Lui dire que j'avais eu tord, que je m'étais vraiment trompé, que je n'étais tout simplement pas capable de suivre ses conseils même s'ils sont bons et je le sais... lui dire que malgré tout j'ai essayé, et que je me suis trompé encore une fois... lui dire que je ne fais pas ça parce que j'en ai envie, que je ne le fais pas pour faire souffrir Andrew, mais parce que je n'ai pas d'autres choix... Lou était peut être la seule qui pouvait le comprendre. Rien ne va plus avec Juliet, et elle le sait. Elle le sait parce que nous en avons déjà discuté. Elle le sait parce qu'elle sort avec le frère de ma fiancée.

Lou et moi avons toujours entretenu de bons rapports. Très vite, elle est devenue une amie très proche, depuis que nous sommes enfants je dirais. Elle trainait beaucoup avec Heathcliff, et c'est comme ça que je l'ai connu. Je me souviens lorsqu'on s'organisait des petites aprem au bord du grand lac à quelques kilomètres de la ville, nous prenions nos vélos, et nous ne rentrions qu'une fois le soleil couché. Nous étions bien, elle, Heathcliff et moi. Jusqu'au jour où elle est tombée dans les bras d'Andrew. Je ne pourrais pas la blâmer pour ça, elle n'a pas choisi d'être amoureuse de lui, et lui aurait certainement préféré m'apprécier si j'avais été quelqu'un d'honnête, au moins avec sa soeur. Bref, ces histoires avaient entachées notre relation, je ne parlais plus aussi souvent à Lou, elle ne nous envoyait plus de message pour partir à l'aventure sur les berges, bref, le temps et les évènements n'avaient fait que nous mener sur des chemins différents.

Bien sûr, je regrette. Je regrette tout d'abord de ne pas savoir où j'en suis avec Juliet. Et de fait je regrette d'avoir à me battre contre Andrew à chaque fois que nous nous croisons. Mais c'est plus fort que moi, je sais que ce gosse à la particularité de me déstabiliser, avec la plus grande facilité du monde. Je ne peux pas lui tenir tête, pas autrement qu'en haussant la voix et en lui faisant peur.

Tout ça pour finalement en venir à parler de Lou. Oui, car Lou a toujours essayé de nous calmer, Andrew et moi. Bon nombre de fois elle m'a demandé de faire en sorte d'adopter un comportement différent et plus doux vis à vis de son copain. Et je sais qu'elle se bat pour qu'Andrew cesse de se mêler de ma relation avec Juliet. Je n'ai jamais réussi à satisfaire la jeune Huntington. Je me retrouvais dans le même cas de figure que plusieurs années auparavant, lorsqu'Heath' et moi nous battions sans cesse. La pauvre Lou, toujours au milieu n'en pouvait plus de nous voir nous tirer dans les pattes.

Et j'en avais juste assez, assez de la décevoir. Le soir d'halloween, j'étais suffisamment déchiré pour aller à sa rencontre et lui dire ce que j'avais vraiment sur la conscience. Parce qu'une fois déchiré, il m'était plus facile de parler de ces choses la. Mais vu comment les choses avaient tourné, je n'avais pas réussi à placer deux mots. Il n'était donc jamais trop tard pour lui parler, même si je devais prendre mon courage à deux mains, laisser ma fierté de côté...

J'arrivais alors devant sa porte, j'avais pourtant hésité avant de venir. Je n'étais pas du tout confiant, je ne savais même pas ce que j'allais lui dire. Je frappais donc à sa porte. A cette heure-ci, j'étais certain de tomber sur elle. Elle ne tarda pas à ouvrir la porte. Son doux visage apparu, et je me lançais dans les explications, sans même qu'elle puisse placer un mot: "Lou, je sais ce que tu vas dire alors juste écoute moi s'il te plait... Tu m'as demandé de faire un effort avec Andrew, et ... j'ai essayé.... je te jure que j'ai essayé. Mais j'y arrive pas. Je sais pas pourquoi, je sais pas ce qui me retient, j'en ai aucune idée. Mais j'ai essayé, je te jure..."

