Ouvrant doucement les yeux pour s'habituer à la lumière du jour, Andrew revenait peu à peu à la réalité. Lou était là, à côté de lui, sa présence suscita aussitôt chez lui un grand sourire idiot. Dehors, le jour semblait déjà levé depuis un moment, mais il ne préférait pas regarder l'heure. Depuis que Lou dormait chez lui, il était obligé de fermer la persienne avant de dormir, cette dernière ne supportant pas d'être réveillée de la sorte. Lui non plus, au passage, mais il avait juste la flemme de la fermer le soir pour la ré ouvrir le matin, c'était aussi idiot que de refaire son lit au lever. Alors, avant, quand le soleil se pointait, il se réfugiait simplement sous sa couette. Il n'était pas mécontent de ce changement dans cette habitude, il ne se prenait désormais plus de claque en plein visage quand il se décidait enfin à se lever. C'est alors que les événements de la veille réapparurent brusquement dans son esprit, et la claque fut bien pire que celle du soleil. Naya, disparue, les policiers partout, la panique des invités, la salle de bains en piteux état ... Aussitôt, il serra Lou plus fort contre lui, un réflexe provoqué par la peur, il n'avait pas osé imaginer la situation si la disparue était sa petite amie, et réprimait cette idée depuis. Il ouvrit méthodiquement les yeux, l'un, puis l'autre, et réalisa qu'ils n'étaient pas dans sa chambre, mais dans celle de Lou. C'est vrai, il lui avait demandé de dormir chez elle, les événements l'ayant sérieusement bousculé. Il évitait de trop bouger, pour ne pas réveiller sa belle. Elle aussi n'était pas sortie indemne de cette soirée, et il préférait grandement la voir dormir, paisible, plongée dans de doux rêves tranquilles, loin des tracas qu'ils allaient affronter aujourd'hui. Il pensa à Juliet, qui risquait d'avoir une mauvaise surprise en rentrant chez elle. Il l'avait SMS hier, avant de se coucher, afin de la prévenir. Mais un simple message ne pourrait jamais résumer l'horreur qu'avait vécue le quartier.

Malgré la fatigue que Lou éprouvait, elle avait lutté à trouver le sommeil. Après la fête, Andrew et Lou avaient quitté la maison numéro dix très tard. Lou ressentait la fatigue, mais savait qu’elle allait peiné à s’endormir malgré la présence rassurante de son petit ami. Ils avaient informé Johan et Paul de la situation, mais ils avaient bien vu l’agitation devant la maison d’en face en rentrant de leur dîner, mais avaient d’abord simplement pensé à un accident mineur telle qu’une bagarre. Lorsque Lou leur avait expliqué la situation, ils avaient été choqué, mais ravis que leurs enfants aillent pour le mieux. Ils furent d’ailleurs très contents qu’Andrew passe la nuit ici. Ils comprenaient que ça devait être dur pour lui. Arrivés dans la chambre de la jeune femme, ils se mirent directement au lit, ne se parlant presque pas. Ils étaient encore dans un autre monde. Lou était mal. Elle ne savait pas quoi dire, et n’avait pas vraiment envie d’en parler, elle avait juste envie de plonger dans un sommeil profond et de mettre toute cette histoire de côté. Installée dans les bras de son amoureux, elle chercha le sommeil. En vain. Elle se tourna dans tous les sens, mais n’arrivait pas à rejoindre cet état de paix et de sérénité qu’était le sommeil.

Finalement totalement crevée, elle s’endormit, dans un demi sommeil agité. Seulement pour quelques heures. Elle se réveilla ensuite, se rappelant que la soirée de la veille n’avait pas été qu’un vilain cauchemar. Andrew semblait encore endormi, alors elle ne dit rien. Elle restait silencieuse, pensive. Est-ce que cette journée allait être porteuse de bonne nouvelle ? Est-ce que Naya avait simplement été la victime d’une sordide histoire ? Elle espérait vivement avoir des réponses. Elle n’arrivait pas se détacher de ses pensées, et ça commençait à la rendre folle. Ça, la fatigue, le stress. Une nouvelle fois, quelques larmes perlèrent au coin de ses yeux. Qu’elle se sentait faible de pleurer ! C’était pire qu’une habitude chez elle. Elle tentait de se rassurer, et surtout de ne pas faire de bruit, elle ne voulait pas qu’Andrew s’inquiète pour elle. Elle se tourna, afin d’être face à face avec lui, et eut l’heureuse surprise de constater qu’il ne dormait plus. « Bonjour toi. » lança-t-elle timidement, la voix légèrement enrouée. « Tu as réussi à dormir ? » demanda-t-elle sincèrement intéressée. Si la situation était dure à gérer pour Lou, celle-ci avait bien conscience qu’elle devait être aussi très dure pour Andrew. Il était sorti avec cette fille, l’avait aimée, ou du moins apprécié. Ça devait lui faire une sensation très étrange.

