« La maison était entièrement faite de bonbons et de pain d’épice… les fenêtres étaient en sucre d’orge et …» Confortablement assise dans la chambre de son fils, Juliet lisait depuis plus d’une heure. Bien que Logan soit encore parfaitement incapable de comprendre les subtilités d’une histoire enfantine, la jeune femme aimait l’endormir de cette manière. C’était une façon de partager sa passion avec lui. Et puis les enfants, ça aime les contes de fées, non ? Déjà lorsqu’elle était enceinte, elle aimait lui lire des histoires. C’était devenu une habitude, pour ne pas dire un rituel de tous les soirs. Avant de tourner une nouvelle page, Juliet baissa le regard en direction de son fils qui était blotti dans ses bras. Un ravissant sourire se dessina sur son visage lorsqu’elle constata qu’il dormait profondément. Logan était vraiment adorable … le plus troublant, c’est qu’il ressemblait de plus en plus à Adrian. Autant dire qu’il était un bébé magnifique. Tout doucement, elle se redressa et l’emmena jusqu’à son lit. Elle l’y déposa, remonta la couverture contre lui, plaça sa peluche préférée à ses côtés, éteignit la lumière et finalement, sortit de la chambre sans faire le moindre bruit. La jeune femme regarda l’heure. Parfait. Elle était dans le bon timing.

En passant près d’un miroir, Juliet s’assura que sa tenue était convenable. Elle portait une magnifique robe en dentelle noire, courte mais extrêmement raffinée, et des escarpins assortis. Ses cheveux étaient détachés et légèrement ondulés, tandis qu’elle avait maquillé sa bouche à l’aide d’un rouge à lèvre couleur sang. Pour une fois, Juliet avait prévu de s’absenter toute la soirée, d’où le fait qu’elle soit ainsi vêtue. Avant de partir, elle fit un détour par la chambre d’Adrian qu’elle avait simplement croisé un peu plus tôt dans la soirée. A ce moment-là, elle était habillée de manière plus sobre. Elle ne lui avait pas encore dit qu’elle comptait sortir. Après tout, même s’ils vivaient ensemble, elle estimait qu’ils n’avaient aucun compte à se rendre mutuellement. Ainsi, chacun d’eux était libre d’aller et venir à sa guise. C’était étrange de vivre ainsi en compagnie d’Adrian. C’était même une vraie torture de le voir tous les jours sans jamais pouvoir venir se blottir dans ses bras ou encore l’embrasser. L’envie était pourtant là … la rancune du passé également. Mais le fait de l’avoir à ses côtés était toujours mieux que de le savoir à des kilomètres d’elle. Cette simple idée était insupportable. Même s’ils n’étaient plus tout à fait un couple, Juliet avait terriblement et indéniablement besoin de sa présence. Le simple fait de savoir qu’il se trouvait dans la pièce d’à côté la mettait en émoi. Passant devant sa chambre, elle frappa à la porte et attendit quelques secondes avant d’entrer. Adrian était probablement en train de travailler … « Désolée de te déranger. Je voulais juste te dire que Logan est endormi. Je dois sortir pour la soirée, je ne sais pas à quelle heure je compte rentrer. Tu penses pouvoir t’en sortir ? Sinon je peux toujours demander à Andrew de passer …»Elle savait cependant que ce ne serait pas nécessaire. Elle disait ça simplement au cas où Adrian avait prévu de bosser sur quelques dossiers et ne souhaitait pas être dérangé par Logan. « Tu as besoin de quelque chose avant que je m’en aille ? »