Je venais de finir mon monologue, et la jeune Huntington me fit un léger sourire puis me demanda si je voulais entrer. J'hochais la tête brièvement en guise de réponde. Et me voilà donc à chez les Huntington, avançant à petit pas dans l'entrée de la maison. Nous rejoignions le salon, et je m'asseyais à côté de Lou sur le canapé. Je ne savais pas vraiment où me mettre, je sentais une certaine tension mais aussi de la tendresse chez la jeune Lou. Elle posa alors son regard sur moi, et je n'osais plus trop rien dire. J'étais comme tétanisé, comme si toute la pression que j'avais emmagasiné ces derniers jours retombait d'un coup, comme ça. Il fallait que nous aillons cette discussion, et ce depuis le soir d'halloween où j'avais tenté de m'entretenir avec elle, sans succès.

La tête baissée, je repensais à ce qu'elle avait pu me dire dans le passé, tous les bons conseils qu'elle m'avait donné, et dont je n'avais pu rien faire. Alors quand elle me demanda si c'était ce dont j'avais souhaité lui parler le soir d'halloween, je relevais la tête, plongeais mon regard dans le sien et balbutiais "Oui". Je soupirais, un long silence suivit cette maigre réponse. Je tournais la tête, me levais du canapé, et me dirigeais vers la fenêtre à quelques mètres. Je repris "... Je... j'aurais voulu t'en parler ce soir là, parce que j'étais assez déchiré pour te confier ces choses là, sans avoir honte d'en parler, et ce n'était pas le bon moment je sais. Lou, tu me connais... les gens pensent que je suis un vrai connard mais tu le sais toi... tu sais que Joey nous a éduqué comme ça... et que ce n'est seulement qu'en apparences. N'est-ce pas?".

Je plongeais mes mains dans mes poches, et tournais alors le dos à mon interlocutrice. Puis je ressortais ma main droite de ma poche, et la passais sur ma nuque. Je ne me confessais jamais à Lou et c'était peut être la première fois que j'avais réellement besoin de lui dire ces choses là. Andrew était un obstacle à ma relation avec Juliet, pas qu'il m'empêchait de la vivre, mais il était sans cesse là pour me rappeler mes erreurs. Faire des efforts pour être plus agréable avec Andrew, c'était ce que m'avait demandé Lou. Mais lorsque je me retrouvais face à Andrew, et qu'il se mêlait toujours plus de la situation de mon couple, je ne pouvais pas faire comme si de rien était. Je me sentais sans cesse obligé de me défendre, de défendre l'homme que je suis, tout simplement parce que je sais qu'il a raison, et que ça me tue d'entendre la vérité. Oui, je ne m'occupe pas bien de Juliet, oui elle souffre, mais je ne sais plus comment m'y prendre. Je ne sais plus comment la rendre heureuse, et je ne sais même pas si j'y arriverai un jour. Je ne me sens plus proche d'elle. Les seuls moments où j'ai réellement l'impression de l'aimer, c'est quand je me réveille en pleine nuit, que j'allume la lumière et que je peux l'observer dormir. Elle est paisible, et je peux passer des heures à l'observer, sans jamais me rendormir. C'est dans ses moments là que je fais le point sur ce que nous sommes devenus, et que je me rend compte que je ne fais que gâcher notre relation. Je sais que je l'aime, mais je ne sais pas si c'est suffisant pour la rendre heureuse... et moi, suis-je heureux?

J'essai de comprendre ce qui m'a éloigné d'elle, et je le sais... Sasha. Sasha Adamovitch. Elle m'a promis de revenir un jour... depuis tout ce temps, dans son université californienne, m'a t'elle oublié? Dois-je définitivement tirer un trait sur cette fille, dois-je me dire que ma vie est avec Juliet, et que mon amour ne peut être qu'avec elle? Et si Sasha revenait un jour? Qu'est ce que je ferai? Alors quand Lou me demanda si Andrew et moi pensions à Juliet, je ne su quoi lui répondre. Je me retournais vers elle, le regard triste. C'est vrai, dans tout ça, c'était peut être Juliet qui souffrait le plus. Combien de fois m'étais-je disputé avec elle parce que son frère était venu me chercher des poux? Combien de fois l'ai-je entendu crier après son petit frère parce qu'il se mêlait de sa vie? Je replongeais ma main droite au fond de ma poche et relevais le regard en direction de Lou. "Pas assez non..."

Être rassuré… c’est une chose que je ne connais pas, car je n’ai jamais eu besoin d’être rassuré par quelqu’un, avant maintenant. Trop fier pour me confier, trop arrogant pour intéresser, trop pudique pour laisser le moindre sentiment transparaitre. Alors le simple fait d’être rassuré par Lou me fit un bien immense. Elle n’avait peut être pas eu à s’exprimer davantage, sa seule approbation était suffisante.