Alors qu'Andrew était en train de regarder son amoureuse, il eut la surprise de la voir se tourner vers lui, et de découvrir son jolis minois éveillé. Elle ne dormait donc pas. Dans un sens, il en était content, il se sentait moins seul. mais il aurait tellement préféré que sa douce reste loin de la réalité. Dehors, on entendait le bruit des voitures, quelques mésanges chantaient ... La vie avait donc repris son cours, après l'accident de la veille. Andrew, lui, préférait rester dans le lit, laisser sa vie sur pause encore un peu, en stand by. Reprendre le rythme signifiait vivre avec le fait que Naya avait disparu, il n'était pas prêt. Pas prêt à voir les policiers une nouvelle fois, à participer aux campagnes pour la retrouver, à garnir un éventuel temple, ou un petit monument à sa mémoire ... Rester là, dans le lit, c'était comme laisser la possibilité que Naya soit encore en vie, quelque part. Par exemple, elle pouvait être dans le jardin d'Andrew, évanouie après sa cuite de la veille, sans que personne ne l'ait aperçue. Mais plus les minutes s'écoulaient, plus Andrew comprenait qu'il craquait. « Oui j'ai dormi, pourquoi toi non ? » demanda-t-il en faisant la moue. A l'intérieur de lui, il bouillait, un volcan qui menaçait d'exploser car, non, cette histoire n'était pas normale. Il n'était pas normal qu'un kidnappeur rode dans leur quartier, il n'était pas normal que Naya ne soit pas déjà retrouvée, il n'était pas normal qu'on entende les mêmes bruits identiques dans la rue, comme si rien ne s'était passé. Mais Lou flippait autant que lui et, pour elle, il devait rester fort. Il aurait voulu craquer avec elle, exploser, de rage, de pleurs ou de folie. Mais même s'il n'en avait pas envie, il devait aller de l'avant, pour Lou. Auparavant, il aurait comaté dans son lit, dormi, oublié, passé outre. Tout plutôt qu'affronter cet évènement. Mais il n'était plus seul, désormais. « Je vais devoir retourner chez moi pour tout ranger, mais je comprendrais que ta proposition d'entraide ne tienne plus tu sais » dit-il dans un sourire le plus sincère.

Petit à petit Lou émergeait. Non pas d’un sommeil trop profond, mais simplement d’une torpeur qui l’avait gagnée ces dernières heures. Elle revivait la soirée d’hier, encore et toujours. Comme si elle essayait de trouver quelque chose qui lui permettrait de régler cette affaire de disparition une fois pour toute. Elle serait même prête à accepter que Naya surgisse de sa cachette et annonce à tout le monde qu’elle leur avait fait une belle farce. Pourtant elle avait l’impression que ça n’allait pas être réglé aussi facilement. Elle se tourna donc vers son amoureux qui se trouvait à ces côtés, et le trouva éveillé. Lui ayant dit bonjour, elle lui demanda s’il avait réussi à trouver le sommeil. Elle aurait tout à fait compris qu’il ne puisse pas fermer l’œil de la nuit. Mais s’il avait réussi à chasser le souvenir de l’accident de la veille, peut-être avait-il pu trouver un peu de sérénité dans le temple qu’était le sommeil. Étonnamment, il lui répondit qu’il avait bien dormi, et fut surpris qu’elle lui pose la question. Désormais il la soupçonnait elle, de ne pas avoir fermé l’œil. « J’ai eu du mal. » répondit-elle brièvement. Ce n’était pas anormal, elle était tout simplement sous le choc. Elle ne pouvait pas faire comme si tout était habituel. La situation ne l’était pas. Un peu comme quand elle avait appris la mort d’Alicia. Elle ressentait la même chose. Sauf que cette fois, elle avait Andrew sur qui elle pouvait se reposer. Elle se blottit doucement contre lui, on aurait dit un petit hamster qui se câline contre son maître (a).

Cette chaleur rassurante fut néanti lorsqu’Andrew reprit la parole. Il lui rappela qu’un boulot monstre devait l’attendre chez lui. Ranger la soirée désastreuse de la veille, et surtout se confronter à la scène du crime. Il lui disait ne pas lui en vouloir si elle n’avait plus envie de l’aider à ranger comme elle lui avait promis. Elle le regarda sans comprendre. Il débarquait de Neptune ou quoi ? Peut-être que sur cette planète Lou allait lâchement l’abandonner, en tout cas sur Terre, il était hors de question de le laisser affronter cette tâche seul. « Tu rêves, je te l’ai promis. » elle était sérieuse, très sérieuse. Elle ne permettrait pas à Andrew de douter d’elle à ce point. « Tu veux y aller maintenant ? Plus vite c’est fait, mieux ça sera. » c’était une invitation à se lever. Elle n’en avait pas envie de quitter tout de suite son lit, le monde réel qui l’attendait ne lui faisait pas envie. Décidément ce 1er janvier n’avait rien de ce qu’elle aurait pu imaginer, même dans ses pires cauchemars. « Dis, tu crois qu’ils en savent un peu plus ? » se risqua-t-elle à demander ensuite.

