Faisant claquer ses talons sur le sol, la jeune fille avançait à travers les rayons et les étalages, sur lesquels se trouvaient tant de confiseries qu’elle aimerait s’enfiler dans la minute… Mais manque de pot, elle ne disposait que d’un billet, suffisant pour l’achat qu’elle allait effectuer.
En plus, on ne pouvait pas vraiment dire qu’elle était en mesure de se le permettre ! La graisse formait une bouée autour de ses hanches. Elle la sentait rebondir à chaque pas qu’elle faisait, même celle de ses fesses qu’elle roulait volontiers.

L’adolescente se faisait donc violence car si elle voulait parvenir à entrer dans les plus beaux maillots de bain, il y avait du travail à faire ! Comme elle enviait cette pourriture de Ciccone… Elle était vieille et casée, ne pouvait-elle pas laisser sa place sur la serviette de bain à la nouvelle génération ? Oh, pas à sa sœur, par pitié… Cette Renata lui avait l’air tout à fait insupportable, et elle n’avait pas intérêt à tourner autour de Zain !

Mais le beau Richardson n’était-il pas le plus appétissant de tous les garçons du quartier ? Bien plus que le bouche-trou de Diana, à mille lieues du brave Nathael, si différent de l’étrange Julian… Tous ces mecs n’avaient que leur gueule d’ange pour eux. Mais au fond, ils étaient chiants à mourir !

Ah, Zain… C’est lui qui l’avait guidée jusqu’ici. C’est lui qui lui tirait ce petit sourire que formaient désormais ses fines lèvres alors qu’elle tenait un paquet de préservatifs dans les mains. Elle le contemplait avec le regard d’une mère à son nouveau né.

Bizarrement, elle était soulagée que son petit copain ne soit pas là, mais la présence de sa sœur lui manquait. Acheter des préservatifs avec elle était de meilleur ton aux yeux d’Elin que de faire ce genre de courses avec celui qui était destiné à les enfiler. Pourquoi ? Elle ressentait une certaine gêne qu’elle ne saurait expliquer, car elle n’était pas si prude dans l’intimité…
Mais bon, le sexe c’était un peu comme un manège qui fait peur. La jeune fille se sentait totalement anxieuse au début mais appréciait le spectacle et voulait recommencer ensuite.

Elle leva les yeux et regarda ensuite toute la gamme qui s’offrait à elle. Hot, épicé, sensuel… Comme si des capotes pouvaient avoir un goût. C’était un peu ridicule. Tout ce qu’elle en attendait, c’était que ça lui évite de tomber enceinte ! Du moment que ce bout de plastique remplissait ce rôle, alors tout était réglo…

C’est pourquoi elle se contenta de celui qu’elle avait en main et se dirigea vers la caisse. Sur son chemin, elle rencontra un miroir qui semblait l’appeler. Elle ne pouvait pas y résister et courut se mirer, tout en n’hésitant pas à taper la pose de façon tout à fait ridicule.
Elle n’échappa bien entendu pas aux regards des passants qui devaient la prendre pour une folle qui se regardait et se souriait. Elle s’envoyait même des bisous et jugeait de quel angle donnait le meilleur rendu de son visage pour cacher ses joues de hamster bien nourri.

Une fois sa séance d’admiration finie, elle se dirigea en caisse et ne salua pas le caissier, qu’elle connaissait. C’était un boutonneux qui arrondissait ses fins de mois en enchaînant les petits jobs. C’est ainsi qu’elle l’avait vu lui livrer une pizza ou encore qu’elle avait pu lui louer un film ou lui demander le bonnet supérieur dans le rayon lingerie…

Il sembla gêné, et c’était assez amusant. Il devait être puceau. Elin allait en profiter sans limite !

- Oh, ne mets pas de sac, c’est pour une consommation immédiate… dit-elle avec l’air d’une bourge de la cinquantaine portant tous ses plus beaux diamants et faisant des façons.

