Cela faisait cinq heures, cinq putains d'heures à répéter les mêmes mouvements, à écouter la même musique, à s'acharner sur la même chorégraphie. Ses jambes commençaient doucement à fléchir, les gouttes perlaient son corps mais ce n'était décidément pas le moment d'arrêter, tant qu'elle dansait elle ne pensait à rien d'autre et Dieu seul sait à quel point elle ne voulait pas y penser. Mais le petit bonhomme là haut semblait avoir d'autres projets pour elle ou du moins il voulait simplement lui accorder une pause et c'est sous l'apparition de Maxim Daniels que cela se fit. Elle souffla en premier lieu, fatiguée, à bout de nerfs mais le connaissant il ne se serait pas simplement contenter de rentrer chez lui. Quelques coups contre sa fenêtre et quelques pas plus loin il était à sa porte d'entrée, le choix ? Elle ne l'avait plus à partir du moment où elle avait croisé son regard.

Et quelques fractions de secondes après lui avoir ouvert la porte, elle regrettait. Certes, ses remarques ne lui plaisaient pas mais elle se laissait facilement regarder par le jeune homme.

- 10 minutes. C'est tout ce que j'ai à t'offrir.

Elle n'était pas froide mais pas pour autant agréable avec lui. C'est simple, ils n'avaient rien en commun mais étaient étrangement attirés l'un envers l'autre. La jeune femme y avait souvent songé, elle essayait tant bien que mal de comprendre ce qui l'attirait tellement chez Maxim et ne pouvait se résigner à être une de ces filles qui ne voient que par le physique. Et pourtant elle avait le doigt dessus; victime de sa propre luxure, le physique du jeune homme était comme un aimant, il en était même dur de lui trouver un défaut. Mais finalement c'est ce qui faisait qu'elle l'appréciait, il ne pouvait en aucun cas lui faire du mal, il ne lui manquait pas, elle ne l'aimait pas, c'était purement physique. La réaction la plus naturelle du monde.

La maison des Fitzgerald était vide, Maxim avait décidément beaucoup de chance. Ignorant si le jeune homme la suivait ou non, elle s'était écroulée sur le canapé la cigarette au bec, première clope depuis des lustres autant dire que c'était une renaissance. Relevant doucement le regard le jeune homme était posté non loin d'elle, la tête blonde en profita évidement pour le détailler discrètement ou non.

- Alors, qu'est ce qui t'amène ? Intéressé pour des cours particuliers ?

Si Jaylann était discrète dans sa façon de le regarder, lui, ne cherchait pas à l'être. C'est avec force et insistance que le regard de Maxim voyageait sur le corps de la jeune femme, elle aimait être désirée, se sentir belle, elle savait pertinemment qu'elle était appréciée pour son physique et non pas pour son caractère. Le visage de Zachary lui vint à l'esprit, lui retournant le ventre, une haine amoureuse lui parcourant les membres, elle qui cherchait tant bien que mal à l'effacer avant de commettre l'irréparable ne pouvait s'y résoudre. Par chance, Maxim vint la sortir de ses pensées Je t’ai vu danser tout à l’heure on dirait que tu as fais ça toute ta vie. Indépendamment d'elle même, elle était devenue froide, désintéressée.

- J'ai fait ça toute ma vie, je ne suis douée que pour ça.

Jaylann était en pleine tourmente, les mots sortaient de sa bouche sans conviction et laissaient un goût amer dans celle ci, elle regardait Maxim mais pensait à Zachary. Elle essayait de lutter, de se concentrer sur Maxim mais cette simple pensée pour le beau brun avait suffit pour rompre toute attirance envers celui ci. Mais finalement Maxim pouvait lui faire oublier, lui faire passer du bon temps, lui, la trouvait belle et ne lui ferait pas de mal.

- J'ai entendu dire que tu étais beaucoup plus doué lorsque tu ne portais rien du tout...

Faire n'importe quoi était un moyen d'oublier, de l'oublier lui et faire taire cet amour naissant qu'elle éprouvait, mais il n'y avait rien à faire, elle ne pouvait l'oublier et se jeter dans les bras de Maxim ne la rendrait pas plus heureuse. La situation tournait au drame dans sa tête, un mal de crâne surgissant elle se leva rapidement laissant le jeune homme dans l'incompréhension la plus totale.

- Tu devrais y aller, on a rien à se dire et tu le sais très bien.

Sans un regard elle monta dans sa salle de danse, claqua la porte derrière elle avant de glisser le long de celle ci, naturellement ses mains vinrent supporter le poids de sa tête.

- Mais bordel qu'est-ce que tu fous...