Me confier à Lou était une grande première, jamais je n’aurai osé. Lou est plus jeune que moi, et c’est une fille… n’y voyez aucun sexisme dans mes mots, c’est juste que… je n’aurai jamais pensé avoir besoin de me confier à une fille. D’ailleurs, la seule femme a qui je n’ai jamais eu peur de tout dire, c’est ma mère. Mais elle est partie bien trop tôt pour que je puisse encore suffisamment me livrer.

Parler de Juliet, encore et toujours… parce que de toute façon c’est avant tout la raison de ma présence. Sans Juliet je ne serais pas là à me lamenter, à essayer de me faire pardonner, à pleurer comme un gamin sur mon sort. Je n’ai plus vraiment la motivation de me battre contre Andrew, c’est sûr. Parler à Juliet est nécessaire, mais est-ce que ça changera les choses. De toutes façons, Andrew ne changera pas d’avis sur moi et je m’en moque. Tout ce que je veux, c’est qu’il cesse de se mêler de nous, qu’il s’occupe de Lou, et de rien d’autre.

Et lorsque Lou me demanda en vain quel était le problème, le vrai ? Celui dont je pense tous les jours, je me dis que je ne pouvais pas prendre le risque de me confier davantage à Lou. Lui parler de Sasha était bien trop dangereux. Lui avouer mes sentiments pour une autre que Juliet, du moins ce que je crois être des sentiments amoureux… non ce n’était pas possible. Il y avait bien trop de complicité et de confiance entre Andrew et elle pour qu’elle puisse garder ce secret. Je me braquais donc, et commençais à me diriger vers la sortie.

« Y’a pas de problème Lou, excuse moi, je te fais perdre ton temps… »

S'il y avait bien une personne qui connaissait les O'Conell par coeur dans ce quartier, c'était bien Lou. Elle nous a connu, ma mère était encore de ce monde. Je sais qu'elle a beaucoup été présente et a beaucoup aidé Heath' lorsque nous avons perdu notre mère, et je lui en étais très reconnaissant. C'est pourquoi je ne me serais jamais permis de juger Lou, surtout à l'époque où elle commençait à flirter avec Andrew. Il faut dire qu'à cette époque, Andrew et moi nous entendions plutôt bien. Je me souvient, je l'embarquais en boîte avec nous, et nous passions de bonnes soirée. Mais forcément, quand ma relation avec Juliet s'est dégradée, Andrew a commencé à être un peu plus agressif et méfiant. Je ne peux pas lui en vouloir pour ça, je pense qu'il cherche juste à protéger Juliet.

Pour en revenir à Lou, c'est vrai que nous nous connaissons bien. C'est presque comme si elle avait toujours fait parti de la famille d'ailleurs. A l'époque, elle était très souvent chez nous, et je soupçonnais même Heathcliff et Lou de sortir ensemble à une période. Mais je devais certainement me tromper. Bref, me retrouver chez elle en cet instant était étrange. Je n'étais pas l'O'Conell a qui elle avait prit l'habitude de parler... Ca aurait été Heathcliff, forcément, rien n'aurait été étonnant.

Lui confier mes petits secrets n'était pas la chose la plus évidente, surtout s'ils avaient un rapport direct avec les Davies. Je m'en voulais presque d'être venu jusqu'ici, ça avait été sur un coup de tête. Alors que je décidais de partir, Lou se leva, me retint par le bras. Je m'arrêtais net. Me mordant la lèvre, je me retournais face à elle silencieux. C'est alors qu'elle me demandait ce qu'il y avait, ce que je voulais lui dire là tout de suite avant que je décide de changer d'avis, et ce que j'aurais voulu lui confier le soir d'Halloween. Ah ça oui, elle était digne de savoir, parce qu'elle était avant tout digne de confiance. Mais pouvait-elle garder le secret si je lui avouais pour Sasha? Je ne pense pas... et je ne voulais pas la mettre dans une situation inconfortable.

"A la soirée... je voulais juste te dire ces choses là... j'ai essayé, quand tu me l'as demandé, j'ai essayé. Mais je n'y arrive pas... et je crois que le problème est ailleurs, mais je ne te mêlerai pas à ça... Non, ça ne serait pas judicieux de ma part."