Quand il apprit que sa petite amie n'avait pas passé une nuit calme, Andrew s'en voulut, automatiquement. Il se sentait responsable car lui était capable de dormir comme un bébé en n'importe quelle circonstance. Mais cette nuit là, il aurait voulu se tourner encore et encore dans son lit, pour tenir compagnie à sa belle. « Oh mon bébé je suis désolé, promis la nuit prochaine je dors mal ! » affirma-t-il sur un ton sérieux. Il voulait tout partager avec Lou, même les nuits mouvementées.

Mais pour l'heure, la nuit était terminée. Il était temps désormais de se lever, de se percher sur ses deux pieds et d'affronter la dure réalité d'un regard décidé ... Sauf que Andrew, il n'avait rien décidé du tout. Et cette réalité compliquée, il préférait la laisser pour les autres. Il était de ceux capables de se rouler dans la couette et de se rendormir en deux temps trois mouvements. Lou n'aurait pas dit "ouf" que le jeune homme aurait rejoint Morphée, compagnie moins gênante que sa petite amie. Il avait beau dire, l'aimer plus que tout quoi qu'il arrive, il n'avait jamais imaginer que son ex - avec qui il avait failli ressortir avant que Lou ne le chauffe comme une chienne en chaleur - ne disparaisse. Et ça, c'était difficile à gérer. Alors, peut-être aurait-il préféré affronter le domicile des souvenirs seuls, et craquer devant aucun témoin. Après tout, Naya était son ex, il connaissait la gent féminine : dès lors qu'un homme ne sort plus avec une fille, il ne peut plus rien ressentir pour elle, même pas de la tristesse si cette dernière venait à disparaitre. Mais Lou était tenace. « On y va quand tu veux, on squatte chez toi là après tout. » En vérité, Andrew appréhendait un peu d'ouvrir la porte de l'entrée, pour retrouver un bordel monstre. Puis de monter les escaliers, et de contempler la salle de bains. La maison en comptant 2, il pouvait très bien décider de la condamner à jamais, la fermer à clé et y enfermer aux passages tous les souvenirs du 31 qu'il pourrait y cacher. De toute façon, il ne savait même pas s'il avait le droit d'y pénétrer, la police n'avait rien dit. Ou alors, peut-être avait-il oublié. Mais à quoi bon. A chaque fois qu'il passerait dans le couloir, la porte de la salle de bains serait là, attirant son regard, tatouée de lettres indélébiles et invisibles "c'est ici que ton ex a disparu". Recouvrir totalement la porte de plâtre puis de tapisserie, c'était peut-être ça la solution, alors.

« Je ne sais pas, j'espère. Tu crois qu'on doit les appeler ? Ou alors ils nous recontacteront ? Ou alors on aura des nouvelles dans le journal ? » Andrew avait déjà fait face à bien des situations inhabituelles. Mais la disparition d'un proche dans sa salle de bains, ça, jamais.

Ce qui était bien quand on partageait la vie d’Andrew, c’était qu’il avait toujours le mot pour faire rire. Même quand ce n’était peut-être pas précisément pour faire rire. Il lui promis de passer une nuit agitée la prochaine, par simple solidarité pour elle. Elle rit, légèrement. En fait elle était plutôt contente qu’il puisse dormir comme un bébé. Au moins quand il était dans ses rêves il n’avait pas à revivre les choses terribles qui s’étaient passées. Elle n’ajouta rien cependant. Si elle répliquait, elle savait qu’il allait forcément lui dire que si, et la conversation n’allait jamais se terminer. Et puis, elle se doutait bien que sa promesse ne serait pas tenue. Il aimait bien trop dormir pour ça. N’en déplaise à Lou, d’ailleurs. Elle aimait bien cet aspect là de sa personnalité (flemmard et dormeur hein).

Au lieu de se lancer dans un débat sans fin, Lou lui avait demandé s’il voulait qu’ils aillent ranger tout de suite. Une fois ce cauchemar terminé, peut-être que Lou et Andrew retrouveraient une vie normale. Sans ex disparue. Andrew ne semblait pas trop savoir s’il avait envie de se confronter à cette dure réalité tout de suite. Pour ne pas laisser voir son indécision il mit sur le tapis l’argument du on est chez toi, donc c’est toi qui décide. Lou ne savait pas quoi faire non plus. D’un côté elle avait envie de se débarrasser des souvenirs gênants de cette soirée, mais de l’autre, elle avait peur de ne pas être assez forte pour supporter de revivre la peur et l’angoisse qu’elle avait ressentie la veille. Comme elle n’avait pas su quoi répondre, elle avait directement demandé à Andrew s’ils allaient avoir des nouvelles de la situation. Elle n’osait même pas le dire franchement, dire clairement le prénom de Naya. De peur que tout devienne subitement réel. Il y avait toujours un partie d’elle qui espérait que ce n’était qu’une mauvaise blague, un malentendu et que Naya allait bientôt se moquer d’eux parce qu’ils avaient tous pris peur. Evidemment, Andrew ne détenait pas la solution. « Je pense qu’ils auraient appelé, que ça soit pour une bonne nouvelle ou… » elle n’osa pas terminer sa phrase. Elle détourna le regard, un peu honteuse d’avoir eu ce genre de pensée. Elle s’en voulait un peu. Elle ne comprenait même pas d’où sortait ce sentiment de culpabilité. Peut-être du fait que Naya était sortie avec Andrew. Qu’elle lui avait piqué, qu’elles s’étaient déchirées et que finalement quand elles avaient retrouvé un semblant d’amitié elles n’avaient pas pu en profiter. Lou ne pourrait jamais récupérer tous les mois où elles s’étaient faites la tête ; car Naya n’était tout simplement plus là. Elle se détacha finalement de l’étreinte qu’elle avait créée, et se leva. Elle alla à la fenêtre, et osa jeter un coup d’œil en direction de la maison numéro dix. On aurait pu croire que rien de spécial ne s’était passé. Tout semblait si calme. « On dirait que rien ne s’est passé. » elle lança un regard vers Andrew, toujours allongé. Elle aurait pu fondre en une seconde en le voyant, les cheveux en bataille, cet air pas encore réveillé, dans sa chambre de petite fille, mais elle était plutôt à des années lumières de ça. Elle se demandait en fait, s’il arrivait à gérer la situation, ou s’il ne faisait pas que le mâle fort pour la rassurer. « Comment tu te sens ? » se risqua-t-elle finalement.