Elle s'était écroulée, incapable de supporter le poids de la vie avec ses jambes devenues si frêles, sa tête était machinalement tombée entre ses mains, ses yeux se fermèrent un instant. Et pendant cet instant qui sembla durer des heures, il lui était impossible de penser, de réfléchir à quoi que ce soit, son esprit tourmenté avait fait place au néant. Et si par chance elle venait à retrouver ses esprits elle était confrontée à un visage, ce même visage qui la hantait nuits et jours sans jamais pouvoir lui échapper et ainsi elle pouvait ressentir quelque chose, un vide se creusant au fond d'elle. Et si elle se sentait seule c'est le bruit des pas de Maxim qui la firent retourner à la réalité, cette dure réalité faite de pourquoi incessants. Ses mains tombèrent au sol et les trois coups rapides que Maxim exerça sur la porte résonnèrent en elle, elle se leva doucement l'écoutant sans vraiment l'écouter et comme attirée sa tête se posa contre la porte.

Pourquoi lui avait-elle ouvert ? Pourquoi le ferait-elle à nouveau ? Pourquoi avait-elle ce besoin de se sentir désirée ? Pourquoi était-elle désirée de tous sauf de l'homme qu'elle aime ? Pourquoi va-t-elle lui ouvrir se sentant obligée de l'embrasser, de partager ses draps et de se lever en se détestant d'être ce qu'elle est ?

Sa main s'était glissée sur la poignée, demeurant silencieuse la porte s'était ouverte. Personne n'était entré dans cette pièce, gardée religieusement comme un journal intime, Maxim y était invité. Les yeux de la jeune blonde tombèrent inévitablement sur ceux de Maxim, elle ne les baissait pas mais ne parlait pas non plus. Un million de choses lui traversèrent l'esprit et ce, à toute allure, il pouvait penser ce qu'il voulait d'elle, elle n'en n'avait rien à faire. Cela ne comptait pas. Cela ne comptera jamais.

- Je n'ai peur de rien.

Et à cet instant précis, plus que tout au monde, elle y croyait.

Tu ne risques rien à passer du temps avec moi... Cette phrase. Cette phrase et ses moindres mots résonnaient dans sa tête comme un bruit sourd, un bruit qui lui était inconnu mais qui lui faisait terriblement mal. Ces mots elle aurait voulu les entendre d'une autre bouche, plus rassurante et plus sincère, plus douce et familière que celle de Maxim mais c'est un confort qu'il ne pouvait lui offrir. Lorsque les yeux magnétiques du jeune homme scrutaient les moindres détails de son corps elle éprouvait comme une gêne sentant que son celui ci appartenait à un autre et quand délicatement une tension étrangère vint se poser sur sa hanche pour lentement se poser sur sa joue elle ferma les yeux. Malgré l'attirance plus réelle que définissable qu'elle éprouvait envers Maxim ses pensées étaient ailleurs et la rendait totalement rigide.

La voix rauque et terriblement séduisante de Maxim l'éloigna soudainement de ses pensées, ouvrant les yeux et redécouvrant le jeune homme dont elle été inexorablement attirée. Aussi joueur qu'elle pouvait l'être un sourire se glissa sur ses lèvres, et à ce moment un seul regard suffisait pour connaître le déroulement de la soirée.

- Qu...

Mais à peine eu-t-elle le temps de susurrer ne serait-ce qu'un mot qu'une douce chaleur vint se déposer sur ses lèvres, même si elle voyait progressivement son visage s'approcher ce baiser avait l'effet d'une surprise, le goût du jeu. Répondant à celui ci, elle s'en détacha subitement, cette attirance magnétique ne pouvait s'éteindre maintenant; il fallait soigner ce feu pour qu'il dure le plus longtemps possible. S'éloignant de lui tout en le regardant elle se dirigea vers la chaîne hi-fi, sans même y avoir réfléchi le cd du lac des cygnes vint s'insérer dans le lecteur.y réfléchir elle prit un cd au hasard et le glissa dans le lecteur.

- Que le spectacle commence.

Même si elle n'avait rien à prouver ni à Maxim ni à quiconque, sa nature joueuse s'exaltait de plus que l'improvisation rendait l'enjeu terriblement excitant. Lorsque les premières notent se firent entendre commença un délicieux spectacle, aussi légère qu'une plume elle voyageait, s'élançait dans la pièce, les pas semblaient tracés sur le parquet tant ils étaient précis. À l'écoute des notes elle se délivrait de ses sentiments, de son esprit tourmenté et torturait son spectateur par ses formes ondulant à travers son body.