Il faisait beau, les oiseaux chantaient, le vent soufflait dans les branchages des arbres, enfin, bref, c'était une fin d'après-midi comme les autres à Magnolia Cresent. Depuis sa Saint-Valentin un petit peu loupée (vu qu'elle n'avait pas pu terminer sa première conversation et avait attendu sept minutes un deuxième rendez-vous qui n'était jamais arrivé), Jennifer avait passé deux mois monotones et sans aucunes activités palpitantes à jongler entre ses sorties avec ses amis et les discussions barbantes avec des clients barbants dans un hôtel barbant. Pour Jennifer, ces mois n'avaient en rien été digne de la si mouvementée ville de Magnolia Cresent. Pour une éternelle optimiste, c'était une vision des choses assez péjorative.

Jennie se leva de son banc où elle faisait sa promenade vespérale (un mot qu'elle n'utilisait jamais), vérifia qu'elle n'avait aucunes feuilles tombées d'un quelconque arbre collé sur le derrière (résulta d'une mauvaise expérience de lycée, les adolescent peuvent être très méchants pour un rien) et marcha quelques minutes en écoutant la chanson qui passait à plein volume dans les oreillettes de son iPod. Habitué à chanter seule dans sa chambre au son d'une musique passée et repassée en boucle, la blonde se mit à fredonner, pas trop fort, les paroles. Elle fermait les yeux, ne pensait à rien d'autre qu'a cette musique et ne se rendait même pas compte qu'elle pouvait gêner les gens qui se promenait tranquillement ce soir là. Emporter par la musique, elle se mit même à secouer la tête et à taper du pied rythmiquement, de quoi s'attirer les foudres des vieux qui passaient par là à la recherche de la tranquillité du soir et trouvait, à la place, une trentenaires blonde qui s'agitait comme une adolescente un peu attardée. Mais pour tout dire, Jennifer se fichait bien d’embêter les vieux, aussi méchant que cela puisse paraître, cela mettrait un peu de piment dans sa semaine de se faire "remonter les bretelles" par un vieux qui agiterait sa canne sous le nez de la blondinette en proférant des injures digne d'une pièce de Molière.

L'inconvénient d'être dans une ville minuscule, c'est qu'on en avait bien vite fait le tour. Et le seul endroit qu'il manquait à ma collection, c'était le parc. A vrai dire, j'avais toujours eu du mal avec les parcs: toujours trop de monde sur les aires de jeux, toujours quelqu'un pour se coller à côté de moi sur l'herbe, et interdiction formelle de faire du skate dans l'enceinte du lieu. J'étais donc à pieds, en train de m'ennuyer fermement, quand j'aperçus à quelques mètres une jolie blonde chanter à tue tête tout en marchant sans regarder autour d'elle. Esquissant un petit sourire, j'allais me planter pile en face d'elle, avant qu'elle ne me rentre dedans en suivant sa trajectoire. Et pour me rentrer dedans, elle n'y était pas allée de main morte, j'avais presque l'impression de sentir mon cerveau dégouliner de mes oreilles. Me frottant le crâne, je ris quelques peu avant de la regarder en haussant les sourcils. "Alors comme ça on aime bien chanter sur les chansons des autres et le faire savoir à tout le monde? T'aurai pas des origines japonaises par hasard?" Bon, certes, je recyclais mes techniques d'approches, mais il fallait bien trouver quelque chose à dire maintenant que j'avais fait ma connerie. On assume son impulsivité où on ne la ramène pas, telle est ma devise!

