Il était déjà rendu 7h50 et cela faisait sûrement un bon dix minutes que je tournais en rond dans mon lit. Je décidai donc de me lever, même si mon cadran devait sonner seulement à 8 heures. Je poussai le bouton de celui-ci pour être certain qu’il ne sonnerait pas tout à l’heure. J’enfilai un pyjama et alla prendre une douche. Après, je pris le temps de me faire une petite beauté afin d’avoir une bonne allure pour le boulot. Je retournai dans ma chambre et m’habillai de façon convenable. Comme je commençais à avoir faim, je me dirigeai vers la cuisine pour me faire un bon petit déjeuner. Rendu à la cuisine, je pris quelques instants pour regarder le temps qu’il faisait dehors. C’était maussade, il y avait beaucoup de nuages, il faisait sombre et comble de malheur il pleuvait en plus. De toute façon ce n’est pas si grave, je travaille alors ce n’est pas comme si je manquais quelque chose ou que j’avais prévu passer la journée dehors. Je me fis donc deux tranches de pain avec de la confiture aux fraises. C’était très tranquille dans la maison. Probablement que mes chers colocataires dormaient encore. Enfin j’imagine, leurs portes étaient toutes fermées et à cette heure, il est plutôt rare de les voir debout habituellement. Je terminai donc de manger sans faire trop de bruit pour ne pas déranger personne. Je déposai ma vaisselle sale dans l’évier et pris le restant de mes affaires avant de quitter la maison en la laissant encore plus silencieuse.

[…]

Arrivé à la bibliothèque, j’avais encore un peu d’avance. Je pris donc ce temps pour me prendre un café afin d’être en parfaite forme. J’allai m’asseoir quelques minutes tout en buvant mon café - qui n’était pas mauvais d’ailleurs. Il était donc rendu l’heure de commencer à travailler et je me rendis donc sur place. Après environ quarante-cinq minutes, je croisai Junie.

« Hey salut! Comment se porte ma chère collègue aujourd’hui? »

Junie me fît légèrement sourire en m’appelant son petit collègue. Elle m’appelait souvent de cette manière; je trouvais ça plutôt comique et ça ne me dérangeais pas non plus. Enfin, je lui répondis donc :

« Pas trop mal ma chère Junie. Ce n’est pas la pleine forme, mais ça pourrait être pire, alors il ne faut pas que je me plaigne trop et en plus tu n’as sûrement pas envie d’écouter tout ça! »

Tout en lui parlant, je la voyais éplucher le courrier qui me semblait plutôt volumineux. Elle gardait le sourire comme toujours car elle semblait heureuse en permanence. Elle est excellente pour ne pas laisser paraître si ça ne va pas, mais malgré tout, aujourd’hui elle me semblait réellement heureuse. Je lui demandai donc par curiosité :

« Qu’est-ce qu’il y a dans le courrier que nous avons reçu? »

J’ai souvent pour habitude de dire pas de nouvelles, bonnes nouvelles, car en général c’est toujours des trucs moches que l’on reçoit ou bien des factures alors rien qui donne envie d’avoir du courrier - enfin pour les gens normaux.
Pendant que Junie continuait de feuilleter le courrier, elle me demanda comment s’était passé mon week-end. Je lui répondis donc :

« Bof, je dois avouer qu’il était plutôt ordinaire. Ces derniers temps je ne suis pas déprimé, mais comment te dire… Je crois que le terme épuisé serait plus juste, ou une petite fatigue, enfin quelque chose du genre » Dis-je en finissant par rigoler. « Sinon, je suis resté tranquille chez moi, je n’ai rien fait d’extraordinaire. J’avais besoin de me relaxer quelque peu, mais je suis allé à la fête des voisins même si au début cela ne me tentait pas trop. J’ai rencontré un jeune homme qui se nomme Cody ainsi que Duncan qui m’a semblé très sympathique et très poli. Bon! Assez parlé de moi! Et ton week-end ma belle, il a sûrement été plus palpitant que le mien, alors raconte-moi! »

Je tournai ensuite la tête vers la pile de livres qui avaient été retournés afin de les trier pour ensuite aller les ranger à leur place respective. Cela ne me tentait pas trop, mais il fallait bien que je commence par quelque chose.

J’étais très chanceux d’avoir la belle Junie comme collègue de travail je dois l’avouer. En plus, il se trouvait qu’avec le temps, nous avions développé une belle relation et que nous étions devenus de bons amis. Elle était douée pour détecter lorsqu’il y avait un truc qui n’allait pas trop et était toujours prête pour m’écouter et me remonter le moral.