Le jeune homme se ravisa et lui dit le prix. Elle continua sur sa lancée et répondit, l’air aristocrate mais tout de même familier :

- Quoi ? Tu me fais même pas un petit prix d’ami ? Ca craint coco, je croyais que tu m’aimais bien…

Les gens derrière commençaient à s’impatienter. Qu’ils étaient lourds ! Elle se fichait de se faire détester car elle ne les connaissait pas et, en général, elle n’allait pas au supermarché. C’était pour les pauvres et les gouines. Elle se retourna donc et hurla :

- C’est bon, un moment, vous voyez pas que je négocie ?!

Mais au moment où son regard croisa celui du client qui la suivait, elle crut reconnaitre quelqu’un du quartier.

Une crinière blonde… Qui était-ce ? Une Van Wagner ? Non, ce blond avait l’air trop vrai. Amber Seyfield ? Non, elle doutait que cette fille se cache. Savannah ? Oh, elle l’espérait ! Elle pourrait encore tenter de se faire passer pour son amie et ainsi être admirée pour trainer avec des grandes alors qu’elle n’était qu’une adolescente. Mais cette chevelure blonde était trop lisse et trop sage pour être celle de sa belle-sœur.

Quelle créature blonde aux airs angéliques et quelques peu timides hantait les rues de Magnolia Cresent ? Une des filles McClair sûrement. Laquelle ? Aucune de préférence. Les trois étaient insupportables. Elles étaient issues d’une famille chrétienne cul-bénie et surtout mal baisée, alors que leur mère avait des allures de véritable harpie, tout comme Gaëlle.

Voyant que la fille tentait de se cacher, Elin se mit sur la point de ses talons pour constater à qui elle avait à faire. Angélique, donc, une des trois jolies filles McClair. Décidemment, elle avait du flair ! À la vision de cette fille soumise à un dieu dont l’existence n’avait jamais été prouvée, la jeune fille ne pu retenir un petit sourire vicieux. Elle aimait bien taquiner cette petite religieuse frustrée, et s’amusait de ses réactions. De plus, dans un tel contexte, celui la donna une idée…

- Attends deux secondes, voilà mon amie dit-elle au caissier avant de se faufiler à travers les gens pour attraper la main de la jeune fille et la tirer avec elle au premier rang. Elle se présenta à nouveau devant le jeune homme en lui exhibant la magnifique créature, comme si elle revenait du rayon « femmes » et qu’elle en avait tiré la plus belle.

En effet, Elin avait beau la mépriser, on ne pouvait nier la beauté de cette fille, ni de toutes les autres de cette famille de dingues. C’était ça, le plus décevant : ces nonnes étaient jolies. Pourquoi n’étaient-elles pas laides ? Cela ne les rendrait que plus méprisables. Seulement voilà, la nature en avait voulu autrement et désormais, c’était du gâchis. Elles étaient belles mais n’avaient même pas le droit de profiter de leur jeunesse pour se mettre en avant et jouer les coquettes. Oui, vraiment, quel dommage.
Les yeux de la jeune Hamilton se posèrent sans aucune gêne sur la poitrine de la jolie blonde. Pourquoi ces seins ne prenaient-ils pas un peu l’air ? Et ces fesses, alors ? Il ne faisait nul doute qu’elle représenterait une concurrente de taille dans le quartier… Mais c’était loin d’être le cas pour l’instant. Sa beauté virginale était loin d’égaler celle des chimères de Virgin Suicides !

- Alors Angélique, tu m’as posé un lapin ! J’ai dû choisir toute seule les capotes dont TU vas te servir. C’est quand même personnel, non ? criait presque Elin afin d’embarrasser son « amie » en lui prenant la main pour y déposer la boîte de préservatifs. Savait-elle seulement ce que c’était ? Elle devait sûrement penser que c’était des bonbons… Elle en avait peut-être une vague idée, à condition qu’elle n’ait pas fermé les yeux lors des explications que l’on reçoit là-dessus au collège… Bon ben maintenant il faut payer, hein !