Il était dans sa nature de toujours s’inquiéter pour ceux qui lui étaient chers. En l’occurrence, Juliet avait besoin de s’assurer qu’Adrian n’avait besoin de rien avant son départ. C’était probablement stupide d’agir ainsi sachant qu’ils ne formaient plus un couple mais elle était parfaitement incapable de s’en empêcher. « Je te remercie, j'ai tout ce qu'il me faut ici... Attend, ne bouge pas, je dois arranger ça... » Ne comprenant pas vraiment de quoi il était en train de parler, Juliet le regarda s’approcher avant que le contact entre sa main et son épaule ne l’électrise totalement. C’était toujours comme ça lorsqu’il s’approchait d’elle ou l’effleurait malencontreusement. Elle aurait aimé que son corps apprenne à réagir autrement en présence d’Adrian mais il faut croire que c’était totalement impossible. C’est fou comme un simple contact pouvait la mettre mal à l’aise. La charmante teinte rosée de ses joues pouvait aisément en attester. « Voilà, comme ça c'est parfait... Tu es... magnifique Juliet. » Une fois encore, elle sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine. Fut un temps où elle aurait donné n’importe quoi pour qu’Adrian prête attention à elle de la sorte. A présent, elle avait l’impression d’être la huitième merveille du monde chaque fois qu’il posait son regard sur elle et autant dire que c’était réellement déstabilisant. Elle aimait cette sensation tout autant qu’elle l’effrayait. Plus rien n’était naturel entre eux. Juliet avait l’impression de se retrouver dans la peau d’une adolescente maladroite. Malgré tout, elle parvint à sourire à sa remarque et baissa le regard un très court instant. « Merci…» Bizarrement, elle n’avait plus vraiment envie de sortir. Elle aurait aimé rester avec lui pour le reste de la soirée. Pourquoi faire ? Elle n’en savait rien. Peut-être que le simple fait d’être à ses côtés suffisait à rendre l’instant merveilleux. Mais non. Elle savait que ce ne serait pas raisonnable. Elle n’était pas prête pour ça, elle ne savait même pas si elle le serait un jour. Fort heureusement, les paroles du jeune homme la tirèrent de ses pensées. « On vient te chercher ou tu comptes y aller en voiture? » Depuis l’accident, elle savait qu’il s’inquiétait énormément pour elle chaque fois qu’elle devait mettre le nez dehors. Il n’y avait pourtant pas de quoi. Juliet était une excellente conductrice. Ce n’est pas elle qui était responsable de l’accident mais bel et bien un chauffard ivre qui avait fait une sortie de route impressionnante. Elle était toutefois touchée qu’il se fasse tant de mauvais sang pour elle. Cela prouvait qu’il tenait un peu à elle, non ? Elle souria tendrement et pencha légèrement la tête sur le côté. « Je vais prendre ma voiture. Mais ne t’en fais pas, je vais tâcher d’être prudente.» C’est étrange qu’il ne lui ai pas encore posé la moindre question concernant cette fameuse soirée. Ceci dit, elle avait bien noté le « on » dans sa précédente question et elle tenait à le rassurer sur ce point : « C’est simplement … une soirée mondaine. Une convention littéraire plus exactement. Tu sais que j’adore participer à ce genre de rendez-vous. Tous les grands pontes du monde de l’édition seront présents. Ce n’est donc pas… enfin … pas un rendez-vous ou quelque chose de ce genre…» Pourquoi éprouvait-elle le besoin de se justifier de la sorte, hum ? Sans doute car elle ne voulait pas qu’Adrian se fasse de fausses idées en imaginant qu’elle voyait un autre homme. C’était faux. Nerveusement, elle jouait avec ses doigts depuis plusieurs secondes. Elle était à la fois touchante et adorable quand elle se comportait de la sorte. Comme quoi, il y avait bien en elle un mélange de douceur, de fragilité et d’infantile. Elle n’était plus une enfant mais pas totalement une femme. Elle était … Juliet.

