussi à finir enlacés nus et transpirants dans un lit, suite à une séance de sport plutôt appréciable. Mais alors qu'Aaron se satisfaisait d'avoir une relation avec une fille aussi jolie que la brunette, cette dernière n'avait pas hésité avant de remettre le couvert... sans lui. Et lorsque le jeune Hamilton avait pris connaissance de ce petit détail, il va sans dire qu'il n'avait pas trop ri. Depuis, il n'avait jamais croisé la traîtresse, mais lui vouait une haine sans merci.
Et là, maintenant qu'elle était devant ses yeux, à pavaner ses jolies hanches, Aaron ne savait quoi faire. Devait-il aller lui parler ? Partager son dégoût ? Ou bien la laisser simplement partir ? Sans trop s'en rendre compte, il se mit à la suivre, mais la demoiselle semblait bien déterminée à le semer. Et lorsqu'Aaron pénétra dans les vestiaires, Renata avait déjà disparu, comme par magie. Il s'obligea à attendre. La chance lui sourit lorsque la jeune fille rouvrit la porte, cinq minutes plus tard. Elle ne remarqua pas Aaron qui s'était installé, patient, sur le banc des vestiaires d'à côté. Mais il se leva aussitôt et vint se poster derrière elle. A défaut de prononcer son prénom, il se racla la gorge, ce qui eut le même effet. Renata lui fit alors face, l'air une seconde gênée avant de retrouver sa maîtrise naturelle. Elle lâcha une phrase bateau et Aaron ne se fit pas prier pour répondre :

-Ouais, très drôle en effet, Aaron usa d'un sourire forcé, qui exprimait fort bien son mépris. Tu m'as l'air en pleine forme ! Enfin, le contraire m'aurait étonné.

L'ironie dans la voix d'Aaron était plus claire que de l'eau de roche, mais il s'efforçait de ne pas être trop direct et agressif.

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Les conflits ne faisaient pas peur à Renata. Au contraire, elle s'y sentait particulièrement à son aise, comme si elle appréciait qu'on la traite avec dureté et mépris. Un part d'elle-même adorait être détestée, à défaut d'être une personne aimante et aimée. Les relations mielleuses, ça la faisait gerber. Elle ce qu'elle voulait, c'était de la colère, de la sueur, du répondant. D'où venait son masochisme, elle n'en savait rien, et probablement qu'une ou deux séance de psy ne lui aurait fait aucun mal, pourtant, elle ne s'en plaignait en rien.
A ce moment même, alors qu'Aaron était devenu insaisissable de par ce fossé de mépris qui les séparait, Ren' le trouvait absolument irrésistible. Elle l'avait poussé à bout et découvrait enfin le guerrier qu'il contenait en lui. Elle était toujours ainsi avec les hommes, et les appréciait dans leur intégralité qu'une fois qu'ils lui étaient devenus inaccessibles. Ceci expliquait probablement son inconstance digne d'une libertine. Elle planta son regard dans celui d'Aaron, gardant la tête haute et le dévisagea. Son sourire était bourré de mépris. Elle interpréta sa haine plus basée sur le principe de la trahison que sur le fait qu'il tenait à elle. Les hommes et leur putain de fierté, y'avait rien d'autre à en tirer.

« Ouais, très drôle en effet. Tu m'as l'air en pleine forme ! Enfin, le contraire m'aurait étonné. » Renata arrêta instantanément de sourire, lui montrant qu'elle comptait jouer franc-jeu et haussa un sourcil en entendant cette pique bourrée de sous-entendus. Elle ne prit pas le temps de regarder si quelqu'un les observait, n'en ayant que faire. De plus, si le jeune homme se lançait sur ce terrain là c'est qu'il devait bien se foutre de qui pouvait les écouter, se sentant comme le saint des saints dans cette histoire. « Ecoute, si t'as quelque chose à me dire dis le moi directement, j'ai pas l'intention de jouer à ce petit jeu bien longtemps. » Elle savait pertinemment que c'était elle qui l'avait lancé, et en assumait les hypothétiques remarques à venir. Elle fit un sourire narquois à son interlocuteur et ajouta après une brève pause: « Non en fait c'est même pas la peine que tu me le dises, je sais exactement de quoi tu veux parler, et tu auras beau me faire toutes les reproches que tu veux, tu ne me feras ni de la peine, ni culpabiliser. » Bien que c'est ce qu'elle voulait faire paraître, les paroles du jeune homme finiraient bien par la heurter. Elle n'en ferait aucune démonstration en publique mais ne pourrait s'empêcher d'y repenser, une fois rentrée chez elle. Et de payer double son affront: « Et puis j'espère bien pour toi que tu te sens pas totalement victime dans cette histoire, parce qu'après tout t'es un peu comme ces pauvres mecs qui me passent dessus parce qu'ils savent très bien que je ne suis pas contre. » En fait, elle n'en savait rien. Mais la plupart du temps, l'ego des hommes lui permettait d'avancer ce genre d'hypothèse. Et elle ne pouvait concevoir qu'un homme l'apprécie alors qu'auprès de tous elle passait pour la dernière des traînées.