Elin lui lança un regard de pitié. C’était assez marrant de jouer ce double-jeu : d’un côté, elle la ridiculisait et de l’autre, elle tentait de se faire passer pour une pauvre petite malheureuse sans le sou, même pas assez fortunée pour payer une misérable boîte de capotes…

En fin de compte, tant pis pour Zain. Déjà, ce n’était même pas à elle d’acheter des préservatifs pour leurs petites soirées en amoureux ! Elle avait trouvé en Angélique une distraction bien plus intéressante… C’était un peu comme faire à sa sœur ce qu’elle ne pouvait lui faire : la décoincer, la faire chier, la taquiner sur sa timidité maladive. Elle n’avait aucun compte à rendre à Angélique et se fichait de la perdre.
Elle ne lui avait d’ailleurs jamais appartenue, alors que Nora Jane était sa propriété. C’était pourquoi elle l’avait éloignée de cette Lily, pourquoi elle avait dragué inconsciemment Nathael, car il n’y avait pas que le physique dans cette histoire, de peur que la flamme d’enfance de son double ne se ranime… Mais aussi peut-être pourquoi elle s’était même éprise du garçon le plus mignon et le plus gentil de Magnolia Cresent, qu’elle jugeait le mieux assorti à sa sœur…

L’adolescente réalisa à quel point elle était seule. Elle en venait souvent à cette conclusion qui était malheureusement une évidence pour elle, mais pas forcément pour les autres. Du moins, c’est ce qu’elle essayait de faire croire. Elle sauvait les apparences en trainant avec des filles comme Joy King, qu’elle n’aimait pas vraiment, ou en essayant de squatter avec Savannah Richardson tout en sachant qu’elle ne veut pas d’elle.

Mais elle n’était pas là pour se morfondre sur son sort ! Elle avait trouvé une victime idéale en la personne d’Angélique Richardson…

Comme c’était drôle. L’adolescente retenait des larmes de joie tant elle prenait son pied à emmerder cette petite sainte ni touche… La facilité avec laquelle elle se laissait soumettre était déconcertante, tout comme ses tentatives pour le moins ratées de rébellion. Qui pensait-elle sérieusement qu’elle était ? À l’église c’était peut-être une reine, mais en dehors de son sanctuaire, c’était une victime en territoire inconnu et hostile. Elin n’imaginait pas à quels dangers devait être confrontée chaque jour…

Elle tenta un instant de se mettre à sa place : elle était issue d’une famille parfaite en apparence. De l’intérieur, cela devait être assez bien en fait. Si elle avait toujours été enlevée dans le mensonge, la frustration et l’abstinence, elle devait y être habituée désormais, et ne rien y voir de mal ou d’hors norme. Elle ne se rendait pas compte qu’aux yeux de tout le monde, c’était une simple folle.
Quel gâchis, vraiment… Les trois filles McClair étaient si jolies. Ça lui faisait du mal de l’admettre, mais elles étaient bien plus belles qu’Elin elle-même. Angelique dégageait cette candeur adorable, alors que Gaëlle affichait un air dédaigneux qu’elle n’avait malheureusement sûrement pas le droit d’arborer. Elle était sans doute la plus jolie, sauvage et douce à la fois. Quant à la dernière, Kayla, elle renvoyait une insolence certaine mais également une intelligence évidente.

La jeune fille n’avait aucun doute quant à leur pouvoir d’attraction. Seulement, elles ne se mettaient pas en valeur et n’avaient pas l’air de jouer de ce mystère qui les entourait, les rendant ainsi aussi ennuyeuses que la pluie. Même les règles d’Elin étaient plus intéressantes.
Mais pour l’heure, elle n’avait pas ses règles. Heureusement, car sa soirée avec Zain s’annonçait assez prometteuse, comme toutes les soirées qu’ils passaient ensemble. Mais Angelique jugeait cela de « mal ». C’était mal pour elle que de faire l’amour. Pff… N’importe quoi. Elle avait bien compris que la nonne faisait référence au fait de faire passer les préservatifs pour les siens, mais en quoi était-ce une honte ?

- Mais non enfin, rappelle-toi ton dernier avortement. Tu n’en as donc tiré aucune leçon ? Je fais ça pour toi, il est temps de te réconcilier avec un ami nommé Latex… fit-elle, l’air compatissant mais toujours moqueur. Elle ne pu s’empêcher de rajouter : Et tu sais, j’ai rien contre ton activité sexuelle mais franchement, tu devrais te protéger. Qui sait, un de ces nombreux mecs avec qui tu fais zizi pan pan a peut-être une MST ! Elle se pencha vers la jeune fille et lui chuchota : ça veut dire maladie sexuellement transmissible… Enfin je t’apprends rien, hein ! reprit-elle l’air enjoué. Bon, il serait vraiment temps de payer, tu ne crois pas ? Tu fais attendre tout le monde !