Il n’y avait vraiment aucune raison pour que la soirée tourne mal mais qu’importe, Juliet acquiesça à sa demande. Si cela pouvait rassurer Adrian de savoir qu’elle n’hésiterait pas à l’appeler en cas de besoin, alors c’était l’essentiel. Toutefois, la jeune femme ne tenait pas à ce qu’il se fasse de fausses idées concernant cette fameuse soirée. Juliet n’avait nullement convenu d’un rendez-vous galant avec un autre homme, il s’agissait simplement d’une convention littéraire à laquelle elle souhaitait participer. C’était l’occasion pour elle de se changer les idées et d’échanger avec des personnes qui partageaient sa passion pour les livres. Elle aurait pu se contenter de partir et de laisser Adrian dans le doute mais elle refusait catégoriquement de lui faire une chose pareille. Sans doute avait-elle envie qu’il comprenne qu’elle l’aimait toujours et qu’il n’était pas question pour elle d’envisager refaire sa vie aussi aisément. « Pas... pas de problème Juliet. Tu es grande, tu fais ce que tu veux après tout! Et puis cette soirée est importante, elle peut te permettre de rencontrer un tas de monde... Tout le monde sait qu'il ne faut pas négliger son réseau professionnel de nos jours! » Oh elle n’avait pas vraiment besoin de ça pour se créer un réseau. A vrai dire, Juliet était vraiment très appréciée dans son domaine et nombreux étaient ceux qui n’hésitaient pas à faire appel à elle. Là n’était pas la question. Elle hocha doucement la tête pour faire signe qu’il avait raison, il s’agissait seulement d’un rendez-vous professionnel et rien de plus. Pourquoi avait-elle tellement envie d’insister sur ce point ? Tiraillée entre son envie de partir et celle de passer la soirée avec Adrian, elle songea finalement qu’il valait mieux pour tout le monde qu’elle quitte la maison au plus vite et alors qu’elle s’apprêtait à faire demi-tour, la voix du jeune homme la coupa dans son élan. « Il est bien tôt encore pour ce genre de soirée... tu aurais le temps de boire un verre avant de partir ou... ou tu es peut être pressée? » Avait-elle bien compris ce qu’il venait de dire ? Il souhaitait prendre le temps de boire un verre en sa compagnie ? Juliet se figea un court instant. Whaou… cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas ressenti ce genre d’émotions. A mille et une reprises elle avait eu l’occasion de prendre un verre avec Adrian mais ce soir, sa demande avait une saveur tout à fait spéciale. Juliet avait l’impression de revenir plusieurs années en arrière, quand la simple évocation du prénom d’Adrian la rendait chancelante.

Partir ou rester ? Telle était la question … Quitter la maison sur le champ aurait sans doute été la plus sage des décisions à prendre mais Juliet en avait marre d’être raisonnable. Pour une fois, elle voulait écouter seulement son cœur et celui-ci lui dictait fermement de ne pas passer cette porte. « J’imagine que quelques minutes ne feront pas la différence.» Sauf qu’ils savaient aussi bien l’un que l’autre que c’était loin d’être une affaire de minutes. Elle n’avait pas la moindre envie que ça le soit. Jamais encore elle ne s’était sentie aussi tiraillées par ses sentiments. « Qu’est-ce que tu me proposes ?» Un nouveau sourire se dessina sur les traits fins de son visage tandis qu’elle observait Adrian avec attention. Un verre… ce n’était pas grand-chose mais suffisant pour satisfaire son besoin de passer du temps en sa présence. Et puis, leur nouvelle maison était carrément magnifique alors Juliet imaginait déjà le tableau : ils allaient certainement prendre place sur le canapé, face à un feu de cheminée et discuter de tout et de rien autour d’un bon verre. C’était sans doute un peu cliché mais Juliet adorait ce genre de chose. Elle était une grande rêveuse dans l’âme et avait toujours eu tendance à imaginer sa vie comme un livre dont elle écrivait les pages une à une. Emboitant le pas à Adrian, elle retourna donc dans le salon, demeurant debout, ses mains devant elle. Ainsi vêtue, elle ressemblait vraiment à une poupée de collection et vue les circonstances, elle avait vraiment la sensation d’avoir un rencart avec Adrian. Troublant. Tellement troublée, qu’elle ne tarda pas à briser le silence et le fil de ses pensées.« A propos, tu ne m’as toujours pas dit si la décoration de la maison te convient ? J’avais envie de quelque chose changeant radicalement de notre ancienne demeure. Je voulais que ça me ressemble… ou plutôt que ça nous ressemble. Tu aimes ?»