Et bien voilà ! Jennifer l'avait eu sa dose petite dose d'adrénaline ! Alors qu'elle continuait de se prendre pour une rock star pendant un de ses concert, un abruti avait eu la bonne idée de se placer juste devant elle, engendrant une rencontre assez brutale. La blonde poussa une cri de surprise aiguë et ne pu même pas terminée de chanter le refrain de sa chanson. Jennie recula vivement, prête à se défendre contre un quiconque psychopathe, kidnappeur ou grand-père en colère mais eu la surprise (et le soulagement) de trouver un jeune homme d'environ cinq ans de moins qu'elle qui se frottait le crâne en riant. Il leva les yeux vers elle et lui jeta un regard interrogatif : "Alors comme ça on aime bien chanter sur les chansons des autres et le faire savoir à tout le monde? T'aurai pas des origines japonaises par hasard ?". Jennifer mourrait d'envie de lui répondre "Et alors comme ça on aime bien foncer dans les jeunes femmes sans défense afin qu'elles frôlent la crise cardiaque. T'aurais pas des origines de débile mentale gravement atteint par hasard ?", mais elle ne le fit pas. Pourquoi ? Parce que quelqu'un d'autre lui avait déjà sortit ce genre de phrase, alors, soit cet inconnu piquait ses phrases d'approche sur internet, soit il avait un grand frère qui tentait de lui apprendre, en vain, des techniques d'approche, soit c'est avec lui qu'elle avait eu son premier Speed Dating à la Saint Valentin. Pendant deux dixièmes de secondes, Jennifer réfléchit à la manière qu'elle pourrais utiliser pour savoir laquelle de ses théorie était la bonne. Elle finit par opter pour la facilité et ressortit la réponse qu'elle avait déjà formulé lors de ce Speed Dating : "Nop, aucune origines japonaises. C'est pas possible le nombre de clichés qui circulent sur le karaoké ! Les Américains ont aussi le droit d'aimer ça quand même !". Jennie tenta de prendre un air outrée, une moue un peu boudeuse sur les lèvres mais tout de même amusée par la situation.

Entendant exactement les mêmes phrases qu'au speed dating, je tiquais. Elle était blonde, tout comme la jeune femme que j'avais rencontré ce soir là. Et en effet, son timbre de voix ne m'était pas inconnu. Peut être que j'avais réussi à retrouver ma lemon pie? Fronçant le nez, je lui lançais un regard, les yeux plissés. "Dis moi, t'aimes bien les tartes au citron?" Question complètement débile, certes, mais je n'aurai pas pu trouver mieux en quelques secondes. Remarque, si sa réponse n'était qu'une simple coïncidence, j'aurai l'air d'un sacré blaireau en lui posant une question de la sorte. "Non parce qu'il y a une boulangerie pas loin, et franchement ça te dirait pas d'en partager une avec moi? T'es trop charmante et tout." J'avais prononcé cette dernière phrase en prenant un accent de racaille des alentours londoniens. Espérons qu'elle comprenne au moins la blague, que je ne passe pas entièrement pour un con. Remarque, je devais bien en avoir l'air, lui souriant comme un débile, après lui être rentré dedans volontairement. Mon QI d'huitre légendaire me suivait décidement partout. Même si je savais ma technique foireuse, je n'avais pas envie de montrer que je doutais de moi pour autant. Après tout, je m'étais donné le surnom d'Hitch pour la soirée, autant ne pas totalement le déshonorer en cinq petites minutes. Et puis, c'était la première fois que je trouvais une fille aussi drôle que moi dans cette ville. Hum.