C’était pas possible ça ! Si Elin pouvait économiser son billet, elle n’hésiterait pas, si seulement la bonne sœur se décidait à abdiquer. Mais sentant qu’elle risquait de perdre le contrôle de la situation si Angelique, qu’elle ne connaissait pas si bien que cela, faisait preuve d’un peu plus de répartie, elle décida d’attaquer sur un autre plan…

À la question de sa voisine, Elin se figea et laissa la blonde pénétrer son regard tout en se retenant de rire. Elle essayait de lui faire quoi, cette sorcière, lui jeter un sort ? Lui faire accepter la rédemption ? Lui ouvrir les portes du paradis ? Quelles conneries… Mais grâce à ses talents de comédienne, la brunette parvint à garder son rire pour elle sans en faire part à tout le monde, même si c’était franchement marrant. Ah lala… Qu’est-ce qu’elle n’était pas prête à faire pour se ridiculiser ?

Alors qu’elle poursuivait sa tentative d’hypnose, la jeune fille fit appel à toutes ses capacités pour humidifier ses yeux de larmes prêtes à couler et à ruiner son maquillage. Et oui, elle prenait le risque… Mais ça en valait la peine, rien que pour la tête qu’allait tirer la vierge Marie en voyant qu’elle l’avait blessée. Du moins, elle espérait qu’elle le regretterait. Qui sait, cet ange pouvait également être fier de faire chialer un démon destiné à l’enfer.
Après un moment de silence, ses lèvres serrées se mirent à bouger. Elle tenta de dire quelque chose et reprit son souffle alors que les larmes menaçaient de plus en plus de tomber. Elle parvint enfin à dire :

Parce que je voulais qu’on soit amies…

Elle plaqua la boite de préservatifs contre la poitrine d’Angelique, qui rebondit d’ailleurs sous l’effet du coup et dont Elin ne pu que constater l’ampleur, et elle quitta le magasin les mains vides, pleurant et faisant claquer ses talons au sol comme un enfant gâté à qui on refusait quelque chose et qui se retirait bruyamment dans sa chambre. Sauf que l’adolescente était parvenue à dégager cette mauvaise image qu’elle inspirait. Elle la troqua contre celle d’une pauvre fille tourmentée au bord de la crise.

Une fois dehors, elle s’assit, espérant être rejointe par Angelique afin de continuer son petit jeu. Elle pourrait aisément lui faire croire qu’elle tentait de l’aborder de façon maladroite et qu’elle était prête à se confesser pour prendre un nouveau départ.
Au passage, elle espérait que la jolie blonde ait pitié d’elle au point de lui payer l’article pour lequel elle était venue. Ah… Elin sentait encore son billet, dans la poche de sa jupe en jean, lui réchauffer la jambe droite…

La main d’Elin la démangeait. Elle éprouvait une folle envie d’aller se ficher dans la tête insupportable de cette petite mijaurée de ses f…

* Du calme, du calme… Au moins, elle a marché dans ton jeu * pensa la jeune fille pour se réconforter, même si elle était déçue qu’elle ne lui ait pas acheté cette misérable boite de préservatifs. Elle devait craindre que sa mère ne voie l’article s’afficher lors du contrôle du ticket de caisse… Si elle tombait enceinte, ce serait entièrement de sa faute !
Mais bon, le sexe était si varié, et n’était pas composé exclusivement de la méthode pour avoir des bébés, sûrement la seule qu’Angelique connaissait. Et encore ! Elle se demandait si elle croyait encore que les filles naissaient dans les roses et les garçons dans les choux… Ou bien que sa mère l’avait eue du Saint-Esprit.