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Niccola Machiavelle a dit : ❝ Quand il s'agit d’offenser un homme, il faut le faire de telle manière qu'on ne puisse redouter sa vengeance. ❞

Ravi de voir Renata perdre son sourire habituel, Aaron pensa innocemment avoir gagné le premier round. Il faut dire qu'il n'était pas commun de le voir se disputer avec quelqu'un. Que ce soit dans la vie ou sur le terrain, Aaron était plus du côté pacifiste des choses. Mais cette fois-ci, c'était différent et le jeune homme avait bien l'intention d'obtenir une explication. Et pour un non-usager de la chose, Aaron eut l'impression de très bien se débrouiller. Car en plus d'arrêter son petit jeu de fille gentille, Renata arqua un sourcil : il traduisit cette nouvelle expression comme étant de la surprise. Et cela le valorisa un peu plus dans sa démarche.
Mais son ravissement ne fut que de courte durée car la brune, sans ménagement, lui demanda d'être un peu plus clair. Elle ne voulait plus jouer au jeu du chat de la souris et souhaitait d'Aaron qu'il cesse de tourner autour du pot. Cela décontenança un peu le jeune homme qui n'avait pas prévu son discours et ne savait pas comment aborder en détail le fait qu'il ait été cocu. Heureusement ou pas, Renata ne lui laissa pas cet honneur. Son fameux sourire sur les lèvres, elle jura à Aaron qu'elle savait parfaitement bien de quel sujet il voulait traiter et que la perspective de cette discussion ne l'effrayait ni ne la dérangeait pas.
Le jeune Hamilton ouvrit la bouche sans parler pour autant. Il était légèrement abasourdi par l'assurance dont Renata faisait preuve, même si cela ne l'étonnait toujours pas en réalité. Cependant, il comprit que sa volonté de toucher un peu la demoiselle était vaine et qu'elle avait bien quelques étages d'égo de plus que lui. Il la laissa donc terminer sa tirade, jusqu'à même tenter de le culpabiliser. « Parce qu'après tout t'es un peu comme ces pauvres mecs qui me passent dessus parce qu'ils savent très bien que je ne suis pas contre. » C'était son argument pour se victimiser, et Aaron resta interdit quelques secondes. Il était véritablement surpris que la situation tourne à son désavantage, mais il fallait avouer que c'était dans les cordes de Renata d'invoquer un statut de victime. Or, la jeune fille n'avait pas pensé à un détail précis : si elle avait l'habitude de côtoyer ce genre de mâles en rut prêts à une relation purement sexuelle avec elle, ce n'était pas le cas d'Aaron. Oui, il l'avait trouvée jolie, oui elle l'avait aguichée et s'était laissé séduire. Mais il ne ressemblait pas aux Carl et aux Maxim. Jamais il ne se serait permis de toucher la brune s'il n'avait pas eu une once de sérieux dans la tête.

-Alors là, tu te trompes Renata ! Tu crois que j'avais juste envie de tirer mon coup mais c'était pas ça que je voulais avec toi.

Aaron avait un ton sec et légèrement vexé. Il ne se reconnaissait pas dans les mots de Renata, et il regrettait qu'elle pense ça de lui. Aussi, pour appuyer sur la blessure et l'humiliation qu'elle lui avait gentiment offert, il poursuivit :

-J'espère que tu regretteras longtemps d'avoir trahi le seul type qui n'en voulait pas qu'à ton cul.

La vulgarité n'était pas courante dans le langage du sportif, mais il était vraiment déçu d'être passé pour un amateur des coups d'un soir. Et dire qu'il avait risqué quelques amitiés pour sortir avec Renata ! Sans vraiment s'en rendre compte, Aaron avait évité l'erreur de sa vie. Et même s'il était blessé par la manière dont cette relation de courte durée s'était terminée, il pourrait remercier la brune, dans quelques années, d'avoir été une garce. Mais sur l'instant, seul son cœur déchiré et son égo traîné dans la boue osaient parler. Et s'il ne pouvait partir théâtralement comme il aurait voulu le faire, Aaron avait encore le courage de serrer les poings pour ne pas trembler.

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