Jeudi soir chez les Hamilton. Et personne dans la maison, à part Maureen. Les enfants avaient accepté avec plaisir d'aller se faire héberger ailleurs. Nolan avait un peu plus mal pris l'annonce, il avait bougonné, ronchonné, mais avait fini par céder et était parti passer la soirée avec des amis. Maureen avait été ferme : le jeudi, c'était poker, et c'était comme ça.

Il était donc 20h30 quand Maureen termina d'installer la table basse. Les petits fours étaient encore chauds, les boissons diverses et variées à côté, et un bon repas chauffant doucement en cuisine. Elle sourit : tout était prêt, ne restait plus qu'à attendre ses amies.

Qui aurait cru, quelques années auparavant, que Madame Hamilton se serait prise au jeu? Quand Rachel était arrivée, les Maureen et ses deux amies l'avaient intégré à leur petit groupe et surtout à leurs soirées. Mais l'époque, ces soirées se limitaient à discuter des maris, des enfants, du boulot, des séries télé, des livres, de tout ce dont parlent les femmes entre elles. Et Rachel avait ramené un invité inédit : le poker. Au début sceptiques, les trois novices étaient tombées amoureuses de ce jeu. Et les jeudis soir consistaient maintenant à discuter tout en misant gros. Pour de faux, évidemment, pas d'affaires d'argent entre amies.

On sonna à la porte, tirant Maureen de ses pensées. Elle sourit, frappa dans ses mains dans un élan de satisfaction, et se dirigea vers la porte.

"-Rachel! Entre, je t'en pris, comment ça va?"

Malgré les évènements de la vie, Rachel était devenue une amie proche de Maureen, et l'était restée même quand la mère de famille était au plus bas. Ces amies là se comptaient sur les doigts d'une main, et la brunette ne pouvait que remercier le destin d'avoir amené Rachel Richardson à Magnolia Crescent. Maureen adressa un sourire chaleureux à sa première invitée, avant de lui proposer de prendre son manteau.

Rachel était toujours aussi rayonnante. Elle avait sa propre famille à gérer, ses trois enfants, sa carrière en plus, et pourtant chaque fois que les deux jeunes femmes se voyaient, Rachel semblait emplie d'une sérénité sans fin. Maureen était bien consciente que cela pouvait n'être qu'une facade, elle-même donnant le change très bien. Mais elle préférait croire que Rachel était une femme heureuse en famille et dans sa vie en général. En tout cas, son grand sourire et l'accolade amicale qu'elle lui offrit fit sourire Maureen; ces gestes lui faisaient du bien. Rachel était une de ses plus grandes amies, une des plus vieilles également, et chacune de leurs retrouvailles était une grande joie.

Rachel avait apporté sa tarte aux pommes. LA tarte aux pommes de Rachel Richardson, une tarte culte pour ceux qui connaissaient, la meilleure tartes aux pommes que Maureen ait jamais goûté. Et pourtant, elle-même était une bonne cuisinière.

-Oh super, merci beaucoup Rachel, tu n'étais pas obligée. Ca va bien, merci.

Elle se rendit vers la cuisine, son amie sur les talons; Rachel savait qu'elle pouvait faire comme chez elle ici. Elle sourit chaleureusement au compliment de son amie.

-Dans le mille! Elle m'aurait tué si je l'avais privée de ses petits fours. Et pour répondre à ta question, ce fut la guerre pour virer tous les Hamilton d'ici. Enfin, juste Nolan. Tu le sais, il est bougon quand il veut.

Elle accompagna sa dernière réplique d'un clin d'oeil complice. Rachel connaissait assez bien Nolan pour savoir qu'il pouvait avoir un caractère de cochon.

-Et toi, tu as pu convaincre ta tribu de survivre sans toi?

[justify][Je tiens à m'excuser du délai de réponse, c'est un peu la galère en ce moment ^^]

Maureen sourit. Il semblait que tous Magnolia Crescent adorait les petits fours de Madame Hamilton. Pourtant, elle-même n'en raffolait pas, elle les préparait pour les autres. Maureen cuisinait peu pour elle-même, pour elle la cuisine n'avait d'intérêt que quand on la partageait, quand elle était une sorte de cadeau quotidien. Mais les compliments lui faisaient toujours extrêmement plaisir. C'est donc d'encore meilleure humeur qu'elle finit, avec son amie, de dresser la table. Puis Maureen se tourna vers Rachel. Elle la connaissait depuis assez longtemps pour savoir que si Rachel arrivait la pemière ce n'était pas pour rien. Avant l'arrivée de leur deux comparses, Rachel et Maureen avaient ainsi du temps pour discuter, et Maureen savait à quel point Rachel appréciait ce moment.

Rachel semblait un peu désemparée de voir ses enfants prendre leur indépendance. Et oui, c'était difficile, et maman Hamilton en savait quelque chose. Les bibis Hamilton commençaient, voire finissaient, à tous voler de leurs propres ailes. La mort de Tessa avait rapproché la famille, et notamment les enfants de leur mère, mais Maureen sentait, comme Rachel, la détresse de savoir qu'un jour, ils se passeraient d'elle. Elle posa une main amicale sur l'épaule de Rachel.

"C'est la dure réalité des enfants. On leur consacre notre vie, et un jour, ils continuent la leur sans nous. Enfin, pas totalement sans nous. Mais avec d'autres personnes, et nous, on passe un peu au second plan. D'ici quelques années, on se retrouvera dans une maison vide avec nos maris bougons."

Elle sourit. Mais c'était triste tout de même. Les mamans ont ce gros défaut : elles voudraient garder leurs enfants auprès d'elles toute leur vie. Et en même temps, avoir un Tanguy (j'ignore l'équivalent américain) à la maison les inquiétait!

"Mais ne t'en fais pas, même s'ils donnent l'air, je suis sûre que tes enfants ont encore énormément besoin de toi. Ils ont juste peur de l'avouer. Et...si tu veux, on fera le test, on ira courir toutes nues à deux sur la place!"

Elle ponctua cette dernière phrase d'un clin d'oeil avant de rire. Ce serait une première, les deux qinquagénaires, en tenue d'Eve, se tapant un sprint en plein milieu de Magnolia. Ah ça, Dirty Secret aimerait! Les psychanalystes aussi sûrement.[/center]