Elle cessa de s’imaginer tous ces scénarios aussi drôles les uns que les autres pour tenter d’entrer dans la peau du personnage qu’elle incarnait : Elin triste. Mais comment résister à un fou rire lorsqu’on avait face à nous une tarée de religieuse qui affirmait que l’église restait une option envisageable même pour elle, la pire des pêcheuses ? Non franchement, c’était trop dur, et elle ne pu retenir son rire, qu’elle fit passer pour un rire nerveux tout en continuant sa diarrhée lacrymale.

- Ah oui, tu crois ? Pas moi ! Regarde-moi ! Toi-même, miss chrétienne parfaite tu sais que ce n’est pas vrai ! REGARDE-MOI ! Je suis… Je suis indescriptible !

C’était vrai, dans un sens. Elin ne savait pas comment décrire l’amour qu’elle éprouvait pour elle-même, alors qu’en réalité elle était pleine de complexes. Elle se trouvait trop grosse, trop petite… Quant à son visage, elle le jugeait assez sévèrement. Il était similaire à celui de Nora Jane, forcément, mais elle lui enviait le sien. La candeur et la malice s’en dégageaient, alors qu’elle, elle avait l’allure d’une pauvre trainée. Le pire dans tout ça, c’est qu’elle incarnait ce rôle quotidiennement, même avec son petit-ami.

Peut-être qu’aller à l’église ne lui ferait pas de mal, en fin de compte… Ce qui lui fallait, c’était confier ses tourments et ses peines ainsi que ses doutes à quelqu’un qui ne la jugerait pas et surtout, qu’elle ne voyait pas. Mais hors de question de croire en un quelconque dieu qui n’existait pas. C’était une légende, comme le croquemitaine, le père noël ou la petite souris.

Mais il était tout bonnement inenvisageable de reconnaitre ses tors auprès de la nonne. Du coup, elle n’irait pas. Mais toute cette atmosphère religieuse et tout ça… Cela avait quelque chose de mystérieux et beau à la fois. Enfin, dans les chansons et les concerts de Madonna, parce que c’était tout bonnement à chier dans la vraie vie, et ce n’était pas faute d’avoir essayé d’écouter un prêtre parler pendant ce qui semblait être des heures qui passaient longuement… Si on devait la comparer à un personnage de fiction, Elin était Homer Simpson. Son point de vue sur la religion était le même, ou du moins, sur les dimanches à l’église.

- Oh, Angelique, j’ai envie de te croire… reprit-elle en se levant et en se jetant dans les bras de la jolie blonde.
[i]Durant ce câlin mignon tout plein, elle avait presque posé une de ses mains sur ses fesses sans le vouloir, mais c’était un bon moyen de la mettre mal à l’aise tout compte fait. Elle les palma donc discrètement l’air de rien, comme pour renforcer son étreinte. Elle sentait d’ailleurs sa poitrine contre la sienne. C’était un contact assez rapproché et probablement embarrassant, ne serait-ce que pour Elin.
Et oui, même si elle faisait partie de la génération MTV qui pensait que tous les gays étaient adorables et fashions, elle ne pouvait s’empêcher de tirer une grimace à la vision de deux personnes du même sexe s’embrassant ailleurs que dans sa télé, et même devant son écran c’était limite… Sur ce point, les deux jeunes filles devaient se rejoindre car elle ne doutait pas qu’Angelique souhaitait aux homosexuels de brûler en enfer, purifiés par les flammes destructrices. Elle préféra ne pas trop s’attarder sur ce sujet car cela la mettait mal à l’aise, mais c’était justement pour cela qu’elle avait tripotée sa voisine, non ?

- Tu… Tu crois vraiment qu’il me reste une chance ? demanda-t-elle avec une telle sincérité qu’elle finit elle-même par croire à soin propre mensonge.
Elle se sentait si douée, si bonne… Elle ferait une magnifique actrice. C’était d’ailleurs son ambition, mais pas vraiment la raison de tous ces mensonges qu’elle ne considérait pas du tout comme un entrainement, même s’il était sûr que cela l’aidait à améliorer son jeu.

- Tu crois que je vais devoir cesser de voir Zain ? Oh, je l’aime tu sais, je l’aime… Mais je ne connais pas le prix du pardon… Guide-moi !