" Raconte moi tout Edmond, je suis une oreille attentive et qui sait écouter. Puis tu es loin de me fatiguer avec tout ça, au contraire. "

" Tu sais que tu es une perle toi? Je vais juste faire un truc avant et après je t’en parle alors. "

Comme cela risquait d’être un peu long, je voulais aller ranger certains livres avant pour ensuite prendre le temps qu’il faudrait pour discuter avec elle. Surtout qu’en fait, cela la concernait également en bout de ligne et je ne voulais pas qu’elle apprenne cela par quelqu’un d’autre par respect. Ce n’était pas facile non plus pour moi de lui annoncer cela, même si d’un autre côté c’était quand même une bonne nouvelle.

" Oui, Duncan est fleuriste. Tu es douée! " Lui dis-je en rigolant.
" C’est super, je suis content que tu aies passé un beau week-end. "

J’étais en train de ranger les livres quand Junie me demanda quelque chose :

" Quand tu auras fini avec ces piles de livre, tu viendras m'aider ? Car j'en ai pour un moment à faire ce fichu inventaire ! "

" Oui sans problème ma belle, j’ai presque terminé et je suis tout à toi après. Ça va être moins ennuyant à deux et moins long aussi. "

Je pris donc les livres et allai les ranger à leur place, ce qui ne me prit pas plus de cinq minutes. Je ramenai le chariot à sa place pour finalement me diriger un peu en retrait avec Junie pour l’aider avec ce fameux inventaire. À mon avis, c’était le moment idéal pour discuter avec elle de ce qui n’allait pas trop. Je décidai donc de me lancer.

" En fait, ce qu’il y a c’est que je ne me vois pas être bibliothécaire pour toujours. J’aime les livres, ce n’est pas ça le problème, mais je réalise que c’est plus une passion ou un passe-temps qu’une vocation. Au début, j’aimais venir travailler et maintenant, quand je me lève le matin, je ne suis plus trop motivé et ça ne me tente pas de venir. Une chance qu’au moins je sais que tu es là, car tu rends ma journée plus agréable, mais je suis triste car je ne travaillerais plus avec toi. "

Tout en continuant de l’aider avec l’inventaire, je me demandais ce qu’elle allait penser et j’espérais surtout qu’elle ne soit pas fâchée contre moi. J’aimais beaucoup ma petite Junie et je ne voudrais pas que cela crée un froid entre nous.

Nous étions toujours en train de continuer de faire l’inventaire pendant que je lui expliquais la situation dans laquelle je me trouvais. Situation dans laquelle je ne me sentais pas tout à fait confortable, mais que d’un autre côté, je me devais d’être fidèle à moi-même. Enfin, c’est compliqué à expliquer, mais je ressentais de la joie, de la tristesse, un sentiment d’aventure, de nouvelles choses à explorer et de liberté. C’est certain que cela en fait beaucoup à la fois et que cela rendait mes émotions difficiles à gérer. Enfin bref, je terminai de lui expliquer quand elle se tourna vers moi en posant une main sur le comptoir. Ça y était! Le moment fatidique était arrivé. Elle allait me dire ce qu’elle en pensait et cela me rendait légèrement nerveux de ne pas trop savoir à quoi m’attendre. Je pris une grande respiration et me concentra sur ce qu’elle allait dire.

" Je vois ce que tu veux dire, et je ne t'en veux pas du tout. Et, je suis contente d'être une source de motivation mais je ne vais pas te retenir ici alors que tu n'es plus aussi passionné. "

Ouf… Cette réponse me soulageait au plus haut point. J’étais soulagé qu’elle comprenne ce que je tentais de lui expliquer. Soulagé qu’elle ne m’en veuille pas. Soulagé de savoir que je pourrais essayer quelque chose d’autre et qui de plus, me rendrais vraiment heureux de préférence.

" Si tu savais à quel point tu me fait plaisir. Je t’avoue que je redoutais un peu ta réaction. Je ne savais pas comment tu le prendrais et je ne voulais pas créer de froid entre nous non plus. Mais j’avais tort, j’aurais dû me douter que tu me comprendrais mieux que personne. Ce n’est pas pour rien que je t’apprécie autant, ma chère. "

Et je le pensais vraiment. Des collègues comme elle, il n’y en a pas des tonnes. D’autant plus que je sais que Junie comptait beaucoup sur moi pour tenir à l’ordre cette bibliothèque. Cela vient prouver encore plus à quel point elle est compréhensive et merveilleuse.