Les milliers de petites questions engendrées par cette rencontre fracassante se secouaient et s'agitaient dans la tête de la blondinette trentenaire au sourire flamboyant. Le jeune homme en face d'elle, quant à lui, fronçait le nez et paraissait en pleine réflexion. Finalement, il posa la question qui fit disparaître toutes les interrogations de la tête de la Vanya. "Dis moi, t'aimes bien les tartes au citron ?". Le visage de Jennifer s'éclaircit littéralement de surprise et de bonheur, comme une petite ampoule électrique qu'on branche à un générateur. Elle réfléchit à une réponse approprié et assez drôle à dire à l'inconnu mais, certainement par peur du ridicule, au cas ou son interlocutrice ne soit pas celle qu'il pensait qu'elle était, celui-ci rajouta : "Non parce qu'il y a une boulangerie pas loin, et franchement ça te dirait pas d'en partager une avec moi? T'es trop charmante et tout." Cette dernière phrase fut prononcée d'une manière de "petite racaille des bacs à sable", comme une humoriste imitant un dragueur de bas-étage. Jenny pensait, et espérait, qu'il avait fait exprès d'employé un ton comme celui-ci et non qu'il faisait partit de cette catégorie de "petite racaille des bacs à sable". Sinon, il lui faudrait courir le plus vite et le plus loin possible de cet énergumène nul en drague. "Les tartes au citron ? Oh mais j'en suis fan !" Elle sourit en coin, le regard malicieux et rajouta : "Et toi ? Tu connaîtrais le film "Hitch" par hasard ?" Bon, peut-être que la blondinette se trompait - même si elle n'y pensait pas une seule seconde - mais, si, par une malchance malheureuse c'était le cas, elle passerait pour une débile un instant mais se rattraperait avec une phrase mi-stupide mi-compliquée qui embrouillerait l’esprit de ce jeune homme sympathiques aux questions bizarres sur des tartes aux citrons. Citrons que Jenny adorait plus que n'importe quels autres fruits.

Souriant de plus belle à ses réponses, j'aquiescais silencieusement. Elle était donc bien celle que je pensais. "On dirait qu'on se connait déjà, Lemon Pie". Je lui souris avant de repenser à sa réflexion sur les tartes au citron. "Tu sais que c'est le seul dessert que je puisse réussir? Bon, c'est pas un exploit aux yeux du monde, mais connaissant mon aptitude à faire cramer une casserole de pâtes, un peu quand même". Je ne savais absolument pas pourquoi je lui racontais ça, mais j'avais tendance à déblatérer sur un sujet complètement inintéressant pour masquer mon gêne. Je l'observai quelques minutes, jouant nerveusement en faisant tourner ma bague autour de mon index, avant de trouver une question pertinente, pour une fois, à lui poser. "Bon, je t’appellerai volontiers Lemon pour toute une vie, mais j'imagine que tu as un prénom... Enfin j'espère pour toi." Et si elle s'appelait réellement Lemon, j'aurai l'air d'un abruti. Enfin, je devais déjà avoir l'air d'un abruti, mais je pourrai toujours continuer à creuser, même au fond du trou. Affichant un sourire un peu gêné, j'attendais sa réponse en espérant qu'elle soit un minimum indulgente face à mon niveau de conversation plutôt désespérant. Je pouvais être le mec le plus charismatique au monde sur scène, mais une fois débarrassé de ma guitare, je pouvais avoir un peu de mal à retrouver mon assurance. En même temps, la jeune femme en face de moi avait tendance à m'impressionner un minimum. Disons que j'aurai pu me foutre de son opinion, mais elle avait l'air plutôt cool. Et rencontrer une personne de plus ici ne me ferait pas de mal, il fallait l'avouer.