Je n'attendais pas qu'elle me force à tout lui dire, j'espérais qu'elle ne le ferait pas et que nous nous en tiendrons à ces derniers aveux. "Je voulais juste m'assurer que tu ne m'en voulais pas... et m'excuser." Je soupirais, et esquissais un faux sourire débile pour faire genre que tout allait bien... Mais je crois que Lou me connait suffisamment pour voir quand je joue la comédie!

La mêler à quoi? Cetainement à des révélations qu'elle devra être obligée de partager avec Andrew puisqu'elles concernent directement Juliet et notre couple. Voilà pourquoi j'avais arrêté de parler et que je ne désirais pas aller plus loin dans les confessions. D'ailleurs, je ne sais pas pourquoi j'avais commencé à en parler, peut être que je me sens finalement trop confiant en présence de la jeune Lou. Et puis au final, qu'est ce que je risque à tout dire, là maintenant? Ma vie ne sera pas meilleure que si je décide de cacher les choses. Autant en faire part à quelqu'un. De toute façon, je ne peux clairement plus reculer je crois. Et puis si Lou sait tenir sa langue, tant mieux, et si non, je ne lui en voudrais pas. De toute façon, il fallait que je dise toute la vérité à Juliet, ça ne pouvait plus durer aussi longtemps.

Lorsque Lou repris la parole, je ne pouvais que lui donner raison. C'est vrai, si je ne pouvais pas dire ces choses là à la jeune femme, je serais bien obligé de tout dire à Juliet. Je soupirais. J'avançais d'un pas hésitant vers le centre du salon. J'étais silencieux, je ne savais plus ce que je devais faire. Parler, ou me taire et prétexter un mensonge pour pouvoir me sortir d'affaire et éviter tous soupçons. Non très clairement, j'étais cuit. Lorsque Lou me parlait d'honnêteté, j'essayais de me convaincre que j'étais quelqu'un d'honnête. Je suis quelqu'un d'honnête, je le sais, de toute façon. Je me tournais alors vers elle, et avec hésitation, je me lançais dans les explications. J'avais tout et rien à perdre, autant essayer de faire les choses correctement.

"Tu as raison Lou, mais je ne pense pas que l'honnêteté ici évitera les problèmes...". Je marchais dans ce grand salon, me dirigeant vers une étagères où étaient disposés des bibelots de toutes sortes. J'en prenais un en main, et tout en l'observant, je reprenais avec plus de confiance. "Tu te souviens de Sasha Adamovitch?". Je relevais la tête en direction de Lou qui acquiesçait d'un hochement de la tête. "Avant qu'elle parte, nous étions de très bons amis... enfin, c'est ce que je pensais." Je reposais le bibelot, et retournais au centre de la pièce. "Elle a quitté la quartier pour Stanford, pendant 5 ans. 5 ans, sans nouvelles. On s'était fait la promesse de ne donner aucune nouvelle, ni à l'un, ni à l'autre. Le prétexte: voir si notre amitié était aussi forte que l'on pensait." Je m'arrêtais, j'allais loin dans les révélations, et les phrases qui allaient suivre allaient définitivement planter le décors. Le masque tomberait alors, et nul ne sait qu'elle en sera la suite... Je reprenais, "Ne pas se donner de nouvelles, c'était aussi pour oublier que nous étions, pour l'un comme pour l'autre, bien plus que des amis...". Je regardais Lou droit dans les yeux, guettant la moindre de ses réactions. "Elle est partie... j'ai souffert de son absence, et les problèmes avec Juliet on commencé, à partir de là... Aujourd'hui Sasha est revenue, comme elle l'avait promis...". Je baissais la tête, les yeux rivés au sol, je finissais par avouer mes sentiments pour la jeune Adamovitch. "Je n'ai jamais oublié cette fille, et j'en suis encore plus dingue qu'il y a 5 ans. J'ai deux solutions, être raisonnable et me dire que ma vie est avec Juliet, et pas autrement... où bien tenter le diable et faire en sorte de vivre ce que je me suis toujours interdit de vivre, avec Sasha.".

Un silence c'était installé dans le salon, je me demandais si j'avais bien fait de parler. Mais quelqu'un savait, enfin. Et de mon côté, je me sentais déjà mieux qu'en arrivant. "Je ne sais pas ce que je vais faire Lou... Je ne sais pas quelle décision prendre. J'aime encore Juliet, mais j'aime Sasha encore plus... Tu as raison, tu es dignes de savoir Lou, mais tu comprends maintenant pourquoi je ne voulais pas te mêler à ça..."