Juliet s’empara du verre tendu par Adrian et après avoir trinqué avec lui en esquissant un sourire des plus ravissants, elle porta le divin nectar à ses lèvres et se laissa transporter par des sensations exceptionnelles. Elle n’était pas particulièrement amatrice de bon vin mais Adrian avait su lui apprendre à discerner les différents parfums et les différentes notes composant un grand cru. Pour une fois, elle se devait d’admettre que le breuvage était exceptionnel. Le plus naturellement du monde, la conversation dévia sur leur nouveau logement et Juliet tenait à avoir son avis concernant la décoration. La réponse ne tarda pas. « Non... tu voulais que ça TE ressemble Juliet... et je suis d'accord avec ça! Je veux dire, c'est ta maison, je suis ton hôte. Je refuse que tu fasses les choses en fonction de moi, je t'assure... je trouve ça très bien. Et pour répondre à ta question... ce qui te ressemble est très beau... » A vrai dire, Juliet ne voyait pas tout à fait les choses de cette façon. Certes, elle avait choisi de refaire entièrement la décoration et de ne garder aucun souvenir de son ancienne vie mais cela ne signifiait pas pour autant qu’elle n’avait pas pris en considération les goûts d’Adrian. Elle souhaitait avant tout que ce nouveau départ leur permette de ne plus regarder en arrière. « Tu n’es pas mon hôte Adrian, tu es ici chez toi. Du moins, j’ose espérer que tu n’as pas l’impression d’être mon invité car je ne partage pas du tout ce point de vue. Certes nous menons une vie relativement atypique mais cette maison est aussi la tienne. » Elle le pensait sincèrement. Naturellement, Juliet avait parfaitement entendu sa remarque concernant la beauté des choses qui lui ressemblaient mais il était inutile de relever.

Sans bouger, Juliet l’observa tandis qu’il se levait pour aller placer un vinyle sur le tourne disque. Lorsque la mélodie parvint à ses oreilles, la jeune femme ne pu s’empêcher de sourire. Cela faisait une éternité qu’elle n’avait pas entendu cette chanson. Adrian avait forcément une idée derrière la tête. Ses soupçons se confirmèrent à l’instant où il lui tendit la main, lui proposant de danser. Toujours souriante, Juliet n’hésita qu’une fraction de seconde avant de déposer son verre et de s’emparer de la main du jeune homme. Elle se redressa et plaça sa main libre sur l’épaule d’Adrian. « Je pense qu’une simple gorgée de vin suffit à vous faire tourner la tête mon cher O’Conell. » Juliet se remit à rire de bon cœur. A les voir ainsi, on aurait pu croire que leur amour était véritablement cristallisé dans le temps. Rien ne semblait pouvoir les perturber et l’espace d’un instant, la jeune femme en oublia même qu’elle devait se rendre à cette fameuse convention littéraire qui lui tenait tant à cœur. « Tu danses bien pour un avocat…» Une légère moquerie de sa part même si pour le coup, Adrian dansait vraiment bien. Elle ne se souvenait pas de ça… il faut dire aussi que cela faisait une éternité qu’ils n’avaient pas pris la peine de partager un instant comme celui-ci. Un instant n’appartenant qu’à eux.