« Tututut, je ne veux pas entendre la fin de ta phrase » s'exclama-t-il quand Lou évoqua un hypothétique appel des policiers. Ils auraient appelé s'ils devaient leur donner une quelconque information, ou leur poser une quelconque question. Andrew ne voulait pas en parler plus longtemps, il ne voulait pas évoquer Naya, sa disparition, l'affreuse soirée de la veille ou quelque autre souvenir s'en rapprochant. Mais Lou en avait décidé autrement. Comme à son habitude, la jeune fille venait chercher son petit ami, dans les retranchements où celui-ci se terrait. C'était toujours le même système : quand il ne voulait pas aborder un sujet, quand telle ou telle situation le gênait, il reléguait le tour au fin fond de son esprit, avant de les oublier vite fait bien fait. Solution de lâche, de facilité. Oui, il en était conscient, et alors ? Il avait toujours fonctionné ainsi. Malheureusement, Lou n'était pas de cet avis. Au contraire, la jeune fille insistait toujours, ne le lâchait pas, jusqu'à ce qu'il agisse en adulte responsable. Sur le coup, il détestait ça, boudait, refusait de répondre, plongeait dans un mutisme profond ... Puis arrêtait d'avoir un caractère d'enfant de 3 ans, et acceptait de gérer la situation. Lou le faisait grandir, elle le sortait de son enfance perpétuelle, ce petit monde où tout allait toujours bien, réconfortant, pour le confronter à la vraie vie, aux choix, aux aveux. Il était toujours trop fier pour l'avouer, mais au fond il la remerciait pour ça. Alors, il finit par se résigner, se leva et gagna ses côtés, devant la fenêtre, pour en avoir le coeur net. Il se cala derrière elle, posa sa tête sur la sienne et l'enlaça de ses bras. Tous deux regardaient cette maison, devinant un intérieur chaotique que cet extérieur si paisible dissimulait si bien. « Tu as raison, on se croirait un jour normal, les voisins absents de la fête ne doivent même pas tous être au courant ... Et je vais bien, ne t'en fais pas. Je dois juste me forcer à y retourner. Et toi ? » enchaîna-t-il, lascivement. Elle lui ouvrait la bouche, lui déliait la langue, c'était tellement inattendu que Lou aurait pu avouer lui avoir jeté un sort, Andrew y aurait cru.

Il finit par attraper sa main, et l'incita à se tourner vers lui. Là, il déposa un doux baiser sur sa bouche, avant de la regarder en souriant. « On se prépare vite fait et on y va ? Toi d'abord sous la douche ! » Elle était celle qui lui donnait des ailes, le courage pour se battre, avancer et continuer, quand la vie incitait si grandement à rester coucher, sous la couette, et oublier.

D'habitude, une réponse si évasive n'aurait pu le contenter. Il avait toujours besoin d'informations claires et consices. Pourtant, il n'avait pas un esprit particulièrement cartésien. Juste un manque de courage pour une éventuelle réflexion, pour déchiffrer le sens caché des paroles. Il ne voulait pas d'un "j'ai faim comme tu veux", il préférais largement un "oui j'ai faim et je veux manger huit sushis au saumon avec la crème au fromage, trois brochettes de boeuf au fromage fondu avec 10ml de sauce soja sur chacune, accompagnée de 4 verres d'eau minérale plate et une serviette en papier, s'il te plaît". Pourtant, il ne réclama rien à Lou, cette fois-ci. Il avait tant craint une mauvaise nouvelle, des raisons de s'inquiéter ... Que ce bizarre lui plaisait amplement. Si jamais il avait décelé une once de mensonge, de cachotterie, dans la voix de son amoureuse, bien sûr, il se serait fait insistant. Il comprenait exactement ce qu'elle voulait dire. "Bizarre", un des meilleurs mots pour résumer leur situation, qui méritait même l'oscar du meilleur mot pour décrire leur ressentit face à la disparition de leur ancienne amie. « Oui je comprends, c'est tellement pas croyable comme évènement. Je sais pas, c'est digne d'un film. Et même si on voit parfois des trucs vraiment hors norme dans ce quartier, ça je ne l'aurais jamais imaginé. Oui, c'est bizarre. » Andrew ne savait même pas pourquoi il avait tant parlé. Au début, il voulait juste approuver Lou, lui montrer qu'elle n'était pas seule, que lui également était perdu. Ensuite les mots s'étaient succédés, sa langue s'était déliée, transformant sa bouche en une fontaine de phrases, sans s'arrêter. Il avait même l'impression, au fond, d'être un peu essouflé.