Junie recommença donc de faire l’inventaire avec un joli sourire qui venait me rassurer. Je me remis donc à la tâche également : il y avait quand même du boulot à faire après tout. Alors, tout en travaillant, celle-ci me posa une question qui à mon avis était tout à fait légitime de sa part. Elle méritait bien de le savoir et surtout après ce que je venais de lui dire.

" Et tu irais vers quoi, Edmond? "

" Eh bien, je veux ouvrir mon propre cabinet de comptable. Ça fait déjà un bon moment que j’y pensais, mais je crois que ce serait le temps de me lancer. " Lui dis-je en lui souriant.

Effectivement, cette idée me trottait dans la tête depuis déjà un bon moment, mais je n’avais jamais osé l’entreprendre. C’était quand même un grand projet et cela demandait du temps et de l’argent ce que je n’avais pas vraiment avant. Mais aujourd’hui, c’était différent, je me sentais prêt à relever le défi et j’en avais le goût. Je verrais bien par la suite comment les choses allaient se dérouler, mais peu importe le dénouement, au moins j’aurais essayé et je n’aurai pas le regret plus tard de ne pas avoir tenté ma chance.

Je venais d’annoncer la grande nouvelle à ma chère Junie et celle-ci l’avait très bien reçue. Toujours en continuant de ranger les livres, je lui avais également fait part que j’étais soulagé de sa réaction. Toujours fidèle à elle-même, elle me tapota l’épaule tout en rigolant puis enchaina.

" Oh, mais tu me voyais vraiment te crier dessus ? Sincèrement Edmond, je ne suis pas le diable et je crois que je suis la première à être aussi compréhensive avec ce genre de chose."

Effectivement, ce n’était vraiment pas le genre de Junie de crier sur les gens et pour ce qui est du diable et bien je dirais qu’elle en est très loin, pour ne pas dire à l’opposé. Elle est quelqu’un de très calme, posé et même lorsque des situations disons difficiles lui tombent dessus, elle reste civilisée.

" C’est certain que non, d’ailleurs j’essaie de m’imaginer la scène et c’est vraiment bizarre pour ne pas dire assez hilarant. Je me suis imaginé des trucs alors que je n’avais en fait aucune raison de m’en faire. J’avais peur de te laisser car je sais que je t’aide énormément et que tu sois dans le pétrin ensuite. Mais avec quelqu’un comme toi je suis certain qu’ils vont tous vouloir travailler avec toi. " Lui dis-je en lui faisant un clin d’œil.

Je lui mentionnai ensuite le domaine dans lequel je voulais me réorienter après qu’elle me l’aie demandé et encore une fois je puis constater à quelle point Junie tenait à me soutenir dans cette aventure.

" Eh bien, j'ai envie de te dire mon cher Edmond, lance toi car tu es encore jeune et tu as encore bien de choses à faire ! Puis, comme ça je viendrais te voir pour mes comptes. Je pense que tu vas pouvoir réussir dans ça. J'en suis sûre !"

" Je te remercie vraiment beaucoup. Et sache que tu seras toujours la bienvenue en cas de besoin. De mon côté, je vais continuer de venir pour emprunter des livres et par la même occasion prendre de tes nouvelles. "

Toujours en continuant de faire des petites tâches, Junie prouva une fois de plus à quel point elle est une patronne extraordinaire.

"Si tu pars avant la fin du mois, tu auras quand même ta paie en entier. Je pense que tu peux en avoir besoin pour construire ce cabinet."

" C’est vraiment trop gentil! Mais de toute façon, je vais rester au moins deux semaines encore question de te laisser du temps pour trouver quelqu’un pour me remplacer. Je ne voudrais pas que tu te retrouves avec tout le travail toute seule, et de toute façon mon cabinet ne sera pas prêt avant deux ou trois semaines. Alors d’ici là, je vais continuer de venir sauf si tu trouves quelqu’un avant. " Lui dis-je en souriant. " Tu vas vraiment me manquer en tout cas. Le soir de ma dernière journée si tu veux bien on pourrait aller boire un verre question de célébrer un peu? C’est moi qui offre en plus. "

C’était bien la moindre des choses que je pouvais faire pour la remercier de toute ces belles années passées avec elle.