C’était tellement théâtral que seule cette cruche pouvait y croire. Seulement, Elin n’était pas totalement idiote, et continuait sur sa lancée en faisant transparaitre de la conviction dans ses propos qui les rendait alors plausibles.
Il restait que le contraste entre ce qu’elle disait et ce qu’elle ferait restait assez marrant. Elle lui promettrait de rompre avec son petit copain si cela était nécessaire à sa rédemption alors qu’elle coucherait avec lui le soir même, et dès qu’elle la croiserait dans la rue alors qu’elle se trouve en compagnie du joli blond, elle lâcherait sa main, qu’elle tient tout le temps pour se sentir aimée.

Non, non, il n’y avait pas que le sexe dans une relation telle qu’Elin Hamilton la concevait…

Elle l’avait manipulée avec une facilité tellement déconcertante qu’elle-même n’en revenait pas. Aucune lutte n’avait été nécessaire, tout avait été tout simplement parfait. Ce qu’elle aimait ça, les petits jeux qui se passaient sans dérapages et qui ne la mettaient nullement en danger…
Seulement, cela devenait parfois ennuyeux. Les imprévus avaient leur charme, et Elin redoublait d’imagination pour se tirer des situations embarrassantes pour elle. Heureusement, Angelique continuait de la distraire, mais jusqu’à quand ?

Cette fille était tellement prévisible, si lisse, carrément platonique, c’était effrayant. Une vraie sainte ! Elle devait être l’une des rares vierges de ce quartier avec ses sœurs, Nora Jane et peut-être la renoie furax qui semblait pas mal frustrée et qui la fusillait du regard à chaque fois que celui-ci croisait les tenues excentriques et affriolantes de l’adolescente. Peut-être que Judith Livingstone, cette femme frigide était toujours vierge et que ses trois enfants étaient issus des progrès de la science et sortaient tout droit d’une éprouvette…
Il y avait aussi Dean, un nouvel arrivant qui paraissait vachement coincé. Il la faisait mourir de rire : c’était une montagne de muscles mais il était timide. Quelque chose ne collait vraiment pas là-dedans, un peu comme voir Angelique McClair vêtue d’une robe olé-olé en cuir et des bas filés plongeant dans des bottes qui lui monteraient jusqu’aux genoux. Cela lui donna envie de sourire mais il fallait absolument se retenir. Le pire était que ça ne lui irait pas si mal avec un tel corps…

Elle posa indélicatement son regard sur la poitrine de sa comparse, une nouvelle fois, faisant mine de contempler son crucifix, qu’elle finit tout de même par remarquer. Elle avait beau exécrer la religion et toutes les contraintes que cela engendrait, mais elle admirait la beauté des crucifix et cet homme nu qui y était cloué, un vrai fantasme en soi. Comme quoi même la religion contenait des messages sexuels plus ou moins explicites, car qu’y avait-il de moins direct qu’un type à moitié à poil soumis de la sorte ?
La jeune fille imaginait bien que dire cela à son interlocutrice serait un blasphème irréparable. Fantasmer sur le christ était la pire des offenses qu’un humain pouvait commettre et la jolie blonde irait très probablement le rejoindre dans la seconde si Elin lui avouait le fond de sa pensée…
La brunette n’était pas religieuse, elle était clairement athée et cela lui allait parfaitement, mais elle avait toujours voulu arborer un crucifix car c’était tout à fait esthétique. Si elle manipulait la vierge Marie comme il le fallait, elle était presque sûre d’en obtenir un de sa part…

De plus, Il lui avait ordonné d’emmener la pêcheuse à l’église, décidemment le meilleur endroit pour se repentir mais surtout celui où Elin était sûre de finir avec pour seule compagnie cette nonne.
Elle laissa transparaitre un petit sourire qu’elle fit passer pour une manifestation de sa gratitude envers sa sauveuse. C’était vraiment risible, et si elle ne s’était pas retenue tout au long, elle aurait fini à genoux par terre, le maquillage ruiné par les larmes et le bassin endolori par les crampes. Elle prenait cette mascarade tellement à cœur qu’elle en faisait presque pitié à la maitresse du jeu qui éprouvait désormais l’envie d’arrêter. Il y avait trop de bons sentiments à son goût, trop d’engagement… Mais c’était si drôle ! Elle parlait comme une adepte d’une secte à propos de son gourou adoré. Comment résister ?