Alors qu'il s'apprétait à rejoindre le centre de la chambre, pour commencer à rassembler ses affaires qu'il avait étalées ça et là, comme à son habitude, Lou se resserra contre lui, sans prévenir. Il laissa échaper un souffle quand il sentit les deux bras de la jeune fille le tenir un peu plus fort. De quoi avait-elle peur ? Il n'allait pas s'échapper. Il avait rangé sa cape au placard, et ses ailes au pigeonnier. Mais, en fait, après l'évènement de la veille, Andrew avait aussi l'impression de devenir parano. « Tout comme tu veux bébé. Par contre, je retire ce que j'ai dit : je ne te laisse pas aller t'enfermer seule dans la salle de bains, et n'y vois pas là une invitation polissonne, je te connais ! J'ai juste trop peur que tu ne reviennes jamais. Ou alors tu laisses la porte ouverte ! » Il afficha un air grave et sérieux, pesant chacun de ses mots. Or de question de perdre sa petite amie, jamais il ne s'en remettrait. Il s'imaginait déjà, terré dans son lit, le sol de sa chambre jonché de tellement de détritus qu'ils pourraient remplir un camion poubelle. Et lui, là, sous les draps, vieil ermite, ombre de lui même, homme sans âme, sans raison de vivre, vidé de tout avenir. Non, il ne pouvait vraiment pas la perdre.

Perdre Lou, ce serait pour Andrew, comme perdre comme une partie de lui-même. Pas comme on perd des cheveux tous les jours, pas comme on perd un ongle en le cassant par inadvertance. Si Lou disparaissait de sa vie pour X, Y ou Z raison, une partie de son coeur et de son âme s'en irait avec elle. Ils étaient liés par un fil invisible, reliés l'un à l'autre, connecté. Parfois, Andrew disait en rigolant que Lou était l'amour de sa vie, car elle était la seule à supporter son caractère de petit cochon. Mais c'était bien plus que ça. En soit, il ne s'était jamais levé un matin en s'écriant le point levé "pour Lou, je suis prêt à me lever avant 14h, à changer mes draps chaque semaine, à prendre une douche tous les jours, à me cultiver et à regarder des séries pour filles". Tous les changements avaient opéré secrètement, sans prevenir. Au fil du temps, il était devenu accro à elle et à la niaiserie qui baignait leur couple. Elle n'était pas une "meuf" qu'il aimait "vite fait", c'était la fille qui lui provoquait des palpitations dans la poitrine rien qu'en entendant le son de sa voix. Il ne lui avait jamais dit tout ça, probablement trop honteux. Il avait beau avoir passé la vingtaine, il restait toujours au stade "les filles c'est nul, les pokémon y'a que ça de vrai, ils sont plus obéissants, et ils rentrent dans des pokéballs". Mais il savait qu'elle savait, qu'il était un handicapé sentimental mais que, au fond, il la kiffait for real.

« Bon d'accord » Il finit par accepter que sa petite amie prenne sa douche toute seule comme une grande, non sans appréhender. « Si jamais on t'attaque, imite le cri du crapaud, je saurai que tu es en danger comme ça ! » conclure d'un cri d'alerte reconnaissable était une étape essentielle pour cette mission. Sauf si la maison de Lou venait subitement à être envahie de grenouilles. Là, ça deviendrait embêtant.

Un peu plus tard, et sans aucun coassement, Lou repointa le bout de son nez. La jeune femme se pavana bien vite en sous vêtements devant son amoureux, mais la situation ne se prêtait pas à des polissonneries. Pourtant, Andrew se serait bien jeté sur elle, la maintenant tout de suite. « Oui bah on sait jamais, ça aurait pu ! » il lui tira la langue avant d'attraper ses fringues et de filer dans la salle de bains.

Effectivement, il réapparut dans la chambre de Lou, habillé et sans aucune égratinure. Mais il remarqua alors que sa belle n'était plus présente. Alarmé et subitement inquiet, il se mit à la chercher. « Lou t'es où ? Putain Lou ? Ah merde, raah zut ! » Andrew oubliait parfois que, dans cette maison, la présence d'une petite fille interdisait l'emploi d'injures. Et comme à chaque fois, il s'en souvenait une fois les mots prononcés. Mais il avait des circonstances atténuantes : Lou ne se cachait ni sous son lit, ni derrière la porte, ni sous son bureau. Et si le kidnappeur avait profité de son absence pour s'emparer de sa belle ?