Pour la première fois depuis bien longtemps, Juliet sentait une réelle complicité s’établir entre eux. Elle aimait beaucoup cette sensation, d’autant qu’elle n’avait pas véritablement eu l’occasion de passer du temps avec Adrian au cours des derniers jours. Il faut dire qu’avec le déménagement, leurs boulots et leurs emplois du temps qui se chevauchaient, c’était assez difficile de tout gérer. Ce soir, c’était différent. L’espace d’un instant, Juliet en oublia même qu’elle était attendue à une réception. Qu’importe, pour rien au monde elle n’aurait renoncé à ce moment magique. Car oui, il l’était d’une certaine manière. Pour une fois, Juliet se contentait de savourer l’instant présent sans penser regarder en arrière et songer une fois de plus aux erreurs d’Adrian. Au fond d’elle, elle avait toujours su qui il était réellement. D’où le fait qu’elle n’ait jamais baissé les bras, même lorsqu’il se montrait particulièrement odieux avec elle. La jeune femme le lui avait toujours dit : il y a plus de dix ans de ça, elle lui avait juré de l’aimer pour l’éternité. Elle comptait bien tenir cette promesse. « Oui, le vin ou bien... Mmh, non tu ne veux pas vraiment savoir j'imagine... » Ces mots la tirèrent de ses pensées et une nouvelle fois, elle se mit à sourire avec amusement. Son regard était plongé dans celui d’Adrian même si durant un quart de seconde, il dévia en direction de ses lèvres. A croire que ce nouveau jeu de séduction était naturel… A vrai dire, elle ne se rendait même pas compte qu’il était en train de la séduire à nouveau. « Disons que tu as tout le temps pour me le faire découvrir… » Les paroles de la chanson résonnèrent à ses oreilles comme une évidence. Elle avait écouté cette mélodie mille et une fois et ce n’est que maintenant qu’elle en comprenait le sens profond. N’était-ce pas inespéré que de partager un tel instant en compagnie d’Adrian ? D’humeur taquine, elle ne pu s’empêcher de lui faire remarquer qu’il dansait plutôt bien pour un homme davantage habitué aux tribunaux qu’aux pistes de danse. « Ne cherchez pas à me déconcentrer Mademoiselle Davies! J'essai de vous impressionner... » Le rire de Juliet, doux et cristallin, s’éleva dans les airs à l’entente de cette remarque. Pour être impressionnée, elle l’était !! Elle se souvenait encore de la maladresse d’Adrian à l’époque où elle insistait tant pour qu’il soit son cavalier durant les bals de fin d’année. Il y avait eu du progrès, c’était indéniable. « C’est plutôt réussi…» Elle ne faisait pas spécifiquement allusion à sa façon de danser, mais bel et bien à ce petit instant magique qu’il avait improvisé pour eux. Sans vraiment réfléchir à ce qu’elle faisait, Juliet ferma les yeux et plaqua délicatement sa joue contre son torse tout en continuant à danser avec lui. Le changement était radical, n’est-ce pas ? Juliet avait simplement besoin de temps et surtout, qu’Adrian fasse preuve d’une patience exemplaire. Elle ne souhaitait pas lui accorder de nouveau sa confiance à la légère, elle avait d’abord besoin d’être rassurée et surtout, de réaliser qu’ils étaient bel et bien capables de surmonter cette effroyable étape. Mais pour l’instant, rien de ces sombres pensées ne pouvait perturber l’esprit de la jolie Juliet. Elle se contentait juste de profiter de l’instant présent tant et si bien que lorsque la musique s’arrêta, elle se sentit un peu déçue. Elle releva délicatement son visage aux traits fins en direction du jeune homme, elle l’observa longuement, fut diablement tentée de l’embrasser mais n’en fit rien. Bien au contraire ! Juliet éloigna son corps du sien et souria en remettant une mèche de ses cheveux en arrière. « Moi qui pensais être incapable de faire un pas devant l’autre avec ces chaussures, je m’épate.» Dire n’importe quoi, pourvu qu’elle n’ait pas à parler de ses sentiments. Tel était l’objectif. Juliet se rapprocha de la table et reprit son verre qu’elle porta à ses lèvres afin de se délecter du fabuleux nectar. « Tu veux que je te dise une bonne chose Adrian ? Tu es le diable en personne …» Son sourire s’accentua légèrement. Elle faisait allusion à ce vin, à cette soirée, au fait qu’à présent, elle n’avait plus la moindre envie de quitter les lieux.