Le jeune homme en face souriant de plus en plus au fur et à mesure des réponses de la jeune femme, alors Jennifer n'en était que plus persuadée. C'était lui. C'était Hitch. Quelle drôle de coïncidence ! Peut-être était-ce le... destin ? Brrrr ! La blonde frissonna à cette pensée. C'était bizarre de se dire que sa vie était contrôlé par quelques forces extérieur, que le fait qu'on fasse telle ou telle erreur, telle ou telle rencontre soit dicté par quelqu'un d'autre que nous et soit déjà écrit malgré tout ce qu'on pourrait faire pour le contourner. Dérangeant. "On dirait qu'on se connait déjà, Lemon Pie". Jennifer sourit de toutes ses dents, un magnifique sourire digne d'une pub pour dentifrice "colgate". Et oui ! Lemon Pie, c'était bel et bien elle. Etant une grand adepte des citrons et des déserts, la blondinette avait choisit ce pseudo-ci pour les speed daiting organisé par l'agence tenu par l'homme marié qu'elle tentait d'oublier sans réellement y parvenir. Pourtant, en ce moment même, la Vanya ne pensait pas à cet homme là, elle pensait juste à faire bonne impression face à cette nouvelle rencontre. Pour une fois, elle se fichait bien de savoir si le monsieur Harrison pensait à elle ou non, elle voulait juste s'amuser de ces joyeuses retrouvailles hasardeuses. "Tu sais que c'est le seul dessert que je puisse réussir ? Bon, c'est pas un exploit aux yeux du monde, mais connaissant mon aptitude à faire cramer une casserole de pâtes, un peu quand même". La jeune fille rigola. Moins douée, tu meurs. Mais ça n'en n'était que plus amusant. Rien qu'a parler de tarte au citron, la blonde en bavait presque. "Et beh c'est génial ! Tu pourras m'en cuisiner pleins comme ça!".

Puis durant quelques minutes, Hitch parut légèrement gêné, il jouait nerveusement avec sa bague et tout ces autres signes qui montraient qu'une personne était mal à l'aise et cherchait un sujet de discussion. Finalement, il demanda : "Bon, je t’appellerai volontiers Lemon pour toute une vie, mais j'imagine que tu as un prénom... Enfin j'espère pour toi.". La blondinette pouffa, quelle question stupide, évidemment qu'elle avait un nom. Autre que Lemon, bien sûr. La seule Lemon qui devait existé sur Terre était cette petite blonde arrogante de "Hart of Dixie", et encore, elle était fictive. Le jeune homme paraissait un peu hésitant face à Jennifer et ça l'amusait, elle trouvait ça vraiment drôle, surtout de la part d'une personnage qui osait se surnommé Hitch. Mais c'était aussi mignon et valorisant pour la blondinette, ça voulait dire qu'il donnait de l’importance à l'avis que la Vanya pourrait avoir de lui, non ? "Nan, je ne m'appelle pas vraiment Lemon Pie ! Jennifer, it's my name. And you ?"

La voyant sourire, j'en esquissais un à mon tour. Elle avait ce genre de visage, d'expressions communicatives. Mais si, vous savez, ce genre de personne que vous suivez dans leurs fous rire, même sans les connaitre. Non? Riant nerveusement à sa réflexion, je fronçais légèrement le nez avant de lui répondre. "Je fais pas la cuisine à quelqu'un comme ça, sans connaitre la personne. Tu m'as pris pour un cuisinier facile, c'est ça?!" Bon, c'était idiot, mais ça avait au moins le mérite d'être un minimum drôle.
A l'entente de son prénom, je ne pus m'empêcher de répliquer du tac au tac. "Ah ouais, t'as une tête de Jennifer, c'est vrai." Un silence plutôt pesant plana pendant quelques instants, avant que je réalise l'énormité de ce que je venais de sortir. Me frappant le font avec la paume de ma main, je me retournais vers elle, arborant mon grand sourire d'idiot du village. "C'est pas péjoratif hein, vraiment pas! C'est juste que je trouve que certaines personnes ont la tête de leurs prénoms." Ok, c'était incompréhensible. Pointant une femme petite, un peu boulotte, la trentaine au visage sympathique, j'essayais d'imager mes dires. "Tu vois, elle, j'suis sûr qu'elle s'appelle Valérie. Valoche pour les intimes." Ricanant de ma bêtise, je réalisais que je n'avais toujours pas répondu à la jeune femme qui me faisait face. "Ah et euh, j'm'appelle Jason. Enchanté, c'est un honneur, courbettes, révérences et baisemains, tout ça tout ça." J'étais vraiment à l'aise face à cette fille. Hinhin, ironie, quand tu nous tiens.