Même sous sa douche, Lou n’avait pas pu trouver une once de sérénité. Et pourtant elle avait vraiment espéré que cette douche vienne laver tous les mauvais tourments, ainsi que toutes les mauvaises vibrations qui l’avaient assaillies. Comme si, une fois qu’elle aurait terminé, sa vie redeviendrait aussi nette et pure que sa peau. Malheureusement, elle n’avait pas profité de ce moment de paix, elle avait plutôt fait vite de peur qu’Andrew ne rapplique si elle mettait trop de temps. Quand elle fut de retour dans sa chambre, elle rassura donc Andrew, et l’envoya à son tour prendre sa douche. Elle finit de se préparer doucement, enfilant un vieux jean, et un vieux sweat. Peu importe ô combien elle pouvait être unsexy, ils avaient de toute façon prévu de passer toute leur après midi à ramasser des gobelets vides, à passer l’aspirateur et la serpillère dans toute la maison du jeune homme. Elle redoutait le moment où il faudrait monter, ouvrir la porte de la salle de bains et s’employer à remettre en ordre tout le bazar qu’avait causé la disparition de Naya. Ce lieu témoin du drame, qui à coup sûr, mettrait mal à l’aise aussi bien Andrew que Lou. Alors qu’elle enfilait ses vieilles converses toutes délabrées, elle se dit qu’ils n’avaient même pas encore mangé. Hors de question d’attaquer la journée le ventre vide. Elle descendit pour aller chercher un verre de jus d’orange et quelques gâteaux. De toute façon, elle n’avait pas envie de prendre le petit déjeuner avec toute sa famille, ils risqueraient de poser des questions à propos d’hier soir (car, rappelez vous, Lou est la seule de sa famille à avoir une vie sociale, et donc à avoir participé à la fête). Elle ne voulait pas y répondre, et voulait encore moins faire subir cet ambiance pesante à Andrew. Dans la cuisine, sa mère était en train de regarder les infos, évidemment, la disparition d’hier avait fait la une des infos locales. Elle lui jeta un coup d’œil, lui assura qu’ils avaient bien dormir, mais qu’ils passeraient sans doute une partie de leur journée à ranger la maison des Davies. Elle se dépêcha de prendre tout ce qu’elle devait car elle voulait remonter au plus vite.

Alors qu’elle s’avançait dans les escaliers, elle entendit la voix d’Andrew qui l’appelait. Il avait donc à ce point peur qu’elle ne disparaisse ? Dans sa niaiserie terrible, la jeune femme trouvait ça adorable. Même s’il aurait pu faire un effort sur la langue, mais heureusement pour lui les oreilles pures de sa demi sœur de naine ne traînaient pas dans les parages. Elle lâcha un petit rire en l’entendant lui-même se reprendre. « Tu es mignon. » fit-elle pour signaler sa présence et qu’il la remarque enfin. « Je suis allée chercher un petit déjeuner, enfin si on peut dire. » elle lui tendit un verre de jus d’orange. « Je n’ai pas très faim, mais bon. » elle haussa les épaules. Un silence s’installa, alors qu’elle s’assit sur son lit pour boire son jus. « Tu sais, ils en parlent déjà aux infos. » finit-elle par lâcher.

Quand Lou réapparut enfin dans la chambre, il se précipita sur elle. Si elle n'avait pas tenu ce verre plein dans la main, il l'aurait serré fort dans ses bras, pour vérifier que cette personne était bien faite de chair et d'os, et qu'elle n'était pas une illusion produite par son imagination. Alors, il se contenta de lui toucher le bras. Effectivement, elle était réelle. « Ne me fais plus jamais ça !! D'ailleurs, à compter d'aujourd'hui, on ne se sépare plus jamais, là où tu vas je vais, et là où je vais je t'emmène aussi avec moi ! » Lou ne risquait pas d'apprécier, mais l'annonce d'Andrew était pourtant sans appel. S'il perdait Lou, ce serait comme perdre une moitié de lui. Il n'était plus Andrew, il était Andrew-fou-amoureux-de-Lou.

Il finit par saisir le verre et en boire l'intégralité. « Merci, je suis désormais d'attaque pour nettoyer ma maison ! Toi aussi, à ce que je vois ... » dit-il, en louchant délibérément sur la tenue de Spencer garçonne de sa petite amie. Et le pire, c'est que même dans cette tenue, il la trouvait encore craquante. Parfois, il se demandait vraiment si Lou ne lui avait pas jeté un mauvais sort. Mais cette dernière préféra remettre une énième fois le sujet Naya sur le tapis. Andrew soupira, agacé de ne pas avoir été présent pour éteindre cette méchante télévision, qui avait fait du mal à sa chérie. « Au moins, nous savons comment nous tenir au courant. S'il y a du nouveau, on en entendra parler. » dit-il, sans grande conviction. Ecouter en boucle le récit de cette soirée infernale ne l'enchantait pas. « Je ne comprends toujours pas comment la rumeur a pu monter alors que personne n'avait rien vu. Si c'est le kidnappeur qui l'a lancée avant d'attraper Naya, c'est vraiment quelqu'un de timbré. » dit-il, surtout pour lui même, avant de réaliser qu'il avait prononcé un florilège de mots tabous devant sa petite amie. Alors, quitte à en balancer un peu, il choisit de lui confier toutes ses interrogations. « Tu crois que c'est la personne qui tient le blog Dirty Secret ? Que Naya allait découvrir qui c'était ? » On se serait cru dans une de ces séries pour fille que regardait Lou.