Pour tout dire, Juliet ne s’attendait nullement à passer un moment si agréable. Certes, elle ne doutait pas de la plaisante compagnie d’Adrian mais plutôt de leur aptitude à appréhender leur vie avec un regard nouveau. La jeune femme ne souhaitait plus se poser mille et une questions susceptibles de la tourmenter, elle avait seulement envie de voir ce qu’ils étaient capables de construire ensemble même si cela devait prendre un temps considérable. Accepter de passer un moment avec lui était déjà un pas énorme pour elle. Elle ne regrettait nullement son choix, même si désormais, elle avait tendance à voir Adrian comme un véritable diablotin. « Et j'en suis le premier désolé... Nous devrions peut être porter plainte contre mon père, il ne m'a jamais vraiment encouragé à devenir un petit ange… A la tienne! » Juliet savait qu’elle devait y voir une sorte de message caché mais elle n’osait pas aborder le sujet. Il y avait un tas de choses qu’elle ignorait au sujet de Joey et dont Adrian avait toujours soigneusement évité de lui parler. Toutefois, elle ne tenait pas à lui forcer la main. S’il souhaitait évoquer les détails douloureux de son passé, alors elle serait capable de l’écouter. N’avait-elle pas toujours été sa confidente en plus d’être sa petite amie ? Il n’était pas question qu’elle fasse un seul pas en arrière, et si son visage avait conservé un certain sérieux, son expression était douce, à l’écoute, attentive au moindre mouvement d’Adrian. « Tu sais … si jamais tu veux qu’on en parle … enfin … si tu souhaites aborder le sujet bien entendu et bien … je serai toujours là pour t’écouter. Parfois, il y a certaines choses qu’il vaut mieux ne pas garder uniquement pour soi. Et je n’aime pas te savoir tourmenté. Quand tu as mal, j’ai mal. Il en a toujours été ainsi. » Son regard toujours plongé dans celui d’Adrian, elle lui adressa un sourire tendre avant de porter son verre à ses lèvres. Elle espérait que son intervention n’ait pas réussi à plomber l’ambiance magnifique qu’ils avaient réussi à créer autour d’eux. Pour une fois qu’ils passaient du bon temps ensemble, il était totalement hors de question de venir rompre le charme. Préférant jouer la carte de l’humour, elle ajouta quelques mots à son précédent discours: « Tu as connu des moments douloureux … moi aussi … mais nous avons le remède miracle pour ce soir, alors laissons-nous aller !! » A son tour, Juliet se resservit un verre de vin qu’elle porta à ses lèvres. Elle n’avait pas vraiment l’habitude de boire alors ce n’était pas certaine que ce soit une bonne idée. Mais qu’importe !! Elle était d’humeur à prendre du bon temps et Adrian lui en donnait l’occasion. Etait-ce l’effet du vin ou bien l’expression de ses désirs les plus ardents, mais toujours est-il que la présence d’Adrian ne lui avait jamais semblé aussi irrésistible. Tout en lui semblait l’attirait de manière démesurée. Elle se perdait dans son regard, se noyait dans la lueur qui y étincelait et rêvait de venir goûter à la saveur sucrée de ses lèvres rosées. Pour la première fois depuis une éternité, elle ne voyait plus en lui l’homme qui l’avait trahie mais son âme sœur… Cet homme incroyable qui faisait battre son cœur depuis tellement longtemps. « Qu’est-ce que tu penses de notre nouveau mode de vie Adrian ? Tu ne trouves pas ça … étrange ? Tu sais je … si jamais tu veux faire venir quelqu’un ici … je comprendrais…» Non c’est faux ! Elle ne comprendrait pas. Si elle disait tout ça, c’est uniquement pour lui faire entendre qu’elle était capable d’accepter le fait qu’il ne soit pas apte à faire preuve d’une patience éternelle. Après tout, elle lui demandait du temps encore et toujours… mais jusqu’où serait-il capable de tenir ?