- Oui… Les mauvaises habitudes sont à bannir, et c’est dur… dit-elle l’air honteux. Puis elle prit la main de sa voisine et lui dit avec admiration : Mais je suis sûre qu’à travers toi, Dieu m’aidera…

En plongeant son regard dans celui d’Angelique, Elin ressentit quelque chose qu’elle ressentait rarement : de la compassion, de la pitié. Elle n’aimait pas ce qu’elle lui faisait car pour une fois, on tentait réellement de l’aider malgré ce qu’elle était. Se moquer de cette fille n’était peut-être pas la meilleure chose à faire et pourtant, elle ne voulait pas s’arrêter. Non pas parce qu’elle souhaiter vraiment changer, mais parce qu’elle se donnait corps et âme pour apitoyer la chrétienne et qu’elle ne voulait pas tout foutre en l’air. Il y avait aussi le fait que si elle arrêtait maintenant, aucune autre chance de lui jouer un tour ne se présenterait. Elle le sentait, elle tenait un gros morceau… Angelique ne marchait pas, elle courait.

Il n’empêchait que l’atmosphère était assez glauque. Comment pouvait-elle affirmer le plus sérieusement du monde qu’on lui avait confié une mission ? Elin avait un peu l’impression qu’en la suivant à l’église, elle signait son arrêt de mort car on la torturerait pour finalement la crucifier et faire un feu de joie autour de sa dépouille. Cela lui rappelait cette secte au sein de laquelle il était tout à fait banal pour un grand-père d’initier sa petite-fille de deux ans aux plaisirs de la masturbation, sauf que c’était tout de même moins sordide. L’idée restait cependant la même : elle adorait aveuglement un fantasme.

Le ton sec d’Angelique lui rappelait celui d’une mère. Pas de la sienne, en tout cas. Il était rare que sa génitrice hausse le ton, et bien que cela lui évitait bien des ennuis, elle lui en voulait d’être si peu attentive à la détresse de sa fille. Elle faisait comme si elle était attentionnée et se préoccupait réellement de ses enfants mais n’avait jamais abordé les difficultés que la jeune fille rencontrait.
Elin n’avait pas envie de lui dire qu’elle souffrait de ce qu’elle était et de ce que les gens pensaient d’elle et qu’elle ne savait pas quoi faire. Selon elle, c’était à sa mère de s’en rendre compte d’elle-même, mais après la mort de Tessa, il ne fallait pas trop lui en demander. Tout ce qu’elle faisait, c’était s’en plaindre même si elle prétendait le contraire.

Elin, elle, avait réellement l’impression que rien ne s’était passé. C’est comme si sa défunte sœur n’était plus qu’un lointain souvenir qu’elle se rappelait uniquement pour verser des larmes et amplifier le réalisme de son jeu pour mentir.
Le contact était inexistant entre elles. Le seul membre de sa famille à qui l’adolescente adressait la parole était sa moitié.
Même Angelique était donc plus attentive à elle que sa mère, qui ne semblait pas réaliser les problèmes de sa fille. Peut-être qu’en fin de compte, elle pourrait réellement trouver des réponses à l’église… Mais il ne fallait sûrement pas compter sur elle pour se donner la peine de les chercher ! Elle attendrait simplement qu’elles viennent à elle, qu’on lui apporte sur un plateau d’argent, comme d’habitude.

Alors que la blonde ramassait ses affaires, résolue à quitter cet endroit, elle demanda à Elin, qui regardait ses chaussures, si elle était toujours prête à l’accompagner. L’intéressée releva la tête comme un chien battu revenant la queue basse vers son maitre mais un sourire, faux bien évidemment, naquit sur ses lèvres. Pour rester dans la comparaison canine, on aurait dit un chien battu heureux de retrouver son maitre malgré tout.
Elle fit quelques entrechats, lui donnant l’air d’une enfant excitée et dit d’un ton tout aussi puéril :

- Bien sûr que je viens ! Je suis pas une tafiole !

Et elle accompagna sagement sœur McClair en direction de l’église…

[Je m’occupe de créer le sujet je suis inspiré lol]