Andrew se précipita sur Lou lorsqu’elle daigna réapparaître, c’était mignon. Il lui toucha le bras afin d’être sur qu’elle était bien vivante. Lou ne put s’empêcher d’être touchée, mais agacée en même temps. Evidemment, elle était bien heureuse que son copain s’occupe d’elle à ce point, mais elle était aussi un grande fille qui n’allait pas s’évaporer parce qu’elle décidait d’aller faire pipi toute seule ! Qui plus est, il lui dit que désormais ils allaient tout faire ensemble. Elle soupira, elle savait bien que les paroles de son amoureux se voulaient sincères, mais elle savait aussi qu’il parlait plus vite que son ombre et qu’il disait parfois des choses dont il ne mesurait pas les conséquences. Elle décida de ne pas répliquer, sachant pertinemment qu’engager une conversation avec lui à ce sujet, ne servirait à rien. Elle lui tendit donc la pauvre nourriture qu’elle venait de ramener. Il la taquina ensuite sur sa tenue, à quoi s’attendait-il sérieusement ? Elle lui tira la langue, aujourd’hui elle n’avait pas envie de faire d’effort pour être jolie, il allait devoir s’y faire.

Installés, Lou venait de lui confier ce qu’elle avait vu à la télé. La disparition de Naya était un nouvel événement tragique qui venait entacher la réputation de leur quartier. A côté de ça, il fallait faire face à l’après disparition. Ceux qui étaient, ou avaient été proches de la jeune femme n’étaient définitivement plus les mêmes aujourd’hui. Il fallait gérer ça. Heureusement, Andrew et Lou pouvaient le gérer ensemble. Sans cela, Lou n’aurait même pas eu la force de quitter son lit ce matin, sans doute ensevelie sous le chagrin. Alors Andrew décida de se remémorer le moment où ils avaient tous les appris la nouvelle. Comment cette rumeur c’était propagé ? Qui l’avait lancée ? Tant de questions sans réponses, et qui rendaient dingues le couple d’amoureux. Car Lou y avait pensé aussi, évidemment. « Je me suis posée les mêmes questions. De toute façon pour kidnapper quelqu’un il ne faut pas être très net. » elle haussa les épaules, dépitée de la situation. « Tu penses ? Je ne crois pas, Naya n’était pas le genre à enquêter. Surtout que Dirty Secret ne s’en était jamais pris à elle. » Lou qui avait été une victime de la célèbre bloggeuse, n’avait même pas pensé à enquêter pour la démasquer, alors que Naya le fasse uniquement par plaisir et générosité l’étonnait beaucoup. « Ce quartier est insensé. On partira un jour dis ? » elle lui attrapa la main pour la glisser dans la sienne. La seule chose qui permettait à Lou d’être optimiste c’était d’imaginer sa vie future, avec Andrew.

Déjà, Andrew regrettait tout son flot de questions. Evoquer une fille disparue était malsain, mais pire encore, cette fille restait son ex, et en faire un sujet de conversation avec sa petite amie rendait la situation désagréable. Andrew était gêné, ne sachant s'il ne devait cacher sa peine et son désarroi, ou si au contraire, Lou comprendrait, et qu'il pouvait dès lors partager ses sentiments. Naya avait compté pour lui, elle faisait partie de ce petit lot de filles qui - même s'il ne ressentait plus rien pour elles - continuaient à signifier quelque chose. Un lot de filles pas bien nombreuses, car Andrew n'a pas connu tant de filles que ça (!!!). Mais Naya restait un souvenir de Londres, de cette période insouciante où il se sentait indestructible, plus fort que l'alcool et donc plus fort que le monde. Aujourd'hui, il se sentait démuni, et sa peur s'accentuait d'un cran. Il voulait être celui qui protégerait Lou coûte que coûte, mais comment faire quand on est frêle comme un pic à brochettes.

Il soupira alors, dépassé par ces évènements. « Je ne sais pas je ne sais pas je ne sais pas. J'aimerais tellement que la solution apparaisse là sur un plateau, qu'on nous explique comment gérer ça et que pouf, on aille mieux. » Il détestait ce sentiment, ne pas être sous contrôle et se laisser dépasser par ses émotions. Il serra la main de sa petite amie un peu plus fort, comme si cette chaleur le rassurait déjà un peu. Comme si, tant qu'ils restaient à deux, rien ne pouvait leur arriver. « Oh oui on partira, loin loin loin ! On vivra rien qu'à deux, sous un pont, et on passera nos journées à se faire des câlins, on mendiera pour se payer des burgers, on se réchauffera mutuellement ... trop bien non ? » Il ne resta pas sérieux bien longtemps, et finit par afficher ce petit sourire idiot, qui signifiait "je suis con et ça me fait rire, mais je me retiens car je dois rester sérieux".

Lou avait besoin d’être rassurée. Être en couple lui assurait cette sensation. Quelqu’un veillait sur elle, la rassurait, la réconfortait, la prenait dans ses bras quand les choses n’allaient pas. Andrew était attentionné, elle n’avait pas à se plaindre. Elle était bien heureuse de pouvoir compter sur lui en ces moments difficiles. Elle termina son jus de fruit et ces quelques gâteaux, et reporta son attention sur Andrew. Elle venait de remettre le sujet « Naya » sur le tapis et s’en voulait un peu. Ils devaient déjà apprendre à gérer la situation, elle n’avait pas besoin d’en rajouter. Le moment était pénible pour eux deux. Andrew voulait que la solution aux problèmes apparaissent d’eux-mêmes. Elle le reconnaissait bien là, malheureusement quand on veut que les choses s’arrangent, la passivité n’est pas une bonne idée. Et même si Lou ne comptait pas se lancer corps et âme dans une enquête pour retrouver son amie disparue, elle allait observer le comportement de tous ses voisins pour voir si quelqu’un (ou quelqu’une) n’avait pas une attitude étrange. Elle n’osa cependant pas le dire à son amoureux. Elle le connaissait, avec sa tendance maladive à vouloir la surprotéger de tout, il allait forcément lui demander de rester en dehors de tout ça. Mais Lou n’était pas comme ça, elle sentait avoir son rôle à jouer dans l’affaire. Elle se contenta donc d’acquiescer doucement, d’un hochement de tête.

Elle venait en outre de lui demander de quitter le quartier, plus tard quand ils vivront tous les deux. Andrew était bien évidemment d’accord, de toute façon c’était non négociable. Construire une vie de famille dans cette ville c’était agir sur le modèle de toutes ses familles pseudo bourgeoises qui critiquaient les autres à tout va. Jamais Lou n’avait envie de devenir ça. Et même si Andrew ne se montrait pas sérieux sur le sujet, Lou le connaissait bien pour savoir que lui non plus n’avait pas envie de devenir une pâle copie de ses parents. « C’est même parfait, j’ai vraiment hâte ! » lui répondit-elle sincèrement enthousiasmée par leurs projets d’avenir. « Je crois qu’on devrait vraiment y aller, on a assez repoussé le moment fatidique. » elle tenait toujours Andrew par la main, et se leva l’entraînant dans son mouvement. Elle prit le chemin des escaliers, déposa les quelques affaires qu’elle avait monté en haut dans la cuisine, répéta une nouvelle fois à sa mère qu’elle passait la journée à nettoyer la maison d’Andrew et elle quitta sa maison. En traversant la rue, Lou ne fut pas rassurée, mettre les pieds dans cette maison lui foutait carrément les jetons. Le plus dur serait de passer le pas de la porte. Elle serra une fois de plus la main d’Andrew dans la sienne. « Prêt ? » demanda-t-elle, même si sa réplique sonnait fausse, un peu comme dans une mauvaise série B. Et pourtant, elle l’avait jugée nécessaire, et espérait quand même un peu qu’Andrew saurait la rassurer…

Lou approuvait ses projets d'avenir sur la comète, sans broncher. Il la reconnaissait bien là. Il n'était pas sérieux (oui vivre sous un pont ce n'est pas assez hygiénique), pourtant elle entrait dans son jeu, le suivait sans se plaindre de sortir avec un gamin collectionnant les blagues douteuses. Peut-être parce que, au fond, ils avaient la même idée en tête : peut-être qu'ils ne passeraient pas littéralement la journée blottis l'un contre l'autre, qu'ils travailleraient, auraient un toit sur leur tête ... Mais l'idée était là. Ils ne se sépareraient jamais, se compléteraient comme ils le faisaient depuis presque un an et demi maintenant. Ils seraient heureux, juste à deux, car ils n'avaient pas besoin de plus. Et puis, les weekends, ils ne sortiraient pas du lit (sauf si le voisin toque au mur car ils font trop de bruit), et ça sera trop bien.

« Oui oui allons y. » Il se laissa tirer par sa petite amie, sans la lâcher. Car ils formaient un, à deux unis ils étaient plus forts. Il la suivit dans la cuisine, où une Johan pas très rassurée les regarda s'en aller. A chaque fois qu'un évènement saisissant se déroulait dans la vie de Lou, sa relation avec sa mère s'en retrouvait bien moins mouvementée. Il était triste que les deux filles aient besoin de catastrophes pour se rappeler combien elles tenaient chacune l'une à l'autre. Mais Andrew ne désespérait pas de voir leur relation un jour s'arranger. Car Lou avait la chance d'avoir une mère présente et aimante. Et surtout qui ne la forçait pas à emprunter telle ou telle carrière.

Une fois la rue traversée, le coeur d'Andrew se noua. Le chemin devenait plus compliqué, moralement. Il sentit la main de Lou serrer la sienne un peu plus. Elle avait peur, alors il ne pouvait pas flancher. « Oui je suis prêt, tant qu'on est à deux on peut tout faire, aller au bout du monde, ou simplement chez moi. » Et sans plus tarder, il ouvrit la porte.